SEANCE DU 22 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 1er. - L'article 1er de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'assemblée territoriale de la Polynésie française est ainsi rédigé :
« Art. 1er . - L'assemblée de la Polynésie française est composée de quarante et un membres élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle intégralement.
« Le territoire est divisé en cinq circonscriptions électorales. Les sièges sont répartis conformément au tableau ci-après :
« Iles-du-Vent : 29 conseillers ;
« Iles-sous-le-vent : 5 conseillers ;
« Iles Marquises : 2 conseillers ;
« Iles Australes : 2 conseillers ;
« Iles Tuamotu et Gambier : 3 conseillers. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 3, M. Allouche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 1er de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'assemblée territoriale de la Polynésie française :
« Art. 1er. - L'assemblée de la Polynésie française est composée de cinquante et un membres élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle intégralement.
« Le territoire est divisé en cinq circonscriptions électorales. Les sièges sont répartis conformément au tableau ci-après :



DÉSIGNATION

DES CIRCONSCRIPTIONS


NOMBRE DE SIÈGES
Iles-du-Vent 33
Iles-sous-le-Vent 7
Iles Australes 3
Iles Tuamotu et Gambier 5
Iles Marquises

3

Total 51


Par amendement n° 1, M. Lanier, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 1er de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'assemblée territoriale de la Polynésie française :
« Art. 1er. - L'assemblée de la Polynésie française est composée de quarante-neuf conseillers élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle intégralement.
« La Polynésie française est divisée en cinq circonscriptions électorales. Les sièges sont répartis conformément au tableau ci-après :


DÉSIGNATION

DES CIRCONSCRIPTIONS


NOMBRE DE SIÈGES
Iles-du-Vent 30
Iles-sous-le-Vent 8
Iles Australes 3
Iles Tuamotu et Gambier 5
Iles Marquises

3

Total 49


La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Guy Allouche. Je ne vais pas reprendre par le menu les explications que j'ai données dans mon intervention lors de la discussion générale. Je veux cependant redire une fois de plus que faire passer de quarante et un à cinquante et un membres l'assemblée de la Polynésie française nous permet de rester dans le raisonnable, dans l'acceptable.
Avec cet amendement, nous voulons garantir, par l'attribution de deux sièges de droit, en quelque sorte, la représentation des archipels, quoi qu'il arrive par la suite, quelles que soient les évolutions démographiques. Pour établir ce nombre de sièges, je me suis fondé sur le recensement.
Je reconnais que si, pour trois archipels, le nombre de leurs représentants sera identique, les Iles-sous-le-Vent, avec Bora Bora, cette pierre précieuse parmi les pierres précieuses au sein de la Polynésie française, perdrait un siège. On nous explique que cet archipel enregistre une poussée démographique due au développement économique et au tourisme. J'en conviens, mais je me suis fondé sur le recensement, et rien n'est intangible.
D'ailleurs, y compris avec ce siège en moins, il s'agit là de la meilleure adéquation possible du nombre des élus par rapport au nombre des habitants.
Je persiste à penser que cet amendement peut être le point de départ d'une discussion sérieuse en commission mixte paritaire, qui pourrait aboutir à un compromis acceptable par toutes les parties afin qu'il n'y ait ni vainqueur ni battu. J'espère que le Sénat pourra entendre l'appel que je lui lance.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je souhaite, monsieur le président, que cet amendement puisse être examiné en priorité, car c'est lui qui est au coeur du dispositif que nous proposons.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. La priorité est de droit.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. M'étant déjà longuement exprimé à ce sujet, monsieur le président, je considère que cet amendement est déjà défendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1 et 3 ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Nous sommes bien au coeur de cette proposition de loi organique. L'amendement n° 1 vise à modifier le nombre des conseillers à élire dans la seule circonscription des Iles-du-Vent. Leur nombre passerait ainsi de 22 à 30.
A l'Assemblée nationale, en juin dernier, le Gouvernement avait souhaité souligner qu'il était nécessaire de sortir de longues années de statu quo afin de faire respecter le principe d'égalité du suffrage. A ce titre, même si, comme je le disais tout à l'heure, l'amendement de M. Lanier consiste à augmenter de huit la représentation des Iles-du-Vent, il ne paraît pas, aux yeux du Gouvernement, aller suffisamment loin, même s'il va dans le sens souhaité. Aussi le Gouvernement n'est-il pas favorable à cet amendement.
L'amendement n° 3, présenté par M. Allouche, est une proposition qui me semble peut-être plus intéressante, car elle permet de combiner de façon positive trois objetifs qui nous guident dans cette discussion.
Tout d'abord, notons une augmentation du nombre de sièges à l'assemblée territoriale, qui reste limitée même si elle est significative.
Relevons également l'établissement de principes très clairs pour la répartition des sièges entre les cinq circonscriptions, chacune disposant au minimum de deux sièges, les autres étant répartis selon une règle bien connue du code électoral qui ne me paraît pas souffrir de critiques.
Au final, la répartition donne aux Iles-du-Vent un nombre de sièges qui se rapproche de leur importance démographique sans bouleversement pour les archipels.
Parce que cet amendement paraît aller dans le sens souhaité, le Gouvernement ne veut pas s'y opposer et s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je voudrais simplement ajouter une précision.
Je remercie M. le secrétaire d'Etat d'avoir apporté de l'eau au moulin de mon amendement, qui, en définitive - et je réponds par là-même à mon ami et collègue Guy Allouche - est une avancée par rapport au dispositif adopté par le Sénat en novembre 1999.
Nous avons fait un très gros effort : nous ne supprimons aucun siège pour les archipels, qu'ils soient plus ou moins éloignés, et nous augmentons encore le nombre de sièges pour les Iles-du-Vent. Ma réponse est faite !
Nous avons des propositions et nous devons nous entendre car, comme Guy Allouche, je considère que c'est trop important pour la Polynésie française !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Guy Allouche. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Je m'inscris contre l'amendement afin de me réserver le droit d'intervenir pour expliquer mon vote.
J'ai noté des progrès sensibles dans la démarche de notre rapporteur. Voilà un an, il disait qu'il lui était impossible d'aller plus loin que ce qu'il avait fait. Il était certes allé un peu plus loin que Gaston Flosse dans sa proposition, mais il avait atteint la limite, et je pensais que cela n'était pas encore raisonnable.
Aujourd'hui, notre rapporteur fait sienne la proposition de loi de nos collègues Guyard et Perben ; c'est son choix et je le respecte sincèrement.
Pour parvenir à un accord, je le redis, il ne faut pas que l'un triomphe sur l'autre. (M. le rapporteur fait un signe d'assentiment.)
L'adoption de la proposition Guyard-Perben ne peut donc pas être la base d'un compromis. En Polynésie, les forces politiques en présence s'affrontent, c'est la démocratie, mais n'arrivent pas à se mettre d'accord. Si vraiment le Sénat veut aller dans le sens d'un compromis, ce qui est son rôle, il lui appartient de devenir une sorte de médiateur. C'est pourquoi, cher rapporteur, je vous invite à faire un effort, pour passer de 49 à 51. Ce serait la base d'un compromis, car le Sénat fera preuve d'ouverture en ce sens.
Je regrette que la priorité ait été demandée, car si l'amendement n° 1 de Lucien Lanier est adopté par le Sénat, le mien tombera, ce qui serait bien dommage, mais je ferai tout pour le faire adopter dans une semaine !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Gaston Flosse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse. Nous sommes, bien sûr, favorables à l'amendement n° 1 de notre excellent rapporteur - je m'en suis expliqué à la tribune - et défavorables à l'amendement n° 3 de mon ami Guy Allouche.
Je n'ai pas compris l'intervention que vient de faire Guy Allouche. Si le compromis consiste, pour lui, à adopter son propre amendement, et rien que le sien, je ne vois pas de compromis dans cette façon de faire !
La première raison pour laquelle je suis opposé à son amendement - et elle est importante - c'est que M. Allouche se moque de l'avis des Polynésiens et des responsables de notre pays. (M. Guy Allouche fait un signe de dénégation.) L'assemblée de Polynésie française a souhaité, dans sa grande majorité, que l'augmentation du nombre des conseillers pour les Iles-du-Vent soit de huit, ce qui a été adopté par les membres, non seulement de la majorité, mais également d'une grande partie de l'opposition, auxquels il faut ajouter ceux du Conseil économique, social et culturel ainsi que ceux de l'Association des maires.
Pour la première fois en Polynésie française, les maires de tous les archipels ont quitté leur île, y compris les îles éloignées : Rapa, à 1 700 kilomètres de Tahiti, les Marquises, à 1 500 kilomètres de Tahiti, les Gambier, à 1 650 kilomètres de Tahiti - pour venir manifester leur opposition à la proposition de loi de M. Vernaudon en défilant dans les rues de Papeete ! Le fait que, pour la première fois, les représentants des archipels manifestent de la sorte, ce qui, encore une fois, ne s'était jamais vu en Polynésie française, a quand même une signification !
Nous restons attachés à ce nombre de huit sièges supplémentaires pour les Iles-du-Vent. Bien sûr, comme l'a dit mon ami Guy Allouche, il avait été envisagé de porter le nombre de conseillers à cinquante et un. Oui, c'est vrai, mais il n'est pas allé jusqu'au bout de sa lecture.
En effet, l'assemblée avait précisé qu'elle serait éventuellement favorable à une augmentation du nombre des conseillers pouvant aller jusqu'à dix, à condition qu'il ait huit sièges pour les Iles-du-Vent et que les deux autres sièges aillent, le premier aux Iles-sous-le-Vent et le second aux Tuamotu et aux Gambier. Pourquoi ? Parce que, à l'occasion du recensement de 1996, on avait constaté une progression très nette de la population de ces deux archipels de 20,4 % pour les Iles-sous-le-Vent et 22,6 %, pour Tuamotu et Gambier. Dans le cas contraire, elle n'y serait pas favorable.
La deuxième raison par laquelle nous sommes opposés à l'amendement n° 3, c'est parce que notre collègue Guy Allouche, qui était d'accord pour ne pas réduire la représentation des archipels, supprime un siège aux Iles-sous-le-Vent. Nous ne pouvons l'admettre pour une circonscription où, comme je viens de vous le dire, la population a progressé du plus de 20 % selon le dernier recensement officiel de 1996.
Mon collègue Guy Allouche joue en fait sur les mots lorsqu'il dit s'être prononcé au Sénat, à l'époque, uniquement pour les archipels éloignés car, en tant que spécialiste de la Polynésie française, il connaît bien la signification de l'expression « archipel éloigné », que l'on utilise chez nous, en Polynésie française, pour distinguer l'archipel des Iles-du-Vent de tous les autres archipels, y compris celui des Iles-sous-le-Vent.
Ce dernier est bien sûr considéré comme un archipel éloigné : d'ailleurs, lorsqu'on projette la carte de la Polynésie française sur celle de l'Europe, la ville de Papeete étant superposée à Paris, pour la circonscription des Iles-sous-le-Vent l'île de Huahine est à seulement cent kilomètres de Papeete, Bora-Bora à seulement deux cents kilomètres, mais les archipels de Scilly et de Bellingshausen se trouvent à la hauteur de l'Irlande ! S'agit-il d'archipels proches ? Non, ce sont des archipels éloignés !
M. le président. Monsieur Flosse, je vous prie de conclure.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, j'ai fait 20 000 kilomètres pour m'exprimer ici et de nombreux maires - surtout des archipels - présents dans les tribunes, sont venus pour nous soutenir, ce dont je les remercie. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Par conséquent, ne touchons pas à la représentation des archipels !
Enfin, permettez-moi, monsieur le président, de répondre aux remarques de M. le secrétaire d'Etat.
Bien entendu, les maires présents dans les tribunes demandent davantage de moyens et nous sommes tout à fait d'accord. Il suffirait - je m'adresse là à M. le secrétaire d'Etat - que l'Etat augmente sa participation dans le fonctionnement des communes. Vous savez en effet que les trois quarts du budget des communes sont alimentés par les recettes fiscales du territoire. La part de l'Etat est nettement inférieure à celle du territoire. Je demande donc à M. le secrétaire d'Etat de l'augmenter. S'il en était ainsi, je suis sûr que les communes seraient satisfaites.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Gaston Flosse me donne une idée : moi qui suis né en Algérie et qui ai été une première fois rapatrié, j'ai envie de me présenter la prochaine fois en Polynésie ! (Sourires.)
Plus sérieusement, cher Gaston Flosse, je préfère oublier l'expression que vous avez employée : « Guy Allouche se moque des Polynésiens ».
D'abord, je ne me moque de personne. Je respecte chacun et chacune d'entre nous, quels que soient ses grades et qualités.
M. Gaston Flosse. Je retire cette expression.
M. Guy Allouche. Ensuite, si je me moquais des Polynésiens, je ne serais pas allé en mission avec Lucien Lanier et je ne me serais pas occupé de cette question. Mais oublions cela !
Dans l'avis formulé, il est vrai que le chiffre de cinquante et un sièges a été envisagé. Or je disais tout à l'heure que l'Assemblée a proposé une nouvelle répartition. C'est exact mais, si on se met déjà d'accord sur le chiffre de cinquante et un, ce sera un point d'acquis.
J'ai fait une proposition de répartition, mais je demeure ouvert et si, pour telle ou telle raison, que je n'écarte pas a priori, il peut y avoir glissement d'un élu d'un archipel vers un autre, pourquoi pas ? Toutefois, puisqu'il semble que le Sénat va voter l'amendement de la commission, nous verrons, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, ce qu'il est possible de faire. C'est en tout cas le voeu que je forme pour que l'on débouche sur une solution qui soit vraiment acceptable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 3 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, ainsi modifié.

(L'article 1er est adopté.)
M. le président. Je profite de cette occasion pour saluer la présence dans les tribunes non seulement des maires de Tahiti, qui nous le plaisir de nous rendre visite, mais également de notre ancien collègue Daniel Millaud, qui fut votre prédécesseur dans cette assemblée, monsieur Flosse.

Article additionnel après l'article 1er
ou après l'article 2