SEANCE DU 1ER DECEMBRE 2000


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement : I. - Services communs, II. - Urbanisme et logement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il me revient de présenter deux rapports.
Le premier intéresse les crédits des services communs du ministère de l'équipement, des transports et du logement. En introduction, je veux souligner que, comme l'an dernier, le projet de budget des services communs est assez difficile à lire.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oh !
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial. Ce projet de budget fait en effet chaque année l'objet de modifications de structures très substantielles puis de transferts en cours d'année qui rendent sa signification limitée. Il est par ailleurs difficile d'obtenir des données essentielles, comme la présentation du budget à structure constante.
A priori, le budget des services communs augmente de 9,8 % en 2001 pour s'établir à 26,9 milliards de francs.
Toutefois, hors prise en compte des modifications de périmètre, ce budget est pratiquement stable.
Pourtant, quelques augmentations d'effectifs sont annoncées : onze emplois supplémentaires, pour arriver à un chiffre total approchant 100 000 emplois. Il faut noter que ce dernier chiffre est une estimation puisque les chiffres du bleu budgétaire ne correspondent pas à ceux qui sont donnés par le contrôleur financier et que les effectifs budgétaires sont encore différents des effectifs réels.
Malgré l'augmentation annoncée des effectifs, la rémunération des personnels, qui concerne à 96 % les services déconcentrés du ministère, progressera seulement de 0,2 %, pour s'établir à 11,9 milliards de francs.
Cette modération résulte seulement d'une donnée conjoncturelle, à savoir l'absence de mesures de revalorisation des rémunérations dans la fonction publique. C'est la modération salariale qui explique donc, pour l'essentiel, la stabilisation du budget des services communs pour 2001.
Concernant les dépenses de fonctionnement, le projet de budget pour 2001 procède à une révision d'ensemble résultant notamment des gains de productivité réalisés par les services et d'une réduction des moyens de fonctionnement de Météo-France. Ces mouvements sont en partie compensés par des moyens nouveaux, notamment une dotation pour le développement de projets informatiques et télématiques.
Je me féliciterais donc de la stabilité du budget de personnel et de fonctionnement des services communs pour 2001, si elle n'était excessivement fragile, en raison des effets des accords salariaux qui, en l'absence d'efforts sur le niveau des effectifs, ne manqueront pas d'augmenter les dépenses de personnel en 2001.
Par ailleurs, je pense que le ministère de l'équipement, des transports et du logement gagnerait beaucoup à présenter son budget de personnel avec une comptabilité analytique.
La nomenclature budgétaire ne permet pas actuellement de savoir, par exemple, combien d'agents sont affectés à tel ou tel domaine ministériel, qui sont pourtant nombreux, notamment l'entretien des routes et les services de l'urbanisme. Les indicateurs de performance qui commencent à être mis en place portent essentiellement sur des données physiques générales et sont donc très insuffisants.
D'une manière générale, il me semble urgent que le ministère se dote des outils d'évaluation de sa politique, afin de mieux définir les secteurs qui lui semblent prioritaires. Cette évaluation, qui serait hautement profitable tant pour l'administration centrale que pour les services déconcentrés, devrait s'étendre aux établissements publics auxquels des missions particulières sont assignées, notamment l'Institut géographique national et l'Ecole nationale des ponts et chaussées.
Ainsi, le dernier contrat de plan entre l'Etat et l'Institut géographique national s'est achevé en 1997, et depuis rien n'a été signé. Notre collègue député, Guy Lengagne, a réalisé une importante mission sur cet institut, et il a rendu ses conclusions le 30 septembre 1999.
Il serait temps de déboucher sur des résultats, et peut-être M. le ministre pourra-t-il nous en dire un peu plus.
Enfin, je souhaite aborder la question de la politique d'investissement du ministère. Le budget des services communs est, dans sa quasi-intégralité, un budget de personnel et de fonctionnement, ce qui laisse très peu de place à l'investissement.
Les réponses que j'ai obtenues du ministère de l'équipement sur les investissements immobiliers sont une sorte de cri d'alarme.
Le patrimoine immobilier des 172 services déconcentrés du ministère de l'équipement est considérable.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il est beau !
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial. Il est constitué de 8 500 bâtiments représentant une surface de 4 millions de mètres carrés. Mais aucune opération lourde n'a été engagée depuis 1995 et le ministère indique lui-même que « aucune véritable politique de maintenance préventive n'a pu être mise en oeuvre depuis plusieurs années » et craint « un risque réel de dégradation du patrimoine dans les prochaines années ». Dans ces conditions, il me semble qu'il serait nécessaire de connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet.
En conclusion, je vous indique, mes chers collègues, que la commission des finances a demandé le rejet des crédits de l'équipement, des transports et du logement.
J'en arrive au projet de budget du logement.
Le budget de l'urbanisme et du logement est, cette année encore, élaboré dans un contexte très favorable...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Très bon !
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial. ... de reprise du marché immobilier et de croissance du secteur de la construction.
L'année 1999 a en effet pleinement confirmé le retour à la croissance du secteur du bâtiment, dont l'activité de construction et d'entretien a augmenté de 7,1 %.
Cette croissance a été portée par le dynamisme de la construction neuve.
L'année 2000 devrait encore être soutenue, mais cette fois-ci par le secteur de l'entretien.
Les mesures d'incitation fiscale, comme la baisse des droits de mutation, et surtout l'abaissement de la TVA sur les travaux réalisés dans les logements à usage d'habitation, ont contribué à l'euphorie du secteur de la rénovation.
Le contexte dans lequel nous est présenté le budget du logement est donc une nouvelle fois favorable, même si la progression du budget est modeste en 2001, 1,2 %, soit 48,7 milliards de francs.
Notre collègue M. Jacques Bellanger vous présentera ses observations sur le budget de l'urbanisme, thème sur lequel il a mené une importante réflexion ces derniers mois ; je me concentrerai donc plus spécifiquement sur les crédits consacrés au logement.
En premier lieu, je veux tout d'abord exprimer ma satisfaction.
L'an dernier, nous regrettions vivement qu'une réforme importante des aides personnelles ne soit pas engagée dans cette période de croissance économique.
Cette réforme devrait voir enfin le jour à compter du 1er janvier 2001.
Le Premier ministre a en effet présenté une réforme des aides personnelles lors de la conférence sur la famille du 15 juin 2000.
Cette réforme a deux objectifs auxquels je souscris : harmoniser et simplifier les barèmes des aides, regroupés dans un barème unique ; améliorer l'équité des aides en prenant en compte tous les revenus de la même manière.
Elle permet donc un traitement équitable et cohérent de l'aide aux ménages ayant de très faibles revenus, qu'ils soient issus du travail ou de transferts sociaux.
La réforme aura un coût important - 6,5 milliards de francs au total - dont une partie sera prise en charge sur les crédits du secrétariat d'Etat au logement.
Pour 2001, 2 milliards de francs sont prévus sur le budget de l'urbanisme et du logement à ce titre.
Je regrette que la réforme ne concerne pas tout le monde : 4,3 millions d'allocataires sur 6 millions sont concernés, c'est-à-dire que les bénéficiaires d'aides à l'accession, les habitants de logements-foyers et les étudiants ne sont pas concernés.
Je conçois qu'il n'est pas possible de tout faire en même temps...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Tout à fait !
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial. ... mais il est regrettable que certaines personnes, qui sont également des personnes modestes, ne bénéficient pas de la réforme.
On peut par ailleurs déplorer, une nouvelle fois, que l'aide à l'accession ne bénéficie pas du même intérêt que l'aide à la location, alors qu'il s'agit souvent de personnes de conditions comparables.
Pour 2001, je regrette vivement que le financement de la réforme des aides personnelles soit réalisé au détriment des aides à la pierre.
En effet, l'effort budgétaire sur les aides personnelles se traduit par une plus faible ambition sur les autres lignes du budget.
Quant aux moyens dévolus à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, et à la prime à l'amélioration de l'habitat, la PAH, ils sont fusionnés, conformément à la réforme introduite dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Cette fusion s'accompagne d'une forte réduction des crédits de paiement ouverts pour 2001 : 2,7 milliards de francs contre 3 milliards de francs en 2000.
Pour la première année de réforme de l'ANAH, la réduction de ses moyens d'intervention est un signal qui me semble négatif. Certes, l'ANAH dispose d'une trésorerie importante - environ 700 millions de francs - et elle pourra s'en servir, mais cette solution ne peut être que temporaire.
Par ailleurs, compte tenu des besoins en réhabilitation des propriétaires occupants, une réforme de l'ANAH à moyens constants risque de se traduire par une baisse de l'aide aux propriétaires bailleurs.
Vous savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que notre commission est attachée à la rénovation du parc locatif privé, qui est un moyen essentiel de remettre des logements vacants sur le marché. Vous savez également que les bailleurs payent une taxe additionnelle au droit de bail très élevée, à hauteur de 3,5 milliards de francs, et qu'il serait dès lors paradoxal de réduire leurs subventions.
Pourriez-vous nous rassurer, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le maintien de ces subventions ?
J'en viens maintenant au prêt à taux zéro.
Les crédits du prêt à taux zéro s'élèveront, selon le projet de loi de finances, à 5,85 milliards de francs en 2001, soit en légère diminution par rapport au budget de 2000. Compte tenu de la croissance de la demande et de l'augmentation des taux d'intérêt, cette légère diminution de la dotation traduit en réalité une baisse sensible de l'efficacité du dispositif.
Depuis plusieurs années, de nombreuses mesures ont réduit l'efficacité sociale des aides à l'accession à la propriété. En octobre 1997, les prêts à taux zéro ont été restreints aux primo-accédants. Un arrêté du 29 décembre 1999 a plafonné la subvention de l'Etat et un arrêté du 29 septembre 2000 a réduit la période de remboursement des prêts.
Ainsi, les moyens inscrits en faveur de l'accession à la propriété des ménages modestes ne cessent de diminuer en temps réel.
Depuis la réintégration des crédits du prêt à taux zéro dans le budget du logement, force est de constater un écart croissant entre les ressources tirées du 1 % logement versées au budget général et les dotations de crédits nécessaires au prêt à taux zéro. Vous aviez estimé, monsieur le ministre, qu'il fallait dégager 15 milliards de francs sur la période de la convention conclue avec le 1 % logement pour maintenir son efficacité. Je crains que ces sommes ne soient de plus en plus difficiles à trouver.
Or je pense qu'il est important de maintenir un niveau d'aide suffisant à l'accession à la propriété des ménages modestes.
Dans ces conditions, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez des assurances sur le fait que le Gouvernement ne recourra pas à de nouveaux arrêtés en 2001 afin de réduire l'efficacité des prêts à taux zéro.
J'en viens au dernier point : la construction sociale.
Je ne rappellerai pas les débats qui ont eu lieu, notamment dans cette assemblée, sur les dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Très bonne loi !
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial. Les crédits inscrits au projet de budget pour 2001 devraient permettre le financement de 70 000 prêts locatifs à usage social - appelés désormais PLUS - pour la construction de logements neufs et de 120 000 PALULOS - prime à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale - soit une reconduction du programme prévu pour l'an 2000.
Malheureusement, le PLUS n'a pas encore permis un redémarrage de la construction sociale et l'objectif de 70 000 PLUS ne sera probablement pas atteint, comme ces dernières années.
Lors du tout récent congrès des HLM, vous avez demandé aux organismes, monsieur le ministre, de prendre leurs responsabilités et de construire davantage.
Je partage votre appréciation sur la responsabilité du mouvement HLM. Toutefois, vous savez que la question de la construction sociale n'est pas simple.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Eh oui !
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial. Des mesures de compensation ont été prises, comme l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties, mais d'autres sont à venir, notamment pour neutraliser les conséquences de la hausse du livret A en 2001.
Les organismes de HLM se plaignent également de l'inadaptation des aides à la pierre à l'évolution du coût de la construction. L'idéal serait donc de lier la subvention à l'évolution du coût de la construction. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous rappeler vos intentions sur ce sujet ?
D'une manière générale, je rappellerai que tous les chiffres montrent que la part de la construction sociale dans la construction neuve tend à diminuer dans les pays de l'Union européenne.
Je pense donc qu'un débat sur la seule construction sociale n'est pas suffisant. Il faut reconnaître que la qualité du logement des personnes à faible revenu dépend non pas uniquement du nombre de logements sociaux construits, mais également des mesures en faveur de leur accès au parc privé.
A cet égard, je rappelle que la commission des finances a approuvé sans réserve votre souhait de créer un parc de logements locatifs conventionnés. Elle souhaite simplement que, comme il s'attache au logement social, le Gouvernement développe tous les efforts nécessaires à la consolidation d'un secteur locatif privé intermédiaire.
C'est pourquoi la commission des finances a présenté, en première partie de la loi de finances, un amendement tendant à améliorer encore le dispositif fiscal d'aide à l'investissement locatif. Il s'agit de permettre aux investisseurs de louer leur bien à un ascendant ou à un descendant. La secrétaire d'Etat au budget, Mme Parly, nous a promis que le Gouvernement déposerait un amendement sur ce sujet en deuxième partie de la loi de finances. Nous attendons ces propositions avec intérêt.
En conclusion, j'ai donné, à titre personnel, un avis favorable sur l'adoption du budget de l'urbanisme et du logement, mais je rappelle que la commission des finances a demandé au Sénat le rejet des crédits de l'équipement, des transports et du logement en regrettant, une fois encore, que le Gouvernement nous demande un vote unique sur l'ensemble des crédits. (Applaudissements.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Exactement !
M. le président. La parole est à M. Bellanger, rapporteur pour avis.
Je rappelle que chaque rapporteur pour avis dispose de cinq minutes pour présenter son rapport.
M. Jacques Bellanger, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'urbanisme. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi de centrer mon propos sur diverses questions d'actualité intéressant le droit de l'urbanisme et la gestion des crédits qu'a présentés M. Pelletier, rapporteur spécial de la commission des finances.
Ma première question concerne les conséquences de la suppression du Fonds pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France, le FARIF.
La commission des affaires économiques se félicite du fait que le Gouvernement ait, conformément aux engagements pris lors de l'examen du budget pour 2000, reconduit le montant figurant antérieurement à ce fonds dans le budget général. Elle s'interroge, cependant, sur le sort des produits de cession des terrains anciennement achetés par son intermédiaire. Elle souhaite que, nonobstant le principe de non-affectation des ressources publiques aux charges, l'intégralité du fruit de ces cessions soit consacrée à des investissements, faute de quoi, le gain réalisé par l'Etat au titre de la vente d'actifs immobiliers serait affecté à des dépenses de fonctionnement, au détriment de la bonne gestion du patrimoine de la collectivité.
Ma deuxième question portera sur le volet urbanisme de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, que le Parlement vient d'adopter dans une grande inflation de textes législatifs, dont l'origine est aussi bien gouvernementale que parlementaire.
Les réformes du droit du sol adoptées sont d'une grande importance pour les citoyens et pour les équipes municipales qui seront mises en place dès le mois de mars prochain. En tenant compte des réserves possibles dues aux saisines dont la loi fait l'objet, dans quels délais, monsieur le ministre, pensez-vous pouvoir assurer une mise en application réelle ?
Une troisième question préoccupe la commission des affaires économiques ; il concerne l'évolution des dotations que l'Etat verse aux collectivités locales au titre de l'élaboration des documents d'urbanisme.
Comme la mise en oeuvre des dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains nécessitera la confection d'un certain nombre de documents de planification intercommunale, de schémas de cohérence territoriale, de plans locaux d'urbanisme et de cartes communales, il nous semble utile que le Gouvernement précise, dès à présent, les conditions dans lesquelles sera quantifié et compensé aux collectivités locales l'accroissement de charges résultant de leur élaboration.
Les trente-huit agences d'urbanisme de métropole et des DOM, qui ont accumulé en ces domaines une réelle capacité d'expertise, seront des auxiliaires précieux pour les communes. Nous constatons d'ailleurs un très fort taux de consommation des crédits destinés à ces agences ; 57,3 millions de francs en 1999 ont été consommés sur les 60,6 millions de francs disponibles avec les reports cumulés, soit plus de 94 %. Il est donc nécessaire d'accroître les crédits qui leur sont destinés si nous souhaitons une application rapide des mesures incluses dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains en matière d'urbanisme.
S'agissant de l'état d'application des lois que nous avons votées, il me semble nécessaire d'achever de publier les décrets d'application de la loi du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer. Certes, une avancée a eu lieu depuis l'année dernière, mais il reste encore à déterminer les conditions qui doivent être réunies pour que des cessions de terrains fassent l'objet d'une aide exceptionnelle de l'Etat et il faut procéder à la nomination des directeurs des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques.
Vous constaterez, monsieur le ministre, que nous n'évoquons plus les difficultés rencontrées par les élus auprès des architectes des Bâtiments de France. Nous souhaitons tous, je crois, que le texte adopté dans la loi SRU règle définitivement ce débat.
Il reste cependant une interrogation sur la place des architectes dans le cadre de la réforme du droit de l'urbanisme. Je sais bien que cela relève maintenant de votre collègue en charge de la culture. Permettez-moi cependant d'insister à nouveau, au nom de nombre de mes collègues, pour que l'action des CAUE - conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement - puisse être renforcée dans l'application de ce nouveau texte.
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jacques Bellanger, rapporteur pour avis. Enfin, je suis obligé de constater la lenteur et la lourdeur de la mise en oeuvre des directives territoriales d'aménagement. Nous nous félicitons donc que la nouvelle législation rende possible des prescriptions de massif pour les zones de montagne, beaucoup plus rapides à mettre en place que ces directives, et je souhaite que vous puissiez nous le confirmer.
Enfin, respectant une coutume parlementaire bien établie, je me propose de saisir l'occasion qu'offre l'examen du budget de l'équipement pour évoquer un problème d'application du droit de l'urbanisme portant sur une difficile conciliation entre les activités agricoles et les dispositions de la loi « littoral ».
Des éleveurs d'agneaux de pré salé ont demandé la création d'une appellation d'origine contrôlée. Malheureusement, une interprétation stricte, sans doute même excessive, menace d'empêcher la réalisation de ce projet, allant ainsi à l'encontre de l'esprit même qui a conduit à l'élaboration de la loi « littoral ».
Vous trouverez les détails dans le rapport ; ils confirment certaines approches ou comportements qui, s'ils ne sont pas la règle, nous avaient amenés à donner aux seuls élus locaux la charge des nouvelles cartes communales.
Dans ce cas précis, la partie réglementaire du code de l'urbanisme ne pourrait-elle pas indiquer que l'avis de la commission des sites est requis par les services instructeurs au même titre que les accords et avis à recueillir auprès des personnes publiques, services et commissions intéressés tels que le prévoient les lois ou règlements en vigueur et que cet avis est rendu dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande afin que les dispositions introduites par l'article 109 de la loi d'orientation agricole pour assouplir une règle d'application délicate ne soient utilisées pour alourdir un peu plus une législation très complexe ?
La commission des affaires économiques juge souhaitable de mettre un terme à de tels blocages.
Je conclurai mon propos en indiquant au Sénat que, contrairement à l'avis favorable que je lui proposai d'émettre, la commission des affaires économiques s'en est remise à la sagesse du Sénat quant à l'adoption des crédits sur l'urbanisme inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Charles Revet. C'est le bon sens !
M. le président. La parole est à M. Plancade, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour le logement. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour 2001, le budget de l'urbanisme et du logement s'établit à 48,7 milliards de francs en moyens de paiement, ce qui confirme, une nouvelle fois, la priorité qui est donnée au logement par le Gouvernement : les mesures qu'il contient viennent à la suite de l'application du taux réduit de TVA au secteur du logement décidé en 2000 et des efforts consentis en matière d'aide à la pierre en 1998 et 1999, avec, bien sûr, la rebudgétisation du prêt à taux zéro et la mise en place du statut du bailleur privé.
Tout d'abord, 2001 consacre une réforme ambitieuse s'agissant des aides à la personne, très attendue par tous et qu'il convient ici de saluer.
Les deux objectifs que l'on cherche à atteindre sont la simplification des barèmes des aides, regroupés dans un barème unique, et la prise en compte équitable, pour le calcul des aides, de tous les revenus, qu'ils soient issus du travail ou de transferts sociaux.
Votre rapporteur pour avis se félicite de cette réforme qui constitue une véritable mesure de justice sociale pour plus de deux tiers des bénéficiaires des aides au logement. Mais il conviendra de poursuivre cette réforme, notamment pour les aides versées en accession.
De plus, l'unification totale des aides est souhaitable afin d'améliorer la fluidité entre le parc privé et le parc social. Mais cela ne pourra se faire qu'avec la réforme de la procédure du conventionnement.
Le second volet important du budget du logement concerne les aides à la pierre pour le parc social, dont les crédits sont reconduits à un niveau identique en 2001.
Le programme physique affiché reste ambitieux, puisqu'il prévoit le financement de soixante-dix mille prêts locatifs à usage social, pour le neuf, et cent vingt mille PALULOS pour l'aide à la réhabilitation.
M. Patrick Lassourd. Affichage !
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. Mais on ne peut que constater, année après année, que cet affichage, monsieur Lassourd, est démenti par les chiffres, la mise en place du PLUS en 2000 n'ayant d'ailleurs pas permis d'inverser la tendance : comme en 1999, il y aura seulement quarante mille constructions neuves.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. Certes, les explications données sont multiples et complémentaires ; d'ailleurs, elles se conjuguent.
En milieu rural ou dans les petites villes, le PLUS est structurellement déséquilibré, car il est parfois difficile d'avoir 10 % de locataires dépassant le plafond de ressources fixé pour l'attribution d'un logement social.
Dans d'autres zones, les tensions sur le marché du foncier renchérissent les coûts.
Le coût du crédit et, tout récemment, la revalorisation de la rémunération du livret A pèsent évidemment sur les charges financières des organismes et les compensations promises ne sont sans doute pas suffisantes.
M. Charles Revet. Ce point n'est pas réglé !
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. Par ailleurs, la forte croissance de l'activité du bâtiment - les entreprises tournent à plein régime, mais souffrent d'une pénurie de main-d'oeuvre - entraîne une hausse des prix, d'autant que les prix des matières premières ont également remonté. Plusieurs appels d'offres restent ainsi infructueux.
Enfin, dans certains cas, il faut évoquer aussi les réticences des collectivités territoriales à accueillir des logements sociaux. A l'inverse - et je profite de la présence de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement pour attirer son attention sur ce point - ce sont parfois les directions départementales de l'équipement qui montrent beaucoup de réticences à implanter des logements collectifs en zone semi-urbaine ou en zone rurale.
M. Patrick Lassourd. Eh oui !
M. Charles Revet. Tout à fait ! Je peux vous en donner de multiples exemples !
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. En tout état de cause, et il faut s'en féliciter car il y a urgence, vous avez pris l'engagement, monsieur le secrétaire d'Etat, de réfléchir à une modification des règles de calcul de l'aide à la pierre pour les concentrer sur un nombre moins important d'opérations, notamment au travers d'une meilleure prise en compte de l'évolution effective des coûts de construction.
Il convient aussi de se tourner vers les collecteurs du 1 % logement. Ceux-ci ont signé en décembre 1999, avec l'Union des HLM, un protocole d'accord sur l'investissement et le renouvellement du parc social. Il ne faudrait pas que ce protocole reste lettre morte.
Le troisième volet de ce projet de budget concerne les encouragements au parc privé, et je veux à ce sujet faire trois remarques.
En application de la disposition du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains sur ce que l'on appelle maintenant la « grande ANAH », les dotations budgétaires pour la prime à l'amélioration de l'habitat et les subventions de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat sont fusionnées en 2001.
La légère diminution des crédits d'intervention serait compensée par l'utilisation de la trésorerie abondante de l'ANAH. Tout en prenant acte de cette solution, il convient de souligner qu'elle ne saurait être pérenne et, dès 2002, le montant des crédits de paiement devra être revalorisé pour ne pas pénaliser l'ANAH et lui permettre d'exercer ses nouvelles compétences, notamment dans les copropriétés en difficulté.
Ma deuxième remarque porte sur les moyens en faveur de l'accession sociale à la propriété.
La faible diminution des moyens de paiement, compte tenu de la croissance de la demande et de l'augmentation du coût moyen des prêts, semble induire une baisse de l'efficacité du dispositif.
D'ailleurs, le récent arrêt du 29 septembre 2000 réduit la période de remboursement du prêt pour les tranches de revenus les plus élevées, ce qui accroît le taux d'effort des catégories à moyen revenu.
Certes, l'effet de cette nouvelle mesure sur la solvabilité des ménages est faible, mais il s'inscrit dans un contexte général de hausse de taux d'intérêts des prêts et de remontée des prix de l'immobilier, ce qui pourrait avoir des conséquences regrettables.
Enfin, je fonde beaucoup d'espoir sur l'achèvement de la discussion du projet de loi de finances, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pour obtenir une modification de la définition du champ d'application du statut du bailleur privé et faire cesser ainsi une inégalité criante, comme l'a déjà excellemment souligné Jacques Pelletier, rapporteur spécial.
S'agissant de la possibilité de louer les logements acquis sous le bénéfice de ce régime aux ascendants et aux descendants, nous sommes tous d'accord - sur l'ensemble des travées de cette assemblée - pour éviter qu'une combinaison « astucieuse » de tous les mécanismes fiscaux et budgétaires légalement autorisés ne favorise un enrichissement patrimonial indu et sans réelle contrepartie sur le plan social.
La solution que je propose tend à autoriser la location aux ascendants et aux descendants, mais les périodes de location correspondantes sont neutralisées du point de vue de l'avantage fiscal.
Votre collègue Mme la secrétaire d'Etat au budget s'est engagée à nous proposer un dispositif lors de l'examen des articles de la deuxième partie du projet de loi de finances. Peut-être pourrez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous en dire un peu plus, sachant que vous êtes également très soucieux que cet obstacle soit levé dans de bonnes conditions.
Cela dit, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous confirme que je déposerai de nouveau l'amendement que j'avais présenté voilà quelques jours, ce qui nous permettra de comparer les deux amendements. Si celui de Mme Parly ne nous satisfaisait pas, je maintiendrai le mien, contrairement à l'attitude du groupe socialiste, qui avait d'ailleurs fait l'objet d'un consensus au sein de notre assemblée.
J'avais également déposé un deuxième amendement en ce qui concerne les bailleurs privés qui n'entrent pas dans le cadre du statut du bailleur social. La réponse de Mme le secrétaire d'Etat à cet égard ne m'a pas convaincu. Mais elle nous a annoncé son intention de nous présenter des propositions. Je présenterai cependant de nouveau cet amendement, car il faut élargir, précisément, l'offre en matière de logement social.
En conclusion, j'indique qu'alors que je lui proposais de donner un avis très favorable, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés au logement dans le projet de loi de finances pour 2001. C'était, il est vrai, le lendemain du vote de la loi SRU par l'Assemblée nationale !
M. Patrick Lassourd. Il n'y avait pas que cela !
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. Peut-être ceci expliquerait-il cela ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. La parole est à M. Bimbenet, rapporteur pour avis.
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le logement social. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget pour 2001 du logement est en augmentation de 1,2 % en moyens de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2000, soit 48,8 milliards de francs. Compte tenu d'un taux d'inflation qui pourrait atteindre 1,3 % en 2001, on observe donc une stagnation des crédits alloués au logement, en termes réels.
L'analyse de ce budget se doit d'être nuancée. D'un côté, il y a des réformes, comme celle des aides à la personne, qui doivent être saluées. De l'autre, il y a des insuffisances qui doivent être pointées, comme en matière d'accession sociale à la propriété ou de construction de logements sociaux.
Une critique importante, que votre rapporteur pour avis a fait sienne les années passées, avait consisté à remarquer que les aides à la personne constituaient un élément « désincitatif à la reprise d'un emploi », notamment pour les personnes dont le revenu se limitait au RMI.
Le Gouvernement a entendu ce message puisqu'il propose cette année une réforme des aides au logement consistant à simplifier et à harmoniser les barèmes d'aides personnelles. En supprimant l'écart d'aide qui existe pour un même niveau de revenu selon qu'il résulte de transferts sociaux ou d'une activité professionnelle, la réforme a pour objet de réduire le phénomène de « désincitation » au travail sensible au niveau du RMI, ce qui doit être remarqué.
Cette réforme se traduit pour 4,8 millions de ménages par une aide supplémentaire de 1 300 francs par an en moyenne. Elle sera mise en oeuvre en deux étapes : au 1er janvier 2001 et au 1er janvier 2002. Elle représente une augmentation des prestations versées de 6,5 milliards de francs en régime de croisière et de 3,3 milliards de francs en 2001, dont 2 milliards de francs pour le budget de l'Etat, année de transition.
Compte tenu d'un ajustement à la baisse, consécutif à l'amélioration de la conjoncture économique, pour un montant de 1,345 milliard de francs, de la contribution de l'Etat au Fonds national de l'habitation et au Fonds national d'aide au logement, on peut estimer que la contribution de l'Etat au financement des aides à la personne augmentera de 655 milions de francs en 2001.
On peut néanmoins regretter que le Gouvernement se soit employé à réaliser cette réforme « par le haut », c'est-à-dire par une augmentation de l'enveloppe globale. Cela n'a été rendu possible que par la croissance économique.
Il en résulte que le coût de la réforme à terme est loin d'être maîtrisé. Un retournement de la conjoncture pourrait en effet faire « s'envoler » le besoin de financement des aides personnelles au logement.
En ce qui concerne la réforme proprement dite, on peut regretter qu'elle se limite au seul secteur locatif, alors que le régime des aides à l'accession à la propriété nécessite également une simplification.
Pour ce qui est du secteur locatif, cette réforme laisse insatisfaites des demandes importantes des organismes d'HLM et des associations familiales. Les nouveaux loyers plafonds sont ceux de l'aide personnalisée au logement, l'APL, ce qui signifie que le problème de l'écart entre le loyer effectif et le loyer pris en compte reste entier. Ce problème concerne principalement les ménages modestes dans le secteur conventionné et toutes les catégories de famille dans le secteur libre.
Je souhaite évoquer maintenant la construction de logements sociaux. On continue d'observer un profond marasme dans ce secteur. Alors que le ministère a annoncé 60 000 logements sociaux pour l'année 2000, seuls 11 376 agréments avaient été signés au cours du premier semestre. Le Gouvernement ne semble pas tenir compte de ce décalage entre les crédits inscrits et le montant des crédits effectivement consommés puisque les crédits en faveur du locatif social figurant sur la ligne fongible augmentent de 0,5 % en autorisations de programme.
Cette situation n'est pas satisfaisante puisqu'elle nous amène à douter, sinon de l'honnêteté du projet de budget présenté, en tout cas de son caractère réalisable.
Les crédits inscrits au projet de budget pour 2001 sont en effet associés à des objectifs physiques inchangés : cent vingt mille PALULOS, dix mille prêts locatifs aidés d'intégration, dix mille prêts locatifs à usage social construction-logement et cinquante mille prêts locatifs à usage social. Cette programmation suppose que le prix des opérations n'augmente que de 0,5 %, ce qui paraît faible, à moins de considérer que, de toute façon, les objectifs physiques ne seront pas atteints.
Votre rapporteur pour avis insiste depuis plusieurs années sur le décalage qui existe entre les objectifs de logements budgétés et la proportion de prêts locatifs aidés effectivement mis en chantier. Ce rapport est passé de 73 % en 1994 à 55 % en 1998 et probablement moins en 1999 et en 2000. Il traduit une crise profonde de la politique du logement social.
Par ailleurs, depuis deux ans, une partie des crédits non consommés est transférée et affectée au financement des primes d'épargne-logement, soit 650 millions de francs en 1998, 780 millions de francs en 1999. Compte tenu du rythme de consommation actuel, on peut s'attendre à une nouvelle ponction en 2000. Il est regrettable que des crédits initialement votés en faveur du logement social soient ainsi détournés de leur objet initial, d'autant plus que la sous-consommation de la ligne fongible est largement imputable au déséquilibre des opérations de construction.
En outre, le projet de budget prévoit une augmentation des crédits consacrés au financement des opérations de démolition-reconstruction de logements sociaux. Ces crédits, qui ont permis la démolition de 5 000 logements en 1999 et de plus de 6 000 logements en 2000, devraient être portés de 140 millions de francs à 170 millions de francs.
On peut remarquer que ce montant de 170 millions de francs correspondant à un objectif de 10 000 démolitions de logements représente une aide de 17 000 francs par logement démoli. Or le coût global d'une démolition, y compris le déficit d'exploitation prévisionnel, est de l'ordre de 100 000 francs à 150 000 francs, ce qui laisse deviner l'effort demandé aux collectivités locales.
M. Patrick Lassourd. Une fois de plus !
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis. La politique de démolition-reconstruction ne constitue certes pas la panacée, mais il arrive qu'elle représente la seule solution dans le cas de certains ensembles très dégradés. Il faut remarquer que, même dans ce cas, ce sont des logements qui restent souvent rentables pour les organismes d'HLM, compte tenu du fait qu'ils ont fini d'être remboursés. Dans ces conditions, il serait souhaitable que le Gouvernement prenne la pleine mesure de l'effort financier que représente cette politique de démolition-reconstruction, afin de ne pas aboutir à un effet paradoxal consistant à favoriser le renouvellement du parc au détriment de la santé financière des organismes d'HLM.
Je formulerai maintenant quelques brèves observations sur l'ANAH.
A compter du 1er janvier 2001, aux termes de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains dite loi « SRU », l'ANAH devrait avoir désormais vocation à intervenir sur l'ensemble du parc privé, qu'il appartienne à des propriétaires bailleurs ou à des propriétaires occupants. A ce titre, l'ANAH devrait prendre en charge l'attribution des primes à l'amélioration de l'habitat.
Les crédits budgétaires relatifs à la prime à l'amélioration de l'habitat seront intégrés dans la subvention d'investissement de l'ANAH en 2001. Compte tenu de cette fusion des crédits, la subvention globale d'investissement de l'ANAH inscrite en projet de loi de finances initiale sera de 3 milliards de francs en autorisations de programme et de 2,26 milliards de francs en crédits de paiement consacrés à l'amélioration de l'ensemble du parc privé.
En définitive, le projet de budget qui nous est présenté n'est pas en lui-même un mauvais budget. Seulement, il comprend de nombreuses faiblesses dues, notamment, à l'absence de renforcement des aides à l'accession sociale à la propriété, aux incertitudes qui entourent la place réservée au prêt à taux zéro et à l'insuffisance des aides en faveur du logement intermédiaire. Il s'inscrit surtout dans un cadre politique plus général qui ne peut pas nous satisfaire. La réforme des aides à la personne aurait pu se faire à crédits constants. Il est à craindre que le Gouvernement n'ait mis en place une nouvelle « machine à créer des déficits » qu'auront à gérer ses successeurs en cas de ralentissement de la croissance.
Par ailleurs, la solution retenue dans la loi SRU pour inciter les collectivités locales à construire des logements sociaux, à savoir une taxation pouvant déboucher sur un pouvoir de substitution du préfet, ne peut pas non plus nous satisfaire. Il s'agit là d'une marque de défiance à l'égard des collectivités locales à laquelle le Sénat s'est opposé fermement à chaque stade de la discussion du projet de loi.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. C'est vrai, mais à tort ! (Sourires.)
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis. C'est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du logement social en 2001. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 14 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 20 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps de parole du Gouvernement est prévu au maximum pour quarante-cinq minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec des moyens de paiement de 48,8 milliards de francs, soit une augmentation de 1,2 %, et des moyens d'engagement de 49,6 milliards de francs, en hausse de 1,6 %, le projet de budget pour 2001 témoigne d'une réalité : l'effort public en direction du logement ne se dément pas.
Le projet de budget pour 2001 sera celui de la mise en oeuvre d'une réforme en profondeur des aides personnelles au logement, décidée le 15 juin 2000 lors de la conférence de la famille et présentée par le Premier ministre, M. Lionel Jospin.
La création d'un barème unique des aides au logement dans le secteur locatif, avec un alignement vers le haut des grilles actuelles, constitue une mesure de cohérence et de justice, qui tend à supprimer l'écart d'aide existant, pour un même niveau de revenu, selon qu'il résulte de transferts sociaux ou d'une activité professionnelle.
Simplification, équité, incitation au retour à l'emploi pour les allocataires au voisinage du RMI : ainsi peut-on résumer à gros traits cette réforme ambitieuse qui sera mise en place en deux étapes et qui représente une hausse des prestations versées de 6,5 milliards de francs.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. Très bien !
M. André Vezinhet. Aucun ménage ne verra son aide baisser et 4,8 millions d'entre eux percevront 1 300 francs par an, en moyenne, d'aide supplémentaire.
En outre, cette amélioration, sans précédent pour les ménages modestes, des allocations logement ne remet pas en cause l'actualisation des barèmes, au 1er juillet, comme convenu depuis 1997.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget est l'une des pièces d'un vaste puzzle que vous avez, avec constance et détermination, mis en place, qu'il s'agisse de mesures réglementaires ou législatives que vous nous avez soumises.
Comment, en effet, appréhender le projet de budget pour 2001 sans examiner son articulation avec deux grandes lois, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui vient d'être définitivement adoptée par le Parlement ?
Ainsi que le rappelle mon collègue M. Plancade, rapporteur pour avis, la loi de 1998, c'est, au total, 1,7 milliard de francs supplémentaire, avec des enveloppes destinées au fonds de solidarité pour le logement, le FSL, à l'aide à la médiation locative, l'AML, et à l'aide au logement temporaire, l'ALT, qui ont doublé depuis 1997 et qui, maintenues à niveau, atteignent 718 millions de francs.
L'application de la loi de 1998 sur le terrain, plus spécialement dans le département de l'Hérault, qui m'est cher, a favorisé un partenariat riche et efficace dans le cadre de l'élaboration du troisième plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées ainsi que l'adaptation du FSL.
Le plan départemental a su concilier les préconisations de la loi et les particularismes locaux. L'ensemble de tous les partenaires locaux, qu'ils soient institutionnels, tels que la direction départementale de l'équipement, la direction déparementale des affaires sanitaires et sociale, la Caisse d'allocations familiales, les associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, les bailleurs, publics et privés, et les centres communaux d'action sociale, les associatifs ou acteurs de terrain tels que les travailleurs sociaux, tous seront très fortement mobilisés en modifiant des pratiques traditionnelles du travail social ; permettez-moi d'ailleurs de saluer ici le rôle majeur du milieu associatif dans l'action sociale liée au logement, la gestion locative ou la médiation sociale.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. Très bien !
M. André Vezinhet. Pourtant, les crédits budgétaires affectés à cet objet, d'un montant de 35 millions de francs, sont en baisse de 28 %. On peut s'en étonner.
Par ailleurs, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées regrette le retard pris dans la mise en oeuvre de l'aide à la médiation locative, bien que tout ait été fait pour que le dispositif soit opérationnel au plus vite ; le décret d'application a été publié dès le mois de novembre 1998, les lignes de crédit ont été abondées peu après l'adoption de la loi. Malgré cette diligence, le rapport indique que seuls 37 % des financements ont été dépensés. Selon le Haut comité, le problème s'expliquerait probablement par un contrôle financier tatillon des services déconcentrés de l'Etat.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous apporter des éclaircissements sur ces points ?
Enfin, et toujours en liaison avec la loi de 1998, je tiens à saluer ici la parution des textes relatifs au numéro unique départemental d'enregistrement des demandes de logements locatifs sociaux. Cette procédure garantira mieux les droits des demandeurs et sera un outil permettant de connaître les besoins par zone géographique.
Le projet de budget pour 2001, ce sont aussi des moyens au service d'une double priorité : le développement du logement social et le renouvellement urbain.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains va pouvoir s'appuyer sur des moyens budgétaires, maintenus au niveau élevé qui était prévu pour l'année 2000, nécessaires à sa mise en oeuvre ; ainsi 120 000 PALULOS pour poursuivre les réhabilitations et 70 000 PLUS pour faciliter la construction de logements neufs seront accordés.
J'entends ici et là fuser les objections. A quoi bon reconduire le même volume d'aides à la pierre alors même qu'à peine plus de la moitié aura été consommée dans l'année qui s'achève ? La réponse est contenue dans la loi précitée qui, désormais, s'impose à tous : dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants, il manque 450 000 logements sociaux. Efforçons-nous solidairement de les réaliser.
Pour combler ce déficit, tout en mettant fin au mécanisme de concentration et en favorisant la mixité sociale, il faut que les communes jusqu'alors récalcitrantes et j'oserai dire « inhospitalières » construisent plus de 22 000 logements par an pendant vingt ans.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il a raison !
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. Bravo !
M. Patrick Lassourd. C'est une compétence de l'Etat !
M. André Vezinhet. Mais un constat s'impose : la production de logements sociaux est notoirement insuffisante et ne correspond pas à la réalité des besoins de nos concitoyens. Vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, avez mesuré l'ampleur du problème qui se pose à nous tous, collectivités locales, bailleurs sociaux, Etat.
Vous l'avez très clairement indiqué au congrès HLM de Bordeaux, « ni le Gouvernement ni le corps social ne pourront durablement comprendre une telle situation au regard des efforts importants qui ont été consentis ».
En effet, le Gouvernement ne s'est pas borné, contrairement à ce que laisse supposer le rapporteur spécial, M. Jacques Pelletier, « à tenir un discours volontariste en faveur de la construction sociale, qui se heurterait à la réalité ».
Faut-il rappeler que les conditions du financement du logement social n'ont jamais été aussi favorables depuis au moins vingt ans ? Qu'on en juge : baisse du taux du livret A en 1999 ; baisse de 0,75 % du coût de la dette HLM ; durée d'amortissement des prêts locatifs relatifs au foncier portée à cinquante ans ; taux réduit de TVA sur les travaux d'entretien ; création du PLUS.
Comment expliquer, alors, que la relance attendue ne soit pas au rendez-vous ?
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. Quel bilan. (Sourires.)
Mme Odette Terrade. Ça oui !
M. André Vezinhet. On peut avancer plusieurs raisons : réticences de certaines communes à accueillir des logements sociaux ; coût du foncier ; hausse des prix à la construction ; frilosité de certains maîtres d'ouvrage, qui privilégient la gestion du patrimoine plutôt que son développement ; difficultés pour les organismes constructeurs d'équilibrer financièrement leurs opérations ; difficultés aussi pour des petites communes de trouver un opérateur qui accepte de construire cinq ou dix logements, opération jugée peu rentable. Sur ce dernier point, j'en profite pour rappeler que, depuis le décret du 8 février 2000, les collectivités locales peuvent elles-mêmes être opératrices et bénéficier du PLUS pour financer des opérations d'acquisition-amélioration. Je les encourage à se saisir de cette faculté.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. Nous aussi !
M. André Vezinhet. Cependant, pour inverser la tendance, faut-il, monsieur le secrétaire d'Etat, envisager d'améliorer le financement par l'Etat, en augmentant le taux des subventions ?
Une simplification et une réorganisation du secteur de la construction sociale - offices d'HLM, OPAC, sociétés anonymes, coopératives - ne s'imposent-elles pas, tant est rendue complexe et difficilement lisible l'organisation actuelle, marquée qu'elle est par la multiplicité des statuts des organismes, la diversité de leur taille, de leurs compétences ou de leurs champs d'intervention ?
Une restructuration en cohérence avec l'intercommunalité, les agglomérations, les pays, les bassins d'habitat me paraît inéluctable pour éviter au mouvement HLM de s'autoscléroser.
La priorité accordée au renouvellement urbain se traduit, quant à elle, par une hausse de 21 % des crédits affectés aux démolitions, qui passent de 140 millions de francs à 170 millions de francs.
Les crédits pour qualité de service, qui doublent pour atteindre 100 millions de francs, répondent à une très forte demande des locataires en HLM et contribuent à une requalification des quartiers sensibles.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, en confiant à l'ANAH l'ensemble des interventions financières de l'Etat sur le parc privé, ancre plus profondément l'action de cet organisme au coeur de la politique de renouvellement urbain. Sur des objectifs à la fois sociaux et urbains, la simple reconduction d'un crédit de l'ANAH de 3 milliards de francs sera-t-elle suffisante pour cette noble ambition ?
Dans le même esprit, est également prévu le renforcement des opérations de résorption de l'habitat insalubre. Globalement, donc, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget assure le maintien des dotations au parc privé.
L'accession sociale à la propriété suscite quelques inquiétudes. Le 22 novembre 2000, sous le titre « Alerte sur le prêt à taux zéro », le journal Les Echos consacrait un long article qui débutait ainsi : « Symbole de l'aide à l'accession sociale à la propriété, le prêt à taux zéro est menacé. Le soutien aux ménages désireux de devenir propriétaires ne semble plus faire partie des priorités du Gouvernement à l'heure où, pourtant, se confirme un infléchissement des mises en chantier de logements. »
Je ne partage pas cette approche particulièrement alarmiste ; cependant, des craintes se font jour d'aboutir, sinon à sa disparition, du moins à une sorte d'asphyxie...
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. Il ne faut pas exagérer !
M. André Vezinhet. ... et de voir se reproduire le scénario qu'a subi le PAP en son temps.
Après ces interrogations, je terminerai sur les nombreux motifs de satisfaction.
Le premier concerne la politique que vous avez menée à l'égard des locataires : avec la suppression du droit de bail qui représente un montant d'allégements fiscaux de 7 milliards de francs sur deux ans et la réforme des aides personnelles qui représente 6,5 milliards de francs, ce sont, au total, 13,5 milliards de francs qui bénéficient aux locataires, dont les loyers auront, en outre, été gelés pendant deux années, pour ceux qui relèvent du parc social.
Je me félicite également que soit maintenu l'encadrement des loyers du secteur privé à Paris et en Ile-de-France au moment de la reprise économique et des dérapages qu'elle pourrait susciter.
Je me félicite aussi de la reconnaissance du rôle des ADIL, les associations départementales d'information sur le logement, en faveur du grand public.
Autre motif de satisfaction : pour la deuxième année de suite, le seuil des 300 000 logements construits et des 600 000 logements réhabilités a été atteint ; on compte aussi 600 000 transactions dans l'ancien. Bref, l'immobilier et, avec lui, le bâtiment sont redevenus des moteurs de la croissance.
En deux ans, 120 000 emplois directs ou indirects ont été créés.
Dans l'Hérault, et j'y suis particulièrement sensible, la croissance du parc de logement - 2 % contre 1 % à l'échelon national - et l'activité liée au bâtiment représentent près de la moitié de l'activité économique.
Voilà peu, à Montpellier, lors de son assemblée générale, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, s'est réjouie du fait que jamais la conjoncture n'a été aussi bonne pour le secteur, sachant que 58 % du chiffre d'affaires est assuré par les artisans et les petites entreprises.
Je vois là des raisons d'être optimiste pour l'avenir, tout en appelant à une nécessaire vigilance.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ces très bons résultats ne sont pas le fruit du hasard : ils découlent d'une conjoncture économique certes favorable, mais aussi de mesures fiscales et législatives adaptées, portées par une politique budgétaire à la hauteur des ambitions. Le groupe socialiste, bien entendu, votera avec enthousiasme le projet de budget pour 2001, auquel il apporte son total soutien. (Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous allons changer de ton.
En préambule, je dirai à notre collègue M. Plancade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, que je m'étonne qu'il soit surpris que la commission des affaires économiques n'ait pas voulu adopter ce projet de budget : il a fait un rapport parfait, qui, à l'évidence, a démontré les insuffisances du projet de budget du logement. Aussi, je ne comprends pas pourquoi, sur ce rapport, il a proposé de voter ledit projet de budget.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. C'est trop facile !
M. Patrick Lassourd. Pour commenter les lacunes de ce projet de budget décevant, j'axerai mon propos sur trois points.
Le premier, c'est le logement social. La sous-consommation des crédits qui lui sont affectés est toujours plus manifeste. Les causes de cette sous-consommation sont pourtant clairement identifiées. Je les cite brièvement.
Première cause : le déséquilibre intrinsèque du dispositif des PLUS, les prêts locatifs à usage social, censés permettre une plus grande mixité sociale. Or, c'est l'inverse qui se produit. La tranche des 10 % de locataires dont les revenus dépassaient le plafond de ressources autorisé a été progressivement exclue du système, faute de loyers suffisamment attractifs. Cette population, qui garantissait précisément la mixité mais bénéficiait peu de l'APL, confrontée à un arbitrage réel entre locatif social et locatif privé, se tourne vers ce dernier. Outre la tension qu'elle engendre sur le marché en tirant à la hausse les loyers privés, cette situation contraint les offices d'HLM, pour retenir ces locataires, à ne pas majorer les loyers, d'où le déséquilibre intrinsèque du dispositif des PLUS.
Deuxième cause : l'insuffisance de l'aide à la pierre, qui a chuté de 10,77 % à 7 % de l'ensemble de l'effort public, entre 1995 et 2000. Les collectivités se voient obligées de prendre le relais, face au désengagement de l'Etat à l'égard d'une compétence qui lui est pourtant dévolue. Ainsi, en Bretagne, l'aide à la pierre émanant de la région, des départements, des communautés de communes et des communes est bien supérieure à celle qui est accordée par l'Etat, lequel, de surcroît, jalonne le parcours des subventions locales à la pierre de difficultés administratives ! Triste et paradoxale ironie...
Troisième obstacle : l'augmentation des taux du PLUS consécutive à celle du taux du livret A et la hausse de 15 % des coûts de la construction, ce qui rend de nombreux appels d'offres infructueux.
Enfin, le prix élevé du foncier, qui freine le développement du logement social. Il serait temps, monsieur le secrétaire d'Etat, de réaliser à quel point le zonage, notamment 2 et 3, est obsolète. Le prix du foncier exige que certaines communes soient reclassées en zone 2. De plus, ce zonage est en parfaite incohérence avec la loi Chevènement. Ainsi, sur les trente-six communes de l'agglomération de Rennes, huit sont classées en zone 2 et vingt-huit en zone 3, alors même que la politique globale de logement social de cette communauté d'agglomération se révèle particulièrement dynamique. Comment voulez-vous, dans ces conditions, que les organismes d'HLM puissent respecter leur engagement de geler les loyers pendant l'année 2001 ?
Au vu de ces constats objectifs, tout se passe comme si le Gouvernement refusait de tenir compte des réalités pour programmer, encore et toujours, la construction de logements sociaux, qui, on le sait, ne seront, pour la plupart, jamais réalisés. Chaque année, les chiffres laissent tomber des verdicts de plus en plus sévères : 70 000 logements budgétés en 1999 pour 43 000 réalisés, 70 000 annoncés pour l'année 2000, avec seulement 11 376 agréments au premier trimestre. Tel est mon premier point.
Le deuxième point que je souhaite évoquer concerne le prêt à taux zéro.
Son évolution inquiétante confirme la volonté du Gouvernement d'ignorer l'accession à la propriété, aspiration pourtant profondément ancrée dans la population. Cet excellent outil d'accession sociale à la propriété - je souligne le mot « sociale » - et de promotion du logement avait pour principale qualité de toucher une large cible : 75 % des ménages français pouvaient, à l'origine, y prétendre, le montant du prêt étant fonction de la composition de la famille et la durée de remboursement fonction des revenus. Par ces critères, fondés plus sur les besoins du ménage que sur ses revenus, il s'agissait donc d'un prêt éminemment social, qui permettait enfin aux familles modestes d'acquérir un logement.
Vos gouvernements n'ont eu de cesse de réduire l'efficacité du prêt à taux zéro et d'en limiter l'accès. Premier coup porté en octobre 1997 : la restriction du prêt aux seuls primo-accédants, puis l'augmentation des quotas de travaux obligatoires. En novembre 1999 : réduction de la durée des remboursements pour les plus aisés des ayants droit. Enfin, en octobre dernier, on a encore diminué les durées des prêts, mais cette fois-ci pour les ménages à ressources intermédiaires. Cette dérive, qui s'apparente à ce que l'on pourrait appeler une « papisation » du prêt à taux zéro, représente, sur une durée de quatre ans, une baisse de 16 % des crédits.
Ce prêt à taux zéro mériterait d'être amplifié, et non pas « grignoté » et sacrifié, pour élargir le nombre de candidats à l'accession. Mais le Gouvernement préfère brandir la carte du tout-locatif. La loi SRU confirme, d'ailleurs, cette volonté délibérée d'écarter l'accession, exclue du quota de 20 % de logements sociaux...
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. C'est un peu gros tout de même !
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. Nous avons créé le prêt à taux zéro !
M. Patrick Lassourd. Le troisième point que j'aborderai concerne la réduction des crédits de l'ANAH, notamment au détriment du logement en milieu rural. Cette mesure s'avérerait particulièrement inadaptée, lorsqu'on sait combien les communes rurales comptent sur l'habitat social privé pour maintenir et développer leur population. Cette réduction frapperait également les zones suburbaines défavorisées. Globalement, la dotation budgétaire de l'ANAH stagne par rapport aux crédits inscrits pour 1999 et 2000 : 2,2 milliards de francs en crédits de paiement, soit un recul sensible. Ces tendances confirment le désengagement de l'Etat à l'égard de l'amélioration du parc privé observé depuis 1996. Or le parc privé, qui représente 55 % du parc locatif, joue un rôle social incontestable, dont il convient de tenir compte.
Enfin, lors de la dernière réunion du conseil d'administration de l'ANAH, le 5 octobre 2000, il a été procédé à des modifications des règles de calcul des subventions pour augmenter celles-ci dans les secteurs urbains denses et stabiliser, voire diminuer, les crédits affectés aux villes moyennes et aux secteurs ruraux.
En conclusion, je dirai que ce budget est, une fois encore, un budget d'affichage, aux objectifs largement invalidés par les faits. Le logement, monsieur le secrétaire d'Etat, est non pas une projection virtuelle, mais une réalité concrète, qui touche les familles dans leurs attentes et dans leurs besoins. La politique d'affichage est d'autant plus dangereuse qu'au bout du compte elle n'est plus crédible.
Quel espoir donnez-vous à ceux qui sont pénalisés par ce décalage entre un discours et une réalité, je veux parler des ménages et des élus des collectivités locales ? Ces derniers ne disposent pas, en effet, des moyens nécessaires pour équilibrer les opérations de logement social dont le Gouvernement se défausse sur eux. Nous l'avons vu lors des débats sur le projet de loi SRU : le Gouvernement tente de réaliser par la contrainte ce qu'il ne parvient pas à faire lui-même.
Il fallait mettre en oeuvre un véritable redéploiement de crédits en direction des problèmes que je viens d'évoquer, et non poursuivre cette stratégie doctrinaire qui consiste à augmenter quantitativement des programmes irréalisables de construction de logements sociaux, et qui, finalement, ne profitent pas aux plus démunis.
Ce projet de budget ne contribue pas à préparer l'application de la loi SRU, si peu adaptée aux réalités du terrain. Il ne sort pas le logement social de son marasme. Vous affichez en permanence le souci d'aider nos concitoyens qui ont les revenus les plus modestes. Mais que constate-t-on ? Tout d'abord, vous ignorez les vraies conditions économiques de construction de logements sociaux, et seulement un logement sur deux programmés est réalisé. Ensuite, vous rendez l'accession sociale à la propriété plus difficile pour les bas revenus. Enfin, par le biais de l'ANAH, vous diminuez les crédits pour les zones rurales, territoires traditionnellement pauvres.
Il serait temps de reconnaître à la propriété privée un rôle d'utilité publique. Elle constitue une réalité économique qui a son poids et sa place dans une politique de logement ambitieuse. Huit Français sur dix sont ou désirent être propriétaires.
Prisonnier d'une idéologie, ce projet de budget mésestime le véritable rôle d'intégration sociale joué par le logement dans toutes ses variétés et toute sa richesse : locatif social public, accession à la propriété, locatif privé. C'est pourquoi le groupe du RPR ne votera pas ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Bellanger, rapporteur pour avis. Ce n'est pas possible. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce budget pour 2001 prend largement la forme d'un budget de reconduction. Il reflète la crise permanente du logement social. La sous-consommation des crédits conduit même à s'interroger sur le rôle du parc public et sur sa capacité à répondre à ses missions. Les moyens consacrés au logement des personnes les plus défavorisées sont, pour leur part, en baisse, alors que le nombre de mal-logés est toujours aussi préoccupant. Par ailleurs, la politique en faveur du parc privé manque d'envergure, comme l'illustrent les mesures fiscales, qui ne favorisent pas toujours les propriétaires.
Alors que les aides publiques au logement atteignent traditionnellement plus de 190 milliards de francs, le projet de budget du logement et de l'urbanisme pour 2001 s'élève à 48,75 milliards de francs. Il ne constitue que la partie émergée de l'effort de la nation en faveur du logement.
Il s'agit donc d'un budget d'une certaine stabilité, alors même que le contexte juridique dans lequel il s'inscrit est particulièrement fluctuant, puisque le Parlement devrait adopter définitivement, à la fin de l'année, le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.
Cette loi dite « loi SRU » tend à réviser les outils de la planification urbaine et à imposer des objectifs contraignants de mixité sociale dans l'habitat, et il n'est pas certain que la simple reconduction des crédits à la hauteur de ceux qui ont été votés en 2000 suffise à assurer l'efficience des mesures de développement du logement social et de renouvellement urbain.
M. Gayssot et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, avez décidé une réforme des aides personnelles, tendant à simplifier les barèmes et à les aligner vers le haut. Cette réforme doit se traduire pour 4,8 millions de ménages par un montant d'aides supplémentaires de 1 300 francs par an, en moyenne. Elle représente une augmentation des prestations de 3,3 milliards de francs dès 2001, dont 2 milliards de francs pour le budget de l'Etat.
Si le versement d'aides personnelles au logement permet de solvabiliser des locataires souvent modestes, de leur garantir un accès effectif au logement et de sécuriser les bailleurs, le nombre croissant des bénéficiaires n'en est pas moins un phénomène extrêmement préoccupant. En 1999, environ 49 % des ménages locataires et 18 % des ménages propriétaires ont bénéficié d'une aide personnelle au logement.
Cette augmentation du nombre de bénéficiaires s'est accompagnée d'une augmentation d'autant plus rapide du montant total des prestations versées que celles-ci ont fait l'objet de revalorisations. Ainsi, les aides personnelles au logement représentaient un coût budgétaire total de 50,6 milliards de francs en 1990 et plus de 80 milliards de francs en 1999, dont 34,6 milliards de francs pour l'Etat.
Sans remettre en cause la vocation fondamentale des aides au logement, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous assurer que la réforme permettra d'amorcer une maîtrise des dépenses publiques dans ce secteur ? Ce système, marqué par une extrême complexité, est-il à même de faire preuve de son efficacité sociale et d'éviter notamment l'attribution d'aides à des logements qui ne remplissent pas les critères minimum de salubrité ?
Depuis plusieurs années, le secteur locatif social est marqué par une diminution continue et significative du nombre de logements sociaux financés et mis en chantier. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les derniers éléments disponibles pour 2000 ne mettent pas en évidence une reprise de la construction. Pour un programme budgétaire de 70 000 logements en 2000, le rythme d'exécution au 30 juin 2000 était seulement de 8 707, soit un recul de 5,7 % par rapport au rythme constaté à la même date, l'année précédente.
Si le rythme d'exécution est plus satisfaisant en matière de réhabilitation et de consommation de primes PALULOS, avec 134 075 logements réhabilités en 1999, il n'est toutefois pas exagéré, au vu de ces résultats, de parler de crise du logement locatif social. La tentative du Gouvernement d'y remédier par la création, en 1999, du PLUS, destiné à remplacer le PLA ordinaire et le PLA à loyer minoré, n'a pas eu les effets escomptés. La mise en route du PLUS est extrêmement lente et les difficultés d'exécution bien réelles.
Cette situation illustre une sous-consommation effective des crédits destinés à l'amélioration et à la réhabilitation de l'habitat locatif social, crédits qui s'élèveront, pour 2001, à 2,6 milliards de francs contre 2,5 milliards de francs en 2000.
L'INSEE estime qu'il faudra plus de 300 000 logements neufs, hors renouvellement du parc, pour faire face aux besoins entre 2000 et 2005. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous fournir des explications sur cette crise de la construction du logement social, ainsi que sur la sous-consommation des PLA ?
C'est toute la politique du Gouvernement en faveur de la mixité sociale, imposée par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui est ici en jeu.
Les débats sur la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains ont été l'occasion de mettre en lumière le rôle économique et social incontestable que joue le parc privé en France. Ce dernier représente, aujourd'hui, 55 % du parc locatif. D'après les comptes du logement pour 2000, le parc privé accueille deux fois plus de locataires dont le revenu annuel est inférieur à 30 000 francs que le parc public. Un ménage pauvre sur trois est aujourd'hui logé dans le parc locatif privé, contre un sur cinq au début des années quatre-vingt.
Ces quelques données statistiques montrent, à l'évidence, que le parc public ne suffit plus à répondre aux besoins et aux attentes des ménages les plus modestes ni, en conséquence, à assumer seul sa mission de service public.
Sans doute convient-il alors de réorienter la politique du logement social vers une meilleure prise en compte du rôle social des propriétaires bailleurs. A titre d'exemple, la mobilisation de l'épargne privée, pour financer une nouvelle filière de logements locatifs à vocation sociale, qui viendrait compléter l'offre locative sociale des HLM, pourrait trouver sa place dans ce nouveau contexte, marqué à la fois par le recul de la construction des HLM et par les futurs besoins de construction qui naîtront de l'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains dans les communes.
Un autre domaine est préoccupant : il s'agit du logement des personnes les plus démunies. Pour 2001, les moyens sont en baisse et illustrent la fragilité de l'action publique en ce domaine.
Cette diminution, à laquelle il convient d'ajouter l'évolution négative des programmes de réalisation de logements sociaux, est d'autant plus préoccupante que les « mal-logés » sont toujours aussi nombreux.
L'application de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, dont l'un des objets, à travers la mise en oeuvre d'un droit au logement, était de faire en sorte que le logement devienne une réalité pour la partie la plus vulnérable de la population, se traduit - il faut le dire - par un bilan mitigé.
S'il n'existe pas d'évaluation nationale exhaustive du nombre de personnes privées de domicile, le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées estime néanmoins qu'une population de 730 000 personnes se trouve sans perspective d'accès à court terme à un habitat autonome. A celles-là s'ajoutent les quelque 300 000 ménages en situation d'impayé de loyer, soit un million de personnes, dont 350 000 enfants, dont les perspectives de maintien dans le logement apparaissent alors précaires. Cette situation est extrêmement préoccupante.
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les politiques successives menées en faveur des populations défavorisées ont permis l'émergence d'un parc d'hébergement d'urgence et de logements d'insertion. Il n'en reste pas moins que cette offre est actuellement bien inférieure à la demande.
Augmenter l'offre de logements sociaux notoirement insuffisants dans certains bassins d'habitat, tel était l'un des objectifs prioritaires du budget pour 2000 et de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Malheureusement, tous les ans, et maintenant depuis trois ans, nous constatons que la construction locative est en panne.
Vous nous expliquez, monsieur le secrétaire d'Etat, que les collectivités locales sont réticentes à s'investir dans le financement de telles opérations et que le mouvement HLM est démobilisé. Mais le gel des loyers, la pression sur les prix et l'augmentation des taux d'intérêt ne facilitent pas le bouclage des plans de financement.
Vous nous expliquez le bien-fondé des dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Mais, chacun le sait, elles ne concernent que les zones urbaines, et nous ne sommes pas convaincus de leur efficacité pour accroître le parc de logements sociaux.
Comme en 2000, le projet de budget pour 2001 n'apporte pas les correctifs nécessaires pour relancer le logement social. Le redémarrage de la construction locative sociale ne pourra intervenir que si l'incitation est jugée suffisante par les bailleurs sociaux, et à condition également que le Gouvernement réoriente la politique du logement social vers une meilleure prise en compte du rôle social des propriétaires bailleurs.
Compte tenu de ces observations, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même ne pourrons pas voter le budget du logement pour 2001. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jacques Valade.)