SEANCE DU 1ER DECEMBRE 2000
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les
transports, la sécurité routière et les routes.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a
décidé l'expérimentation d'une nouvelle procédure destinée, pour reprendre les
termes mêmes du président de la commission des finances, à rendre notre débat
plus interactif, plus vivant et plus animé.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement, d'abord, aux
deux rapporteurs spéciaux, puis aux deux rapporteurs pour avis, enfin à chaque
orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de
discussion.
De même, lorsque les orateurs des groupes seront appelés à intervenir, pour
cinq minutes maximum, et j'y veillerai, le ministre répondra immédiatement à
chacun d'entre eux dans la limite de trois minutes avec la possibilité d'une
brève répartie de deux minutes pour chaque auteur de question.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le ministre est
désavantagé !
M. le président.
Vous y gagnerez puisque vous répondrez à chaque groupe.
Cette règle étant rappelée, je souhaite, monsieur le ministre, que nous
essayons de tenir les débats dans des limites raisonnables.
Je me permets en effet de rappeler que, demain matin, le Sénat doit examiner
les crédits du ministère de la jeunesse et des sports, ce qui exigera deux
heures et demie de débat. La séance de demain matin doit donc commencer à dix
heures au plus tard, ce qui implique que nous en terminions cette nuit à une
heure.
L'exercice que nous allons inaugurer aujourd'hui est particulièrement
difficile. Je le répète, c'est une démarche expérimentale que nous devons à
l'initiative de la commission des finances, de son président et de son
rapporteur général.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, si j'ai
souhaité prendre la parole, c'est pour apporter mon soutien à la présidence
dans l'application de la règle à laquelle nous avons, monsieur le ministre,
vous et nous, souscrite.
L'accord du Gouvernement sur ces modalités modernisées de discussion
budgétaire a, en effet, été solennellement donné par le ministre chargé des
relations avec le Parlement lors de la conférence des présidents, et votre
cabinet a été informé de ces modalités. Chaque groupe, mes chers collègues, a
été également informé, et les rapporteurs spéciaux l'ont été par mes soins.
Il s'agit d'une démarche expérimentale, qui va montrer combien le Sénat est à
la pointe de la modernisation de la discussion budgétaire.
M. Jean-François Le Grand.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
A vous, mes chers collègues,
d'apporter la preuve qu'une telle modernisation est tout à fait possible, qu'un
budget débattu sous cette forme devient beaucoup plus intéressant à la fois
pour les parlementaires et pour nos concitoyens.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous préciser que, non seulement, vous
n'y perdez pas une once de temps de parole, mais vous en gagnez puisque vous
pourrez répondre à tous les orateurs.
M. Jean-François Le Grand.
C'est ça qui le gêne !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous attendons de vous beaucoup
de concision. Nous sommes confiants mais, je vous en supplie, monsieur le
ministre, mes chers collègues, faisons en sorte que cette modernisation soit
une réussite.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Les règles étant rappelées, je vais m'efforcer de les faire respecter !
Je donne donc d'abord la parole à M. Cazalet, rapporteur spécial.
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial de la commission des finances du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation, pour les transports.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en introduction de cette
présentation, je souhaite vous préciser que l'analyse du budget des transports
terrestres est rendue cette année délicate en raison de trois éléments.
Tout d'abord, les crédits du fonds pour l'investissement des transports
terrestres et des voies navigables, le FITTVN, sont réintégrés dans le
budget.
Ensuite, les crédits destinés aux routes, aux transports terrestres, aux voies
navigables et au transport aérien sont fusionnés au sein d'un même fascicule «
transports ».
Enfin, les agrégats sont définis non plus en fonction du mode de transport,
mais du « service rendu », dans l'esprit des schémas de service.
Globalement, les moyens de paiement demandés pour les transports terrestres en
2001 atteignent 48,4 milliards de francs. Ce budget diminue donc de 4,6 % par
rapport aux crédits votés en 2000. En revanche, les autorisations de programme
progressent de 25 %.
Ces montants n'ont qu'une signification limitée, car il faudra tenir compte
des modalités de clôture du FITTVN.
En effet, ce fonds sera supprimé en 2001. Créé, sur l'initiative du Sénat, par
la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de
1995, il devait assurer le développement de nouvelles infrastructures dans
notre pays.
L'an dernier, je regrettais qu'il ait été détourné de son objet pour compenser
les défaillances du budget des transports terrestres et je souhaitais que son
fonctionnement soit amélioré. Le choix a été fait de le supprimer, ce qui
permet d'affecter au budget général des taxes dynamiques, particulièrement la
taxe d'aménagement du territoire.
A l'Assemblée nationale, malgré les vives inquiétudes des députés,
particulièrement dans la majorité, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à
l'industrie, n'a pas donné de garanties quant à un report intégral des crédits
de paiements.
Vous nous avez dit en commission, monsieur le ministre, que vous aviez
l'assurance que les crédits de paiement du FITTVN seraient reportés sur le
budget en 2001. Pourriez-vous nous le confirmer aujourd'hui et préciser si la
répartition de ces crédits, entre les transports terrestres et les routes,
correspondra à ce qu'elle était précédemment ?
Quoi qu'il en soit, je tiens à exprimer de vifs regrets sur deux points.
Tout d'abord, je déplore l'opacité des conditions de suppression du fonds : le
Parlement est invité à adopter une loi de finances dont on lui dit qu'elle ne
correspondra pas à la réalité.
Ensuite, force m'est de dénoncer une perte de ressources définitive pour les
investissements en matière de transport. Chaque année, le FITTVN enregistrait
des recettes et des reports de crédits. L'an prochain, les transports
bénéficieront des crédits du budget général et, si vous nous le confirmez, des
reports de crédits, mais ils ne bénéficieront plus de recettes affectées.
Par ailleurs, je note que, cette année, les anciens agrégats sectoriels sont
remplacés par des agrégats transversaux dont la signification est limitée.
Par exemple, l'agrégat « modernisation et développement des réseaux
d'infrastructures » est presque exclusivement constitué de la contribution aux
charges d'infrastructures ferroviaires et au désendettement de la SNCF : il
s'agit donc, en fait, d'un agrégat ferroviaire.
L'intermodalité est plus qu'une question de présentation. Au-delà de cet effet
d'affichage, pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, le montant des
investissements que vous comptez réaliser en 2001 en faveur de l'intermodalité
et nous indiquer leur part dans l'ensemble des investissements ferroviaires
?
M. Jean-François Le Grand.
C'est une bonne question !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Les autres aussi !
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
En outre, les contrats de plan signés entre l'Etat et
les régions pour la période 2000-2006 prévoient la mise en oeuvre d'un
important programme de modernisation du réseau ferroviaire. Au total, les
projets ferroviaires représentent un programme d'investissements de près de 25
milliards de francs, avec une participation de l'Etat de 7,6 milliards de
francs.
Pourriez-vous nous donner des précisions sur les investissements en cause et
nous dire quel sera le taux d'exécution des contrats de plan en matière
ferroviaire et fluviale à la fin de 2001 ?
J'en viens à la situation du secteur ferroviaire.
Les résultats du groupe SNCF ont progressé en 1999, ce dont je me réjouis.
Cependant, la contribution de la SNCF au résultat d'exploitation se dégrade, en
raison de l'augmentation des redevances d'infrastructures et de celle des
charges de personnel. J'avais déjà regretté l'an dernier cet accroissement des
dépenses de fonctionnement.
Concernant les redevances, la SNCF estime qu'elles sont trop élevées, et RFF,
Réseau ferré de France, en a besoin pour assurer son financement. Je souhaite,
monsieur le ministre, que vous nous indiquiez précisément comment vous
envisagez l'évolution des redevances d'infrastructures à moyen terme.
S'agissant du fret, le transport ferroviaire continue de stagner en tonnage
transporté, et le chiffre d'affaires du fret a diminué de 2,3 % en 1999. La
part relative du fret ferroviaire continue donc de baisser au profit de la
route.
En commission, je vous ai déjà posé une question sur le fret. Vous avez alors
fait part de votre optimisme, notamment en raison de l'équipement de la SNCF en
locomotives. Toutefois, seule la réalisation d'infrastructures importantes,
comme l'a souligné la commission d'enquête du Sénat, permettrait de répondre à
cet objectif ambitieux de doublement du fret ferroviaire.
Pouvez-vous nous indiquer le montant des crédits qui seront affectés en 2001
aux investissements de désaturation des noeuds ferroviaires ?
Par ailleurs, je remarque que, selon le programme prévisionnel
d'investissements de RFF, les investissements en infrastructures ferroviaires
diminueront, passant de 11,2 à 10,3 milliards de francs en 2001. Pourriez-vous
nous expliquer pourquoi ?
A titre personnel, je pense que la réduction des investissements ferroviaires
trouve son origine dans le poids de l'endettement du secteur ferroviaire.
Au 31 décembre 1999, l'endettement à long terme de la SNCF s'élevait à 44
milliards de francs, la dette du service annexe d'amortissement de la dette à
59 milliards de francs et la dette de RFF à 150 milliards de francs, soit au
total 253 milliards de francs.
Pour le moment, l'Etat se contente de « stabiliser » la dette. Toutefois, à
l'Assemblée nationale, vous avez parlé de l'affectation d'une partie du produit
des licences UMTS. Devant notre commission, vous avez indiqué qu'un groupe de
travail avait été mis en place au sein du comité des investissements
économiques et sociaux. Pourriez-vous nous préciser vos intentions en ce
domaine ? Quand le groupe de travail doit-il remettre ses conclusions ?
Je souhaite aborder maintenant la régionalisation des services de transports
de voyageurs.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit la
généralisation de la régionalisation au 1er janvier 2002, toutes les régions
devenant des autorités organisatrices pour les transports ferroviaires
régionaux. Cependant, cette réforme présente deux insuffisances majeures : le
peu de fiabilité des comptes de la SNCF, malgré les efforts qu'elle fournit, et
votre choix de limiter la compensation aux régions, en refusant de nombreux
amendements de nos collègues sur le fondement de leur irrecevabilité
financière.
Dans ces conditions, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser vos
intentions concernant la négociation de cette compensation ?
J'évoquerai, pour finir, la réforme du financement des transports en
Ile-de-France et les voies navigables.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit l'entrée
de la région d'Ile-de-France au conseil d'administration du syndicat des
transports parisiens ; cela a été confirmé hier soir.
Par ailleurs, la région contribuera au financement de l'exploitation, pour
environ 1,5 milliard de francs en 2000. En contrepartie, la contribution de
l'Etat est diminuée du même montant.
Le décret du 6 juillet 2000 prévoit des conventions pluriannuelles entre la
RATP, la SNCF et le syndicat des transports parisiens. Il s'agit de
responsabiliser les deux entreprises publiques sur des objectifs de service, de
trafic et de maîtrise des charges.
Je pense que cette réforme va dans le bon sens. Nous en attendons toutefois,
monsieur le ministre, des résultats concrets, notamment en termes de qualité de
service.
Concernant les voies navigables, je ne vous poserai qu'une question :
avez-vous l'intention, notamment dans le cadre des schémas de service, de
donner à ce mode de transport les moyens de son développement ?
M. Jean-François Le Grand.
Bonne question !
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
En conclusion, j'indique que la commission des
finances a émis un avis défavorable quant à l'adoption des crédits de
l'équipement, des transports et du logement pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.
- M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les routes et la sécurité
routière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, cette année, l'analyse du budget des routes est rendue très délicate
en raison de deux éléments : tout d'abord, le budget des routes n'existe plus
formellement en raison de la fusion des crédits destinés aux routes, aux
transports terrestres, aux voies navigables et au transport aérien au sein d'un
même fascicule intitulé « transports » ; ensuite, la réintégration partielle
des crédits du Fonds pour l'investissement des transports terrestres et des
voies navigables, le FITTVN, brouille la lisibilité du budget.
Hors prise en compte des reports de crédits qui devraient intervenir en fin
d'année, les moyens de paiement demandés pour les routes en 2001 atteignent 6,5
milliards de francs, soit une baisse par rapport aux crédits votés en 2000 de
17,7 %. Le mouvement est contrasté entre les crédits à l'entretien du réseau
qui sont en progression pour 2001 et la diminution des moyens destinés au
développement du réseau routier. En revanche, les autorisations de programme
sont en progrès par rapport à 2000.
Je sais, monsieur le ministre, puisque vous l'avez dit devant la commission,
que l'intégralité des crédits de paiement en compte au FITTVN devrait être
reportée, dont 2,5 milliards de francs pour les routes, ce qui remettra à
niveau les dotations. Mais la présentation d'un projet de budget en baisse,
même en tenant compte des reports de crédits sur chacun des chapitres
budgétaires, a pu créer une certaine inquiétude.
La raison de cette inquiétude est née de la suppression du FITTVN, après la
suppression, l'an dernier, du Fonds pour l'aménagement de la région
d'Ile-de-France, le FARIF.
Cette rebudgétisation fait notamment suite aux critiques de la Cour des
comptes et de la mission d'évaluation et de contrôle menée par l'Assemblée
nationale.
Le FITTVN jouait un rôle non négligeable dans le financement routier et
autoroutier. Les programmes spécifiques d'aménagement du Massif central et la
mise aux normes autoroutières de la route nationale 10 dans les Landes ont, par
exemple, été financés sur le FITTVN depuis 1996.
La suppression du FITTVN permettra d'affecter au budget général des taxes
dynamiques, particulièrement la taxe d'aménagement du territoire, qui
alimentaient jusqu'à présent les investissements de transports.
Vous nous avez dit, monsieur le ministre, avoir obtenu que les dotations aux
investissements de votre budget progressent comme la taxe anciennement affectée
au FITTVN. Il sera nécessaire de contrôler le respect de cet engagement sur la
durée.
Mais revenons-en aux grands sujets de cette année, qui connaît la première
mise en oeuvre des nouveaux contrats de plan Etat-régions 2000-2006.
Les engagements du volet routier des contrats de plan Etat-régions du XIe Plan
représentaient, en part Etat, un montant de 27,5 milliards de francs. Ces
engagements ont été exécutés à 81,5 %. Le Gouvernement a décidé d'affecter 33,5
milliards de francs aux volets routiers contractualisés sur la période du XIIe
Plan. Vous nous dites qu'une enveloppe de 4,43 milliards de francs financera la
part de l'Etat dans le budget pour 2001.
Pourriez-vous nous préciser exactement, monsieur le ministre, les priorités de
ces nouveux contrats de Plan ?
Pouvez-vous également nous préciser la coordination entre ces investissements
sur la période 2000-2006 et les projets de schémas de services qui commencent à
être publiés ?
S'agissant du programme routier et autoroutier, les mises en service
progresseront en 2001 du fait de l'achèvement d'opérations en cours. Toutefois,
les mises en chantier sont extrêmement faibles depuis deux ans en raison d'une
sorte d'attente d'un nouveau modèle autoroutier.
L'an dernier, je soulignais combien l'année 2000 était une période de
transition, avec la préparation des nouveaux contrats de plan et l'attente des
résultats de la négociation menée par le gouvernement français avec la
Commission européenne pour obtenir un allongement de la durée des concessions.
Les résultats sont désormais connus, mais ils laissent beaucoup de questions en
suspens pour l'avenir du financement autoroutier.
Pour 2001, une nouvelle ligne est apparue dans le budget des transports
intitulée « Subvention pour la construction d'autoroutes concédées ». Elle
n'est pas dotée, mais devrait être abondée en cours d'année. Elle est, en
quelque sorte, le symbole de la réforme du financement autoroutier. Vous vous
êtes, en effet, engagé dans la voie d'une modification profonde du financement
de notre système autoroutier, en mettant un terme à la procédure de
l'adossement. Votre décision a été confortée par un avis du Conseil d'Etat le
16 septembre 1999.
Par ailleurs, le Gouvernement a déposé un projet de loi qui vise, dans son
article 4, à l'habiliter à prendre des ordonnances pour réformer notre système
autoroutier sur les points suivants : suppression de la garantie de reprise de
passif accordée par l'Etat aux sociétés concessionnaires, réforme des comptes
des sociétés et prorogation des durées des conventions de concessions.
Votre objectif est de prendre appui sur la réforme des sociétés d'autoroutes
pour obtenir de ces sociétés des résultats d'exploitation bénéficiaires
constituant de nouvelles ressources pour l'Etat et permettre, notamment, mais
pas essentiellement, de financer le développement du réseau autoroutier.
Pourtant, les contours de cette réforme sont encore flous.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner des précisions sur les
conséquences de la réforme en cours ? Nous souhaiterions notamment connaître,
d'une part, le montant approximatif des dividendes attendus des sociétés
d'autoroutes pour 2001 et 2002 et, d'autre part, le montant prévisible des
subventions à verser pour les nouvelles concessions, c'est-à-dire la dotation
de la ligne budgétaire laissée en blanc.
Je remarque, monsieur le ministre, que les sociétés d'autoroutes se portent de
mieux en mieux. L'an dernier, votre ministère indiquait que l'endettement
progresserait jusqu'en 2004. Désormais, l'endettement des six principales
sociétés devrait atteindre 143 milliards de francs en 2002, pour diminuer
ensuite régulièrement.
De surcroît, la Commission européenne a fait savoir, par un communiqué de
presse le 4 octobre dernier, qu'elle avait décidé d'autoriser l'allongement de
douze à quinze ans des durées de six concessions. Pourriez-vous, à ce sujet,
nous indiquer les conséquences précises de la prolongation de la durée des
concessions autoroutières sur leur redressement ?
J'en viens maintenant aux dotations à l'entretien du réseau routier national,
qui sont revalorisées pour 2001. Je m'en réjouis, mais, globalement, l'effort
reste faible. La revalorisation porte essentiellement sur les tunnels routiers
alors que de nombreux ouvrages d'art nécessitent des interventions
d'urgence.
Je sais, monsieur le ministre, que vous envisagez un programme pluriannuel
d'entretien, doté des moyens nécessaires à la préservation de notre patrimoine.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce point ?
J'en viens maintenant à mes observations sur la sécurité routière. Les crédits
consacrés à la sécurité routière progresseront de 10,3 % en 2001, pour
s'établir à près de 600 millions de francs.
Les moyens affectés à la communication nationale - presse, relations
publiques, campagnes publicitaires - sont une nouvelle fois renforcés afin de
pouvoir lancer des campagnes nationales importantes.
Comme l'an dernier, je me félicite de l'accent mis, en 2001, sur la sécurité
routière. Je l'estime d'autant plus nécessaire que le retard pris par la France
en la matière est important.
Toutefois, toute politique doit être évaluée. C'est pourquoi je me suis rendu
à la Direction de la sécurité et de la circulation routières afin de me rendre
compte de la politique menée en ce domaine. Les informations obtenues m'amènent
à faire les remarques suivantes.
Tout d'abord, il est indéniable, monsieur le ministre, que vous avez réalisé
d'importants efforts budgétaires en matière de sécurité routière. Ce budget est
devenu prioritaire. Les dotations n'atteignent pas encore les points hauts de
1991-1993, mais elles s'en rapprochent et témoignent donc d'une véritable
priorité gouvernementale.
Votre mobilisation s'explique par le fait que les résultats de la France en
matière de sécurité routière ont été catastrophiques en 1998 : c'est le pays
qui a connu la plus forte hausse du nombre de tués - 6 % - alors même que la
plupart des autres pays européens enregistraient des diminutions.
L'année 1999 a donc été l'occasion d'une prise de conscience des efforts a
accomplir. Le bilan de 1999 est un peu meilleur que celui de 1998, mais il
s'établit tout de même à plus de huit mille tués, trente mille blessés graves
et cent trente-cinq mille blessés légers.
Il m'apparaît donc urgent de procéder à une évaluation de notre politique de
sécurité routière. Or je note que le budget de la sécurité routière souffre de
dysfonctionnements dans l'utilisation de ses crédits.
Ainsi, en 1999, les crédits du chapitre affecté aux dépenses du délégué
interministériel à la sécurité routière n'ont été consommés qu'à hauteur de 60
%. De même, 56 % seulement des dotations du chapitre consacré aux actions
d'incitation ont été consommés. Enfin, 63 % des crédits de paiement des
chapitres de dépenses en capital ont été consommés. Ces difficultés sont dues à
la complexité des actions engagées et aux contraintes administratives qui en
résultent.
Il conviendrait donc que les contraintes administratives soient allégées et
que l'exécution des projets de la sécurité routière fasse l'objet d'un suivi
attentif tout au long de l'année, afin d'éviter des retards très regrettables
dans la mise en oeuvre des campagnes de prévention routière.
Par ailleurs, il est surprenant que votre ministère ne soit pas en mesure de
donner des précisions sur les moyens en personnel et en fonctionnement du
service de la sécurité routière. Celui-ci ne dispose pas de moyens propres et
il n'existe aucun document de synthèse sur ce sujet. En coordination avec les
propositions du dernier comité interministériel de la sécurité routière, je
proposerai donc, en deuxième partie de la loi de finances, qu'un « jaune »
budgétaire retrace l'effort de la nation en faveur de la sécurité routière.
Enfin, je regrette qu'aucune étude d'impact ne soit réalisée sur les actions
menées par la Direction de la sécurité et de la circulation routières. Une
évaluation des campagnes de communication serait pourtant très profitable.
D'une manière générale, le suivi dans le temps de la politique de sécurité
routière semble faible, celle-ci ayant davantage le souci de réagir à
l'actualité.
La politique de sécurité routière ne doit pas être une politique
expérimentale. Elle doit faire l'objet d'un suivi plus attentif, d'une
évaluation de son action et, sans doute, d'une meilleure organisation, tant sur
le plan interne au ministère de l'équipement, des transports et du logement que
sur le plan interministériel.
Le dernier comité interministériel de la sécurité routière du 25 octobre 2000
a proposé une série de dispositions, qui semblent toutefois, pour l'essentiel,
reprendre des dispositifs existants. Par ailleurs, on observe que certains de
nos voisins européens - je pense à la Grande-Bretagne - connaissent de très
bons résultats.
Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, s'il existe une coopération
avec nos voisins européens pour la politique de sécurité routière et ce qu'il a
pu être retiré des exemples de réussite en matière de prévention routière comme
en Grande-Bretagne.
En conclusion, j'aurais souhaité, à titre personnel, l'adoption du budget des
routes et de la sécurité routière, mais je précise que la commission des
finances a demandé au Sénat de rejeter les crédits du budget de l'équipement,
des transports et du logement.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le
budget des transports atteindra, l'an prochain, 51,9 milliards de francs en
moyens d'engagement, contre 50,7 milliards de francs l'an dernier. Les 48,4
milliards de francs que citait M. Cazalet ne concernent que les moyens de
paiement. A cela, il convient d'ajouter les dotations de 12 milliards de francs
à Réseau ferré de France.
Ce budget répond bien aux priorités que s'est données le Gouvernement. Pour
2001, il s'agit précisément de mettre en oeuvre les engagements de l'Etat dans
le cadre des contrats de plan, notamment. A cet égard, monsieur Cazalet, je
vous précise que, compte tenu de la forte relance de l'investissement
ferroviaire, les crédits pour 2001 préparent la montée en puissance des
opérations.
Ce budget tout entier, vous l'avez senti, est tourné vers le rééquilibrage
modal.
A la politique du « tout routier » d'hier, nous opposons un développement
durable, raisonné et complémentaire des différents modes de transport, donc de
l'intermodalité.
Concernant le FITTVN, créé ici même, au Sénat, au cours de la discussion de la
loi d'orientation de 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire,
son objectif était, en fait, de protéger une ressource qui avait tendance, il
est vrai, à se raréfier. Ce dispositif présentait certains avantages, je ne les
ai jamais niés. Il avait cependant aussi ses limites et peut-être même certains
défauts sur lesquels je ne reviendrai pas ; ils ont été notamment soulignés par
la Cour des comptes et par la mission d'évaluation et de contrôle de
l'Assemblée nationale, qui regroupait d'ailleurs des députés de tous les
groupes politiques.
Chacun peut, bien entendu, avoir sa propre opinion sur les avantages et les
inconvénients de ce genre de fonds ou sur ceux de la budgétisation. Nous avons
eu un vrai débat, nourri d'échanges, en commission des finances comme en
commission des affaires économiques. Je pense qu'il convient de regarder vers
l'avenir et de bien intégrer la réelle volonté de l'Etat de tenir les
engagements contractualisés avec les régions.
J'ai obtenu pour cela des engagements interministériels qui, je crois, doivent
être soulignés, ce qui devrait rassurer M. Miquel.
Les dotations pour les investissements dans les transports terrestres
augmenteront au même rythme que tous les produits des taxes autoroutières,
jusqu'à présent affectés au FITTVN. Il s'agit bien d'un engagement et d'un
engagement de progression, sauf à considérer que, demain, il y aura de moins en
moins de monde à circuler sur les autoroutes de France.
Tel est l'engagement pris. Il ne s'agit pas de réduire les moyens qui,
évidemment, vont augmenter, et ce au même rythme que les produits des taxes
autoroutières.
Vous évoquez, monsieur Cazalet, l'opacité des conditions de suppression de ce
fonds. Non ! Ce terme est excessif ; je n'ai pas le sentiment que ce soit le
cas, mais il est vrai que c'est toujours un peu déroutant de changer des
habitudes, d'autant plus que la budgétisation du fonds s'accompagne, cette
année, du remplacement des agrégats sectoriels par des agrégats transversaux,
correspondant d'ailleurs mieux à l'esprit des schémas de services qui ont été
proposés récemment.
Cette présentation devrait permettre de mieux appréhender la priorité donnée à
l'intermodalité dans la politique des transports. J'ai d'ailleurs demandé qu'un
bilan de l'intermodalité et de son financement soit présenté au Parlement à la
mi-2002.
Le projet de budget pour 2001 traduit une augmentation de 10 % des crédits
d'investissement pour les transports ferroviaires et les voies navigables ;
4,482 milliards de francs sont également prévus au titre du désendettement de
la SNCF.
On assiste aujourd'hui à un véritable renouveau du transport ferroviaire. Il
faut le consolider et le renforcer par un programme d'investissements ambitieux
et équilibré. Je pourrais citer des exemples mais, pour respecter les consignes
de M. le président, je me dois de raccourcir mon propos.
(Sourires.)
Concernant la circulation du fret, le Gouvernement a fixé l'objectif d'un
doublement en dix ans. Je peux vous confier que, si son développement se
poursuit au rythme qui est le sien depuis le début de l'année, ce n'est pas en
dix ans qu'il doublera, ce sera en six ans ! Mais il faut lever les obstacles,
notamment faire disparaître les goulets d'étranglement.
(M. Gérard Larcher sourit.)
Je ne développe pas, vous voyez ce que je
veux dire !
L'Etat apportera une contribution de 1,7 milliard de francs d'autorisations de
programme aux investissements ferroviaires en 2001, ce qui représente un
doublement de l'enveloppe par rapport à 1997. Cette dotation sera répartie de
manière équilibrée entre les dépenses pour la grande vitesse et les dépenses
pour la modernisation du réseau classique, dont l'essentiel est désormais prévu
et financé dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.
En ce qui concerne le pourcentage d'exécution des contrats de plan
ferroviaires, les études nécessaires aux opérations contractualisées seront
réalisées pour près de 60 % à la fin 2001.
La baisse des investissements de RFF que vous avez observée est due, monsieur
le rapporteur spécial, à un « creux » entre l'achèvement du TGV Méditerranée et
la montée en puissance du TGV Est-européen. Cette baisse est donc normale et
passagère : les investissements augmenteront au fur et à mesure pour réaliser
le TGV Est, et les autres ! La fixation du niveau des redevances d'usage des
infrastructures ferroviaires est un sujet très complexe, comme vous le relevez,
monsieur Cazalet. Certes, elles constituent simultanément une charge pour la
SNCF et une recette pour RFF. Il convient de se fonder sur un juste
équilibre.
Monsieur Cazalet, lors de la conciliation sur le « paquet ferroviaire », la
semaine dernière, à Bruxelles, nous avons réussi à faire admettre le principe
d'une tarification au coût marginal.
Mais il faut éviter que la question des redevances ne masque le vrai problème
que constitue l'endettement du système ferroviaire. Cette question reste à
régler et nous devons la résoudre le plus vite possible.
J'ai effectivement parlé d'UMTS, monsieur Cazalet. Pourquoi pas ? Mais,
franchement, je prendrai toute solution pourvu qu'elle soit bonne. J'espère que
le groupe de travail constitué au sein du comité d'investissement à caractère
économique et social, le CIES, pourra nous faire des propositions le plus tôt
possible, c'est-à-dire avant la fin de l'année.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur Cazalet, la loi SRU prévoit le transfert,
à compter du 1er janvier 2002, de l'organisation et du financement des services
régionaux de voyageurs aux régions.
La contribution aux services régionaux de voyageurs prévue dans le projet de
budget pour 2001 s'élève à 6,341 milliards de francs et augmente de 300
millions de francs. Cette progression a pour objet de préparer le transfert en
2002 dans des conditions de neutralité financière pour les régions. En effet,
au titre de ce transfert de compétences, la compensation tiendra compte de
l'exploitation des services ferrés, d'un renouvellement plus rapide du matériel
roulant ainsi que d'une compensation pour l'application des tarifs sociaux. La
négociation sur son montant interviendra à l'occasion du projet de loi de
finances pour 2002, sur la base des comptes 2000 qui seront produits par la
SNCF. Si nécessaire - je m'y suis engagé - la loi SRU a prévu de réviser cette
référence. Une participation de l'Etat à un programme d'investissement est
également prévue pour aider les régions à moderniser les gares à vocation
régionale.
A l'instar de la priorité donnée à la modernisation du réseau ferroviaire, la
réhabilitation de la voie d'eau constitue, monsieur Cazalet, un des leviers de
la politique intermodale du transport. Les crédits consacrés à la remise à
niveau et à l'amélioration du réseau des voies navigables, soit 548 millions de
francs, progresseront de 10 % en 2001, soit 60 % de plus par rapport à 1997.
Monsieur Miquel, vous avez insisté sur la route et la sécurité routière. Les
engagements contractualisés et la sécurité des usagers constituent les deux
priorités du budget dans le domaine routier. Ainsi, les programmes
contractualisés, qui portent sur une enveloppe de 87 milliards de francs, dont
33,4 milliards de francs de part de l'Etat, bénéficieront d'une enveloppe de
4,43 milliards de francs, en augmentation de 11,9 % sur celle du budget 2000.
Le taux d'avancement de ces contrats atteindra ainsi 25,1 % fin 2001, ce qui
montre que on est bien dans la phase de réalisation.
Ces crédits permettront de poursuivre l'adaptation du réseau aux besoins de la
politique d'aménagement du territoire.
En réponse à votre question, monsieur Miquel, les volets routiers des nouveaux
contrats de plan comportent trois priorités. Il s'agit, tout d'abord, de la
sécurité routière, dont l'enveloppe passera de 1 milliard de francs à 2
milliards de francs. La sécurité a été l'un des critères de choix des projets
neufs.
Ensuite, des efforts seront faits pour investir dans les agglomérations. Il
m'est apparu nécessaire de réduire les inégalités entre les régions en termes
de service : la répartition adoptée pour le XIIe plan va dans ce sens. La mise
à jour des contrats de plan prévue en 2003, ce qu'on appelle la « clause de
revoyure », sera l'occasion d'apporter les ajustements nécessaires.
Concernant le secteur autoroutier, la réforme du financement des autoroutes
concédées conduit à externaliser les subventions généralement nécessaires pour
assurer la viabilité des nouvelles concesions d'autoroutes. A cet effet, la
nomenclature budgétaire 2001, prévoit, au chapitre 64-44, un nouvel article 90
intitulé : « Subventions pour la construction d'autoroutes concédées ». Cet
article n'est pas doté dans le projet de loi de finances, parce qu'aucune
concession de ce nouveau type n'est encore prête à être financée.
La réforme du secteur autoroutier a été accueillie favorablement à Bruxelles,
après deux ans de négociations. La durée des concessions sera allongée de douze
à quinze ans.
Par ailleurs, les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute, les
SEMCA, seront désormais dotées d'un régime comptable et fiscal de droit commun
qui leur permettra de répondre aux appels d'offres. Le montant des subventions
à verser dans les sept prochaines années pour les projets autoroutiers concédés
devrait être, en moyenne, de 1,9 milliard de francs par an, valeur 1999. Sur la
période 2001-2006, le résultat avant impôt de ces sociétés devrait représenter
2,4 milliards de francs par an.
J'en viens à la sécurité routière. Aujourd'hui, à l'inverse de ce qui
prévalait en 1997 et en 1998, on constate une réduction du nombre des tués sur
la route. A ceux qui me disaient qu'on ne pouvait pas réduire le nombre des
tués, que c'était une fatalité, nous sommes en train d'apporter la
démonstration du contraire.
Les baisses observées en 1999 et en 2000, certes insuffisantes, je suis le
premier à l'admettre, sont toutefois parmi les plus importantes enregistrées
dans tous les pays d'Europe. C'est un élément important à relever.
Les crédits pour la sécurité routière augmentent de 10,3 %. Qu'il faille faire
plus et mieux, j'en suis d'accord avec vous. Il faut prendre toutes les mesures
utiles pour améliorer la sécurité routière.
Enfin, monsieur Miquel, concernant l'Europe, nous sommes intervenus et nous
continuons dans ce sens auprès des instances européennes, afin que nous
parvenions à une meilleure coopération en faveur de la sécurité routière,
notamment en proposant un limiteur de vitesse modulable et en demandant le
lancement d'une campagne contre la conduite en état alcoolique à l'échelle
européenne.
(M. le président de la commission des finances et MM. les rapporteurs spéciaux
applaudissent.)
M. le président.
La parole est à M. Berchet, rapporteur pour avis.
M. Georges Berchet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour les transports terrestres.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, en qualité de rapporteur pour avis de la
commission des affaires économiques, j'aborderai, ici, uniquement les problèmes
d'actualité et les points significatifs, vous renvoyant, pour les données
chiffrées, au rapport écrit.
Le budget des transports terrestres pour 2001 s'inscrit dans une perspective
de rééquilibrage des modes de transport et de développement de l'acheminement
du fret par rail, avec priorité donnée à la sécurité, objectifs dont on ne peut
que se féliciter.
Cependant, ce budget est également caractérisé par la disparition du fonds
d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN,
beaucoup plus préoccupante.
La budgétisation de ce compte d'affectation spéciale laisse planer des
incertitudes sur la pérennité de l'effort public en faveur des grandes
infrastructures. Pouvez-vous nous assurer encore, monsieur le ministre, que le
crédits affectés auparavant à ce fonds seront intégralement transférés dans le
budget avec des destinations analogues et que l'aménagement du territoire ne
s'en trouvera pas pénalisé ?
Le FITTVN, créé en 1995, avait déjà été considérablement détourné de ses
objectifs initiaux, mais sa suppression impose une extrême vigilance quant à
l'effort consenti par l'Etat pour la réalisation et l'amélioration des grandes
infrastructures.
Vous avez fixé comme objectif le doublement du fret d'ici à 2010 et l'on ne
peut que vous féliciter d'une telle orientation, monsieur le ministre. Mais
quels moyens concrets mettrez-vous en oeuvre ?
Actuellement, le rail achemine seulement 20 % du fret, et des investissements
très importants s'imposent pour aller au-delà.
Il convient de noter que, paradoxalement, GEODIS, filiale de la SNCF, est l'un
des plus gros transporteurs routiers d'Europe.
La question du fret amène tout naturellement à évoquer l'existence des
corridors de fret européens, dont deux passent par la France. Leur
développement s'inscrit dans le cadre du futur réseau transeuropéen, qui
nécessite effectivement, monsieur le ministre, une amélioration de
l'interopérabilité.
En ce qui concerne la libéralisation du rail, des exemples étrangers ont mis
en évidence les graves conséquences d'une privatisation trop rapide et mal
contrôlée. D'ailleurs, selon un sondage récent, une majorité de Britanniques -
56 % - sont favorables à une renationalisation de leurs chemins de fer.
Quelles mesures entendez-vous prendre, monsieur le ministre, afin que des
accidents semblables à ceux qui viennent de se produire en Grande-Bretagne ne
surviennent pas en France ?
Durant l'année 2000, le réseau à grande vitesse a vu la poursuite des
programmes d'études et de réalisation des différents TGV, le TGV Méditerranée,
la branche sud du TGV Rhin-Rhône, le projet franco-espagnol Perpignan-Figueras,
la section internationale du projet Lyon-Turin, le TGV Aquitaine et le TGV
Bretagne - Pays de la Loire.
En ce qui concerne le TGV-Est européen, sa première phase vient d'être
engagée. Sa réalisation procurera une nette amélioration de la desserte de
l'est de la France avec des gains de temps importants entre Paris et Reims,
Strasbourg, Metz, Nancy, et par la desserte de Saint-Dizier par rames TGV.
Le conseil régional de Champagne-Ardenne a subordonné sa contribution
financière pour la réalisation du TGV-Est à l'électrification de la ligne
Paris-Bâle, et l'Etat s'est engagé à participer à hauteur de 25 % du coût d'une
électrification phasée.
Le contrat de plan 2000-2006, qui vient d'être signé, consacre une première
tranche de financement de 300 millions de francs à l'électrification de la
section Paris-Troyes. La poursuite de l'électrification jusqu'à Chalindrey et
Vesoul s'impose pour éviter des ruptures de charges et la consommation de fuel
sous ligne électrifiée.
Il convient d'ailleurs d'électrifier la totalité du réseau SNCF. Actuellement,
la moitié du réseau ne l'est toujours pas, ce qui nécessite l'utilisation de
motrices diesel entraînant des nuisances en matière tant de bruit que de
pollution, comme l'illustre le dépôt de la Villette.
De surcroît, la France dispose d'un excédent d'énergie électrique d'origine
nucléaire, actuellement vendue à l'étranger.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il vaudrait mieux, dans l'intérêt
des générations futures, préserver le pétrole, carburant fossile non
renouvelable, pour les recherches et l'exploitation de la pétrochimie ? Nous
lutterions ainsi contre l'effet de serre, auquel la conférence de La Haye a
consacré ses travaux, sans obtenir l'unanimité des participants.
Pour en terminer avec l'électrification, j'évoquerai l'itinéraire
Dijon-Calais, qui permet le transit du fret Transmanche-Méditerranée et
traverse le département de la Haute-Marne. Il s'agit d'un vecteur économique
essentiel irriguant les sites industriels de la vallée de la Marne et la
plate-forme multimodale de Chalindrey.
Cette liaison figure parmi les lignes retenues, monsieur le ministre, dans
votre projet d'amélioration des axes ferroviaires. Toutefois, ne pensez-vous
pas que seule l'électrification de cette liaison apporterait une véritable
modernisation ?
Cela concourrait efficacement au développement du transport de fret par rail,
en parfaite complémentarité, d'ailleurs, avec l'électrification de la ligne
Paris-Bâle, et dans l'esprit même des orientations ministérielles, car diminuer
le volume de fret acheminé par la route, c'est réduire le risque
d'accidents.
J'aborderai en quelques mots le problème préoccupant de l'endettement de la
SNCF et de RFF.
Au 31 décembre 1999, l'endettement de RFF s'élevait à 170 milliards de francs.
Actuellement, l'endettement global du secteur ferroviaire avoisine donc 253
milliards de francs.
La vente des actifs immobiliers transférés en 1997 à RFF était censée
compenser la dette héritée de la SNCF - chacun le sait - mais le rythme annuel
des ventes est lent - on se demande d'ailleurs pourquoi - et les ressources
dégagées ne sont donc pas de nature à réduire de façon substantielle
l'endettement de RFF.
Dans ce contexte, il est légitime de s'interroger, comme le fait d'ailleurs le
Conseil supérieur du service public ferroviaire, sur sa capacité
d'investissement, qui a d'ailleurs nettement baissé en cinq ans.
Le Conseil supérieur du service public ferroviaire recommande la résorption de
la dette de la SNCF et de RFF afin qu'ils disposent d'une capacité
d'autofinancement suffisante. Il préconise la mise en place, par l'Etat, d'un
programme d'aide exceptionnel et pluriannuel.
Monsieur le ministre, quelle suite entendez-vous donner à cette recommandation
et à cette suggestion ?
J'en viens à la RATP.
L'évolution du trafic est globalement positive. Il convient de préciser que
l'exercice 1999 présente un solde positif de 26,6 millions de francs et que les
charges ont baissé de 64,9 millions de francs du fait d'une diminution des
dépenses de fonctionnement.
Le métro, avec ses cent ans, se porte bien. Sans doute mérite-t-il encore
quelques améliorations. Le programme d'investissement prévoit essentiellement
la poursuite ou l'achèvement d'opérations entamées, notamment Météor.
En ce qui concerne les conflits collectifs, la procédure d'alarme sociale qui
anticipe l'événement est désormais bien inscrite dans la politique de dialogue
de l'entreprise avec les syndicats et paraît donner de bons résultats.
Le rapport précise l'évolution, hélas ! positive, du vandalisme et de la
fraude. Les transports collectifs en province sont également traités dans le
rapport.
La commission des affaires économiques et du Plan, dans sa réunion du 15
novembre dernier, a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour
l'adoption des crédits des transports terrestres dans le projet de loi de
finances pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gruillot, rapporteur pour avis.
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour les routes et les voies navigables.
Monsieur le président, monsieur
le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques
s'intéresse de très près à toutes les politiques de transport car elles
conditionnent très largement les performances économiques de notre pays, donc
l'emploi et le niveau de vie de nos concitoyens. Elles sont également le moyen
privilégié pour orienter l'organisation de notre territoire national.
Selon les choix opérés dans le domaine des transports, il est possible, sans
beaucoup de risques d'erreur, de connaître par avance le devenir de telle ou
telle partie de notre pays et le devenir du pays tout entier. Monsieur le
ministre, la commission des affaires économiques du Sénat sait que vous
partagez cette analyse et reconnaît toute votre bonne volonté dans ce
domaine.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Vous le voyez, monsieur le
ministre, c'est pas mal !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
C'est particulièrement vrai, parmi les avis que
j'ai à rapporter ici, pour la sécurité routière.
Dès votre arrivée à la tête de ce grand ministère, constatant que la France
était, en ce domaine, pratiquement la plus mauvaise élève de la classe
européenne, vous avez voulu vous attaquer à ce fléau, et je crois que vous vous
en êtes fait donner les moyens.
Vos budgets ont progressé d'année en année et vous ont permis de mettre en
place une politique qui commence à donner des résultats. Certes, le cheminement
reste difficile et il vous faudra, à ce rythme, un certain nombre d'années pour
rejoindre, en matière de sécurité routière, les meilleurs pays européens.
Pour 2001, les crédits progressent de 10,2 % en moyens de paiement ; on l'a
déjà indiqué.
L'insécurité routière, dans la grande majorité des cas, est due aux mauvais
comportements des conducteurs et à leur incivisme ; c'est ainsi que, dans les
causes reconnues des accidents de la route, viennent en tête la conduite en
état d'ébriété et les excès de vitesse. Mais, monsieur le ministre, la qualité
des infrastructures routières est également pointée parmi les causes d'accident
pour 34 % des cas en ce qui concerne leur conception et pour 24 % des cas
s'agissant de leur entretien. Et là, en matière de routes, votre bonne volonté
et votre bonne humeur ne suffisent plus. Il faut également des crédits,
beaucoup de crédits.
M. Jean-François Le Grand.
C'est vrai !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est moins bien !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Paradoxalement d'ailleurs, plus la situation
économique de la France s'améliore et donc plus les rentrées fiscales
s'amplifient, plus les crédits d'équipements routiers diminuent.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Tout passe en fonctionnement
!
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Bercy est tout-puissant contre le bon sens et la
bonne volonté.
En 1998, on assistait à une stabilisation des dotations en dépenses et en
crédits de paiement - 0,4 % - mais les crédits inscrits au chapitre routier du
FITTVN progressaient, eux, de 14,1 %.
En 1999, les crédits des routes étaient apparus comme « sacrifiés ». Les
investissements sur la voirie nationale étaient réduits de 13 % alors que les
crédits dévolus aux routes dans le FITTVN subissaient une baisse de 13,3 %.
En 2000, la dotation globale aux routes - dépenses ordinaires et crédits de
paiement - diminue de 9,65 %, les dépenses en capital de 13 % et les crédits en
provenance du FITTVN de 4 %.
Pour 2001, dans le projet de budget qui nous intéresse aujourd'hui, les moyens
de paiement que le Gouvernement se propose de consacrer aux routes atteignent
6,5 milliards de francs, soit une réduction de 17 % par rapport aux crédits
pour 200.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ce n'est pas bien !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
La part des routes dans l'ensemble des crédits
affectés aux transports passera de 13 % en 2000 à 11,4 % en 2001.
M. Jean-François Le Grand.
Eh oui !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Le Gouvernement pourra, bien sûr, faire valoir que
les autorisations de programme s'élèvent à 7,9 milliards de francs, en
progression de 6,8 %. Cependant, elles représentent, en tout état de cause, une
part décroissante du budget des transports : 56,4 % en 2000 contre 53,8 % en
2001.
Plus grave, sur un montant de crédits de paiement de 6,5 milliards de francs,
seulement 2,8 milliards iront au développement du réseau routier, somme en
diminution de 38,1 % par rapport à 2000.
Rappelons que le développement du réseau autoroutier est financé sur des
ressources extrabudgétaires : financement privé pour les autoroutes concédées
et FITTVN, jusqu'à présent, pour les autoroutes publiques.
Les chiffres que je viens d'évoquer devant vous, monsieur le ministre, mes
chers collègues, concrétisent le bien-fondé des inquiétudes si souvent
exprimées par notre commission des affaires économiques. Ils résument, d'une
certaine manière, la philosophie du Gouvernement sur le sujet.
Je dirai quelques mots sur les crédits affectés aux voies navigables. Ainsi
qu'on le sait et comme d'habitude, ils sont extrêmement modestes.
Jusqu'à présent, les dotations budgétaires étaient anecdotiques et figuraient
au chapitre 35-41, relatif à l'entretien des voies navigables non confiées à
Voies navigables de France, et au chapitre 44-20, relatif aux interventions
sociales en faveur de la batellerie. Pour 2001, ces chapitres seront dotés
respectivement de 1 million et de 7 millions de francs.
L'essentiel de l'effort en faveur du transport fluvial relevait du FITTVN qui
avait inscrit, par exemple, pour 2000 une dotation de 500 millions de
francs.
En 2001, les crédits du FITTVN seront vraisemblablement réintégrés au budget
général. Ainsi, seront inscrits 550 millions de francs en autorisations de
programme et 165 millions de francs en crédits de paiement.
Je rappellerai, pour mémoire et afin de fixer un peu les idées, que
l'établissement public Voies navigables de France estime le coût annuel de
maintenance du réseau à environ 500 millions de francs et le coût d'une
véritable remise en état de l'existant qui lui est confié, soit quelque 7 000
kilomètres de voies, à une somme comprise entre 7 milliards et 17 milliards de
francs.
Avec si peu de possibilités financières et compte tenu de ce qui apparaît
comme un manque de volonté du Gouvernement de s'intéresser à la voie d'eau,
alors que les besoins augmentent, comment peut-on encore valablement parler
d'une mise en place d'un réseau fluvial à grand gabarit ? Après la disparition
politique de la liaison Rhin-Rhône, au moins pouvait-on espérer voir se
réaliser l'indispensable liaison Seine-Nord, dans un délai correct, et la
liaison Seine-Est. Par défaut, dans ce domaine capital pour l'avenir économique
du pays et son intégration dans l'Europe, nous accumulons des retards
dramatiques.
Monsieur le ministre, s'agissant de la SNCF, vous avez, nous semble-t-il, les
yeux de Rodrigue pour Chimène
(Sourires),
vous mettez en place, à ce
titre, ce qui pourrait s'appeler une politique du chemin de fer. Nous
l'approuvons et nous la soutenons. Cependant, le Gouvernement n'a plus, me
semble-t-il, de politique de la route,...
M. Jean-François Le Grand.
Eh oui !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
... et n'a pas de politique de la voie d'eau.
M. Jean-François Le Grand.
Hélas !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Comment pouvez-vous alors parler de multimodalité ?
La multimodalité, c'est l'utilisation la meilleure possible de tous les moyens
de transports pour servir au mieux les usagers dans le souci permanent des
délais, des coûts, des consommations énergétiques, de notre environnement bien
sûr - et sur ce point, arrêtons d'opposer bêtement développement et respect de
notre environnement - de la sécurité des personnes et des biens, etc.
Il faut non pas jouer un moyen contre l'autre ou inversement, mais conjuguer
intelligemment l'ensemble des moyens de transport.
M. Jean Puech.
Très bien !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
A ce stade de mon exposé, monsieur le ministre, je
voudrais vous dire que vous ne pourrez longtemps encore - et la commission des
affaires économiques partage cette analyse - éviter de conduire un vaste débat
national sur les transports et sur les moyens à mettre en oeuvre.
M. Jean Puech.
Très bien !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Dans ce domaine, nous travaillons pour le siècle
qui s'ouvre devant nous. Arrêtons de raisonner au jour le jour pour faire face
aux urgences. Préparons l'avenir à vingt ans, à trente ans ou à cinquante
ans.
M. Jean-François Le Grand.
Très bien !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Prenons réellement en compte la « donne »
européenne. Par exemple, nos grands ports de la façade atlantique et de la
Manche ont absolument besoin du grand gabarit de Seine-Nord pour être
correctement reliés au reste de l'Europe. Marseille, dont on veut faire, à
juste titre, l'ouverture de l'Europe occidentale sur les pays méditerranéens
doit être irrigué et l'axe Rhin-Rhône est là tout à fait essentiel.
La France a besoin de ce grand débat prospectif, en dehors des clans et des
chapelles. Le Sénat, quant à lui, est prêt à y prendre toute sa place.
Encore faudra-t-il, après la réflexion, conduire l'action et mettre en place
des politiques adaptées et les crédits nécessaires.
Les politiques, nous en avons déjà une expérience, et je veux parler là du
schéma directeur routier national de 1992 : il était très ambitieux et il
prévoyait la mise en place de quelque 3 500 kilomètres d'autoroutes concédées
et de 2 500 kilomètres d'autoroutes hors péage. A ce jour, il est réalisé à
plus de 80 %, et nous portons à votre crédit la volonté de le terminer.
Mais alors, monsieur le ministre, pourquoi refusez-vous aujourd'hui de mettre
en chantier un nouveau schéma directeur qui pourrait prendre le relais de celui
de 1992 ?
Pour les finances, c'est encore plus difficile - vous le savez mieux que
quiconque -, mais des solutions sont possibles. C'est bien pour faire face à ce
type de difficulté et par souci d'efficacité que, après une longue réflexion,
la commission des affaires économiques, à la demande de son président, M. Jean
François-Poncet, et le Sénat tout entier ont créé par voie législative, en
1995, le FITTVN.
Aujourd'hui, le Gouvernement supprime ce fonds - nous venons d'en parler, mais
il faut y insister - pour le noyer dans le budget général. Nous savons que
c'est contre votre volonté puisque, l'année dernière encore - et vous l'avez
réaffirmé tout à l'heure - vous nous disiez tout le bien que vous en pensiez.
C'est donc un changement récent.
La commission des affaires économiques déplore très fortement la disparition
du FITTVN, pour une raison de fond - l'argent va vraisemblablement manquer -
mais aussi pour une raison de forme : quel affront, monsieur le ministre, est
fait là au Sénat et à l'ensemble de la représentation parlementaire avec la
suppression, par une manoeuvre purement technique, de ce qu'une législation
d'origine parlementaire avait créé !
(M. Le Grand applaudit.)
M. le président.
Il vous faut conclure, mon cher collègue.
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Je termine, monsieur le président !
Enfin, je voudrais que vous nous indiquiez ce que deviendront les quatre
milliards de francs qui resteront en solde positif dans le FITTVN à la fin de
cette année, quand ce fonds sera définitivement mort. Que va-t-on en faire ? Et
pourquoi sont-ils encore là, alors qu'ils ont déjà été programmés en dépenses
?
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez répondre clairement à
toutes nos interrogations et lever les incertitudes qui demeurent. Vous
pourriez ainsi calmer certaines de nos appréhensions et, peut-être, laisser
entrevoir cette mise en place d'une grande politique dont la France a besoin et
que nous appelons de tous nos voeux. Nous sommes prêts à y travailler avec
vous.
Mais, aujourd'hui, la commission des affaires économiques ne peut qu'émettre
un avis défavorable à l'adoption des crédits des routes et voies navigables que
vous nous proposez.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. le ministre pour répondre
à MM. les rapporteurs pour avis, permettez-moi de faire une observation : il
est évident que si les rapporteurs pour avis posent beaucoup de questions - je
serais tenté de dire « trop de questions » -,...
Mme Hélène Luc.
Il faudra donner le temps au ministre de répondre !
M. le président.
... M. le ministre se trouve alors, compte tenu du fait que son temps de
réponse est limité, dans une position délicate.
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
M. le président.
Mais je suis sûr que M. le ministre va s'efforcer de rester dans les limites
raisonnables de son temps de réponse !
Mme Hélène Luc.
Il faut quand même lui donner le temps de répondre !
M. le président.
C'est ce que je fais, madame la présidente !
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
MM. les
rapporteurs pour avis ont évoqué à leur tour les conséquences de la
budgétisation du FITTVN. Ayant déjà répondu sur ce point, je me contenterai de
rappeler les assurances que j'ai reçues de Bercy quant à l'intégralité des
reports sur le budget général, et ce dès 2001.
Vous avez raison, monsieur Berchet, de dire que l'objectif de doublement du
fret ferroviaire ne pourra être atteint à moyens constants. Il y aurait, sinon,
une dégradation du service et des tensions sur l'appareil de production,
situation dont se plaignent d'ailleurs déjà les cheminots et les chargeurs. Il
faut donc augmenter ces moyens, ce dont je suis parfaitement conscient.
Les moyens ne se limitent bien sûr pas aux effectifs. Le manque ou
l'obsolescence du matériel roulant constituent un obstacle au développement.
C'est pourquoi, dans le cadre du CIES, dont j'ai parlé tout à l'heure, nous
avons autorisé, avec M. Laurent Fabius, la SNCF a programmer l'acquisition de
620 locomotives, ce qui est énorme.
M. Jean-François Le Grand.
Il faut aussi des rails !
(Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Une première
tranche de ce programme a été lancée à hauteur de 120 locomotives, qui seront
livrées à partir de l'an prochain.
Le développement du fret, comme des autres trafics ferroviaires, nécessite
l'amélioration des infrastructures pour accroître leur capacité, notamment dans
les goulets d'étranglement.
Il est probable qu'un premier service de route roulante - dite « autoroute
ferroviaire » - pourra être expérimenté de manière progressive dès 2002 sur la
ligne existante passant à Modane. Limité tout d'abord à la Maurienne, ce
service pourra être étendu ensuite à l'ouest du massif de la Chartreuse grâce à
la réalisation d'un nouveau franchissement en tunnel de ce massif. Cet ouvrage,
qui constituera une amorce d'un nouvel accès au futur tunnel transalpin,
permettra en outre à moyen terme de délester Chambéry d'une partie du trafic de
fret.
Je pense qu'il faut rappeler que nous avons obtenu tout à fait récemment de
l'Europe qu'elle contribue au financement de ces opérations de désaturation du
réseau. J'en profite pour dire qu'il faut se féliciter de l'accord intervenu
sur la réforme des trois directives communautaires du « paquet ferroviaire »
qui constituent, à mon avis, une avancée. Le droit d'accès sera garanti pour
les entreprises ferroviaires titulaires d'une licence et accessible dans les
conditions d'harmonisation tarifaire et de sécurité pour le trafic de fret
international. Je partage la préoccupation exprimée de ne pas voir le
libéralisme devenir la réalité du secteur ferroviaire dans notre pays. Ce qui
se passe en Grande-Bretagne suscite beaucoup d'inquiétudes de ce point de
vue.
« Comment la France entend-elle maintenir le niveau de sécurité ferroviaire ?
», a demandé M. Berchet.
Je répondrai aussi à M. Gruillot, qui m'a interrogé sur la sécurité des
tunnels. A la suite de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, un diagnostic a
été effectué pour trente-neuf tunnels de plus d'un kilomètre de longueur du
réseau routier français, ainsi que pour des tunnels ferroviaires. Un programme
d'actions, qui peut être chiffré à 2 milliards de francs sur le réseau de
l'Etat, concédé et non concédé, a été décidé. Il devrait s'étaler sur une
période de cinq ans. Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit ainsi 175
millions de francs pour les tunnels non concédés.
Enfin, une instruction technique détaillée définissant les dispositions de
sécurité auxquelles les nouveaux tunnels devront répondre a été diffusée le 25
août dernier. Elle tient compte des recommandations du rapport de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les
moyens nécessaires à mettre en oeuvre pour améliorer la sécurité des tunnels
routiers et ferroviaires.
En ce qui concerne l'électrification de la ligne Paris-Bâle, monsieur Berchet,
j'ai soutenu la réalisation de cette opération dès 1999, avec un engagement sur
une participation financière de l'Etat à hauteur de 25 %. L'importance de
l'investissement conduit toutefois à prévoir une réalisation par étapes de
cette électrification, avec une première phase, entre Gretz et Troyes, qui
représente un coût d'environ 1,2 milliard de francs. Les études d'avant-projet
de cette opération sont sur le point d'être lancées.
La maîtrise de l'endettement du système ferroviaire est une question
essentielle pour l'avenir du secteur dans son ensemble. C'est pourquoi le
Gouvernement s'est attaqué, dès 1997, à cette question. S'agissant de RFF, le
Gouvernement a décidé, je le rappelle, un apport de 37 milliards de francs de
dotations sur la période 1999-2001, afin de consolider la situation financière
de l'établissement.
Bien entendu, il s'agit d'une première étape, et il faut maintenant penser à
l'avenir. Afin de préparer les décisions à prendre, le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie et moi-même avons demandé à un groupe de travail
d'examiner les perspectives financières de RFF et de faire des propositions
pour la pérennité financière de la réforme ferroviaire. Ces travaux sont en
cours. Le Conseil supérieur de service public ferroviaire, qui est chargé par
décret d'établir l'an prochain un bilan de la réforme, aura également
l'occasion de s'exprimer sur la question.
M. Gruillot m'a interrogé sur les ouvertures d'autoroutes concédées au-delà de
2001 : 563 kilomètres d'autoroutes étaient en chantier au 30 juin 2000, 305
kilomètres seront ouverts en 2001 et 148 kilomètres devraient être ouverts en
2002 : ce sont les liaisons Toulouse-Pamiers, Angers-Mortagne et Tulle-Ussel.
Les prévisions pour 2003 sont aujourd'hui de 172 kilomètres.
Je souhaite apporter maintenant une réponse concernant les routes : j'ai
entendu M. Gruillot parler de la baisse de 17 % des investissements routiers.
Lorsque vous citez ce chiffre - j'y insiste - vous ne vous référez qu'aux seuls
moyens de paiement, c'est-à-dire aux crédits de paiement.
Pourtant, les moyens d'engagement - autorisations de programme et dépenses
ordinaires - c'est-à-dire les travaux qui seront réalisés ou lancés, affichent
une augmentation de 6 % en 2001, soit plus que la moyenne de l'ensemble du
budget.
Quant aux moyens de paiement - je l'ai déjà dit et je le redis devant vous
pour que vous en teniez compte - ils seront abondés par le report des crédits
du FITTVN et progresseront de 2,6 %. Par conséquent, ne répétez plus qu'il y a
une baisse sur ce secteur !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mais les gens ne roulent pas sur
les autorisations de programme ! Ils roulent sur des routes ! En tout cas,
c'est ainsi que cela se passe dans mon département !
(Sourires.)
M. Jean-François Le Grand.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Bien entendu !
C'est pour cela qu'il importe de les réaliser ! Ce sont les autorisations de
programme et les dépenses ordinaires qui permettent de réaliser les travaux,
pour que les usagers roulent sur des routes, monsieur le président de la
commission des finances !
S'agissant du programme pour les voies navigables, les 500 millions de francs
du FITTVN inscrits dans le projet de loi de finances en 2000 passeront à 550
millions de francs en 2001, soit une augmentation de 10 %. On ne peut pas dire,
là non plus, qu'il y a régression ou abandon, bien au contraire ! Cela permet
de mettre en oeuvre les engagements du contrat de plan.
Quant au projet Seine-Nord, il est retenu dans la perspective des schémas de
service. Il s'agit non pas d'abandonner les choses, mais de les réaliser dans
de bonnes conditions. Je précise que nous disposons sur ce projet des études
nécessaires qui ont permis au Gouvernement d'inscrire l'objectif d'un
aménagement progressif de la liaison Seine-Nord à grand gabarit dans le projet
de schéma de services de transport de marchandises, qui va être soumis à
consultation régionale.
Mais sans attendre - et c'est ainsi que l'on a réussi à concrétiser notamment
cet objectif -, l'aménagement des extrémités Nord et Sud de la liaison -
Dunkerque Escault et Oise aval - a été programmé de façon à développer le
transport fluvial dans les bassins concernés et à améliorer la desserte
fluviale des ports de Dunkerque, Paris, Rouen et Le Havre. Le projet concerne
donc non pas simplement la liaisonSeine-Nord.
Le choix du fuseau de tracé de la partie centrale sera précisé après la
consultation des régions sur le projet de schéma de services de transport de
marchandises.
A ce propos, monsieur Gruillot, vous dites qu'il faudrait un débat. Mais des
débats, il y en a ! On nous reproche même parfois d'en faire trop dans certains
domaines et de ne pas prendre de décisions assez rapidement. Vous avez
cependant raison : il faut un débat.
Justement, les schémas de services vont être soumis à la Commission nationale
du débat public, et les régions sont d'ores et déjà saisies pour donner leur
avis sur les schémas de services qui traitent des problèmes de tous les
transports, de l'intermodalité, du transport des voyageurs, du transport des
marchandises, d'ici au mois d'avril.
Je crois donc avoir levé tous les problèmes, ce qui devrait vous permettre,
sur toutes les travées de cet hémicycle, de voter tranquillement ce projet de
budget.
M. le président.
Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos
travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept
heures cinquante-cinq.)