SEANCE DU 5 DECEMBRE 2000


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer est un petit budget, puisqu'il s'élève à moins de 2 milliards de francs, son montant fluctue selon les années, tantôt à la hausse, tantôt à la baisse.
Cette année, c'est la baisse. L'année dernière, c'était la hausse. Depuis que je suis rapporteur spécial, je me suis habitué à ce va-et-vient.
En général, la variation du budget de l'aménagement du territoire s'explique par l'évolution du stock de reports relatifs à la prime d'aménagement du territoire, la PAT : si les reports augmentent, on diminue les crédits figurent dans le budget, si les reports diminuent, on majore les crédits du budget.
Ce mouvement est normal et relève, je crois, d'une bonne gestion.
En revanche, ce qui me paraît plus surprenant, c'est que les reports réapparaissent dès que l'on semble commencer à les endiguer.
Cette année, cependant, la baisse des crédits dédiés à la PAT ne représente que les deux tiers de la diminution de votre projet de budget, madame la ministre, et les crédits de paiement du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, diminuent aussi.
En autorisations de programme, les crédits du FNADT inscrits dans votre projet augmentent beaucoup. Mais, comme pour la prime, il faut examiner les crédits du fonds disponibles pour un exercice donné, en tenant compte des reports de l'exercice précédent. Or, si j'en crois les prévisions qui m'ont été communiquées, le stock de crédits reportés a beaucoup diminué durant l'année 2000. Globalement, en autorisations de programme, les crédits disponibles pour le FNADT devraient augmenter d'environ 1 % en 2001.
Mais je m'arrête là s'agissant des chiffres car, globalement, leur évolution est, je crois, peu significative de ce budget. Je vous rappelle à cet égard, mes chers collègues, que, en 1998 et 1999, environ 40 % des crédits que le Parlement a votés n'ont pas été consommés et ont été reportés sur l'exercice suivant.
Ce qui compte, à mes yeux, ce sont les orientations de la politique d'aménagement du territoire, et je voudrais à présent, madame la ministre, vous poser quelques questions et vous prier de réagir à quelques-unes de mes observations, puisque telle semble être la nouvelle règle du jeu.
S'agissant, tout d'abord, du FNADT, j'ai reçu il y a une dizaine de jours la nouvelle circulaire d'emploi des crédits, et je dois vous avouer que j'ai quelque difficulté à en percevoir toute la lisibilité.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer quelles seront les principales différences entre le nouveau régime et l'ancien régime ? Y aura-t-il désormais des critères d'attribution plus précis qu'auparavant ? Les entreprises pourront-elles recevoir des subventions du FNADT ? Comment sera améliorée l'évaluation de l'impact des subventions du fonds, puisque le groupement d'intérêt public prévu par la loi de 1995 n'a pas été mis en place ? Ces questions, bien sûr, ne sont pas exhaustives et toutes les précisions que vous voudrez bien nous donner sur ces sujets seront les bienvenues.
En second lieu, comment s'appliquera votre politique d'aménagement du territoire, notamment dans les agglomérations ? Il est difficile de comprendre comment cette politique s'articule avec les dispositifs traditionnels de coopération intercommunale. Je peux vous assurer que de nombreux élus concernés s'interrogent.
Ainsi, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale - une communauté d'agglomération, une communauté de communes ou une communauté urbaine - se crée, le préfet arrête son périmètre, les communes transfèrent des compétences ; l'établissement public de coopération intercommunale prend le relais, vote les taux de sa fiscalité et perçoit tout naturellement une dotation globale de fonctionnement. A quel niveau de ce processus intervient la politique mise en place en faveur des agglomérations au sens de la loi sur l'aménagement du territoire du 25 juin 1999 ?
Une autre question concerne la réforme des zonages.
L'année dernière, à cette tribune, vous l'aviez annoncée pour l'année 2000. Finalement, deux députés ont été nommés parlementaires en mission puisque, apparemment, les conclusions du rapport Auroux ne suffisaient pas. Où en est-on aujourd'hui ? Dans votre esprit, quels sont les zonages qui doivent et qui peuvent être réformés ?
De nombreux élus se posent des questions récurrentes. Des zones entières de notre territoire ont été écartées de la politique des zonages alors qu'elles sont en grande difficulté. Est-il possible de remédier à ces injustices, qui sont flagrantes dans mon département ?
Je voudrais exprimer maintenant un souhait : serait-il possible de faire réaliser un bilan qualitatif des différents dispositifs dont bénéficient les zones de revitalisation rurale, les ZRR ? Je ne crois pas qu'un tel document existe. Il serait pourtant très utile.
Pour ce qui est des plates-formes d'initiative locale, leurs effets peuvent être mesurés, et, vous le savez, madame la ministre, j'y suis attaché. La création ou le maintien d'emplois marchands dans les zones défavorisées est en effet une condition nécessaire d'une politique d'aménagement du territoire réussie. Le système des prêts remboursables permet par ailleurs à une subvention publique de contribuer à financer plusieurs projets.
Je ferai deux remarques.
Première remarque : en 2000, le FNADT a consacré presque deux fois plus d'argent au nouvel institut des hautes études d'aménagement du territoire qu'à la tête de réseau des plates-formes d'initiative locale, France Initiative Réseau. Sans émettre au sujet de cet institut un jugement aussi sévère que celui qu'a émis le rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée nationale, je ne suis pas sûr que l'ordre de vos priorités soit le bon. Je pense que les plates-formes d'initiative locale mériteraient un peu plus d'attention et d'aides financières.
Seconde remarque : les plates-formes ne peuvent toujours pas bénéficier de l'agrément du ministère du budget lorsqu'elles aident à la reprise d'entreprise. Vous le savez, madame, le Sénat a adopté à plusieurs reprises un amendement remédiant à cette difficulté, mais le Gouvernement ne l'a jamais accepté. Pourquoi cette obstination, cette hostilité, face à une mesure qui me semble simple, très utile et de bon sens ? Pourriez-vous nous dire où en est cette question ?
Avant de conclure, je souhaite évoquer deux autres dossiers.
Le premier concerne la suppression du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, que le Sénat a refusée en supprimant l'article 22 du projet de loi de finances. Il est vrai que le fonds a permis au ministère de l'équipement de débudgétiser certaines dépenses, mais il fallait remédier à ce dysfonctionnement plutôt que de supprimer un instrument dont le statut juridique de compte d'affection spécial permettait de garantir que les crédits allaient bien servir à financer des infrastructures de transport.
Dorénavant, c'est le budget général qui va « empocher » le produit des deux taxes et récupérer au passage les crédits non consommés du fonds. A mon sens, c'est très regrettable, et je souhaite connaître votre sentiment à ce sujet.
Le second dossier que je voudrais évoquer concerne la réforme de la prime d'aménagement du territoire, la PAT, qui est régie par un décret, lequel doit se conformer à des règles communautaires.
Cette affaire concerne, juridiquement, le Gouvernement et ses relations avec la Commission européenne. Mais à aucun moment l'année dernière - j'ai bien relu nos débats sur ce point - vous ne nous avez dit que nos dispositifs d'aides à finalité régionale, dont la PAT et le fonds d'aide à la délocalisation, ne seraient plus conformes au droit communautaire à compter du 1er janvier 2000. Cette omission est grave et je regrette d'autant plus que le nouveau décret ne soit toujours pas publié.
Je m'inquiète aussi pour les entreprises qui sortiront du zonage des aides à finalité régionale. Envisagez-vous, en leur faveur, un dispositif de phasing out, selon l'expression consacrée ?
Madame la ministre, telles sont les principales questions que je voulais vous poser dans le temps très court qui m'est imparti, et je vous remercie par avance de vos réponses.
Mes chers collègues, compte tenu des lacunes constatées et déplorées, je vous invite, au nom de la commission des finances, à rejeter les crédits de l'aménagement du territoire qui sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les crédits de l'« aménagement du territoire » pour 2001 s'élèvent à 1,749 milliard de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, en baisse de 9,8 % par rapport au budget voté pour 2000.
Les autorisations de programme demandées pour 2001 s'élèvent, en revanche, à 1,735 milliard de francs, en hausse de 12,4 % par rapport à la dotation votée en 2000.
Pour résumer, soulignons que le budget prévu pour être dépensé en 2001 au titre de l'aménagement du territoire baissera de près de 10 %. Certes, l'astucieuse présentation budgétaire mélangeant les dépenses ordinaires - c'est-à-dire les crédits de fonctionnement et d'intervention qui seront dépensés au cours de l'année budgétaire considérée - et les autorisations de programme fait apparaître, pour 2001, une augmentation des « moyens d'engagement », selon l'expression de Mme le ministre, de 13,4 % !
Dans ses notes de présentation, le Gouvernement insiste beaucoup sur ce chiffre. Mais ce qui compte avant tout pour un budget soumis à la règle de l'annualité budgétaire, c'est le montant de la dépense autorisée par le Parlement pour l'année visée par le projet de loi de finances.
La baisse importante des crédits de paiement demandés pour 2001 suscite des interrogations.
Madame le ministre, vous faites valoir que cette réduction est liée à une « adaptation mécanique aux conditions d'exécution des programmes d'investissement ».
Lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, j'ai évoqué plusieurs questions.
Les reports de crédits de paiement non consommés en 2000 suffiront-ils aux besoins de paiement des programmes prévus pour 2001 ? Pourquoi ces crédits n'ont-ils pas été consommés ? Les programmes de dépenses étaient-ils surdimensionnés ? Vos réponses à ces questions n'ont pas été, me semble-t-il, d'une totale clarté.
S'agissant du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, deux grands programmes sont en cours de réalisation.
Le premier, appelé Euro Méditerranée, tend à faire de Marseille le port naturel de la Méditerranée pour l'Union européenne. Belle ambition ! L'avancement des travaux s'est accéléré en 1999, nécessitant un budget de près de 360 millions de francs, dont 88 millions de francs fournis par le fonds. De nombreux collègues ont estimé que ce programme était quelque peu en contradiction avec l'abandon du projet de liaison fluviale à grand gabarit Saône-Rhin !
Le second programme vise le réaménagement de l'espace économique lorrain, notamment par la réhabilitation de friches industrielles, ce qui nous paraît tout à fait justifié.
J'en viens à la prime d'aménagement du territoire.
Le 1er mars 2000, la Commission européenne a approuvé une nouvelle carte des aides à finalité régionale couvrant 34 % de la population française, soit six points de moins par rapport à la période précédente ; cela était prévu.
La commission des affaires économiques et du Plan ne peut qu'exprimer à nouveau ses plus vives réserves quant aux conditions d'élaboration de la nouvelle carte des aides à finalité régionale.
Certains départements ruraux se trouvent désormais exclus du zonage et considèrent, à bon droit, cette situation comme un déni de justice.
Au même titre que pour la réforme des fonds structurels européens, notre commission a plusieurs fois émis le souhait que les collectivités territoriales, voire le Sénat lui-même, soient mieux associées à la réforme de la PAT ; il n'en a rien été.
En outre, la sous-consommation chronique des crédits de la PAT montre que la procédure et les critères d'attribution de cette prime étaient, jusqu'à présent, largement inadaptés.
Malgré une amélioration et même si nos propositions ont été écoutées, la réforme adoptée ne résout en rien le problème des très petites entreprises - la « micro-PAT » - dont le rôle, en termes d'aménagement du territoire, est cependant tout à fait essentiel. Est-il si difficile de résoudre le problème ?
S'agissant des schémas de services collectifs, les documents finalisés le 26 octobre dernier sont actuellement l'objet d'une concertation régionale conduite depuis la fin du mois de novembre 2000 et cela jusqu'au 15 avril 2001, durant laquelle le Gouvernement recueillera l'avis des conférences régionales de l'aménagement et du développement du territoire puis des conseils régionaux.
Avant le 30 mai 2001, les projets de documents seront examinés par le Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire, le CNADT, et par les délégations parlementaires à l'aménagement et au développement durable du territoire.
Les schémas seront ensuite transmis au Conseil d'Etat en vue de leur approbation par décret attendue avant le 15 juillet 2001. Que cela est long et complexe !
S'agissant des fonds structurels européens, chacun sait que la nouvelle carte a été adoptée par la Commission européenne le 7 mars 2000. Elle diffère profondément de la carte des objectifs 2 et 5 b du zonage précédent. Les zones éligibles aux anciens objectifs 5 b et 2 se trouvent réduites dans des proportions approchant un tiers ! De nouveaux territoires apparaissent dans le cadre du nouvel objectif 2 : il s'agit des quartiers urbains en difficulté, des secteurs touchés par la reconversion des industries de l'armement, mais également des zones rurales.
Les zones qui ont disparu du nouveau zonage se situent notamment dans les régions de l'Ouest. Un soutien provisoire leur a été consenti : le phasing out.
M. le président. Monsieur Pépin, je suis obligé de vous rappeler que la règle fixée par la conférence des présidents limite à cinq minutes le temps de parole dont disposent les rapporteurs pour avis. Je vous demande, par conséquent, de bien vouloir conclure.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis. Bon ! Je ne dirai donc pas dans le détail ce que j'aurais voulu dire pour justifier l'avis de la commission des affaires économiques et du Plan !
Constatant que trop d'incertitudes demeurent, que les crédits du budget général baissent de 10 %, ceux du FNADT de 13,3 % et de la PAT de 28,5 %, je vous propose, mes chers collègues, de repousser les crédits ceux de l'aménagement du territoire inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001.
M. le président. Je vous remercie, monsieur Pépin.
Pardonnez-moi d'avoir été un peu directif, mais je suis ici pour faire respecter la règle fixée par la conférence des présidents.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
- Groupe du Rassemblement pour la République, 25 minutes ;
- Groupe socialiste, 19 minutes ;
- Groupe de l'Union centriste, 13 minutes;
- Groupe des Républicains et Indépendants, 11 minutes ;
- Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes ;
- Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs de groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu pour vingt minutes au maximum.
Vous voyez que le temps de parole de chacun est encadré de la façon très stricte.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'année dernière, lors de la discussion du budget de l'aménagement du territoire, je vous avais alertée, madame la ministre, sur les vives inquiétudes ressenties par le département de la Lozère, à la suite de son exclusion des zones bénéficiant de la prime d'aménagement du territoire.
A l'époque, je vous avais demandé quelles étaient les mesures compensatoires que vous comptiez mettre en place pour le monde rural, particulièrement pour la montagne. J'avais cru comprendre dans votre réponse que vous n'étiez pas insensible à ces problèmes et que vous étiez prête à étudier des mesures particulières. Malheureusement, cette année, nous avons attendu en vain, puisque aucune disposition n'est venue compenser cette exclusion ni apaiser nos craintes.
Par conséquent, je souhaite aujourd'hui évoquer à nouveau cette situation d'autant plus pénalisante que la référence à la PAT est omniprésente et indispensable pour pouvoir bénéficier de l'octroi des aides des régions et des départements. Nous nous trouvons donc doublement pénalisés.
Comme je l'ai dit lors des travaux de commission, l'exclusion de la Lozère du zonage PAT est un véritable « déni de justice ». C'est même tellement inacceptable que l'ensemble des élus du sud du Massif central ont encore récemment soutenu l'action conduite par les élus lozériens, en s'associant à l'appel que nous avions lancé à M. le Premier ministre.
Il vient de nous être précisé que le Gouvernement avait pris conscience des conséquences du nouveau zonage pour ces territoires et qu'il négocierait, avec la Commission européenne et les ministères, la mise en place de dispositifs d'aides aux entreprises abondés par les fonds structurels de l'objectif 2 et permettant de maintenir des outils indispensables au développement local. Peut-être pourrez-vous nous donner quelques informations à ce sujet, madame la ministre ?
Alors que notre département fait preuve de dynamisme, crée de l'emploi et voit sa population augmenter pour la première fois depuis plus d'un siècle, c'est compromettre gravement son avenir que de le tenir à l'écart de cette mesure d'aménagement du territoire dont il a encore tant besoin.
Cette décision injuste et tout à fait inadmissible est fondée sur des critères incompréhensibles à l'échelle de notre département, je pense tout particulièrement au critère de la population. Augmenter sa population de 1 % sur 70 000 habitants n'a pas, vous en conviendrez, grande signification et méritait sans doute d'être mieux analysé.
Pourtant, les résultats que nous avons obtenus en Lozère, département rural et montagnard s'il en est, prouvent que l'aménagement du territoire a un sens et porte ses fruits. Nous avons en effet su tirer profit des aides passées pour créer de l'activité et donner à la Lozère un élan économique novateur.
L'INSEE vient d'annoncer que le rural avait de l'avenir. Mais qu'en sera-t-il de la Lozère si elle ne peut plus bénéficier des taux d'aides liés à la PAT ?
Nous sommes évidemment très inquiets quant aux conséquences désastreuses de cette décision d'exclusion et au danger qu'elle fait courir à notre département.
C'est, à terme, une compétition déloyale qui va s'instaurer entre départements voisins, entre ceux qui sont éligibles à la PAT et ceux qui ne le sont plus. Mais c'est surtout un handicap terrible pour notre développement.
Nous redoutons même des délocalisations d'entreprises puisque nous ne pouvons leur offrir les mêmes avantages que les départements voisins, plus attractifs au regard des aides.
Aujourd'hui plus que jamais, alors que nos territoires préservés ont leur raison d'être - accueillant de nouveaux arrivants actifs qui créent de l'emploi, qui font preuve d'initiative, qui manifestent une volonté forte de vivre et de travailler au pays -, il n'est nullement exagéré de dire que cette exclusion menace notre avenir même.
Si le rural commence à relever la tête, il a encore besoin de soutien pour conforter la dynamique qui a été enclenchée, car il ne peut pas jouer à armes égales avec d'autres territoires déjà plus favorisés.
Face aux difficultés croissantes que nous rencontrons pour faire valoir nos préoccupations, voire simplement pour nous faire entendre, dans un environnement tant national qu'européen qui tend à se focaliser sur les seules problématiques urbaines, il est indispensable de donner toutes les chances à chaque territoire, les zones peu denses ayant droit, comme les autres, à une attention particulière des pouvoirs publics.
En effet, les territoires ruraux en difficulté continuent à pâtir d'une forte marginalisation, l'exclusion de la PAT étant le dernier coup qui nous a été porté ; et j'espère bien que ce sera vraiment le dernier !
Il faut donc que ces territoires soient reconnus comme territoires spécifiques, sur les plans tant économique, social et culturel qu'environnemental, dont les handicaps requièrent au titre de la solidarité nationale une compensation légitime, mais dont les atouts justifient aussi pleinement qu'on leur laisse les moyens d'avoir de réelles perspectives d'avenir.
Cela est possible, mais encore faut-il en avoir la volonté. La politique d'aménagement du territoire n'a de sens que si elle corrige - et même combat - la logique aveugle du marché, qui favorise le développement des activités dans les zones à forte densité de population, négligeant par là même les territoires ruraux, relégués au rang d'espaces de respiration ou d'« aménités récréatives », comme j'ai pu le lire dans l'un de vos rapports.
Vous en conviendrez, cantonner les départements ruraux à cette seule vocation est fortement réducteur. C'est une vue simpliste de leur place dans la société de demain - une place qu'ils veulent cependant pleinement occuper -, qui ne correspond en rien aux aspirations de nos populations.
Si j'ai beaucoup insisté sur le cas de la Lozère, madame la ministre, c'est parce qu'à travers cet exemple transparaît une conception de la politique d'aménagement du territoire à laquelle je ne peux adhérer.
Nous défendons tous l'égalité des chances pour tous les citoyens. L'application de ce principe ne doit pas s'arrêter au seuil de nos territoires ruraux, qui méritent eux aussi d'être pris en considération et ont un grand besoin d'équité et de justice. (Vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Nicolas About. Ça, c'est du solide !
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera forcément très brève, compte tenu d'un temps de parole strictement limité.
Je veux d'abord m'associer aux propos de M. le rapporteur spécial concernant France Initiative Réseau, une organisation que je connais bien puisqu'elle a, dans l'Aisne, une importante plate-forme. Ce genre de structure me paraît réellement de nature à favoriser l'éclosion des petites entreprises, sous réserve toutefois que ceux qui s'y consacrent ne se soucient pas seulement de suivre des modes, comme c'est malheureusement trop souvent le cas, mais croient profondément à l'utilité de ce qu'ils font.
En tout cas, votre ministère serait bien avisé de les soutenir davantage.
Cela étant dit, l'essentiel de mon intervention portera sur le troisième aéroport.
Madame le ministre, s'il y a quelque chose qui structure le territoire, ce sont bien les infrastructures de transports. Je ne peux, dès lors, que m'étonner de l'extraordinaire « dissonance harmonisée » qui, depuis quelques semaines, entoure ce dossier.
Un site avait été choisi, dans la région Centre. Ce choix était certes celui d'un gouvernement précédent, mais ce n'est pas parce qu'une décision émane d'un autre gouvernement, soutenu par une autre majorité, qu'elle est forcément mauvaise ! Or, depuis quelque temps, on nous explique que le troisième aéroport sera finalement implanté à l'est de Paris, option qui a donc été remise au goût du jour alors qu'elle avait été éliminée. Mais tout cela se fait dans un flou tel que l'affolement des populations est actuellement à son maximum.
Je commence même à me demander s'il n'y a pas, de la part de certains - qui prétendent d'ailleurs avoir leurs entrées dans votre ministère ou à Matignon -, derrière ces bruits que l'on répand partout, des spéculations foncières à la baisse.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Grave accusation...
M. Paul Girod. J'aimerais savoir, madame le ministre, quelle est votre opinion sur ce troisième aéroport, et pourquoi le site de Beauvilliers a été abandonné. Qu'est-ce qui justifie ce changement de direction ?
J'aimerais également savoir pourquoi on laisse planer cette incertitude extrêmement dommageable pour la paix publique dans les départements de l'Aisne, de la Marne et de la Haute-Marne !
Par ailleurs, madame le ministre, que pensez-vous des raisons pour lesquelles on limite - et cela de manière totalement artificielle - l'évolution de la plate-forme de Roissy à 55 millions de passagers ? Cette notion est d'ailleurs complètement vide de sens, car ce qui compte, c'est le nombre de mouvements et la quantité de décibels que doivent supporter les riverains. En réalité, les raisons pour lesquelles cette plate-forme est dévaluée tiennent exclusivement, paraît-il, au fait que n'ont pas été respectées un certain nombre de règles d'urbanisme.
Madame le ministre, le cafouillage des autorités gouvernementales sur ce dossier est tellement nocif que je me permets, à l'occasion de ce débat sur l'aménagement du territoire, de vous interroger sur ce point. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de budget de l'aménagement du territoire, comme celui de l'an dernier, ne retrace qu'une partie de l'effort que l'Etat accomplit en la matière, la politique menée par le ministère des transports, celui de l'intérieur ou, de façon générale, la politique d'équipement civil participant également à cette intervention publique.
Je n'aborderai que succinctement les données chiffrées du présent projet de budget, l'essentiel étant de voir dans quelle mesure ces crédits contribuent à la poursuite des orientations de la politique menée par le gouvernement de la gauche plurielle.
Outre les crédits de fonctionnement de la DATAR, les crédits d'intervention publique et les crédits d'équipement méritent évidemment une attention particulière.
L'évolution la plus sensible du budget concerne la progression de la part des crédits consacrés aux contrats de plan Etat-région, démarche pleinement inscrite dans le processus issu de l'adoption de la loi d'orientation.
On notera ainsi que les crédits d'intervention publique doivent leur progression à la montée en charge de la contractualisation, tandis que les crédits d'équipement, s'ils connaissent une pause en matière de crédits de paiement, sont marqués par une progression globale des autorisations de programme.
Le caractère relativement imprécis des crédits ouverts illustre cependant, de notre point de vue, l'une des limites de la politique d'aménagement du territoire, celle qui tient précisément à son caractère contractuel, en ce sens que l'intervention de l'Etat est clairement liée à l'engagement correspondant des collectivités territoriales.
Pour autant, force est de constater que, au-delà des difficultés que soulève le montage de tel ou tel projet structurant, les engagements pour 2001 du ministère se situent clairement dans le droit-fil des choix opérés par ce gouvernement en matière d'aménagement du territoire et de contractualisation.
A cet égard, les choix d'aménagement du territoire formulés par le Gouvernement à l'issue de l'adoption de la loi d'orientation se traduisent par des décisions qui ne font pas nécessairement l'unanimité mais qui témoignent, à notre sens, d'une nouvelle approche.
Il en est ainsi de la question, qui n'est toujours pas complètement résolue, de la mise en place de fonds régionaux de développement venant se substituer, dans les grandes lignes, aux principes qui présidaient précédemment à l'attribution des aides de la PAT et du FNADT, principes qui ont trop longtemps placé la politique d'aménagement du territoire à la remorque de mesures ciblées de dépense fiscale d'un montant autrement plus important que celui des crédits distribués par la DATAR.
Il n'en demeure pas moins que nous nous devons de réfléchir à la portée de ces dispositions, notamment lorsqu'on garde à l'esprit que le FNADT est venu, à l'époque de la loi Pasqua, se substituer aux divers fonds d'aide aux régions en difficulté, en particulier du fait des reconversions industrielles.
Cette politique régionale doit d'ailleurs, selon nous, être examinée en prenant en compte les effets de la politique structurelle communautaire, dont on sait qu'elle a été reprofilée et qu'elle présente l'incroyable particularité de souffrir d'une sous-consommation des crédits ouverts.
Cela signifie que la problématique qui nous occupait à l'origine n'est manifestement pas isolée.
Si nous devions d'ailleurs donner un relief particulier à ce débat, ce serait bien pour dire qu'un effort doit encore être accompli, maintenant que nous disposons des outils et des procédures indispensables à la concertation au plus près des besoins du pays et du terrain, dans la transparence de l'instruction des aides financières.
Il conviendrait, par exemple, d'accorder la PAT aux entreprises de moins de vingt salariés et de subventionner ainsi le petit commerce et l'artisanat, activités particulièrement créatrices d'emplois et structurantes de l'espace rural.
Une meilleure consommation de ces crédits est possible si l'on augmente le taux de participation au bénéfice des collectivités les moins riches qui, faute de moyens, ne peuvent mener à bien les projets d'aménagement qu'elles souhaitent pourtant pouvoir conduire.
Il y va, nous semble-t-il, de la cohérence de la politique d'aménagement du territoire dans notre pays, de son efficacité, de la manière dont elle peut contribuer, à l'instar de l'ensemble de la politique gouvernementale, à conforter la croissance et à nous éviter, en matière de partage des fruits de la croissance, d'ajouter à l'inégalité sociale l'inégalité territoriale, déjà creusée par des années de destructuration de nos régions, pendant lesquelles furent menées des politiques restrictives.
J'ajouterai quelques mots sur les neuf schémas de services collectifs, dont la délégation du Sénat à l'aménagement du territoire vient de prendre connaissance.
Ils se présentent comme une délicate synthèse de la programmation pour les vingt années à venir et de la somme des contrats de plan Etat-région en cours.
Je prendrai pour exemple le schéma des services collectifs sanitaires, qui donne la vision la plus avancée dans la mesure où il a été élaboré plus tôt, au sein des agences régionales de l'hospitalisation, et a donné lieu à une certaine concertation locale.
Ces schémas sont élaborés par les services de l'Etat et financés par l'argent public. Aussi ne faudrait-il jamais perdre de vue qu'ils doivent d'abord servir l'intérêt public et le service public.
Evitons donc des situations comme celle de Dinan, en Côtes-d'Armor, où nous manifestions samedi dernier contre la suppression de la chirurgie à l'hôpital public, au profit de la clinique privée locale.
Nous attendons, enfin, une véritable amélioration des mécanismes de péréquation, qui contribuerait à un véritable aménagement du territoire. Cela suppose une grande réforme des finances locales, et nous regrettons que la « loi Chevènement » ait consacré une France à trois vitesses : celle à 175 francs, celle à 250 francs et celle à 500 francs de DGF par habitant.
Si cela coûte aussi peu cher de vivre en milieu rural, il me paraît urgent d'inciter vivement les projets à s'y développer et les populations à s'y déplacer, d'autant qu'un habitant de communauté urbaine coûterait trois fois plus cher.
Nous avons cependant espoir dans l'évolution et l'amélioration de la politique d'aménagement du territoire, grâce aux projets de loi à venir. C'est pourquoi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront les crédits de l'aménagement du territoire pour 2001.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette année, le Parlement examine les crédits de l'aménagement du territoire alors que la plupart des grandes réformes législatives dans ce domaine sont achevées : loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, loi d'orientation agricole, loi relative à la coopération intercommunale et, tout récemment, loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Parallèlement à l'adoption de ces grandes lois, une nouvelle génération de contrats de plan Etat-région a vu le jour et les zonages ont été redéfinis.
Ce socle législatif, réglementaire et contractuel est au service des trois ojectifs prioritiares de la majorité : l'emploi, la solidarité et le développement durable. Il s'appuie aussi sur une nouvelle façon de concevoir l'action publique : davantage de concertation ; davantage de dialogue ; davantage de place donnée aux initiatives locales dès lors qu'elles sont structurantes et porteuses d'un projet de développement.
Pour illustrer mon propos, je prendrai quelques exemples : la systématisation du recours à l'enquête publique pour l'élaboration des documents d'urbanisme ; la procédure d'adoption des schémas de services collectifs fondée sur un échange entre l'Etat et les régions, dans le respect des prérogatives du Parlement au travers de ses délégations à l'aménagement du territoire ; ou encore la promotion de ces nouveaux territoires de projets que sont les pays et les agglomérations.
Il faut donc, madame la ministre, que le Gouvernement assure maintenant la mise en oeuvre de ces lois. Or le Parlement ne cesse de constater la difficulté de cette seconde étape, quelles que soient, d'ailleurs, les majorités.
Sur le plan budgétaire, le Gouvernement propose une nouvelle doctrine d'emploi du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire en vue, notamment, de renforcer la section locale libre d'emploi et de soutenir les projets intercommunaux. Le texte réglementaire qui supporte cette réforme est, me semble-t-il, à la signature du Premier ministre ; nous attendons sa publication. Je me félicite néanmoins que la priorité soit donnée à la contractualisation et au financement des projets territoriaux dans les crédits du fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire.
La publication des décrets de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire ne va pas à grand rythme. Quatre décrets ont été publiés : deux sont relatifs aux instances consultatives de l'aménagement du territoire - le Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire, le CNADT, et les conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire, les CRADT - le troisième concerne les pays et le quatrième a trait aux schémas de services collectifs. Deux décrets très attendus n'ont pas encore été publiés : l'un porte sur les agglomérations et l'autre sur les services publics. J'espère qu'ils le seront très prochainement ; nous y serons très attentifs.
Lors des débats sur cette loi, les sénateurs socialistes ont été particulièrement présents sur les dispositions traitant des services publics.
Nous avons été à l'origine de deux dispositions, à nos yeux importantes, pour assurer le maillage du territoire en termes de services publics. Nous avons tout d'abord prévu que, dans les zones urbaines sensibles et dans les zones de revitalisation rurale, l'Etat rembourse aux collectivités locales tout ou partie des rémunérations et des charges liées à la mise à disposition de locaux ou de personnels, en vue de favoriser le développement des maisons de services publics ou lorsqu'une collectivité territoriale apporte par convention son concours au fonctionnement d'un service public. Pourriez-vous, nous indiquer, madame la ministre, comment le Gouvernement entend donner corps à cette mesure, et sur quels crédits budgétaires ?
Nous avions aussi prévu la mise en oeuvre d'une étude d'impact dès lors que dans les zones sensibles est envisagée la suppression de services publics. Là encore, nous attendons de connaître les modalités d'application de cette mesure.
De plus en plus, les services publics ont un effet structurant sur les territoires, tout autant que les infrastructures ou la qualification de la main-d'oeuvre. Certes, notre société est encore une société industrielle, mais elle devient une société de services ; les services publics en font partie.
L'Union européenne reconnaît progressivement le caractère structurant des services d'intérêt général. L'article 16 du traité place ces services parmi les valeurs communes de l'Union et confirme leur rôle dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale. Le Conseil de Lisbonne qui s'est tenu au mois de mars dernier a conforté cette place et a mandaté la Commission européenne pour rénover sa communication de 1996 sur les services d'intérêt général. Dans sa récente communication, la Commission a reconnu le principe d'adaptabilité des services d'intérêt général. Il s'agit d'un élément important et tout à fait positif qui, dans l'avenir, devrait permettre l'enrichissement de ces services en fonction des évolutions technologiques. J'espère que le sommet de Nice sera l'occasion de formuler des propositions encore plus concrètes.
Les services publics se doivent être innovants, dans leur contenu, mais aussi dans leur organisation. La LOADT a défini un mode d'organisation intéressant au travers des maisons de services publics : en un point, l'usager peut avoir accès à plusieurs types d'informations et de services. Il serait intéressant, madame la ministre, que votre ministère, par nature coordonnateur, puisse centraliser en son sein les expériences actuellement menées et ainsi en dresser le bilan. En effet, à ce jour, nous avons beaucoup de difficulté à faire le point sur des initiatives qui sont prises en ce domaine.
Enfin, s'agissant du schéma des services collectifs de l'information et de la communication, son enjeu est fondamental : il y va de l'accès aux savoirs et à l'information sur tous les points du territoire.
Le projet de schéma fixe des perspectives à dix ans. Certaines sont intéressantes. Il est prévu qu'avec l'aide de l'Etat les petites et moyennes entreprises puissent échanger des informations et des biens via des « ruches numériques ». Des « extranets » régionaux regrouperont tous les acteurs privés et publics d'importance : services déconcentrés de l'Etat, collectivités locales, offices du tourisme...
L'objectif est de faire en sorte qu'en 2010 tout le monde ait accès au réseau à haut débit. Cet objectif est, sans conteste, un moyen d'éviter la fracture territoriale numérique.
Mais sa mise en oeuvre est plus délicate : toutes les technologies ne sont pas accessibles en tout point du territoire ; leur coût diffère ; les opérateurs vont refuser de desservir des zones non rentables. J'aimerais, madame la ministre, que vous m'indiquiez comment, concrètement, nous pouvons atteindre cet objectif.
Durant mon intervention, j'ai peu parlé chiffres.
L'importance de ce ministère ne s'évalue pas au volume de ses dotations. Elles sont modestes : 2,4 milliards de francs en moyens d'engagement, soit tout de même une augmentation de 13 % ; 1,8 milliard de francs en crédits de paiement, soit une réduction de 10 %. Cette baisse répond à un souci de transparence et de bonne gestion de l'argent public, que la majorité sénatoriale devrait saluer. Pour ma part, j'en prends acte. Les autorisations de programme engagent l'avenir ; elles augmentent. Les crédits de paiement devraient suivre cette tendance l'année prochaine.
Ces remarques étant faites, le groupe socialiste votera les crédits de l'aménagement du territoire, au service d'une politique de développement durable et solidaire du territoire, que nous approuvons totalement. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, créé en 1995, représente en gros les trois quarts du budget de la DATAR. Cette enveloppe globale, on le sait, diminuera de 5 % en 2001. Et, à l'intérieur même de cette enveloppe, la part consacrée aux investissements - il s'agit du titre VI - régresse elle-même, puisqu'elle passe de 942 millions de francs à 777 millions de francs, soit une diminution de 18 %.
Il y a donc, déjà amorcée en 2000 et confirmée en 2001, une ferme volonté de basculer les crédits du titre VI au titre IV, qui regroupe toutes les interventions de votre ministère, madame la ministre, en faveur soit des contrats de plan, soit des opérations décidées par le CIADT, soit encore de la section locale du FNADT, à la disposition des préfets.
Ce choix politique que vous avez plusieurs fois exposé et qui marque un tournant de la politique d'aménagement du territoire a sa logique. Cependant, pour réussir, il suppose une cohérence dans l'action, une adhésion claire de l'administration d'Etat et l'adaptation des textes qui réglementent le fonctionnement des finances des collectivités, lesquels ne paraissent pas tout à fait adaptés à la situation. Il importe que le Gouvernement développe la politique des pays qui a été définie par l'article 22 de votre loi de 1999, madame la ministre, et qu'il aide les syndicats de communes créés à cet effet à bâtir leurs projets.
Je me permettrai de formuler sur cette politique un certain nombre d'observations pratiques, qui peuvent, me semble-t-il, intéresser votre ministère et singulièrement vous-même.
En premier lieu, j'observe que cette politique paraît encore mal comprise dans les administrations locales. Les services déconcentrés de l'Etat ont une faible connaissance de ces procédures, qu'ils n'ont pour la plupart jamais pratiquées. Habitués aux montages financiers classiques à partir de crédits le plus souvent issus de ressources des collectivités territoriales, leurs responsables ne sont pas préparés au concept global d'aménagement de l'espace. Le cloisonnement même de ces services, historiquement reliés à leurs administrations parisiennes et coiffés par des ministères traditionnellement soucieux de leurs prérogatives, ne favorise pas un travail en commun au niveau local, surtout lorsqu'on sait combien cette approche réductrice de l'action est amplifiée localement par la multiplication des missions locales, elles-mêmes préoccupées essentiellement par le développement de leurs propres responsabilités techniques, également réductrices.
Sans doute une réponse vient-elle à l'esprit : il appartient aux préfets de faire passer cette politique nouvelle dans les faits et d'assurer la coordination de l'action gouvernementale.
Malheureusement, madame la ministre, le préfet, comme le roi, est nu. Les mille responsabilités qui l'accablent, toutes issues des exigences de l'actualité, lui interdisent pratiquement d'accorder à cette politique nouvelle l'intérêt qu'elle mérite. Certains s'y intéressent, mais d'une façon très personnelle et volontariste, et ont tendance à intervenir directement. D'autres s'en méfient : ils y voient une « sous-jacence » de la politique et cherchent simplement à peser le poids du notable local qui doit conduire telle opération. Enfin, d'autres s'en désintéressent et s'en écartent. Je ne crois pas que l'on puisse touver là une réponse aux problèmes de ces administrations traditionnelles, qui n'ont pas été formées à cette perspective.
Ma deuxième observation, madame la ministre, concerne la loi du 25 juin 1999, qui me paraît particulièrement compliquée. La double procédure, soumise chaque fois à la double expertise des départements et des régions et sanctionnée par deux arrêtés préfectoraux, est assez rébarbative pour des associations ou des élus locaux qui hésitent devant ces formules nouvelles, lesquelles génèrent, comme ils disent, des « paperasses » et les embarrassent. Nous ne sommes pas ici dans le monde assez spécialisé des cabinets minitériels et des administrations centrales.
Les élus ruraux ou « rurbains » évoluent dans des milieux souvent très traditionnels et, surtout, ils disposent d'une administration modeste, peu familiarisée avec les arabesques procédurales.
Cette course d'obstacles qu'ils découvrent progressivement risque de décourager nombre de ceux qui sont instinctivement proches de cette expérience. J'en connais même qui étaient tentés par l'aventure et qui songent à y renoncer.
Ma troisième observation porte sur cette ingénierie locale que votre budget compte soutenir par priorité, aussi bien dans la phase de préfiguration que dans celle de contractualisation des pays.
Financièrement, le soutien de la DATAR, aussi généreux soit-il, n'assure pas la totalité du montant des prestations ou des crédits engagés. Quelle que soit la part complémentaire apportée par la région ou le département, voire par d'autres financements, il restera toujours 20 % d'autofinancement à trouver par le maître d'ouvrage local : un malheureux décret de décembre 1999 a en effet réglementé durement le régime des subventions en interdisant les cumuls au-delà de 80 %. Cette règle était déjà pratiquée dans les faits, mais des dérogations existaient. Personne n'avait éprouvé, jusqu'alors, le besoin de l'inscrire dans la loi.
A l'heure où la politique contractuelle de l'Etat s'affirme, pourquoi certains ont-ils éprouvé le besoin de durcir le dispositif ? La reconcentration, madame la ministre, le jacobinisme rampant des administrations avancent souvent à pas feutrés ; nous en avons là un discret exemple.
Les pays comme les associations auront des difficultés à autofinancer les études et les équipes qui les portent. Il manque aujourd'hui à cette expérience nouvelle, impulsée à Paris, un relais local, qui reste à trouver et qui portera l'étude à la place des structures intercommunales, afin d'assurer l'autofinancement actuellement non garanti.
Ma dernière observation porte sur l'étrange divergence des textes qui régissent ces matières.
Par définition, un pays « fait faire ». Il porte des projets organisés autour d'une ambition : la charte de développement. Il met en oeuvre cette charte grâce à des maîtres d'ouvrage multiples et très différents. Il ne gère pas lui-même, sauf à se transformer en étage supplémentaire de l'administration locale, ce dont personne ne veut. Le pays doit donc répartir ses moyens entre toutes les collectivités, les établissements publics et les associations qui ont adhéré à ces objectifs. Ce système fonctionne d'ailleurs depuis des années dans bien des collectivités.
Mais l'administration des finances veille. Elle s'inquiète de cette politique nouvelle des contrats, dont on commence localement à comprendre qu'elle peut se développer.
C'est ainsi que, dans une inspiration inédite, un paléontologiste du règlement a redécouvert récemment un décret-loi Daladier de 1938 ! Ce texte de circonstance - nous étions alors à la veille de la guerre - interdit à un bénéficiaire de subventions de redistribuer ces ressources venues du ministère à d'autres collectivités ou associations, sauf autorisation expresse du contrôle d'Etat du ministère. Pour compléter le dispositif, on appelle à la rescousse un décret de 1962. Tout risque d'être subitement bloqué.
Aujourd'hui, les spécialistes locaux qui avaient découvert cette procédure s'emploient à contourner ce texte inattendu après qu'ils l'ont eux-mêmes réinventé ! N'est-ce pas une illustration très courtelinesque d'une administration qui n'en demande pas tant ?
Pour éviter la même mésaventure au texte Chevènement, il a fallu, au Sénat, introduire un amendement en catastrophe - c'est l'article 17 - en espérant qu'il ne donnera pas lieu à de nouvelles controverses lors de son application.
Ainsi vont les grands desseins, madame la ministre, dans ce pays où, paraît-il, nous avons toujours la meilleure administration du monde...
Sans doute ce propos, assez spécialisé, s'éloigne-t-il des grands débats d'idées que nous aimons tant les uns et les autres. Mais tous ceux qui gèrent les finances locales savent bien que le diable est dans les détails. Pardonnez-moi d'avoir émaillé le débat de cette litanie de détails.
Je vous suggère cependant, madame la ministre, en conclusion de ce propos, de convier votre administration à convaincre celle des finances, dont je sais la souveraine solitude, que tout gouvernement doit avoir une intendance qui suit et que la vôtre, fût-elle très dynamique, ne peut pas échapper à cette règle. (Applaudissements sur les travées RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. J'approuve les conclusions de nos deux rapporteurs, nos collègues Roger Besse et Jean Pépin, tout en ne méconnaissant pas, madame la ministre, les contraintes d'ordre national et international qui sont les vôtres.
Mon intervention ne concernera qu'un aspect de la politique d'aménagement du territoire, qui n'apparaît pas dans votre présentation budgétaire : il s'agit du rôle déterminant que peut et doit jouer la voie navigable.
Deux exemples illustrent le fossé qui existe entre les intentions que vous exprimez à cet égard et les conclusions qu'il conviendrait d'en tirer.
Premier exemple : l'un des programmes territoriaux dont le financement est prévu par le fonds national d'aménagement et de développement du territoire tend à faire de Marseille le port naturel de la Méditerranée pour l'Union européenne. La logique voudrait que cette vocation entraîne le prolongement de la voie d'eau rhodanienne par la liaison avec le bassin rhénan.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel. Deuxième exemple : l'un des cinq choix multimodaux retenus dans le schéma des services collectifs de transport met l'accent sur le bon fonctionnement des grands corridors de transport internationaux, et notamment l'axe Allemagne-Lyon-Marseille. On est en droit d'espérer, à ce propos, que la multimodalité ne se limite pas au rail et à la route sur cet axe.
La voie d'eau, surtout dans une Europe qui s'élargit vers l'Est, correspond à une nécessité économique, géopolitique et écologique. Ce sont les pays les plus soucieux de l'environnement qui investissent le plus dans le transport fluvial. C'est la voie d'eau qui permet d'insérer l'espace français au sein de l'espace européen. C'est la voie d'eau qui permettrait de désengorger les couloirs rhénan et rhodanien.
M. Jean-Paul Emorine. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Le problème du coût de la liaison Rhin-Rhône, qui représente le tiers de l'effort consenti par l'Etat sur les 35 heures, à titre de comparaison - et qui avait trouvé sa solution dans la loi de février 1995, ne doit pas être considéré comme un obstacle. Je ne puis, à cet égard, que regretter - avec le rapporteur spécial, M. Roger Besse, que les instruments financiers créés aient été laissés en déshérence, voire supprimés, s'agissant du fonds d'investissement des transports.
Puissiez-vous, madame la ministre, réintégrer la voie d'eau dans vos orientations de la politique d'aménagement du territoire et considérer qu'une France ouverte sur l'Europe, moderne et respectueuse de l'environnement doit accepter la plurimodalité sans exclusive aucune. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la ministre, vous nous proposez de « relever le défi du développement durable ». Faut-il voir une tentative d'humour dans un terme aussi peu approprié ? En effet, les budgets successifs semblent jouer au yo-yo : après une hausse de 7,1 % en 2000, on note une baisse de 10 % cette année. De surcroît, le budget pour 2001 foisonne de nouvelles structures : AFII, UHEDAT, MIIAT... Quelle orientation ces sigles ponctuent-ils, madame la ministre ?
Je m'inquiète de l'avenir des services publics en milieu rural. En effet, le moratoire sur les fermetures des services publics en zones rurales, décidé en mai 1993, a été levé en décembre 1998. Cela a, hélas ! été confirmé en juillet 2000 par un circulaire du Premier ministre. Vous sacrifiez l'avenir des zones rurales, alors qu'une majorité de nos concitoyens souhaitent vivre dans une petite commune.
Comment une population qui a un haut niveau de formation et qui veut transférer son lieu de travail loin des grandes agglomérations, loin de leur pollution et de leur insécurité, et grâce aux nouvelles techniques de télécommunication, pourra-t-elle s'installer dans un environnement à l'écart des services publics ? Vous gâchez là une chance de revitalisation de ces zones.
Le premier objectif de l'aménagement du territoire est d'organiser l'égalité des chances sur l'ensemble de tous les territoires de la République. La prime d'aménagement du territoire en est un des instruments. Mon intervention sera donc axée principalement sur ce dispositif.
Le 24 février 1998, la Commission européenne a considéré que le système d'aides composites accordées aux entreprises était inadapté aux exigences européennes.
La nouvelle carte de la PAT a été approuvée en mars 2000 par la Commission. Notre rapporteur signale que le nouveau décret relatif à la PAT serait actuellement devant le Conseil d'Etat. Madame la ministre, pouvez-vous nous donner le contour de ce décret ? Il n'est pas acceptable que le Parlement soit laissé à l'écart de cette réforme essentielle pour nos concitoyens qui vivent en zones rurales. Puisque vous ne nous informez pas spontanément, madame la ministre, je vous poserai quelques questions.
Envisagez-vous une réforme de l'exonération de la taxe professionnelle et dans quel délais ? Peut-on envisager des critères d'attribution de la PAT plus justes, évitant la sous-consommation chronique ? Que comptez-vous faire pour les entreprises hors zones PAT mais en zones non industrialisées ? Une révision des zonages serait prévue en 2003. Pouvez-vous en donner, en primeur, quelques éléments ?
Le Gouvernement a montré qu'il abandonnait les zones rurales en délaissant les dispositifs traditionnels et en n'informant guère le Parlement quant à la mise à disposition d'instruments nouveaux. Pour ces motifs, qui sont lourds, la majorité des membres du groupe du RDSE ne votera pas ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Votre projet de budget, madame la ministre, s'inscrit dans la logique de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, promulguée le 25 juin 1999. Avec la publication des textes d'application et l'approbation des schémas de services collectifs, la politique d'aménagement du territoire sera encore plus opérationnelle en 2001.
Ce projet de budget annonce une hausse très importante des autorisations de programme, puisque celles-ci progressent de 13,4 %. Cependant, il convient de remarquer - et de déplorer - la baisse de 9,8 % des crédits de paiement, due, pour l'essentiel, aux retards de consommation liés à l'irrégularité des arrivées des dossiers de projets.
Je note aussi avec satisfaction la progression de 14 % de la dotation du Fonds national d'aménagement et développement du territoire afin de contribuer efficacement au financement des contrats de plan Etat-Région. Cette augmentation manifeste bien la volonté du Gouvernement de privilégier les territoires porteurs de projets.
Outil majeur pour la création d'emplois et le développement économique de certaines zones prioritaires, la prime d'aménagement du territoire verra les crédits qui lui sont destinés portés à 400 millions de francs en autorisations de programme ; mais les crédits de paiement diminuent du fait, là aussi, d'importants reports. Il serait opportun de réfléchir aux moyens d'améliorer le taux d'exécution des autorisations budgétaires.
Parallèlement à l'instauration de la nouvelle génération de fonds structurels pour la période 2000-2006, une révision de la carte des aides à finalité régionale a été arrêtée par la Commission européenne pour tous les Etats membres.
Cette nouvelle carte PAT suscite quelques inquiétudes chez un grand nombre d'élus, dont je suis. En effet, le zonage retenu en Limousin ne prend pas en compte certains territoires qui, pourtant, y auraient largement leur place. C'est ainsi que la carte PAT « industrie » écarte l'arrondissement de Limoges de l'éligibilité à cette aide, alors qu'il regroupe près de 80 % de la population du département.
Limoges et son agglomération jouent un rôle moteur pour toute la région Limousin. Or, depuis dix ans, elles ont été durement touchées économiquement : restructurations militaires, délocalisations du textile, difficultés du secteur porcelainier et fermeture du site Pechiney.
La situation est aggravée par la non-éligibilité à l'objectif 2 d'un nombre important de communes, au-delà même de l'agglomération.
Il faut rappeler que l'arrondissement de Limoges, hors Limoges, est territoire de développement prioritaire. Soulignons que, dans le régime jusque-là en vigueur, la non-éligibilité à la PAT « industrie » limitait fortement l'effet d'autres aides à l'investissement en faveur de ce secteur. Si ces règles devaient être maintenues en l'état, ces territoires verraient se réduire gravement la portée des politiques de soutien au développement économique.
C'est pourquoi, afin d'appuyer la continuité des efforts engagés, il est primordial de mettre en place des dérogations pour soutenir les projets économiques importants.
Par ailleurs, j'aimerais souligner ici quelques difficultés de coordination des politiques en matière d'aménagement du territoire.
La présence de commerces de proximité en zone rurale contribue, pour une large part, à limiter la désertification de nos campagnes. Par exemple, les élus des petites communes rurales comprennent difficilement qu'une réglementation tatillonne empêche la création de bureaux de tabac. J'ai d'ailleurs eu l'occasion d'attirer l'attention de votre collègue chargée du budget sur ce problème. Chacun sait qu'un multiple rural fidélisera plus facilement sa clientèle s'il peut bénéficier d'une licence de vente de tabac. Je sais, madame la ministre, que cette question ne relève pas de votre domaine d'intervention. Elle en est proche néanmoins puisqu'elle concerne le maintien des populations en zone rurale. Sur ce point, tout en reconnaissant les efforts que vous déployez et que j'apprécie, je pense que vous conviendrez avec moi qu'il y a encore beaucoup à faire.
Cela étant dit, votre budget, je le répète, madame la ministre, est un bon budget, et je le voterai, bien évidemment, avec l'ensemble du groupe socialiste.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. ... malgré tout !
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, loi Voynet, contrats de plan, recomposition du territoire en agglomérations et pays, schémas de services collectifs, réforme des fonds structurels : autant de nouveaux concepts et outils qui devraient, nous dit-on, donner à notre pays les moyens d'un développement durable.
Comme ce terme consacré par le Gouvernement auquel vous appartenez tend à l'illustrer, l'aménagement du territoire est un investissement à long terme. Aussi doit-il être guidé par une volonté politique claire, ne souffrant ni non-dits ni ambiguïté volontairement entretenue.
A travers la loi qui porte votre nom, vous avez voulu relancer la planification à long terme du territoire, madame la ministre. La loi Pasqua le faisait, mais en rassemblant une vision d'avenir de la France en un seul document.
Vous lui avez substitué des « schémas collectifs » dans neuf secteurs clés. Je ne suis d'ailleurs pas certain que l'abandon du schéma national d'aménagement du territoire ait été la meilleure idée que vous ayez eue ; mais soit ! Nous avons cessé de pleurer sur le lait renversé. La volonté qui existe sur le plan local de prendre en main son destin a été la plus forte. Chacun, acteur public et privé, doit désormais s'approprier ces outils ; encore faut-il qu'ils soient opérationnels !
La parution de ces schémas de services collectifs, autrement dit de ces documents d'orientation au caractère largement prospectif, a été différée à plusieurs reprises. Après l'urgence à ne pas appliquer la loi de 1995, il semble y avoir aujourd'hui urgence à ne pas mettre en musique celle de 1999 : il aura fallu attendre quinze mois pour que paraissent quatre décrets relatifs aux instances de concertation et aux pays.
Les contrats de plan de la troisième génération ont certes été prolongés d'un an pour s'achever en même temps que les programmes des fonds structurels européens ; mais ceux de la quatrième génération ont été discutés puis signés avant que les schémas de service ne soient élaborés, avant que l'on ne connaisse le montant et le mode d'attribution des aides communautaires, avant que ne soient définies les nouvelles règles d'intervention du fonds national d'aménagement et de développement du territoire.
Vous conviendrez que l'on parvient ainsi à un dispositif qui n'est pas cohérent et qui supposera, à l'évidence, que l'on reprenne les contrats de plan l'an prochain pour les mettre en conformité avec les outils qui auront été décrétés par ailleurs. Vous me permettrez de douter que ce soit là la meilleure façon d'avancer.
Avez-vous conscience de ce que vous demandez aux responsables locaux, que nous sommes pour la plupart, madame la ministre ? Aménager le territoire dont nous sommes les élus suppose de prévoir, d'anticiper en connaissant les moyens dont nous disposerons, en sachant quelles sont les priorités du Gouvernement. Il est vrai que ce dernier n'a pas toujours l'air de les connaître lui-même ! J'en veux pour preuve le dossier du troisième aéroport international, sur lequel la clarté tarde à se faire.
Sur ce dossier, nous savons tous que deux versions opposées cohabitent au sein de la majorité plurielle :...
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. C'est toujours moins qu'à droite !
M. Gérard Cornu. ... l'une qui est hostile au projet, lui préférant le développement des infrastructures régionales déjà existantes - c'est votre choix, madame la ministre -, l'autre défendue par votre collègue des transports qui estime que cette troisième plate-forme aéroportuaire est nécessaire pour répondre à l'augmentation du trafic aérien et désengorger Roissy et Orly.
Après des mois de controverses, M. Lionel Jospin a fini par trancher et a pris la décision de principe d'engager la construction d'un troisième aéroport international dans la région parisienne. De cela, au moins, nous ne devrions plus douter.
Mais une autre inconnue demeure : le choix du site. La nouvelle plate-forme sera-t-elle implantée en région Centre, en Picardie ou encore en Champagne-Ardenne ? Personne ne semble pressé de nous donner la réponse, laquelle guiderait pourtant - chacun doit bien s'en rendre compte - nos choix prospectifs en matière d'aménagement durable du territoire, comme vient de l'évoquer précédemment notre collègue M. Paul Girod. Il n'est pourtant pas difficile de comprendre que la décision finale est susceptible de modifier très sensiblement le plan de développement de mon département d'Eure-et-Loir, sur lequel est situé le site d'implantation potentielle de Beauvilliers et où tout projet d'infrastructures est de près ou de loin suspendu.
On nous annonce un site pour 2001, à l'isssue d'un débat public. J'ai la faiblesse de penser que, sur ce dossier comme sur d'autres, le Gouvernement jugera urgent de faire traîner les choses, urgent d'attendre notamment que certaines échéances - et il en est en 2002 qui ne sont pas de la dernière importance, comme vous l'avez tous compris - soient passées. Il en est pourtant de l'aménagement du territoire comme de bien d'autres domaines : le temps perdu ne se rattrape jamais. (Mme le ministre rit.) C'est important ce que je vous dis, madame la ministre, et vous le savez bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Oh oui !
M. Gérard Cornu. Quelle que soit la région finalement retenue, il aurait été plus cohérent d'intégrer l'installation d'un tel équipement dans un plan de développement d'ensemble, en l'occurrence dans le contrat de plan Etat-région pour la période 2000-2006, tout comme il conviendra, le moment venu, d'accompagner l'installation de la plate-forme de mesures nécessaires à la maîtrise des développements. Il faut notamment éviter de répéter les erreurs du passé, celles dont pâtissent précisément les riverains des deux aéroports du bassin parisien en termes de prévention contre les nuisances sonores, de préservation du cadre de vie, etc.
Au lieu de cela, nous sommes condamnés à demeurer dans l'expectative la plus complète pendant encore de longs mois. Le contrat de plan Etat-région ne tient aucun compte de la faisabilité d'un tel projet, et il en est de même de notre projet régional.
Quant au projet territorial de l'Etat en Eure-et-Loir, dont je viens de prendre connaissance, c'est stupéfiant ! Il est mentionné, au chapitre du développement économique, que, « dans l'hypothèse de la création d'un troisième aéroport à Beauvilliers, il importerait de prévoir les infrastructures autoroutières et ferroviaires nécessaires pour permettre des liaisons rapides avec Paris et se mettre en état d'accueillir un chantier de grande ampleur » - effectivement ! « Si cette décision était prise, ce dossier constituerait la priorité essentielle des services de l'Etat » - c'est sûr ! - « qui devraient se réorganiser profondément pour y répondre de manière optimale » - avec cela, on est bien avancé ! « Il conviendrait dans cette optique de rédiger un avenant au projet territorial, voire de le modifier substantiellement » - ainsi, on ne se mouille pas trop !
Que d'énergie et de temps feriez-vous gagner à tout le monde si vous acceptiez de nous dire aujourd'hui ce qu'il en sera demain ! Au lieu de cela, vous nous laissez nous débattre avec nos incertitudes, nos interrogations, vous nous laissez organiser l'avenir de nos territoires, quitte à nous condamner à faire des choix inadaptés, pour des raisons qui ne tiennent qu'à des considérations que j'estime politiciennes. Notre pays mériterait un peu plus de considération.
Vous connaissez, madame la ministre, mon attachement et celui de la Haute Assemblée à la défense du monde rural. C'est même ce point qui stigmatise mon opposition à la politique que vous menez. Voici le quatrième budget que vous nous présentez. Pas plus que les années précédentes, il ne me rassure sur votre capacité à combler une fracture territoriale de plus en plus béante.
A vos yeux, je le sais, tout discours opposant villes et campagnes est simpliste et réducteur. J'ose prétendre ne pas céder à cette tentation un peu trop facile, il est vrai. Elu du monde rural, par le monde rural et pour le monde rural, j'ai simplement à coeur de défendre ce dernier de mon mieux et de contribuer à améliorer son avenir. Or, je suis chaque jour le spectateur désolé et presque désarmé des conséquences des choix et du laisser-faire de ce gouvernement. Ce n'est pas faute de tirer la sonnette d'alarme. Je le fais systématiquement lors de l'examen du projet de budget de votre ministère. Chaque année, je vous transmets la longue plainte tant des élus locaux que des acteurs économiques, ou encore de la population de nos zones rurales. Tous ont besoin, croyez-le bien, de signaux forts. Je pense notamment au nécessaire allégement des circuits administratifs qui, quand ils ne découragent pas, font perdre un temps et une énergie qui pourraient être utilisées à des fins plus immédiatement productives.
A ce propos, madame la ministre, avez-vous travaillé à l'amélioration des procédures d'accès aux fonds structurels et à l'accélération du déblocage des crédits ? Je pense également au maintien des services publics en milieu rural, et à la révision des zonages. La liste pourrait être longue.
En résumé, une fois de plus, le monde rural est le parent pauvre de votre projet de budget : moins de 20 % des crédits d'aménagement du territoire lui sont affectés, alors même que des efforts singuliers auraient été nécessaires pour compenser les effets de la fusion des anciens objectifs 2 et 5 b, laquelle signifie, pour notre pays, une réduction drastique des aides communautaires.
Pour seule réponse, vous nous assénez une baisse de 10 % des moyens de paiement prévus pour 2001. Chacun appréciera et y verra le peu de cas que vous faites de l'avenir de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une politique d'aménagement du territoire ne peut être efficace que si tous les acteurs de terrain oeuvrent dans le même sens. La faiblesse des crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement - d'ailleurs en baisse de 10 % - montre bien, en effet, que ce n'est pas par vous que l'espoir pourra naître pour les territoires fragiles.
Vous l'avez d'ailleurs confirmé d'emblée : votre priorité est l'espace urbain.
Madame, sachez que, si je partage votre souci de soutenir les territoires sensibles des villes, je considère qu'il ne faut cependant pas oublier que les dotations attribuées aux communautés urbaines - 450 francs de dotation globale de fonctionnement par habitant - sont sans commune mesure avec les moyens qui reviennent aux communautés de communes : 175 francs par habitant de dotation globale de fonctionnement !
Plusieurs sénateurs sur les travées de l'Union centriste et du RPR. En moyenne !
M. Philippe Richert. Oui, il faudrait que tous les services, tous les ministères, partagent cette volonté de rééquilibrer le territoire. Malheureusement, ce n'est pas ce que nous constatons de visu.
M. Hilaire Flandre. Ils nous pompent nos sous !
M. Philippe Richert. Je citerai un exemple flagrant : l'attribution des licences UMTS.
Le choix opéré en France pour cette attribution s'est singularisé par rapport à la solution retenue, par exemple, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Il s'est ensuivi un niveau de rentrées fiscales inférieur de près de la moitié chez nous par rapport à ce qui a été enregistré chez nos voisins : 50 milliards d'euros pour l'Allemagne, 38 milliards d'euros pour la Grande-Bretagne et 20 milliards d'euros pour la France !
Hypocritement, le Gouvernement a expliqué, pour ne pas perdre la face, qu'en contrepartie les compagnies seront obligées, en France, de réaliser une meilleure couverture géographique. Je ne sais pas si vous avez discuté avec les responsables de ces compagnies, madame la ministre, mais c'est édifiant !
Nous savons bien qu'il n'en est rien et que cela est faux ! Plusieurs de ces opérateurs ont déjà indiqué que des départements entiers ne les intéressaient pas. Dans d'autres régions - c'est d'ailleurs le cas de la mienne - seules les aires urbaines de plus de 50 000 habitants seront desservies. Une nouvelle fois, les espaces fragiles seront laissés pour compte. Il en est toujours ainsi lorsqu'il s'agit d'équipements ou de services nouveaux, modernes, structurants. Cette fois-ci, ils auront en plus servi de caution sans retour pour justifier un mode d'attribution beaucoup moins rentable que celui qui a été retenu par nos voisins.
Une nouvelle fois, c'est vers les collectivités que se retourneront nos concitoyens. En fait, ce sont elles qui, dans le domaine de l'aménagement du territoire, ont pris l'habitude de suppléer un Etat défaillant. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon propos sera très court, car je souscris, pour l'essentiel, aux exposés très précis et très complets de nos excellents rapporteurs.
L'aménagement du territoire : mythe ou réalité ?
Cette noble intention, dont on parle toujours, peut-elle déboucher sur une réalité ? Derrière la formule, que l'on ressasse depuis des décennies, et alors que l'on n'a jamais atteint l'objectif, que de déceptions, que d'inventaires, que de missions parlementaires, de rapports, de colloques... avec, de temps en temps, des lois, peu ou pas appliquées, voire mises au placard, abandonnées par le gouvernement suivant...
Aménager le territoire, c'est, pour un gouvernement républicain, faire en sorte que l'ensemble du pays soit doté de services et d'activités qui assurent aux citoyens un emploi et une certaine qualité de vie. Hélas, c'est loin d'être le cas !
Pour s'en convaincre, il suffit de constater le déséquilibre désastreux des finances locales. Si les grandes villes et les grandes structures sont largement dotées, il est pénible de constater la pauvreté financière des communes rurales. Les petites communes sont condamnées à la portion congrue - les chiffres sont là pour le prouver.
M. Philippe Nogrix. Bien sûr !
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Jean Huchon. J'ai présidé, jusqu'à ces derniers temps, un syndicat de 65 communes regroupant 100 000 habitants et constituant un pays qui sait depuis longtemps pratiquer la solidarité et faire preuve de dynamisme. Hélas ! le budget de fonctionnement de ce syndicat de 65 communes est de 3 500 francs par habitant. Pour la ville voisine de 50 000 habitants, je signale qu'il est de 9 000 francs. Et plus la ville grandit, plus la somme augmente, pour atteindre des montants vertigineux, six à huit fois plus, dans la région parisienne.
Va-t-on enfin comprendre que le milieu rural existe, que ses habitants sont des citoyens français qui méritent les mêmes égards que leurs compatriotes citadins ?
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Jean Huchon. Depuis des années, on parle de solidarité, de compensation, de péréquation. Ces intentions sont concrétisées de façon tellement légère, je dirai même tellement insignifiante, que les collectivités riches sont de plus en plus riches, et les collectivités pauvres de plus en plus pauvres.
Vous me direz, madame la ministre, que l'intercommunalité est là pour nous permettre d'affronter l'avenir. Hélas ! mon ami Philippe Richert vient de le dire, il suffit de comparer les dotations des communautés d'agglomération et des communautés de communes pour voir la différence !
Il y a là des anomalies et des injustices que nous considérons comme inadmissibles.
Je ferai deux remarques concernant les services.
D'abord, l'amendement « cavalier », voté il y a quelques mois, qui bloque toute nouvelle installation de pharmacie en milieu rural, puisque le seuil de population est porté de 2 000 à 2 500 habitants et que toute dérogation préfectorale est interdite, est un exemple du mépris à l'égard des habitants de nos campagnes. Il me semble curieux que le lobby de la pharmacie, dont on connaît l'éthique, ait trouvé en notre collègue M. Autain un défenseur aussi efficace !
Ma deuxième remarque concerne La Poste. Nous sommes surpris : plus La Poste se mécanise, s'automatise, s'informatise, plus on utilise des voitures et des avions, plus le courrier est distribué tard et plus la levée du soir est précoce ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il y a là un phénomène très surprenant dont nous souhaiterions avoir l'explication.
Madame la ministre, pour toutes ces raisons, suivant nos rapporteurs, je ne voterai pas votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Vous l'aurez constaté, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget de l'aménagement du territoire pour 2001 comporte les moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'une politique volontariste sur une base entièrement rénovée.
Je procéderai, bien sûr, dans quelques instants à la description de ce budget. Je le ferai rapidement puisque vous avez, les uns et les autres, déjà travaillé sur le sujet.
Mais, auparavant, je voudrais consacrer quelques instants à un rapide bilan des deux dernières années, marquées par une réforme en profondeur de l'ensemble des composantes de la politique nationale et communautaire d'aménagement du territoire.
Après la promulgation de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, la LOADDT, le 25 juin 1999, l'année 2000 a été consacrée à l'élaboration des textes réglementaires nécessaires à l'entrée en vigueur effective de la loi.
Cinq décrets d'application de la loi ont été publiés au Journal officiel du 20 septembre dernier. Il s'agit des décrets relatifs au conseil national de l'aménagement et du développement du territoire, les CNADT, aux conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire, les CRADT, aux schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire, les STRADT, qui confèrent une base juridique aux instances de concertation et aux documents d'orientation, ainsi que des décrets relatifs aux pays et au groupement d'intérêt public-environnement.
Vous avez déploré la lenteur de cette démarche, monsieur Cornu, et vous avez eu raison. Mais dois-je vous rappeler que vous aviez demandé avec force, et obtenu, qu'un temps important soit consacré à la concertation avec les instances mises en place dans le domaine de l'aménagement du territoire ?
On ne peut pas à la fois déplorer la lenteur et la présumée irrésolution du Gouvernement, qui prend le temps de la concertation, et la tentation de la recentralisation et de l'autoritarisme quand n'est pas pris le temps nécessaire à cette concertation !
Voilà quelques jours à peine, j'ai été invitée fermement, pour ne pas dire sommée, par certains membres de la délégation parlementaire à l'aménagement du territoire de donner davantage de temps à la concertation sur les projets de schéma de services collectifs. Vous, vous craignez que cela ne prenne trop de temps, alors qu'il m'a été demandé d'attendre après les élections municipales pour finaliser cet important chantier, que vous attendez déjà depuis plus d'un an.
Trois autres décrets sont à la signature des ministres, ceux qui sont relatifs aux chemins ruraux et relevés topographiques, aux services publics - j'y reviendrai - ainsi que celui, très attendu, qui est relatif aux agglomérations.
M. Bellanger m'a interrogée sur ce dernier point. Ce texte est à la signature de vingt ministres depuis pratiquement trois mois. Deux ministères n'ont pas encore apporté leur signature. Je ne les dénoncerai pas... mais il se trouve que le ministère chargé de l'élaboration de ce texte est en retard. Je vais, bien évidemment, le mobiliser à nouveau.
Le décret relatif aux services publics est, vous le savez, en cours d'examen au Conseil d'Etat. C'est un volet essentiel de la LOADDT, sur lequel M. Bellanger et M. Le Cam m'ont interrogée.
Les objectifs de la loi sont de renforcer les modalités de concertation sur les décisions de réorganisation ou de suppression de services que sont susceptibles de prendre les grands organismes publics. Le décret en cours d'examen précise la portée des plans départementaux pluriannuels - au moins triennaux - d'organisation que devront souscrire les organismes publics ne disposant pas de contrats de plan, de contrats de service public ou de cahier des charges approuvé par décret. La liste des organismes concernés est annexée au décret. Le plan prévoit la participation éventuelle à des maisons de services publics.
Il faut rapprocher, à cet égard, la LOADDT de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et, notamment, de sa partie consacrée aux maisons de services publics. Cette loi propose en effet un cadre juridique et oblige à préciser les moyens de fonctionnement, ainsi que les règles de gestion des personnels.
Je peux vous fournir un chiffre : à ce jour, nous pouvons considérer que près de trois cents maisons de services publics sont constituées et que l'adoption des dispositions réglementaires suscitera d'autres initiatives.
Il s'agit, en général, de plates-formes de services publics dans les quartiers en difficulté qui bénéficient de la politique de la ville menée par la délégation interministérielle à la ville dans les zones urbaines sensibles.
A ce propos, monsieur Richert, vous avez prétendu tout à l'heure que j'aurais affirmé vouloir donner la priorité à l'urbain.
M. Philippe Richert. Cela a été dit !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Prouvez ce que vous avancez !
M. Philippe Richert. Sans problème !
Madame la ministre,...
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur Richert, je ne vous ai pas coupé la parole, je vous prie d'en faire autant.
Retrouvez le texte auquel vous songez ! Pour ma part, je suis certaine de n'avoir jamais dit cela. De plus, même si j'avais été tentée de le dire, franchement, il aurait fallu être complètement déraisonnable pour le faire ici ! (Exclamations sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Philippe Richert. Bien sûr, vous ne l'avez pas dit ici !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. J'en reviens à mon propos.
Il s'agit également de points publics en milieu rural et d'espaces ruraux emploi-formation en milieu rural ; il s'agit encore de points accueil-service dans les endroits sans spécificité marquée.
Je voudrais insister aussi sur le partenariat de ces maisons de services publics avec les associations, les collectivités territoriales, les services de l'Etat, les organismes sociaux, les partenaires économiques, établissements et exploitants publics tels que La Poste, EDF-GDF, France Télécom, la SNCF.
Je ne suis pas forcément d'accord avec l'ensemble des démonstrations qu'a faites M. Huchon, mais il est vrai que je partage certaines de ses critiques, notamment en ce qui concerne La Poste. Je pense à la suppression des derniers trains postaux, qui ont été remplacés par des camions. Curieuse politique, décidément, au moment où l'on cherche à unir nos efforts pour lutter contre l'accumulation de gaz à effet de serre !
Le Gouvernement vient, par ailleurs, de définir les grandes orientations des neuf projets de schémas de services collectifs, qu'il soumet à la concertation régionale.
Ces schémas tracent les choix stratégiques de la politique d'aménagement et du développement durable du territoire pour les vingt prochaines années dans les principaux secteurs de l'intervention publique. Ils tendent à répondre aux besoins collectifs réellement exprimés par nos concitoyens
Les territoires sont reconnus avec leur vitalité propre, leurs projets, leurs acteurs politiques, économiques et sociaux.
Le champ de la planification territoriale, traditionnellement réduit à un seul schéma d'infrastructures, est étendu à neuf schémas qui couvrent tous les aspects de la vie économique et sociale : l'enseignement supérieur et la recherche, la culture, la santé, évoqués par M. Le Cam, les transports de voyageurs et de marchandises, l'énergie, les espaces naturels et ruraux, le sport et les nouvelles technologies de l'information et de la communication, sur lesquelles MM. Bellanger et Richert ont eu raison de beaucoup insister. Il faut en effet plaider pour que, en ce qui concerne tant les licences UMTS que les boucles locales radio, les enjeux de l'aménagement du territoire ne soient pas sous-estimés. Le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication est une occasion pour rebattre les cartes entre tous les territoires et non pour accentuer les inégalités et les difficultés au détriment des territoires aujourd'hui moins soucieux de leur développement dans ces domaines.
Depuis l'adoption de la LOADDT, les régions ont travaillé à l'élaboration des schémas de services collectifs. Elles ont fait parvenir au Gouvernement leurs contributions. Aujourd'hui, le Gouvernement leur fait connaître les propositions qu'il a élaborées après examen de ces contributions régionales, sous la forme de projets de schémas.
C'est donc bien d'une élaboration partagée qu'il s'agit. Il revient maintenant à l'ensemble des acteurs publics et privés dans les régions de se saisir de ce débat, de faire entendre leur voix, de donner chair et vie dans l'ensemble des territoires aux orientations qui sont présentées dans ces schémas de services collectifs.
Nous avons souhaité laisser aux régions le temps nécessaire pour engager un vrai travail de fond avec l'ensemble des collectivités et acteurs locaux : elles auront jusqu'au 15 avril prochain pour communiquer leurs réactions, après examen par les conférences régionales pour l'aménagement et le développement du territoire, puis par les conseils économiques et sociaux des régions.
Parallèlement à ce travail, la consultation sera organisée au niveau national avec le CNADT, dans sa nouvelle composition, plus représentative des acteurs que sont les associations et les structures intercommunales, mais aussi avec les délégations parlementaires à l'aménagement et au développement durable du territoire que j'ai rencontrées ces jours derniers.
Au terme de ces allers et retours, l'Etat préparera les décrets relatifs à chacun des schémas de services collectifs avant l'été.
La négociation d'une nouvelle génération de contrats de plan Etat-régions a été menée dans des conditions globalement satisfaisantes tout au long des années 1999 et 2000.
Après la phase de définition de la stratégie de l'Etat dans les régions et de consultations et échanges, l'année 2000 a été consacrée à la négociation et à la signature proprement dite des contrats sur une période qui s'est échelonnée entre le 13 janvier et le 28 juillet 2000, soit un délai très court si on le compare aux précédents contrats de plan.
Les orientations retenues dans ces contrats répondent aux trois grandes priorités du Gouvernement : soutien à l'emploi, solidarité des territoires, développement durable.
La réorientation de la politique des transports en faveur du développement de l'intermodalité et du rail en est un élément important. Les investissements dans le secteur ferroviaire devraient atteindre 30 milliards de francs sur la période, tandis que les crédits consacrés à la route sont globalement stabilisés.
Fondés sur une participation de l'Etat à leur financement, à hauteur de 114,8 milliards de francs auxquels s'ajoutent les crédits dévolus aux grands programmes interrégionaux, pour 5,4 milliards de francs, et sur une participation des régions de 116,4 milliards de francs, ces contrats témoignent très clairement de la prise en compte de nouvelles préoccupations, particulièrement sensibles en matière d'aménagement du territoire et d'environnement, sans oublier les avenants aux contrats de plan Etat-région justifiés par les tempêtes. C'est pourquoi j'ai souhaité que priorité soit donnée, en 2001, dans l'affectation des crédits de la DATAR, au respect des engagements pris dans ces contrats de plan.
Parallèlement, à l'échelon communautaire, l'année 2000 a été consacrée à la traduction opérationnelle de l'accord conclu par les Quinze à Berlin sur la réforme des fonds structurels et à l'établissement de leur nouvelle cartographie. Les documents uniques de programmation, DOCUP, régionaux ont été établis dans leur ensemble et adressés à la Commission avant le 30 avril pour approbation. Les DOCUP objectif 1 ont d'ores et déjà reçu un accord de principe de sa part, dans l'attente d'une adoption définitive attendue dans les jours qui viennent, tandis que les négociations nationales sur les DOCUP pour les vingt et une régions en objectif 2 sont achevées.
Par ailleurs, prenant acte des difficultés de trésorerie occasionnées, pour les porteurs de projets, par les délais de mise à disposition des fonds, les modalités de gestion nationale des crédits des fonds structurels ont été repensées afin de raccourcir les délais de paiement des dossiers aux bénéficiaires finals.
L'application des lignes directrices communautaires pour les aides à finalité régionale a en outre conduit à une refonte du régime de la prime d'aménagement du territoire, tant dans ses modalités d'application, qu'il s'agisse de la « PAT tertiaire » ou de l'abaissement des seuils d'éligibilité, que dans la couverture du territoire par une révision du zonage.
Quant à l'autre outil essentiel d'orientation de la politique d'aménagement du territoire, le FNADT, ses modalités d'intervention ont été profondément revues à l'issue de l'élaboration d'un rapport par l'Inspection générale des finances et dans une perspective d'appui aux orientations de la LOADDT, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, notamment en matière d'aide au développement des territoires de projets.
Une nouvelle circulaire relative à la doctrine d'emploi du fonds et à ses modalités d'intervention, qui abroge et remplace la circulaire du 15 février 1995, vient d'être signée par M. le Premier ministre. En réponse à M. Besse, je tiens à vous indiquer ses principales dispositions.
Elle confirme la réorientation des actions financées par le fonds vers les trois domaines prioritaires que sont les projets en faveur de l'emploi, tels que les démarches de développement local intégré et les systèmes productifs locaux, les actions qui visent à accroître l'attractivité des territoires et celles qui présentent un caractère innovant ou expérimental en matière d'aménagement du territoire, en particulier le développement de l'ingénierie de projet.
La section locale du FNADT a par ailleurs été augmentée pour répondre aux besoins d'investissement liés à la montée en puissance des projets de pays et d'agglomération. La partie contractualisée de cette section, qui alimente les CPER, les contrats de plan Etat-région, financera plus particulièrement les contrats de pays et d'agglomération. Les autres interventions contractualisées se concentreront sur les politiques de massif, les programmes de conversion, le développement des NTIC, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, et les opérations interrégionales.
La partie libre d'emploi, qui est à la disposition des préfets de région, sera quant à elle plus nettement orientée en direction du financement des mesures d'accompagnement relatives à l'évolution des services publics et des projets menés à un échelon intercommunal.
Seules les demandes de financement supérieur à 2 millions de francs seront désormais éligibles à la section nationale du FNADT, qui doit permettre de financer des opérations d'envergure nationale, interrégionale, voire régionale quand les montants sont trop importants pour être financés par la section locale.
Après ces deux années de conception et de redéfinition des instruments d'intervention en matière d'aménagement du territoire, l'année 2001 sera consacrée à la mise en oeuvre pleine et entière de ces nouvelles orientations politiques.
Sans reprendre la description du budget pour 2001 de mon ministère que j'ai faite devant les commissions du Sénat, je souhaite répondre aux inquiétudes de M. le rapporteur pour avis s'agissant de la diminution de 9,8 % des crédits de paiement de la DATAR en 2001.
Je vous confirme que cette baisse résulte d'un ajustement au rythme de consommation réel des crédits de la DATAR, dans un souci de transparence et de bonne gestion des finances publiques, d'ailleurs salué par M. Bellanger, et qu'elle ne portera nullement atteinte à la capacité de paiement de la Délégation en 2001 ; elle ne sera donc cause d'aucun préjudice pour la conduite des actions à venir.
M. Besse a bien décrit les effets de yoyo que subissent régulièrement, hélas ! les crédits de l'aménagement du territoire, même s'ils sont beaucoup moins importants cette année qu'ils n'ont parfois pu l'être par le passé. M. le rapporteur pour avis a lui aussi bien compris la situation, puisqu'il a reconnu, au cours de son intervention, la sous-consommation chronique des crédits alloués à la PAT.
La PAT n'en reste pas moins un outil auquel les élus locaux sont attachés, outil très peu sélectif puisque la quasi-totalité des projets sont acceptés, ce qui entraîne parfois quelques difficultés, puisque l'on est obligé de recouvrer des sommes qui n'ont pas été utilisées en dépit de l'octroi, par les pouvoirs publics, des montants demandés.
La baisse des crédits de paiement de 10 % en 2001 affecte, ainsi que vous avez pu le constater dans le bleu budgétaire, au titre VI, les deux moyens d'intervention de la DATAR que sont la PAT et le FNADT.
En revanche, les dépenses ordinaires, notamment les crédits inscrits au titre IV pour le FNADT, qui constituent l'instrument privilégié de la politique de développement des projets de territoire que sont les pays et les agglomérations, progressent très fortement, puisqu'elles augmentent de 93 millions de francs, soit une hausse de 20 %.
Pour l'élaboration du projet de budget pour 2001, le « calibrage » des crédits de paiement nécessaires s'est fait dans un esprit de sincérité budgétaire et de bonne gestion de la ressource publique, par une détermination des montants prenant en compte les prévisions de reports de crédits de 2000 sur 2001, tant pour la PAT que pour les crédits d'investissement du FNADT.
Ainsi, l'établissement des crédits de paiement de la PAT à 300 millions de francs en 2001, soit une baisse de 120 millions de francs par rapport aux 420 millions de francs inscrits en 2000, tient compte d'une prévision de reports d'environ 200 millions de francs, ce qui porte le montant disponible à 500 millions de francs en 2001 pour un rythme de consommation moyen, d'une année sur l'autre, compris entre 350 millions et 400 millions de francs.
De même, la fixation à 777,5 millions de francs des crédits de paiement du FNADT inscrits au titre VI intègre une prévision de reports d'environ 400 millions de francs, ce qui porte le montant des crédits disponibles en 2001 à 1,2 milliard de francs, permettant largement de faire face aux besoins anticipés sur le fonds l'année prochaine.
Il faut cependant se garder d'une appréciation hâtive, et je tiens à insister sur le fait que l'existence de ces reports ne doit pas être interprétée comme le signe d'une mauvaise gestion.
L'origine des reports en ce qui concerne la PAT est largement imputable à la très forte augmentation des crédits de paiement constatée en loi de finances de 2000. Je rappelle que les crédits de paiement de la PAT avaient en effet progressé de 33 % entre 1999 et 2000, passant de 315 millions de francs à 420 millions de francs en 2000.
Par ailleurs, le rythme de consommation des crédits découle aussi directement de l'échéancier d'arrivée des dossiers.
Ainsi, on constate de manière systématique une accélération des demandes en fin de période de programmation : cela a été particulièrement net en ce qui concerne la PAT au terme de l'exercice 1999, du fait de la fin de l'application du régime antérieur ; certains dossiers ont, en conséquence, dû être reportés sur l'exercice 2000, au titre duquel ils ont bénéficié d'un financement à hauteur de 41 millions de francs dès le début de l'année.
A contrario , une sous-consommation de crédits peut apparaître temporairement au commencement d'une nouvelle période de programmation : le rythme d'engagement des crédits du FNADT a ainsi un peu ralenti depuis le début de l'année, du fait de la mise en place des nouveaux contrats de plan.
Le projet de budget pour 2001 marque indéniablement la priorité accordée au volet territorial des contrats de plan Etat-région par un renforcement des crédits du FNADT.
Le budget propre de l'aménagement du territoire permettra d'abord d'encourager et d'accompagner la mise en place des contrats d'agglomération et de pays.
Cette orientation politique trouve sa traduction financière dans la progression des crédits d'engagement du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, qui passera de 1 653 millions de francs en 2000 en dépenses ordinaires et autorisations de programme à 1 883 millions de francs en 2001, ce qui représente un accroissement de 230 millions de francs, donc une augmentation de 14 % de ses capacités à contribuer au financement des contrats de plan.
La part des crédits contractualisés du FNADT progresse considérablement, pour atteindre 8,6 milliards de francs sur la période. Ce montant est à comparer aux 4,7 milliards de francs consacrés à la précédente génération de contrats de plan.
Pour l'année 2001, 1 041 millions de francs en dépenses ordinaires et en autorisations de programme sont ainsi réservés au financement des contrats de plan, avec une forte orientation en direction de leur volet territorial.
A cet effet, le FNADT a désormais vocation à privilégier le recours à l'ingénierie de développement plutôt que le financement de projets d'investissements plus lourds. Ses crédits d'intervention ont été mesurés en conséquence : j'ai souhaité un renforcement du titre IV pour les premières années de l'exécution des contrats de plan, afin d'assurer le financement d'une ingénierie légère indispensable à l'émergence des projets territoriaux.
M. Masson a décrit quelques-unes des difficultés auxquelles les préfets, qu'il connaît bien, sont confrontés. Pour l'essentiel, je partage son analyse. Cependant, il faut souligner que la complexité parfois décourageante des projets de pays a été voulue par les parlementaires pour leur permettre de se prémunir contre la fragilisation des départements et le recouvrement des territoires - qu'il s'agisse des agglomérations, des pays, des parcs naturels régionaux organisés ou non en un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale - mais aussi pour éviter le recouvrement institutionnel des régions, des départements et des communes. Malgré ces difficultés, à la date du 30 juin 2000, cent quatre pays sont constatés par les commissions départementales de coopération intercommunale, et près de deux cents autres sont en projet ou en cours de constitution. La parution récente du décret d'application de la LOADDT leur conférera la base d'une reconnaissance officielle.
S'agissant du décret de 1999 sur les investissements, évoqué par M. Masson, je rappelle que les 20 % d'autofinancement concernent non pas les études ou l'ingénierie, mais seulement les investissements du titre VI, et que nous avons prévu des dérogations pour les cas particuliers où l'autofinancement n'est pas possible ; un décret portant sur ce point est en cours de publication.
J'ajouterai quelques mots à propos des agglomérations. Vous vous souvenez sans doute, mesdames, messieurs les sénateurs, de l'opération pilote conduite en 2000 dans quatorze agglomérations prises comme sites témoins ; une centaine d'agglomérations susceptibles de se constituer dans les prochains mois ont également été identifiées. La progression en 2001 des crédits du FNADT doit également permettre de soutenir cette dynamique.
L'augmentation des moyens de soutien à la localisation des activités et à la création d'emplois constitue le second volet de l'action de la DATAR.
A cet effet, les crédits d'engagement dévolus à la prime d'aménagement du territoire progresseront de 50 millions de francs, pour s'établir à 400 millions de francs, soit une hausse de 14 %. Je ne reviendrai pas sur la diminution constatée des crédits de paiement, que j'ai largement évoquée voilà quelques instants.
L'augmentation significative des moyens d'engagement consacrés à la PAT doit permettre de soutenir la réforme de l'emploi de cette prime et de son zonage, qui procède de la révision communautaire de la carte des aides à finalité régionale.
Cette réforme, vous le savez, consiste en un abaissement des seuils d'éligibilité à la PAT, destiné à permettre le soutien à de plus petits projets - ces seuils passent de vingt emplois créés et de 20 millions de francs d'investissements sur trois ans à quinze emplois et 15 millions de francs - et en l'extension du champ d'intervention de la « PAT tertiaire » au domaine des services à l'entreprise.
Vous êtes nombreux, s'agissant des modalités de cette réforme, à déplorer l'absence d'une « micro-PAT » qui aurait permis d'aider à l'implantation de très petites entreprises. Cette question a été largement débattue, mais aller au-delà de l'abaissement des seuils retenu soulève la question de la pertinence d'un dispositif national d'aides d'Etat. L'instruction des plus petits dossiers doit, à mon sens, relever de l'échelon régional : c'est ce qui caractérise la prime régionale à l'emploi, l'encadrement des aides aux PME ou encore la procédure d'attribution des aides du fonds de développement des PMI.
La réforme des zonages s'appuie, pour sa part, sur les contraintes imposées par la Commission européenne, notamment en termes de réduction de la population éligible, qui passe de 41 % à 34 % de la population totale, et de plafonnement des taux d'aide. Je connais les difficultés occasionnées par cette réduction du territoire éligible, mais nous sommes parvenus, dans la majorité des cas, à assouplir certaines positions initialement très rigides de la Commission.
Ainsi, alors que la Commission avait, au début des négociations, la tentation de pousser au strict recouvrement des zonages de la PAT et des fonds structurels, ce qui aurait empêché toute mesure d'atténuation de perte d'éligibilité, nous nous sommes employés à préserver une marge de flexibilité et à ne pas faire coïncider la carte de la PAT avec celle de l'objectif 2.
De même, des dérogations ont pu être obtenues au principe initial de la Commission de n'autoriser les Etats à effectuer un zonage que dans les zones éligibles à l'objectif 2. Quatorze zones d'emploi partielles ont ainsi pu être retenues, pour la plupart dans des agglomérations fragiles ou des bassins miniers.
J'ai bien noté les préoccupations que certains d'entre vous, notamment Mme Bardou et M. Demerliat, ont exprimées à propos des zones perdant le bénéfice de la PAT, en particulier au regard des aides collatérales à ce régime.
Outre la mise en place de la « PAT tertiaire » et de la PAT « recherche et développement », dans les limites, bien sûr, des règles fixées par le décret qui est en cours d'examen par le Conseil d'Etat, nous avons prévu plusieurs dispositifs permettant le maintien d'un appui appréciable à ces zones pénalisées par la perte du bénéfice de la PAT : je pense ici aux mesures d'exonération de taxes professionnelles, d'impôt sur les sociétés ou de charges patronales réservées aux secteurs situés en zone de revitalisation rurale, ainsi qu'au fonds de développement des PMI, à l'aide à l'immobilier hors des zones éligibles à la PAT pour les PME, aux aides de l'Agence nationale de valorisation de la recherche, au futur régime d'aides régionales pour l'emploi destiné aux PME ou encore, bien sûr, au fonds de l'objectif 2 des fonds structurels.
Après cet examen assez exhaustif des instruments d'intervention de la DATAR, je voudrais évoquer brièvement les moyens dont celle-ci dispose.
J'ai obtenu, non sans mal, dès ma prise de fonctions, l'arrêt du plan pluriannuel de réduction des effectifs qui frappait la DATAR. Cependant, je devrais m'arrêter là et ne pas indiquer que trois emplois nouveaux seront créés en 2001... C'est très peu, mais un effort sera fait s'agissant du régime indemnitaire des personnels. Ce n'est, bien évidemment, qu'une toute première étape.
Enfin, parmi les réformes de structures, je voudrais citer la rationalisation du réseau de prospection et d'accueil des investissements étrangers créateurs d'emplois dans le cadre de l'Agence française pour les investissements internationaux, établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la double tutelle du ministère chargé de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Vous avez accepté le principe de cette évolution par l'adoption d'un amendement au projet de loi sur les nouvelles régulations économiques.
Monsieur le président, je sais que le temps de parole qui m'est imparti est épuisé, mais je voudrais m'exprimer brièvement sur l'action menée en faveur des plates-formes d'initiative locale.
M. le président. Je suis hélas obligé de vous demander de conclure, madame le ministre, compte tenu de ce que nous avons décidé en conférence des présidents.
Cela étant, vous aurez tout loisir de continuer à vous exprimer en répondant aux explications de vote.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Soit !
Je ne dis donc rien sur le troisième aéroport parisien,... sur Euro-Méditerranée... sur les plates-formes d'initiative locale... (Murmures de protestation sur diverses travées.)
M. le président. Continuez, madame le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Concernant les plates-formes d'initiative locale, je n'ai rien à ajouter aux plaidoyers de MM. Roger Besse et Paul Girod. Il s'agit effectivement d'outils tout à fait pertinents d'aménagement du territoire.
Je n'ai pas l'intention de remettre en cause notre soutien à France Initiative Réseau et aux plates-formes. Nous souhaitons réaffirmer ce soutien dans le cadre d'une négociation sur des contenus et des priorités, et sur une sorte de cahier des charges permettant de vérifier que nous sommes bien d'accord et que l'argent public est utilisé en fonction de nos priorités, à savoir le soutien aux entreprises et la création d'emplois.
M. Pépin a considéré que le soutien très résolu de l'Etat au projet Euro-Méditerranée était contradictoire avec l'abandon du projet de canal Saône-Rhin.
Monsieur le sénateur, il ne s'agit en aucun cas d'un projet d'aménagement portuaire. Il s'agit de réutiliser des bâtiments anciens, par la réindustrialisation, mais aussi par un développement massif du secteur tertiaire, par l'installation d'un musée des civilisations européennes et méditerranéennes, d'équipements universitaires, d'une école de formation aux télécommunications et d'un institut de coopération au développement. M. Gaudin a dû vous parler souvent des aménagements apportés à des bâtiments anciens qui avaient vieilli ! Il n'y a aucune contradiction de vouloir réutiliser ces territoires tout à fait intéressants situés au coeur de Marseille et utiliser, chaque fois que possible, la voie d'eau lorsqu'elle existe.
C'est d'ailleurs le cas pour le Rhône, puisqu'il est déjà à grand gabarit jusqu'à Lyon. Mais je relève que les équipements du port Edouard-Herriot restent sous-utilisés.
Je rappelle par ailleurs que le port de Marseille n'a jamais, hélas, été en relation avec le Rhône depuis l'effondrement du canal-tunnel de Rove.
M. Hoeffel a pointé le rôle déterminant de la voie navigable.
Nous ne reprendrons pas ici, monsieur le sénateur, cette discussion qui nous occupe depuis une quinzaine d'années déjà ! (Murmures sur les travées de l'Union centriste.)
Je vous rappelle simplement que je souhaite éviter la concurrence entre le rail et la voie d'eau, qui n'aurait qu'un seul bénéficiaire : la route ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Hilaire Flandre. Celle-là, il faut la faire !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je souhaite utiliser la voie d'eau chaque fois que c'est possible pour la desserte des hinterlands et pas entre bassins.
M. Philippe Richert. La concurrence entre la voie d'eau et le rail !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vais vous expliquer, monsieur Richert, mais cela va prendre du temps ! Je vais à nouveau vous expliquer puisque, décidément, même si l'on reprend ce débat chaque année, vous n'avez toujours pas compris !... (Protestations sur les travées de l'Union centriste, du groupe du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Vous n'avez toujours pas compris que la voie d'eau, comme le rail, était essentiellement utilisée pour les transports sur d'assez longues distances de matériaux à valeur ajoutée limitée et que toutes les études qui ont été faites sur l'utilité de la voie fluviale à grand gabarit Saône-Rhin ont montré que c'est au rail, et pas à la route, que la voie d'eau aurait pris des parts de marché et de fret. Dépenser 30 milliards de francs pour mettre en péril la voie ferrée sur le même axe, c'est décidément déraisonnable !
M. Philippe Richert. Ce n'était pas mettre en péril la voie ferrée !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. MM. Paul Girod et Gérard Cornu ont évoqué la question du troisième aéroport d'Ile-de-France.
Monsieur Cornu, vous ne devriez pas vous étonner que le Gouvernement débatte avant la prise des décisions. Bien sûr, ce n'était pas la méthode choisie par le gouvernement Balladur, qui avait annoncé un troisième aéroport et un site avant que le débat national n'ait eu lieu.
M. Philippe Richert. Non !
C'est incroyable !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. La décision de principe ayant été prise par le Gouvernement, s'il n'y a plus débat sur le fond, en revanche, il est parfaitement normal d'étayer les argumentaires concernant les différents sites possibles.
Je rappelle que le précédent gouvernement avait choisi un site, sans étudier, par exemple comment il pourrait être desservi par la route ! (M. Nogrix s'exclame.) Les coûts extravagants du doublement de l'A 10, de la desserte par le TGV et de l'interconnexion entre les deux TGV pour permettre au site de Beauvilliers d'être opérationnel ont été pointés.
A cette heure, Beauvilliers n'a pas été exclu. Simplement, le Gouvernement a choisi de mener des études très sérieuses sur les différents sites possibles, d'organiser un débat public, pour permettre de choisir en toute connaissance de cause. Il n'y a là rien d'extraordinaire.
M. Hilaire Flandre. C'est un prétexte pour ne rien faire !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. M. Paul Girod m'a interrogée aussi sur les limites au site de Roissy.
On cite toujours, monsieur le sénateur, la limite des 55 millions de passagers par an. C'est le seuil qui pourrait être atteint le plus rapidement.
Cela étant, trois engagements ont été pris par M. Gayssot à l'égard des populations riveraines de Roissy ils portent sur la limitation du nombre de passagers, la limitation du nombre de mouvements et la limitation du bruit.
C'est sur ces trois critères qu'il importe d'agir...
M. Jean-Philippe Lachenaud. Oui !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... et pas seulement sur le nombre des passagers, dont je reconnais volontiers avec vous qu'il ne suffit pas à résumer la question de la croissance du trafic aérien.
Concernant, en dernier lieu, la mission qui a été confiée par le M. le Premier ministre à M. Duron et à Mme Perrin-Gaillard, il s'agit, monsieur Besse, de faire en sorte de mettre de l'ordre dans des dispositifs de zonage qui sont soit redondants, soit inefficaces, soit encore incompréhensibles.
Vous avez regretté, monsieur le sénateur, que certaines portions du territoire ne soient pas « zonées ». Cela relève de la logique même du zonage ! Si tout est « zoné », plus rien ne l'est, et le système n'est plus lisible.
Simplement, nous avons souhaité mettre en cohérence les différents zonages, notamment ceux qui découlent de la loi de 1995 avec ceux qui existent dans d'autres secteurs, par exemple dans les domaines de la protection du patrimoine ou de la protection de l'environnement, pour que les mesures de discrimination positive permettent de rémunérer les services rendus à la collectivité par certains territoires ou certains acteurs de ces territoires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour conclure, je dirai qu'il s'agit d'un petit budget, qui ne représente que 3 % des dépenses de l'Etat au titre de l'aménagement du territoire et que le « jaune » budgétaire consolide à hauteur de 1,74 milliard de francs par an. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du territoire.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 4 196 110 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 95 840 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 1 735 150 000 francs ;
Crédits de paiement : 520 650 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'aménagement du territoire.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante-cinq.)