SEANCE DU 5 DECEMBRE 2000


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires étrangères (et aide au développement).
La parole est à M. Chaumont, rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères. Au printemps dernier, inquiets des menaces qui pesaient sur votre budget, monsieur le ministre, le président de la commission des finances du Sénat, M. Alain Lambert, le président de la commission des affaires étrangères M. Xavier de Villepin, tous les représentants des Français établis hors de France et tous les rapporteurs du budget des affaires étrangères ont fait connaître au Président de la République, au Premier ministre et au ministre des finances leur volonté qu'il soit mis fin à l'érosion de ce budget afin que celui-ci soit digne de la politique étrangère de la France.
Cette démarche, monsieur le ministre, était aussi une marque d'estime à votre égard en même temps que la reconnaissance de l'ampleur des efforts accomplis par votre administration pour améliorer la gestion et le financement de votre grande maison.
Cette démarche aurait pu porter ses fruits si le ministère des finances ne s'était pas contenté d'inscrire en loi de finances initiale les crédits qu'il aurait fini par inscrire en cours d'exercice. Par conséquent, vous ne disposerez, monsieur le ministre, non pas de moyens supplémentaires mais sans doute de moyens moindres. Je m'explique.
Les crédits proposés pour 2001 au titre du ministère des affaires étrangères s'élèvent à 22 milliards de francs, ce qui représente 1,3 % du total du budget général et 0,2 % du produit intérieur brut.
Ce montant de 22 milliards de francs marque une progression affichée de 5,3 % par rapport au projet de budget pour 2000.
Apparemment très favorable, cette évolution recouvre, en réalité, une gesticulation financière, une « emBercyfication », qui ne résiste pas à l'analyse. Cette hausse ne correspond, en effet, qu'à une prise en compte partielle de la hausse du dollar et à des mouvements divers de transferts.
Si le titre III progresse apparemment de 5,4 %, la prise en compte de l'ajustement change-prix et l'effet des différents transferts conduisent à évaluer à 0,4 % seulement en francs courants la progression des moyens, ce qui équivaut, en réalité, à une diminution de 0,8 % en francs constants.
Si les crédits d'intervention du titre IV progressent de 9,6 %, cette forte majoration est uniquement liée à celle des contributions obligatoires et volontaires, pour lesquelles la France avait accumulé des retards et des arriérés considérables, notamment en ce qui concerne les opérations de maintien de la paix.
Si les moyens affectés aux actions de coopération sont globalement reconduits en francs courants, cela correspond, là aussi, à une diminution en francs constants.
Enfin, les opérations immobilières financées sur le titre V et les moyens affectés au financement des projets de développement sur le titre VI diminuent clairement en francs courants.
Monsieur le ministre, ces turpitudes variées m'amènent à vous poser une question fondamentale. Au moment où une importante revue américaine vient de définir notre politique étrangère comme le « védrinisme », j'aimerais savoir si le « védrinisme » est compatible avec le « Ber-cynisme ». (Sourires.)
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Que va dire l'Académie ?
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Mme Carrère d'Encausse n'est pas là pour répondre !
Le cours du dollar, cette « contrainte » qui est propre au budget des affaires étrangères, doit cesser d'être à chaque exercice budgétaire un élément d'« arbitrage » qui « pollue » le débat. D'après les calculs que j'ai faits, on peut estimer à 45 % la part de votre budget qui est sous l'influence du taux de change.
Il faut préciser que le principe de la compensation en gestion n'est accepté que pour les rémunérations des expatriés et pour les contributions internationales obligatoires. En revanche, les dépenses de fonctionnement, les salaires des recrutés locaux - qui représentent tout de même près de 6 000 personnes, soit 60 % du total de vos effectifs budgétaires - les dépenses d'intervention en monnaie locale et l'essentiel des contributions internationales doivent être financés, en cas d'évolution défavorable du change-prix, par des économies sur les moyens de votre ministère. Autant dire que si le dollar se maintenait au niveau actuel, c'est-à-dire à un niveau très supérieur à 6,50 francs, retenu par Bercy, vous devriez restreindre encore vos moyens en 2001.
J'ajoute que ces combats constants qui sont menés pour la réévaluation des indemnités de résidence ou de mission finissent par occuper au-delà du raisonnable le temps, l'énergie et les capacités de réflexion de nos chefs de poste.
Ma deuxième remarque porte sur le réajustement nécessaire, me semble-t-il, des contributions multilatérales.
Votre budget comporte, en effet, une importante majoration de crédits - 868 millions de francs - en faveur des contributions multilatérales.
L'essentiel de cet effort - 723 millions de francs - est consacré aux institutions spécialisées des Nations unies, et en particulier aux opérations de maintien de la paix. Toutefois, ce mouvement correspond à l'inscription en loi de finances initiale des crédits qui sont normalement accordés en cours d'année.
Or en 2000, il aura fallu abonder le chapitre concerné - et ce chiffre est significatif - de 1 312 millions de francs pour tenir compte de la hausse du dollar et des arriérés qui s'accumulaient. Par conséquent, aujourd'hui, rien ne permet de supposer que le montant inscrit pour 2001 sera suffisant.
Vous avez consenti un petit effort pour les contributions volontaires : 15 millions de francs, contre un effort de 58 millions de francs en 1999 et de 29 millions de francs en 2000.
La faiblesse des contributions volontaires de la France continue d'être dénoncée, d'ailleurs souvent avec une certaine mauvaise foi, par la communauté internationale. Nous ne dépassons jamais le dixième, voire le quatorzième ou le quinzième rang des pays donateurs pour les contributions volontaires. Les divers entretiens que j'ai pu avoir à l'occasion de la 55e assemblée générale des Nations unies ont été, à cet égard, délicats. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, souligne que la contribution française ne suffit même pas à couvrir les salaires des Français qui y travaillent. Si l'UNICEF se félicite de la générosité des Français, elle regrette que les dons collectés auprès du public soient près de cinq fois supérieurs à la contribution du gouvernement français.
Monsieur le ministre, il faudrait procéder à un réexamen d'ensemble des contributions multilatérales versées par la France.
En effet, si, de 1999 à 2001, l'aide bilatérale a diminué de plus de 1,2 milliard de francs, l'aide multilatérale a progressé dans le même temps de près de 4 milliards de francs.
Mais cette progression s'est faite uniquement au profit de l'aide communautaire, c'est-à-dire de Bruxelles, pour laquelle le « prélèvement » est passé à près de 8 milliards de francs, et au profit d'une kyrielle de fonds et banques de développement gérés par le ministère de l'économie et des finances, pour un montant de près de 3,5 milliards de francs.
Mes chers collègues, ni l'aide européenne, ni ces fonds et banques de développement divers, ni la facilité d'ajustement structurel du Fonds monétaire international n'ont fait la preuve de leur efficacité, sinon cela se saurait. Ils ont plutôt prouvé leur inefficacité. La « lisibilité » de l'effort français n'apparaît plus dans ces actions.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. M. Charasse y reviendra dans son rapport, l'importance du prélèvement communautaire au titre de l'aide européenne, à savoir 8 milliards de francs en 2001, mérite une réflexion. En effet, est-il acceptable qu'il existe aujourd'hui un reliquat non utilisé de près de 65 milliards de francs sur le Fonds européen de développement, soit plus de deux fois le montant annuel de l'aide publique française au développement ?
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ces casques à boulons ne sont bons à rien ! (Sourires.)
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Je me bornerai maintenant à quelques réflexions, en premier lieu sur la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID. Il est beaucoup trop tôt pour dresser le bilan de la réforme. On peut cependant se demander s'il n'aurait pas été préférable de créer, une bonne fois pour toutes, une véritable agence de développement. Mais il est clair que l'Agence française de développement, l'AFD, qui est le bras séculier du Trésor, devient l'opérateur « pivot » de notre politique d'aide au développement et dépouille, lentement mais sûrement, le département de ses possibilités d'action dans ce domaine.
D'ailleurs, la répartition de l'enveloppe allouée à la DGCID va dans ce sens. En effet, la priorité demeure la coopération culturelle et linguistique, qui dispose de la moitié de l'enveloppe, tandis que l'aide au développement peut faire figure de « parent pauvre » avec moins du quart de l'enveloppe.
Une claire prééminence est accordée aux secteurs culturels classiques, mais l'audiovisuel semble ne pas être prioritaire puisqu'il ne se voit attribuer que 15 % des moyens, 24 millions de francs seulement étant affectés à l'exportation des programmes. Sur ce point précis, j'aimerais, monsieur le ministre, connaître votre point de vue et vos intentions en ce qui concerne la situation de TV 5 au Canada et aux Etats-Unis. Etes-vous partisan d'une indépendance totale de la chaîne, en laissant les Canadiens livrés à leur sort, ou préférez-vous que l'on renégocie avec nos partenaires canadiens une autre solution ?
Nos collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France sont très sensibles, vous le savez, monsieur le ministre, au fait qu'une part importante du réseau de l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, connaît actuellement une agitation profonde, et d'une ampleur sans précédent. Les enseignants et les parents d'élèves contestent le plan de réforme du 14 juin 2000, qui prévoit la suppression de 600 postes d'expatriés en six ans, un niveau insuffisant des rémunérations, la hausse des droits d'écolage et la diminution du nombre de bourses.
En réalité, je me demande s'il ne serait pas raisonnable de considérer que la mission confiée à l'AEFE, la scolarisation des enfants français à l'étranger, doit être assurée conjointement avec le ministère de l'éducation nationale, certainement mieux armé, en tout cas, pour gérer les questions relatives aux enseignants.
M. André Maman. Très bien !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce sujet et quelle est la position du ministère de l'éducation nationale, avec lequel des discussions sont en cours ?
Comme les années précédentes, j'émets de vives réserves à l'égard des conditions de sécurité d'un certain nombre d'établissements du réseau, notamment le lycée de Varsovie - qui a fait l'objet d'une publicité dans la presse - celui de Bangkok - qui a connu quelques travaux - ou celui de Damas, et je ne parle pas de ceux dans lesquels la situation est encore plus difficile. Quelle que soit la nature juridique du mode de gestion des établissements, monsieur le ministre, il est clair qu'en cas de sinistre grave la responsabilité qui sera retenue sera celle de l'Etat français, et c'est votre ministère qui sera en première ligne.
En réalité, je ne suis pas convaincu par le mode de fonctionnement actuel de l'AEFE. Il y a une trop grande diversité entre les établissements du réseau, les législations qui leur sont applicables étant très différentes d'un pays à l'autre. Aussi, je me demande s'il ne faudrait pas avoir un recours accru à la gestion directe, ce qui nous permettrait de nous mettre en conformité avec le préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel les enfants ont droit à un égal accès à l'instruction, une instruction gratuite, laïque et obligatoire.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. De nos jours, ce sont presque des gros mots ! (Sourires.)
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Ou bien, si l'on veut garder un système différent, je pense qu'un recours accru à un système de fondation pourrait sans doute être retenu. En tout cas, monsieur le ministre, vos explications sur l'avenir de l'AEFE seront certainement suivies avec beaucoup d'attention.
Monsieur le ministre, je voudrais en conclusion, saluer les efforts que vous avez faits pour obtenir, avec le concours actif du Parlement, une augmentation de votre budget pour 2001, et pour ne pas être toujours, au sein du Gouvernement, le « Petit Chose ».
Cet effort cependant reste à poursuivre, car les moyens réels qui ont été consentis pour soutenir l'action extérieure de la France ne sont pas à la hauteur des objectifs affichés, auxquels nous souscrivons. Par conséquent, nous serons attentifs aux conditions d'exécution de votre budget, notamment à la prise en compte de l'évolution du cours du dollar.
Je me suis appliqué à démontrer toutes les incertitudes qui pèsent sur ce budget et les singeries « bercyniesques » qui le menacent, avec l'espoir que nous serons entendus et que, comme le diraient les militaires, notre dénonciation préemptive sera dissuasive. (Exclamations.)
Parce que le pire n'est pas toujours sûr et parce qu'à la veille de la Conférence intergouvernementale de Nice rejeter votre budget ne serait pas un bon symbole, parce que nous apprécions votre compétence, monsieur le ministre, la commission des finances propose au Sénat d'adopter votre budget, en espérant que les errements actuels ne seront pas reproduits en 2002. Comme pourrait le dire Woody Allen, vis-à-vis de Bercy, les sénateurs sont naïfs... mais pas trop. (Sourires et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. La parole est à M. Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'aide publique française aux pays en développement et aux organismes multilatéraux s'inscrit, en 2001, dans une tendance durablement orientée à la baisse, qui caractérise, il est vrai, la quasi-totalité des grands pays donateurs ou donneurs, comme on voudra, à l'exception notable du Royaume-Uni.
Depuis 1982, notre aide a clairement régressé, tant en montant absolu - moins 2 milliards de dollars - qu'en pourcentage du PIB - de près de 2 % à moins de 0,6 %. Cette chute est surtout considérable à partir de 1996. Aussi, monsieur le ministre, vous n'êtes concerné qu'en partie par mes observations. Cette baisse résulte certes, en grande partie, du retrait massif des capitaux privés de ce secteur, mais elle recouvre également une sensible diminution de la seule aide publique qui entre 1996 et 1998, a été réduite de près d'un tiers. Dans ce domaine, la France est, parmi les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques l'OCDE, l'un de ceux qui a le plus régressé.
L'aide publique française se caractérise, en outre, par un apport relativement important et croissant aux pays à niveau élevé et à revenu intermédiaire - elle leur consacre plus de la moitié du total de son aide - au détriment des pays les moins avancés. Le niveau de revenu par habitant des principaux bénéficiaires de l'aide française en 1999 est, à cet égard, assez révélateur. Je vous renvoie, à ce sujet, à mon rapport écrit, si vous réussissez à le lire. En effet, les tableaux sont de plus en plus illisibles compte tenu de l'exiguïté des rapports. Peut-être pourriez-vous en faire la remarque, monsieur le président. Il faudra bientôt une loupe pour lire ce qui est écrit, mais c'est sans doute pour que nous ayons enfin des raisons de ne pas les lire ! (Sourires.) En résumé, plus on est pauvre, moins on est aidé.
Parallèlement, la prééminence accordée à l'Afrique subsaharienne diminue clairement - elle passe de 55 % du total de l'aide publique en 1988 à 48 % en 1998 - alors même que le « monopole » français y est aujourd'hui de plus en plus vivement concurrencé. Ainsi, la Grande-Bretagne y consacre 46 % de son aide, les Etats-Unis, 34 % et le Japon, qui n'est pourtant pas dans sa zone d'influence, 18 %.
L'aide française est enfin caractérisée par le maintien absolu de la priorité historique accordée à l'enseignement - soit 30 % du total de l'aide bilatérale - alors que la France apparaît relativement peu présente, par rapport à ses partenaires, dans les secteurs de la santé et du développement économique, à savoir l'eau, l'assainissement, les transports, les télécommunications et l'énergie.
De fait, la comparaison attentive des communiqués des deux seules réunions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, les 29 janvier 1999 et 27 juin 2000, me laisse un peu perplexe. Début 1999, la France entendait, selon le communiqué, maintenir des flux « substantiels » d'aide publique au développement ; à la mi-2000, il ne s'agissait plus que de maintenir des flux « importants ».
Certes, en 2001, l'effort français est optiquement marqué par une reprise importante, comme M. Chaumont l'a souligné tout à l'heure. Il devrait s'élever, en effet, à 32,5 milliards de francs, non compris l'aide apportée à nos territoires d'outre-mer.
Mais cette progression importante de 3,5 milliards de francs en 2001, après une diminution de 1,4 milliard de francs en 2000, résulte en réalité presque uniquement de la progression de l'aide multilatérale - plus 3,2 milliards de francs - tandis que l'aide bilatérale n'augmente que de 340 millions de francs.
Or, ce nouveau renforcement de l'aide multilatérale se fait essentiellement au profit d'un prélèvement communautaire - M. Jacques Chaumont en a parlé - qui ne cesse de s'alourdir, échappant à tout contrôle, tant du législatif que de l'exécutif, ainsi qu'au bénéfice de divers fonds et banques de développement régionaux gérés directement, non par le ministère des affaires étrangères, mais par celui de l'économie et des finances. En 2001, le total des contributions « sous gestion Bercy » atteindra près de 5 milliards de francs, soit six fois le montant des contributions aux institutions des Nations unies, grâce à une progression globale d'un milliard de francs, bien supérieure à celle qui a été obtenue par le ministère des affaires étrangères pour les contributions qu'il gère directement.
Dans les deux cas, la lisibilité de l'action de la France est inexistante, et l'efficacité des fonds mis en oeuvre est souvent aléatoire, sinon nulle, faute précisément de mise en oeuvre.
Le poids croissant de la contribution française à l'aide au développement mise en oeuvre au niveau communautaire doit être souligné. Il atteindra en effet près de 8 milliards de francs en 2001, soit 24 % du total de l'aide publique française aux Etats étrangers.
Or la lourdeur des procédures de décisions communautaires, au niveau tant des engagements qu'à celui des décaissements, et le refus persistant du pouvoir exécutif, depuis toujours, de prendre les choses en main via le Conseil des ministres - malgré, monsieur Josselin, un excellent conseil tenu récemment sous votre présidence, qui a tenté de faire le point sur cette gabegie européenne - font qu'il existe aujourd'hui à Bruxelles un reliquat non utilisé de près de 65 milliards de francs - 9,5 milliards d'euros - non dépensés sur le Fonds européen de développement, le FED, soit plus de deux fois le montant annuel global de l'aide française. Cela paraît absolument inadmissible.
Ceux d'entre vous, mes chers collègues, qui auront la curiosité d'examiner les documents budgétaires constateront que, en France, les autorisations de programme en stock s'élèvent à près de 50 milliards de francs, alors que les crédits de paiement en stock se montent à près de 30 milliards de francs.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Vous imaginez un peu ce qui nous arriverait aux élections cantonales si nous gérions nos budgets comme cela ! Fort heureusement, la Commission n'est pas soumise à réélection. (Rires.) Ceci expliquant sans doute cela !
De même, les quelque 4,2 milliards de francs affectés au programme MEDA I, destiné à financer l'adaptation des pays sud-méditerranéens à la mondialisation, ne sont, au terme de leur « durée de vie », mis en oeuvre qu'à peine à hauteur du tiers de façon globale, voire pas du tout dans certains pays.
Il paraît donc très regrettable, d'une part, que nous ne puissions pas contrôler l'utilisation de ces fonds et, d'autre part, que la présidence française n'ait pas suffisamment mis à profit son mandat pour remettre de l'ordre dans ce dossier et faire respecter la volonté de l'Europe d'aider les pays en développement.
Il y a une volonté politique de l'Europe. Ce n'est pas à la Commission d'empêcher sa mise en oeuvre.
En tout état de cause, la décision du premier CICID de janvier 1999 de privilégier la « subsidiarité » et, « dans les pays où l'action de la France n'est pas prioritaire », de « choisir le canal de l'aide multilatérale, et notamment communautaire », mérite sans doute d'être mieux mesurée à l'aune de cette inefficacité européenne.
Au total, la part de l'aide publique au développement par le ministère des affaires étrangères, après fusion, soit 9,2 milliards de francs, est à peine supérieure à celle du ministère de l'économie et des finances - 8,2 milliards de francs -, tandis qu'une dizaine d'autres ministères interviennent dans ce secteur de façon croissante et souvent très autonome, sans qu'on dispose d'une vision précise des instruments mis en oeuvre et de leurs objectifs, pour un montant total de près de 2 milliards de francs. Il faut également prendre en compte la multiplicité d'organismes publics divers - l'ORSTOM, le CIRAD, l'INSERM, par exemple - qui interviennent dans ce secteur, eux aussi, de façon autonome.
La commission des finances a décidé qu'à partir de cette année le rapporteur spécial serait le rapporteur de l'aide publique au développement, et non plus seulement celui des crédits de la coopération. Je n'ai pas eu le temps d'aller voir en dehors des crédits du ministère des affaires étrangères. Mais si les circonstances le permettent, je compte m'en occuper activement l'année prochaine.
En tout cas, cela ne peut, en aucune façon, contribuer à la cohérence du dispositif et de la politique suivie.
La mise en place du comité interministériel de la coopération internationale au développement, qui se réunit une fois tous les dix-huit mois, constitue, certes, une étape importante. Mais elle demeurera insuffisante tant qu'elle ne sera pas systématiquement dupliquée au niveau des administrations centrales et des services à l'étranger, sous l'autorité effective de nos ambassadeurs.
J'en viens maintenant à l'analyse des crédits d'aide publique au développement spécifiquement gérés par le ministère des affaires étrangères. Je dois dire, monsieur le président, que ma position n'a, à l'usage, hélas ! guère évolué.
Désormais effective, l'intégration de l'ancien ministère de la coopération au sein du Quai d'Orsay s'est traduite, à mon sens, par une illisibilité accrue de l'instrument « aide au développement » - et les hommes, monsieur le ministre, ne sont pas en cause -, illisibilité qui ne parvient pas néanmoins à pleinement masquer la diminution de cette aide.
Le projet de loi de finances pour 2001 se caractérise, en effet, par la banalisation définitive de la composante « coopération technique et aide au développement », qui devient l'un des trois « outils » de l'agrégat « coopération internationale », au même rang que la « coopération culturelle et scientifique » et l'« action audiovisuelle extérieure ».
A cette occasion, la coopération militaire a été sortie de l'agrégat « coopération internationale » pour être intégrée dans l'« action diplomatique », avec des moyens nettement diminués et un champ d'intervention géographique devenu illimité.
Les crédits d'intervention du titre IV enregistrent, pour leur part, hors transferts francophonie, une baisse globale de 3 %, qui affecte, pour l'essentiel, les intruments de la « coopération » traditionnelle.
Ainsi, les effectifs de l'assistance technique, dont vous aviez, vous-même, monsieur le ministre délégué, estimé à juste titre l'année dernière qu'ils avaient atteint l'« étiage », continuent de diminuer. Pourtant, vous l'avez vous-même reconnu, cette spécificité du système français est considérée comme un incontestable « avantage comparatif » par les autres bailleurs bilatéraux et multilatéraux. Elle constitue enfin un élément concret de cette « présence française à l'étranger » que vous vous évertuez à maintenir. Or ce choix de poursuivre la réduction des coopérants, joint à une politique de gestion du personnel qui aboutit à rigidifier à l'extrême le processus de recrutement et de mobilité et se traduit aujourd'hui par l'existence de près de 300 postes vacants, ne paraît vraiment pas de nature à conforter la place de la France à l'étranger.
En réalité, l'impression retirée des différentes missions que j'ai menées sur le terrain et dont vous avez toujours, messieurs les ministres, reçu les conclusions m'amène à conclure que, au sein de l'aide au développement, l'outil « projets de coopération » est progressivement supprimé et ses moyens confondus, sinon transférés, avec ceux de la coopération culturelle et linguistique, qui n'a pas nécessairement les mêmes objectifs.
Parallèlement, les crédits de subventions à « divers organismes concourant à la coopération et au développement » progressent, confortant la prolifération d'associations et d'organismes divers servant d'« opérateurs » souvent chers, parfois « frimeurs » et fréquemment inefficaces. (Sourires.)
On passe ainsi clairement d'une logique de « projets » à une logique de « subventions ». L'efficacité, la cohérence et la lisibilité de l'action française de coopération n'y gagnent pas nécessairement, pas plus d'ailleurs que la garantie de bon usage des deniers publics.
L'observation que je fais sur les organisations non gouvernementales ayant été modulée en commission des finances en ce qui concerne certaines ONG citées par notre collègue Jacques Chaumont, je profite du fait que mon aimable ami Jean-Louis Bianco, qui n'a que cela à la pensée, ne siège pas parmi nous pour me montrer sévère. (Rires.)
M. le président. Il est déjà cumulard !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. A l'administration centrale, la mise en place de la nouvelle direction générale de la coopération internationale au développement, sorte de Léviathan administratif, ne s'est pas faite sans heurts ni critiques, malgré les mérites éminents du premier directeur qui a été nommé, M. Nicoullaud, qui s'est un peu tué à la tâche dans cette affaire.
Le jugement porté sur le bilan de cette direction, certes extrêmement récent, reste mitigé. Les « ajustements » de structure et les nombreux changements de titulaires de postes de responsabilité attestent de la nécessité de certains réajustements.
Il me paraît en outre regrettable que l'intégration des personnels au sein du ministère des affaires étrangères se soit accompagnée parallèlement d'une réduction massive des personnels contractuels, qui constituaient pourtant une spécificité précieuse et originale de la « coopération française ».
Pour terminer, l'avenir de cet instrument longtemps priviligié, voire « emblématique », qu'est le fonds de solidarité prioritaire suscite les plus grandes inquiétudes, qui vont bien au-delà de la réserve suscitée par les modifications de procédure, réserve que vous connaissez bien, monsieur Josselin, pour en avoir assez longuement entendu parler à l'Assemblée nationale, cette année, et ici, l'année dernière. Mais j'espère que vous allez faire à la représentation parlementaire des propositions dignes de sa fonction de contrôle.
A cet égard, monsieur Josselin, je tiens à vous remercier de m'avoir fait parvenir, conformément à votre engagement, la première liste des projets qui seront bientôt soumis au comité de décision du fonds, liste que j'ai reçue ce matin. J'ai seulement noté que le comité d'orientation n'avait pas encore été mis en place, tant et si bien que ces projets se seront pas éclairés par l'aimable bavardage auquel ce comité nous conviera lorsqu'il sera installé !
Certes, pour préserver la pluriannualité et le caractère contractuel des projets mis en oeuvre sur ces crédits, l'inscription en titre VI est inévitable. Mais, depuis qu'ont été transférées à l'Agence française de développement les compétences d'investissement sur les secteurs santé et éducation, la régularité budgétaire des projets présentés au FSP devient de plus en plus fragile, en ce qu'ils correspondent de moins en moins à des opérations ressortissant au titre VI et de plus en plus à des opérations relevant du titre IV, il est vrai soumis à « portion congrue ».
Mais la méthode n'est pas bonne. Persister à vouloir inscrire des projets au FSP, en diminuant souvent à due concurrence les crédits du titre IV, risque de les faire tomber en fin de parcours sous le couperet du contrôle financier pour non-conformité à l'ordonnance organique, ce qui est peut-être, après tout, la forme d'euthanasie qu'attend tout un chacun. Pour éviter ce danger, il me semble indispensable de « graver dans le marbre », ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent, la nature exacte des opérations susceptibles d'être financées sur le FSP.
Je sais, monsieur le ministre, que vos services y réfléchissent, et je ne peux que vous inciter à poursuivre la réflexion pour ne pas avoir d'ennuis avec le contrôle financier.
J'ajoute que je suis préoccupé de constater les difficultés inhérentes à la mise en place de projets dans les nouveaux pays de la ZSP, la zone de solidarité prioritaire, en raison du manque de connaissance des procédures idoines par les équipes en place. Ce serait l'occasion d'envoyer de Paris des missions - enfin utiles ! - pour finaliser ces projets de façon plus opérationnelle que par des aller et retour fastidieux de télégrammes diplomatiques policés. Enfin, la durée excessive d'exécution des projets, très supérieure souvent à la durée de vie politique des partenaires, me paraît également un défaut à corriger.
Je suis aussi inquiet de voir se diluer notre « zone de solidarité prioritaire », dont les moyens servent de plus en plus à la satisfaction d'autres besoins sans cesse multipliés, alors même que le niveau global de notre aide diminue. Il y a là une vraie incohérence qui risque de nous rendre rapidement parfaitement incrédibles.
Définie par M. le Premier ministre, en février 1998, comme « la zone dans laquelle l'aide au développement bilatérale doit être sélective et concentrée » et où « la France peut disposer d'un effet significatif en termes économiques ou politiques », la ZSP est censée comprendre « les pays les moins développés en termes de revenu et n'ayant pas accès aux marchés des capitaux ». A ce titre, les pays de la ZSP devraient notamment être les seuls à bénéficier des interventions financées sur le FSP ou par l'intermédiaire de l'Agence française de développement.
Or l'analyse de l'affectation des différents instruments de l'aide publique française montre que ce principe de « concentration » n'est pas respecté.
Ainsi, le redéploiement des crédits de coopération militaire vers de nouveaux partenaires, en particulier les pays d'Europe centrale, est clairement engagé.
De même, si très peu de projets ont pu être mis en oeuvre au titre du FSP pour les nouveaux partenaires de la zone de solidarité prioritaire - à peine 7 % de l'enveloppe 2000 - il est apparu facile d'y inscrire un projet de 30 millions de francs pour la mise en oeuvre du pacte de stabilité dans les Balkans. De toute façon, le nouveau décret du 11 septembre 2000 prévoit désormais la possibilité de financer, « à titre exceptionnel », des projets hors ZSP. Mais qui sera juge, messieurs les ministres - vous sans doute, le ministère de l'économie et des finances peut-être - du caractère « exceptionnel » des interventions en cause et, en termes d'enveloppe budgétaire, jusqu'où ira-t-on dans l'exception ? Au fond, les crédits de la ZSP ne vont-ils pas devenir l'argent de poche du Gouvernement pour financer des petits coups ici, là ou ailleurs ? (Sourires.)
De même encore, la totalité des crédits d'aide budgétaire exceptionnelle sur le titre VI ont été affectés à des pays hors zone de solidarité prioritaire.
Enfin, si l'Agence française de développement a réussi à mettre en oeuvre dès 1999 un volume important de projets en faveur des nouveaux pays de la zone de solidarité prioritaire, elle a également financé des opérations au Kosovo et en Albanie pour près de 40 millions de francs.
Au total, le décompte de l'aide accordée à la région des Balkans, qui ne figure pas dans la zone de solidarité prioritaire, sur les deux exercices 1999 et 2000, à travers l'ensemble des instruments d'aide publique au développement, s'élève, selon mes calculs faits sur un coin de table, par conséquent avec la modestie qui doit les caractériser, à plus de 750 millions de francs.
Loin de moi et de la commission des finances, naturellement, l'idée de critiquer la politique de la France dans les Balkans et les interventions que notre pays y mène. Mais si nous le faisons sans le dire clairement, en plus sur le dos de nos partenaires traditionnels, il me semble que nous risquons de perdre sur tous les tableaux. Des moyens pour les Balkans, d'accord, mais pas financés « sur la bête », qui est déjà un peu maigre !
Aucune décision politique, mes chers collègues, n'a de sens, si elle n'est pas accompagnée des moyens budgétaires pour la financer.
En fait, notre aide au développement apparaît de plus en plus comme une caisse au couvercle toujours ouvert pour puiser, au fil de la conjoncture, de quoi intervenir ici ou là, pour briller un instant dans les instances internationales et les scènes des grandes controverses mondiales - aujourd'hui, les Balkans, mais demain qui ? - sans trop savoir qui on aide, qui on nourrit et de qui on se fait parfois, sans le savoir, le complice.
Au total, le projet de budget pour 2001 conforte les inquiétudes de la commission des finances, quant à la disparition qui paraît un peu programmée, quoi qu'on en dise, des coopérants, du FAC, le fonds d'aide et de coopération, et même d'une zone d'intervention privilégiée. L'aide publique française y trouvera-t-elle, à terme, véritablement son compte ? Il y a longtemps que je me pose la question, mais je m'aperçois, au fil des années qui passent, que je suis de moins en moins seul à m'interroger en ce sens.
Cela étant, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme l'a indiqué tout à l'heure notre collègue Jacques Chaumont, au terme de sa brillante intervention, la commission des finances a estimé qu'il ne serait pas convenable de ne pas proposer au Sénat, pour des raisons de responsabilité tenant à la présence de la France dans le monde, d'adopter les crédits des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) M. le président. La parole est à M. Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les deux excellents rapports que viennent de présenter les éminents rapporteurs spéciaux de la commission des finances me permettront de ne pas revenir sur des chiffres que chacun ici connaît parfaitement, me bornant à souligner, au travers de deux ou trois remarques, combien leurs réflexions vont dans le sens de celles de la commission des affaires étrangères.
Tout d'abord, bien entendu, nous avons tous constaté que ce budget était un budget en trompe-l'oeil, puisque les argumentations affichées ne prenaient en compte que ce qui était globalement répercuté dans des lois de finances rectificatives.
Au total, on ne peut que constater une confirmation de la stabilisation des crédits enregistrés l'an passé, qui s'inscrivent, heureusement, après plusieurs années de baisse, mais qui ne permettent pas au ministère des affaires étrangères de faire face à tous ses besoins.
J'en viens aux trois remarques que je veux formuler.
La première concerne les personnels recrutés locaux. Nous avons observé que, depuis le rapport Amiot de mars 1999, un « plan d'action pour la valorisation et la modernisation de la gestion du recrutement local » a été adopté, en novembre 1999, conduisant à la suppression nette de quatre-vingt-treize emplois en 2000 et à la révision de quarante et une grilles de salaires et douze régimes complémentaires dont bénéficient 25 % des 5 800 agents recrutés locaux à l'étranger.
Ces éléments sont très positifs, mais ce plan souffre d'une faiblesse : son volet financier. La dotation supplémentaire de 40 millions de francs accordée en 1999 n'a pu être pérennisée en 2000 et 2001 que contre la non-prise en compte, sauf cas exceptionnel, de l'effet change et la maîtrise des effectifs. Résultat, sur le terrain, l'évolution est particulièrement lente et ses effets se font encore peu sentir. Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à ces difficultés ?
Ensuite - c'est ma deuxième remarque - il me semble indispensable de souligner la faiblesse des moyens d'intervention du ministère dans au moins deux domaines : nos contributions volontaires, d'une part, au système des Nations unies, d'autre part, au fonds d'urgence humanitaire.
Le niveau des contributions volontaires, avec 322 millions de francs, reste inférieur à celui de 1997 et il est près de deux fois plus faible qu'en 1993. Progressant de 15 millions de francs en 2001, il ne permet toujours pas à la France, membre permanent du Conseil de sécurité et quatrième contributeur obligatoire, de tenir partout le rang qui devrait être le sien dans les nouveaux programmes et la réforme de l'ONU. Toutes contributions confondues, nous sommes dépassés par le Royaume-Uni, l'Italie et les Pays-Bas. A titre d'exemple, nous sommes le quinzième bailleur de fonds au Haut-Commissariat pour les réfugiés, le HCR, qui est une des principales organisations. Monsieur le ministre, peut-être peut-on voir là la raison de l'échec de la candidature récente d'un compatriote éminent à la tête de cette organisation !
Je note, par ailleurs, que d'autres pays, qui souhaitent marginaliser l'action de l'ONU, sont de plus gros contributeurs que nous.
Va-t-on parvenir à dégager les moyens indispensables à la cohérence de notre politique et à l'influence de la France ?
En outre, la dotation initiale dévolue au fonds d'urgence humanitaire baissera à nouveau en 2001, de telle sorte que, entre 1993 et 2001, de baisses en gels de crédits, elle aura chuté de près de 60 %. Ainsi, sauf crise humanitaire de très grande envergure, comme le Rwanda, le cyclone Mitch ou le Kosovo, les moyens que la France consacre à son action humanitaire d'urgence sont toujours moins importants, victimes de la faiblesse globale des crédits du ministère.
Le fonds d'urgence humanitaire souffre d'une sous-dotation structurelle. A titre de comparaison, là encore, le Royaume-Uni, l'Allemagne ou l'Italie y consacreront, pour leur part, entre 200 et 300 millions de francs. C'est dire, messieurs les ministres, l'importance de l'effort budgétaire qu'il nous faudrait consentir.
Enfin - c'est ma troisième remarque - nous constatons une diminution substantielle, de près de 88 millions de francs, des crédits immobiliers du ministère, malgré l'intégration qu'il faut d'ores et déjà remarquer des 59,5 millions de francs provenant du fonds de concours des droits de chancellerie. Il est dommage, alors que diminuent les besoins de financement de notre ambassade à Berlin, sujet dont nous avons parlé les années passées, que l'occasion n'ait pas été saisie de réorienter nos investissements vers les services des visas ou les lycées français, qui sont l'objet d'une demande criante de la part de ceux que nous rencontrons lors de nos déplacements à l'étranger.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, et Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. André Dulait, rapporteur pour avis. Je demeure également très attentif au fait que ces crédits ne se trouvent pas phagocytés par de très grandes opérations dont on a peine à maîtriser les coûts. Si j'approuve totalement la gestion qui a été faite des crédits pour l'ambassade de Berlin, je regrette toutefois, monsieur le ministre - c'est peut-être anecdotique, mais cela mérite d'être dit - que près de 8 millions de francs - vous me confirmerez la somme - aient été consacrés, à Berlin, aux espaces verts. Peut-être y avait-il là matière à réorientation !
Mes chers collègues, vous aurez compris, à bien des égards, ce budget ne donne pas satisfaction à votre commission des affaires étrangères.
Toutefois, par rapport à l'an passsé, le niveau des crédits est préservé, les effectifs sont stabilisés, le ministère fera un nouvel effort de gestion des crédits de fonctionnement, et des moyens seront dégagés en faveur des contributions volontaires ou des personnels recrutés localement.
C'est pourquoi, malgré les très fortes réserves émises en son sein, après un long débat, compte tenu également des avis émis par mes deux éminents collègues qui m'ont précédé à la tribune, afin, en outre, de ne pas affaiblir encore notre politique étrangère et l'action que vous menez, messieurs les ministres, et dont nous nous félicitons tous, la commission des affaires étrangères propose au Sénat d'adopter le présent budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Penne, rapporteur pour avis.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures et la francophonie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les efforts consacrés à l'action culturelle extérieure par le ministère des affaires étrangères témoignent de la constante volonté des pouvoirs publics de renforcer cet aspect important de l'influence internationale de la France.
Les priorités retenues de l'action culturelle s'inscrivent également dans le projet de rationalisation de notre dispositif extérieur énoncé par M. Hubert Védrine en 1998.
Notre action culturelle extérieure incombe, en ce qui concerne le ministère des affaires étrangères, à la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, dont les crédits pour 2001 s'élèvent à 9,27 milliards de francs.
La poursuite du développement de l'audiovisuel extérieur, la promotion de nos filières d'enseignement supérieur ainsi que la restructuration de notre réseau d'établissements scolaires de l'étranger constituent les trois priorités de ce projet de budget. La maîtrise des nouvelles technologies de l'information permet de relayer dans le monde entier notre action culturelle extérieure. Le rôle de l'opérateur TV 5, troisième chaîne mondiale, est ainsi essentiel ; présente sur 38 canaux et reçue par plus de cent trente millions de foyers, la chaîne francophone a réussi, sous l'impulsion du plan de reprise défini en 1998 par son président, M. Jean Stock, sa mutation.
Aussi, je ne peux que me féliciter de la dotation de dix millions de francs supplémentaires pour 2001 dont bénéficiera notre opérateur télévisuel.
Cependant, cette évolution est encore inégale, comme le rappellent les vicissitudes du développement de la chaîne en Amérique du Nord, qui impliqueront, en avril prochain, la recomposition de notre partenariat avec nos homologues canadiens, afin de proposer une grille de programmes renouvelée.
Parmi les autres opérateurs de notre action audiovisuelle extérieure, j'attire votre attention, messieurs les ministres, sur la situation de Radio France internationale, aujourd'hui confrontée à une situation financière difficile, l'obligeant à restreindre son développement - je pense en particulier à la mise en service d'un émetteur situé à Chypre et au développement de son site Internet, faute d'une dotation adéquate.
J'en viens à présent à la promotion de nos filières d'enseignement supérieur.
Messieurs les ministres, la formation des élites étrangères d'aujourd'hui façonne le visage de la francophonie de demain. Il fallait enrayer la chute de près de 17 % enregistrée en dix ans par les budgets consacrés aux bourses d'enseignement supérieur, grâce, notamment, à la promotion internationale de nos filières dans les domaines de haute technicité.
Deux acteurs contribuent aujourd'hui à ce nécessaire redressement : l'agence EduFrance, d'une part, le programme Eiffel, d'autre part.
Associant les ministères des affaires étrangères, de l'éducation nationale, de la culture et du commerce extérieur, avec cent trente-cinq établissements d'enseignement supérieur, EduFrance a organisé l'accueil de près de trois cent cinquante étudiants, et a ainsi procuré une recette de vingt-cinq millions de francs.
La dotation de dix millions de francs octroyée par le présent budget est une bonne chose et contribuera notamment à développer l'offre de séjours proposée sur le réseau Internet. Toutefois, messieurs les ministres, pourriez-vous nous indiquer quel sera le prochain statut de l'agence EduFrance, pour le moment groupement d'intérêt public, mais limité dans le temps ?
En outre, le programme Eiffel permet d'accueillir des étudiants ressortissants des pays émergents pour un séjour de longue durée dans nos filières à haute technicité. A ce titre, je ne peux que me réjouir de l'inscription de quinze millions de francs supplémentaires, qui permettront d'atteindre, à l'horizon 2001, un budget global de près de 100 millions de francs, et ainsi de poursuivre ce programme de formation de la prochaine génération de décideurs.
J'en viens, enfin, à mon troisième point : le devenir du réseau de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui recevra cette année une subvention de près de deux milliards de francs.
Je reviendrai messieurs les ministres, non pas, sur les difficultés rencontrées par la gestion du parc immobilier de l'agence mais plutôt sur les mouvements sociaux déjà évoqués par messieurs Chaumont et Dulait, qui ont jusqu'à présent bouleversé le fonctionnement régulier de nos établissements scolaires de l'étranger, qui accueillent près de 160 000 élèves, dont 67 000 Français.
Messieurs les ministres, le réseau est confronté à plusieurs types de problèmes, le plus grave étant celui des recrutés locaux, souvent dans une situation difficile de précarité et de rémunération. Des personnels titulaires de certains établissements sont en grève, car ils estiment que les mesures annoncées pour 2001 sont insuffisantes.
Les élèves et les parents d'élèves craignent des retards dans le déroulement des programmes, car ils sont confrontés aux échéances académiques et redoutent des grèves administratives qui les priveraient de résultats au moment où ils en ont besoin pour les préinscriptions ou inscriptions dans les filières universitaires.
Vous n'avez pas, messieurs les ministres, créé une mauvaise situation dans le réseau ; force est de constater que vous en avez hérité. Mais, dix ans après l'élaboration du statut de l'agence, il faut, ensemble, avec les représentants des usagers et les parlementaires, redéfinir les missions de notre enseignement et refondre les modalités de fonctionnement de l'agence. Pour atteindre ces buts, la cotutelle avec l'éducation nationale, qui a pour vocation de se préoccuper du domaine de l'enseignement en général, semble à beaucoup d'entre nous une bonne idée.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très juste !
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. La partagez-vous ? Dans le cas où votre réponse serait affirmative, pourriez-vous nous faire le bilan des approches entre les deux ministères ?
Aussi, en fonction de progrès réels et malgré certaines insuffisances budgétaires sur lesquelles j'ai souhaité attirer votre attention, je vous propose, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, de voter le budget du ministère des affaires étrangères pour 2001. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l'aide au développement. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne peux malheureusement que redire ici les vives inquiétudes que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a exprimées à l'occasion de l'examen des crédits consacrés à l'aide au développement. Nous souscrivons pleinement, à cet égard, aux analyses que le rapporteur spécial, M. Michel Charasse, a présentées au nom de la commission des finances.
Pour ma part, j'insisterai sur quatre sujets de préoccupation majeurs.
En premier lieu, l'effort que nous consacrons à l'aide publique au développement s'est encore réduit entre 1999 et 2000, passant de 20,4 milliards de francs à 18,9 milliards de francs, soit une nouvelle contraction de l'ordre de 7,5 %.
L'aide publique française ne représente plus que 0,33 % du PIB, contre 0,39 % en 1995. L'évolution des dotations prévue pour 2001, même s'il est parfois difficile d'en prendre une juste mesure, compte tenu des changements de nomenclature récurrents depuis trois ans, confirme malheureusement ces tendances. Je ne peux que constater que la baisse des crédits coïncide avec la mise en oeuvre de la réforme de la coopération et en contredit point par point les objectifs. Les moyens financiers ont été réduits, alors même que le champ de notre coopération s'est ouvert à soixante et un pays, au titre de la zone de solidarité prioritaire, la ZSP. La mise en oeuvre de moyens diminués dans un champ d'intervention géographique élargi conduit à la dispersion de notre action et à l'affaiblissement de notre influence. Pouvez-vous nous indiquer, messieurs les ministres, ce que vous envisagez de faire pour mieux accorder les moyens financiers aux objectifs de la réforme ?
En deuxième lieu, la situation paraît d'autant plus paradoxale que nos instruments d'aide au développement, dont les enveloppes sont progressivement rognées, tendent à être mis au service de pays situés hors de la zone de solidarité prioritaire. L'an passé, le fonds de solidarité prioritaire avait ainsi financé des opérations au Kosovo. Cette année, c'est au tour de l'aide budgétaire, pourtant destinée en priorité aux pays africains, d'être utilisée pour financer des interventions en Macédoine.
Je ne veux pas me prononcer sur l'opportunité de ces opérations, mais j'estime inadmissible qu'elles soient financées au détriment de pays de la ZSP. Si le mot solidarité a un sens, il implique une priorité en termes d'aides financières. Il est indispensable, aujourd'hui, de mettre fin aux dérives qui affectent la cohérence même de notre politique de coopération.
En troisième lieu, nous courons aujourd'hui deux risques majeurs s'agissant de l'aide technique.
D'une part, la diminution continue des effectifs pourrait entraîner un amoindrissement de notre rôle sur le continent africain. Près du tiers des postes auront été supprimés en quatre ans ! Vous nous aviez pourtant affirmé l'an passé, monsieur Védrine, que nous étions parvenus à l'étiage et qu'il ne pourrait plus y avoir de nouvelle diminution sans risquer de compromettre gravement l'efficacité de notre action. Pouvez-vous nous dire s'il est dans les intentions du Gouvernement de permettre de nouvelles suppressions de postes ?
D'autre part, le changement de nature de notre coopération représente également un risque. Le projet de budget pour 2001 voit la suppression de l'intitulé « assistance technique », remplacé par deux nouvelles rubriques : « expertise de longue durée » et « missions d'experts de courte durée ». On peut craindre que les missions courtes ne prennent progressivement une place prépondérante au détriment des missions longues. Si une telle évolution devait se confirmer, la coopération française perdrait l'un de ses principaux atouts, que nous envient d'ailleurs la majorité des autres bailleurs de fonds. Seule une présence prolongée sur le terrain confère l'expérience et la compétence indispensables à l'efficacité de notre action. L'avenir de l'assistance technique ne peut se décider à la faveur d'obscurs arbitrages budgétaires ; il faut un grand débat public, auquel le Parlement prendra part. Pourriez-vous, messieurs les ministres, nous donner des garanties quant au recours à ces « expertises courtes » ?
En quatrième lieu, et j'en terminerai pas là, il faut aussi favoriser le développement en encourageant les investissements dans la zone de solidarité prioritaire, en particulier en Afrique. Il faut inciter nos compatriotes à s'expatrier, et ce serait sans doute plus facile si les Français installés à l'étranger bénéficiaient, de la part des pouvoirs publics français, d'un minimum de garanties qui n'existent pas encore aujourd'hui.
Ainsi, quand nos compatriotes se trouvent ruinés à la suite d'événements politiques dans lesquels ils n'ont aucune part de responsabilité, rien n'est fait pour leur assurer des conditions d'indemnisation ou des aides comparables à celles dont bénéficient à juste titre, en cas de circonstances exceptionnelles, les Français restés sur notre territoire !
La question récurrente des pensions des retraités français n'est pas moins invraisemblable et douloureuse. J'insiste pour que les futurs accords qui seront conclus dans l'optique des opérations d'annulation de dettes bilatérales comprennent des dispositions relatives à la remise en ordre des régimes africains de caisses de retraite, afin de restaurer un paiement normal et régulier des pensions dues à nos compatriotes. Pouvez-vous également, messieurs les ministres, nous donner des assurances sur ce sujet ? Défendre les Français en Afrique, c'est aussi, ne l'oublions pas, favoriser le développement de ce continent.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'évolution des crédits d'aide au développement détermine la place que la France accorde à l'Afrique. Or, à travers l'Afrique, c'est notre rayonnement international qui est en jeu. Il convient donc de peser les conséquences, à mon sens désastreuses pour notre influence dans le monde, de la réduction de notre effort en faveur du développement. Une véritable prise de conscience de la réalité de la situation, qui se dégrade d'année en année, est aujourdhui indispensable si nous voulons conserver à la France le rang qui doit être le sien dans le monde.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Très bien !
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis. Nous savons que tel est aussi votre objectif, monsieur Védrine. C'est pourquoi nous vous faisons confiance, et, en dépit, je dois le dire, de nombreuses réticences, la commission des affaires étrangères a décidé, eu égard à votre personnalité (Sourire.), d'adopter votre projet de budget. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, rapporteur pour avis.
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles, scientifiques et techniques. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il me faut d'abord rappeler que les crédits de la DGCID, à partir desquels, depuis l'année dernière, nous envisageons globalement l'évolution de la politique des relations culturelles, scientifiques et techniques, ne permettent pas d'avoir une image homogène des moyens consacrés à celle-ci.
Je noterai donc simplement que les crédits de la DGCID subiront un très léger repli en 2001, avant de montrer que cela ne met pas en cause le dynamisme d'une politique dont nous approuvons les orientations et la mise en oeuvre. Je regrette toutefois, au nom de la commission des affaires culturelles, la régulation de 80 millions de francs opérée sur l'exercice 2000. Le Parlement, vous le savez, messieurs les ministres, n'aime pas les régulations ; s'agissant d'un budget aussi réduit que celui de l'action culturelle extérieure, elles sont d'autant plus difficiles à accepter.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. C'est vrai !
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis. Le premier domaine ressortissant à la compétence de notre commission est l'action audiovisuelle extérieure. Elle bénéficiera à nouveau, en 2001, de la priorité affirmée en 1999. Nous saluons cette continuité indispensable à la montée en puissance et en efficacité de l'instrument clé de toute action culturelle performante dans le monde d'aujourd'hui.
Il a été décidé de maintenir en 2001 la totalité des moyens qui avaient été alloués en 2000 à l'action audiovisuelle extérieure. Une mesure nouvelle de 10 millions de francs a en outre été accordée à TV 5 afin d'améliorer, en coordination avec France Télévision, la couverture télévisuelle francophone du Maghreb. Il s'agit de pallier les conséquences de l'arrêt, sur décision des autorités tunisiennes après les dernières élections présidentielles, de la diffusion de France 2 par voie hertzienne terrestre sur le territoire tunisien.
Ainsi, TV 5 est confirmée dans son rôle de pivot de notre action télévisuelle extérieure. Je note que son plan d'entreprise de 1999 est mis en oeuvre de façon satisfaisante. La déclinaison en cinq signaux régionaux des émissions diffusées à partir de Paris est achevée et, à la fin de cette année, la numérisation de l'ensemble du processus de production et de diffusion, qui était l'un des éléments principaux de la modernisation de TV 5, sera elle aussi parvenue à son terme.
Cela permet une très bonne réactivité en matière d'information. C'est ainsi que TV 5 a pu se transformer, pour l'Afrique, en chaîne d'information continue et a largement participé à l'information de la population sur le déroulement des crises récentes sur le continent, en particulier en Côte d'Ivoire.
Je tiens à citer deux chiffres illustrant cette réussite : les écrans publicitaires ouverts l'année dernière sont utilisés à plein et procureront 12 millions de francs de recettes à la chaîne en 2001 ; quant au potentiel de réception, il a augmenté de 50 % entre juin 1998 et août 2000, ce qui montre l'intérêt des câblo-opérateurs et des opérateurs de plates-formes satellitaires pour la nouvelle formule. Ainsi, il est bon de rappeler que TV 5 est devenue la première chaîne mondiale de service public, devant la BBC.
J'ajoute que la crise de de TV 5 Amérique est en train d'évoluer. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions à cet égard. Je rappelle que TV 5 Amérique, gérée par l'entité canadienne, est un échec du point de vue tant du nombre des abonnés aux Etats-Unis que du contenu des programmes, plutôt inadaptés s'agissant de l'Amérique latine.
Mais je voudrais insister sur l'importance qu'il y a à faire de TV 5 Amérique une vitrine attractive de la francophonie. C'est sans doute difficile dans une zone aussi saturée d'images et aussi peu ouverte aux programmes étrangers que les Etats-Unis, mais cette difficulté est une raison supplémentaire d'exiger un double dynamisme de la part des gestionnaires de TV 5 Amérique.
C'est pour susciter une relance, à l'image de celle qui a été réussie en Europe, que les ministres responsables de TV 5 ont décidé, le 27 octobre dernier, de créer à l'échelon mondial une entité unique, gérée par un seul conseil d'administration, éditrice d'un programme-réseau. La France a annoncé à cette occasion son intention de confier à TV 5-Satellimages, c'est-à-dire à TV 5 Europe, le signal pour l'Amérique latine, et elle a réservé sa position sur l'avenir du signal destiné aux Etats-Unis. Messieurs les ministres, la commission des affaires culturelles se réjouit de votre fermeté sur ce dossier, qu'il ne faut pas laisser s'enliser.
Avant de conclure sur l'audiovisuel extérieur, je voudrais faire part de mon inquiétude en ce qui concerne les conditions de la collaboration entre TV 5-Satellimages et son nouvel actionnaire majoritaire, France Télévision.
Cet adossement au secteur public, que nous avons souhaité afin d'améliorer l'accès aux programmes pour TV 5, ne doit en aucun cas, à mon sens, remettre en question l'autonomie et les missions de cette dernière. Il serait en outre inacceptable que nous retrouvions une situation à laquelle vous avez su mettre fin et que nos opérateurs publics se fassent concurrence.
Par ailleurs, je ne sais pas si vous êtes en mesure de nous dire quel sera le sort de Canal France International, qui me semblait être un outil utile, complémentaire de TV 5.
Enfin, eu égard à l'arrêt programmé des activités de la Sofirad, la Société financière de radiodiffusion, pouvez-vous nous indiquer ce que deviendront les opérateurs radios Medi I et Africa n° 1 ?
Pour respecter le temps de parole qui m'est imparti, je dois maintenant évoquer très rapidement les autres dossiers.
En ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger, je note que la dotation de l'AEFE progressera en 2001 de 2,08 % par rapport à 2000. Cela inclut une mesure nouvelle de 10 millions de francs en faveur des bourses scolaires destinées aux enfants français, et une mesure de 2 millions de francs pour le développement des nouvelles technologies de la communication dans les établissements scolaires. La préoccupation d'équité sociale et le souci de modernité pédagogique restent ainsi au coeur de notre politique dans ce domaine.
Sur le plan social, l'un des problèmes à résoudre reste la réforme des rémunérations. Un groupe de travail a été constitué afin de réfléchir à la refonte des statuts d'enseignants. Il a permis d'obtenir quelques avancées partielles, dans l'attente de la refonte des statuts, qui devrait être achevée pour la rentrée de 2001. Comme vous le savez, messieurs les ministres, il est urgent de trouver des solutions, car l'impatience monte. Les personnels des établissements français du Maroc ont ainsi lancé une grève pour demander que les promesses du ministère concernant la prise en charge partielle de la couverture sociale des recrutés locaux soient tenues. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est de cette question ?
Je voudrais terminer ce bref exposé en évoquant l'action de l'Association française d'action artistique, l'AFAA, qui a connu un nouveau départ en janvier 2000 avec un changement de statut lié à l'absorption d'« Afrique en créations », l'ancienne agence culturelle du ministère de la coopération.
Je rappelle que l'AFAA joue depuis 1992 le rôle d'opérateur de l'action artistique extérieure, sous la tutelle conjointe du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture. Sa compétence s'étend au spectacle vivant, aux arts plastiques, à l'architecture et au patrimoine.
Le changement de statut de l'AFAA a été l'occasion de préciser ses missions. L'AFAA n'est plus exclusivement tournée vers l'« exportation » de nos artistes, mais est aussi chargée de la promotion des cultures étrangères en France. Je songe en particulier ici au programme des saisons culturelles étrangères, dont la dernière a été le « Temps du Maroc », en 1999. L'AFAA s'occupe aussi, dans l'optique de sa mission de coopération culturelle, de favoriser la diffusion de la création africaine à l'étranger.
Dans le domaine de l'action artistique extérieure, comme pour l'audiovisuel et pour l'enseignement du français, nous voyons les choses bouger, les institutions s'adapter, les ambitions de la politique extérieure épouser l'évolution du contexte international et l'apparition de nouvelles logiques d'actions.
C'est en fonction de ce dynamisme probant qu'il me reste, au terme de cette brève présentation, à proposer au Sénat, au nom de la commission des affaires culturelles, d'approuver les crédits des relations culturelles, scientifiques et techniques, globalement maintenus en 2001, orientés selon des priorités que la commission a approuvées les années passées et utilisés avec un constant souci d'efficacité maximale. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits consacrés à l'action en faveur de la francophonie proviennent de différents budgets, ce qui n'en facilite pas toujours l'analyse.
Il s'agit d'abord de crédits gérés par le service des affaires francophones du ministère des affaires étrangères. Ils sont reconduits, pour 2001, au même niveau qu'en 2000, soit 61,6 millions de francs ; mais ils font l'objet d'une nouvelle ventilation : les 53,5 millions de francs versés au fonds multilatéral unique pour assurer l'exécution des décisions prises par les sommets francophones sont désormais regroupés sur un chapitre unique, avec les autres versements effectués par le ministère au profit de ce fonds.
Le fonds multilatéral unique assure le financement de quatre opérateurs de la francophonie : l'Agence internationale de la francophonie, dont le budget s'élève à 122,5 millions de francs ; l'Agence universitaire de la francophonie, dont le budget est de 137,5 millions de francs ; l'université Senghor d'Alexandrie et l'Association internationale des maires francophones, dont les budgets avoisinent la douzaine de millions de francs.
L'enveloppe globale du FMI est décidée pour deux ans - un biennum - par chaque sommet de la francophonie. Pour 2001, comme en 2000, elle s'élève à 366 millions de francs. La France en finance plus des trois quarts, soit 283,5 millions de francs.
Le cinquième opérateur, TV 5, fait l'objet d'un financement distinct : la contribution de la France s'élèvera en 2001 à 377,5 millions de francs, soit 10 millions de francs de plus qu'en 2000.
La contribution globale de la France à la francophonie multilatérale s'est élevée à près de 750 millions de francs en 2000 et se maintiendra au même niveau en 2001. Il est donc clair que l'apport financier de la France à la francophonie est et restera déterminant.
A la suite d'une demande formulée jadis par notre regretté collègue Maurice Schumann, un jaune budgétaire récapitule chaque année l'ensemble des crédits concourant au développement de la langue française et à la défense de la francophonie.
Cet exercice est difficile à réaliser, et le ministère de l'économie et des finances ne manifeste jamais beaucoup de bonne volonté à s'y plier. Mais on peut estimer ces crédits pour 2001 à 5 727 millions de francs, contre 5 652 millions de francs en 2000, soit une hausse de 1,3 %.
La France, on peut le constater, consacre chaque année à son action en faveur de la francophonie des crédits importants, et elle remplit son rôle de premier pays de la francophonie.
Pourquoi faut-il donc qu'elle suscite néanmoins la perplexité, voire le doute, quant à sa volonté de jouer pleinement son rôle aux côtés des autres pays de la francophonie ? Il y a là un paradoxe français sur lequel il faut nous pencher.
Il tient tout d'abord à la légèreté avec laquelle des responsables publics et privés français négligent leur langue.
Les exemples abondent.
C'est un journal français qui, en octobre 2000, rapporte qu'une conférence de presse s'est tenue au ministère des finances à Paris sur l'aide occidentale à la Yougoslavie et que cette conférence de presse s'est tenue en anglais à la demande des officiels présents et contre le souhait des journalistes interloqués.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ah ! Pour une fois que l'on me faisait part de ce que voulaient les journalistes ! (Sourires.)
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. C'est le groupe Hachette, fleuron de l'édition française, qui croit nécessaire de rebaptiser « Relay », avec un y, ses « Relais H » et qui répond à votre rapporteur, qui s'en étonne, que ce groupe a fait ce choix parce que c'est « simple, concis, compréhensible et prononçable en tout pays », tout en appelant à l'aide Jean Desmarets de Saint-Sorlin, poète héroïque du xviie siècle qui utilisait lui aussi l'y à « relay » ! (Sourires.)
C'est Air France, au nom tellement symbolique, qui accepte de baptiser Skyteam son alliance avec Aeromexico, Delta Airlines, et Korean Airlines, et explique, pour justifier son choix, que « le caractère universel du regroupement de compagnies appartenant à des cultures et des pays divers impose une appellation fédératrice ». L'appellation fédératrice est évidemment anglophone !
C'est notre ministère de la défense - eh oui, là aussi, quel symbole ! - qui reconnaît à l'anglais le statut de « langue opérationnelle dans la perspective d'un engagement au sein de l'OTAN, dont la première langue utilisée, l'anglais, doit être pratiquée par tous ».
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Sur le Charles-de-Gaulle, tout est écrit en anglais, paraît-il !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. C'est la Nouvelle Revue aérospatiale qui décide de changer son nom en Planet Aerospace dans son numéro de ce mois-ci - là encore, je cite - tout simplement « pour symboliser une unité dans la diversité et aussi parce que les mots, dans la langue de Shakespeare, sont compris dans le monde par tous les professionnels et passionnés des technologies aéronautiques et spatiales ».
Ces faits sont graves. Le Président de la République disait, à juste titre, en 1995, que « l'avenir du français se jouerait en Europe ». Mais, précisément, le français ne cesse de reculer en Europe au profit de l'anglais, et les faits que je viens de citer ne peuvent que renforcer cette tendance.
C'est la Cour de justice des Communautés européennes qui semble reconnaître que l'anglais « langue universelle comprise par tous » pourrait suffire à informer le consommateur.
C'est l'Office européen des brevets, où il faut livrer combat - la menace n'est pas définitivement écartée - pour garder sa place à la langue française dans l'information comprise dans les brevets.
Sans doute me direz-vous, monsieur le ministre, que tout cela n'est pas de votre compétence. Il est vrai que la défense et l'illustration du français en France et à l'étranger est par essence interministérielle. Je ne manquerai pas de le rappeler bientôt à M. le ministre de l'éducation nationale, comme je l'ai rappelé samedi dernier à Mme le ministre de la culture.
Mais il est plus que jamais nécessaire que cette volonté politique se manifeste avec force, et cela n'est pas seulement une affaire d'argent.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles vous propose d'adopter les crédits de la francophonie, car ils sont au même niveau que ceux de l'an dernier, mais en assortissant cette approbation d'un certain nombre de recommandations et en demandant :
- que le Gouvernement s'engage à ce que le développement des nouvelles missions confiées à la délégation générale à la langue française en matière de sauvegarde des langues de France soit assuré par l'octroi d'effectifs et de crédits supplémentaires, et non par une redistribution interne qui se ferait au détriment des actions en faveur de la défense de la langue française ;
- que le Gouvernement s'engage dans les démarches nécessaires pour s'assurer que la réglementation européenne ne remettra pas en cause les dispositions de la loi Toubon, et plus particulièrement son article 2, et que, ainsi, les consommateurs pourront toujours disposer sur notre territoire national d'une information en français pour l'étiquetage des denrées alimentaires, nonobstant une évolution préoccupante de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes ;
- que le Gouvernement s'engage à prendre les dispositions nécessaires, le cas échéant par la voie législative, pour assurer la protection des salariés contre le risque d'un recours excessif par certaines sociétés à une langue étrangère dans leur fonctionnement interne en France ;
- que le Gouvernement prenne toutes les dispositions qui s'imposent pour rappeler à la communauté financière qu'aucune langue ne saurait se substituer au français sur notre territoire en matière financière ;
- que le Gouvernement maintienne une position commune avec les Etats qui ont refusé jusqu'à présent la réforme du brevet européen et continuent en conséquence de subordonner la portée juridique des brevets sur leur territoire à la production d'une traduction dans leur langue nationale ;
- que le Gouvernement entreprenne auprès de ses partenaires de la francophonie les démarches qui s'imposent pour ne pas laisser perdurer la déception légitime qu'inspire la mauvaise diffusion de TV 5 en Amérique et qu'il indique au Parlement, dans l'hypothèse où la recherche d'une solution multilatérale s'enfoncerait dans une impasse, les options qu'il envisage pour assurer la présence d'un audiovisuel francophone de qualité sur un territoire aussi stratégique que le territoire américain ;
- enfin, que le Gouvernement intervienne auprès de la Commission européenne, autant de fois qu'il le faudra pour que, dans les négociations relatives à l'élargissement de l'Union, le recours au français soit utilisé dans des conditions comparables au recours à l'anglais et que la représentation française réagisse avec la plus grande fermeté contre des dérives qui tendent à accréditer l'idée que l'anglais aurait vocation à devenir la langue internationale de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'avis favorable exprimé par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à l'adotion des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2001 ne l'a pas été sans réserves. A structure constante, l'augmentation réelle des moyens du ministère par rapport à la dotation 2000 s'interprète, en fait, comme une stagnation, d'une année sur l'autre, des moyens consentis à notre action diplomatique.
Cette simple reconduction des ressources nous conduit à déplorer, une fois de plus, que le budget du ministère des affaires étrangères ne constitue toujours pas une priorité gouvernementale, alors même que l'importance des enjeux internationaux, en Europe et dans le monde, sollicite toujours davantage notre outil diplomatique.
Je ne peux également que regretter que les efforts importants de modernisation de la gestion, de simplification des procédures et de réduction des effectifs, consentis depuis plusieurs années par l'administration du ministère des affaires étrangères, soient tenus, par le ministère de l'économie et des finances, pour quantité négligeable. Les gains de productivité dans l'administration ne semblent profiter qu'à ceux qui les ordonnent et non à ceux qui les réalisent.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, et Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Très bien !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. C'est sans doute là un autre aspect de l'exception française.
Dans ce budget globalement reconduit, un sujet est cependant de nature à attirer plus particulièrement notre attention : je veux parler de l'érosion de notre aide publique au développement, qui se traduit par l'éloignement continu de l'objectif affiché d'y consentir 0,7 % de notre PIB ; nous en sommes aujourd'hui à 0,37 %.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Exact !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Cette tendance à la baisse, conjuguée à la réduction brutale du nombre de nos coopérants, risque d'accréditer la perception d'un certain désengagement de notre pays, singulièrement en Afrique où se joue aujourd'hui le combat du développement.
Vous pourrez faire valoir, monsieur le ministre, qu'une grande partie de notre aide transite désormais à travers des canaux multilatéraux, en particulier celui de la Communauté européenne. Mais pourrez-vous nous éclairer sur les procédures de mise en oeuvre des aides communautaires dont la lourdeur, la lenteur, en bref, la relative inefficacité, c'est un euphémisme, sont relevées par nombre d'entre nous, sénateurs ? Une réforme de ces procédures vient, semble-t-il, d'être engagée, notamment par le commissaire Patten ; nous vous serions reconnaissants de nous indiquer ce que l'on peut en attendre.
J'évoquerai brièvement, monsieur le ministre, par-delà les considérations budgétaires, certains aspects de notre politique étrangère que vous avez la charge de conduire.
Après-demain, s'ouvrira le Conseil européen de Nice. Je suis de ceux qui pensent que la présidence française de l'Union a été fondée sur une réelle ambition pour l'Europe.
Les questions institutionnelles, parce qu'elles sont, avec les négociations d'élargissement, au coeur du projet européen, ne pouvaient manquer de susciter de délicats débats au sein des Quinze, dont l'arbitrage sera à Nice, jusqu'à la dernière heure, un exercice difficile.
Au risque de simplifier à l'excès, il semble que, de la solution apportée aux quatre grandes questions institutionnelles - notamment à deux d'entre elles : l'effectif de la Commission et la pondération des voix au Conseil - dépendra l'appréciation générale que l'on pourra porter sur les résultats du Conseil de Nice. Pouvez-vous, monsieur le ministre, à ce stade d'une négociation très complexe, nous donner quelques indications à cet égard ?
Je traiterai en deuxième lieu de la place de l'Union sur la scène internationale. Il se trouve que la présidence française a été confrontée, entre autres dossiers importants, à celui, capital, de la situation au Proche-Orient. Je crains que, sur ces événements tragiques qui se déroulent dans cette région, l'Union, en dépit des impulsions positives que vous avez pu souhaiter, ici ou là, y apporter, ne peine à formuler une position cohérente et ambitieuse de nature à recueillir l'intérêt des deux parties.
On comprend bien que chaque pays membre entende préserver, sur des sujets aussi complexes et graves, une appréciation souveraine. Il reste que si la PESC continue de reposer sur les structures actuelles, l'Union n'aura guère le choix, sur la scène internationale, qu'entre le silence collectif et la division.
Vous nous direz, monsieur le ministre, si, à votre avis, l'application des coopérations renforcées à la PESC pourrait - aurait pu ? - être une solution à ce délicat problème ou si vous entrevoyez, là aussi, une « troisième voie » de nature à affermir une véritable diplomatie européenne.
Ma dernière interrogation concernera l'évolution dans les Balkans, quelques jours après le sommet de Zagreb.
La chute de Milosevic et son remplacement par M. Kostunica, le déroulement satisfaisant des élections municipales au Kosovo, ont entraîné un soulagement légitime de la communauté internationale. Cependant, ces évolutions positives n'ont pas dissipé le maintien d'une inquiétante réalité : celle des nationalismes ethniques, qui perdurent, en particulier, au Kosovo, où le changement de régime à Belgrade n'a pas, et de loin, atténué une revendication d'indépendance dont la satisfaction entraînerait les conséquences que l'on imagine au Monténégro, en Macédoine et au-delà.
En Bosnie-Herzégovine, ce sont les partis de la guerre et de l'exclusion ethnique qui ont remporté les élections, repoussant d'autant la mise en oeuvre complète des accords signés il y a cinq ans.
Dans les deux cas, qu'il s'agisse des accords de Dayton ou de la résolution 12-44, les constructions de paix proposées par la communauté internationale se trouvent fragilisées. Ces deux textes ont eu le grand mérite de mettre un terme aux combats, mais leur capacité à installer durablement la paix est moins que certaine, en dépit des efforts méritoires déployés sur le terrain par ceux qui en ont la responsabilité.
Quelle option choisir ? Devons-nous aménager ces textes, au risque d'ébranler tout l'édifice, ou tenter, malgré tout, de traduire dans les faits, ici, l'unité de la Bosnie et, là, l'objectif d'autonomie substantielle du Kosovo dans une Serbie démocratique ?
L'attraction exercée par l'Union européenne suffirat-elle à cimenter la réconciliation entre les peuples, qui conditionne le nécessaire développement de la coopération régionale ?
Qu'il s'agisse de la France, de l'Europe, et peut-être des Etats-Unis, notre présence dans la région, dans les domaines militaire, civil et financier, est donc destinée à durer. Nous devons en tirer toutes les conséquences, notamment budgétaires, qui ne seront sans doute pas plus lourdes que celles qu'entraînerait une brutale dégradation de la situation.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est pour qu'ils continuent d'être placés au service d'une diplomatie d'ambition pour notre pays et pour l'Europe que nous voterons, malgré les insuffisances qui ont été relevées par tous mes collègues et amis, les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2001. (Applaudissements.)
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est la responsabilité du Sénat !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 45 minutes ;
Groupe socialiste : 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 8 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu pour soixante minutes au maximum.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est en se fondant sur quel article de la Constitution qu'on limite ainsi le temps de parole des ministres ?
M. le président. Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les sénateurs de mon groupe approuveront les crédits inscrits au titre de la coopération, tout en étant conscients des points forts et des faiblesses de ce projet de budget.
Un premier point fort se dégage. On est loin de la politique africaine du passé, parfois obscure, souvent décidée de l'Elysée et dont certaines dérives furent dommageables, tant à l'« époque Foccard » que dans un passé plus récent.
Pendant des décennies, la politique africaine de la France a été conçue et dirigée par le Président de la République. Depuis l'arrivée du gouvernement de Lionel Jospin, cette politique est dirigée, pour une large part, du Quai d'Orsay et de la rue Monsieur, ce qui tendrait à rappeler, pour l'avenir, que ce « domaine réservé présidentiel » n'avait ni fondement constitutionnel, ni raison d'être.
Nous approuvons les principes de votre politique que résument deux formules, la « non-ingérence » et la « non-indifférence », qui permettent le développement de relations plus respectueuses et plus équilibrées que par le passé.
Vous rappelez souvent, messieurs les ministres, que la première responsabilité de la sécurité des Africains revient aux Africains eux-mêmes, avec, certes, le soutien de la France.
Cette politique porte ses fruits et ne manquera pas d'en porter d'autres.
Je voudrais que cette évolution politique positive intègre un autre élément, comme l'a indiqué mon ami Jean-Claude Lefort à l'Assemblée nationale, celui de la meilleure implication du Parlement en amont des réflexions et des choix, singulièrement au niveau de l'Union européenne.
Mis à part le débat suscité l'an dernier par la question orale avec débat de notre collègue socialiste M. Serge Lagauche, il est vrai que le Sénat, et moins encore l'Assemblée nationale, n'ont eu à discuter, par exemple, du problème décisif de la renégociation des accords de Lomé, désormais accords de Cotonou.
Je ne dis pas cela pour marquer une défiance à l'égard de la position française défendue lors de ces négociations entre l'Union européenne et les pays ACP, les Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Au contraire ! Je pense que vous y avez développé des positions justes et constructives.
Mon souhait vaut également concernant la tenue, voilà deux semaines, de la conférence euro-méditerranéenne de Marseille.
Je ne dis pas non plus que chaque fois que des ministres de notre gouvernement participent à des conférences internationales, ils devraient venir préalablement en débattre au Parlement.
Evidemment non ! Mais pour des événements aussi structurants que les deux que je viens de citer, cela peut se concevoir.
Il n'est pas non plus inutile de se servir de ce type de débat parlementaire pour sensibiliser un peu mieux l'opinion publique française et pour mobiliser un peu plus notre société civile et nos collectivités territoriales.
Trop peu de parlements européens marquent un intérêt pour l'Afrique. Fort heureusement, ce n'est pas le cas de la France. Profitons-en !
Comme chaque année, nous ne pouvons que constater que l'écart entre le Nord et le Sud ne fait que se creuser.
En 1960, les 20 % de la population mondiale vivant dans les pays les plus riches avaient un revenu trente fois supérieur à celui des 20 % les plus pauvres. En 1995, leur revenu était quatre-vingt-deux fois supérieur.
Ce fossé est plus spectaculaire encore si l'on rapporte la misère du plus grand nombre aux biens accumulés par une poignée de privilégiés : la fortune des trois personnes les plus riches de la planète dépasse le PIB cumulé des quarante-huit pays les plus pauvres, celle des quinze plus riches égale la production de toute l'Afrique subsaharienne, les avoirs des quatre-vingt-quatre personnes les plus riches dépassent ceux de la Chine et de ses 1,2 milliard d'habitants. Trois milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars par jour. La consommation d'un ménage africain moyen est en recul de 20 % par rapport à ce qu'elle était il y a vingt-cinq ans.
Le nombre de personnes sous-alimentées a presque triplé ces trente dernières années en Afrique subsaharienne.
Ces quelques chiffres donnent le vertige.
L'ennemi mondial s'appelle la pauvreté. C'est un mal implacable qui engendre violence, anarchie et drames à grande échelle.
C'est un mal qui est constamment attisé par l'ordre économique mondial, fait d'iniquités et de rapports de force qui conduisent à un marché aux lois injustes et cyniques.
Depuis longtemps, le Sud subit cette loi. Producteur de matières premières, il a toujours été tenu à l'écart des lieux de décision où est fixé le prix de ses produits.
Pendant que le prix des matières premières subissait des baisses aux conséquences dramatiques, celui des produits finis que le Nord lui vend enregistrait en revanche des hausses continues.
Au moment de la décolonisation du début des années soixante, la part de l'Afrique dans le commerce mondial était en valeur de 6 %. Elle est aujourd'hui inférieure à 2 %. Et, si l'on retire le pétrole, ce chiffre tombe à moins de 0,5 %.
C'est d'abord de plus de justice dans les rapports internationaux que les habitants du Sud, et singulièrement les Africains, ont besoin pour inverser cette logique infernale.
Je sais bien que, sur cette question de fond, nous sommes d'accord sur l'essentiel, messieurs les ministres. Je sais bien que l'action gouvernementale française pèse dans le bon sens.
Mais je sais bien aussi que notre pays ne peut, à lui seul, inverser totalement cette logique. Le niveau européen est, à l'évidence, le mieux adapté dans ce domaine, comme dans d'autres, pour tenter de construire un monde multipolaire, plus humain et plus respectueux des pays les plus pauvres.
Nous avons apprécié les efforts que vous avez déployés particulièrement durant cette année 2000, pour jeter les bases d'une identité européenne d'aide au développement plus en rapport avec la hauteur des enjeux.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Quelle est votre appréciation sur les progrès réalisés et les blocages persistants sur ce sujet ?
Plus de 2 milliards d'euros dorment dans les tiroirs du fonds européen de développement faute d'avoir été consommés.
Cette lourdeur de fonctionnement qui confine à la négligence - le mot est faible - face aux immenses besoins posés par l'extrême pauvreté est complètement intolérable.
L'exercice de la présidence de l'Union européenne par la France a-t-il permis de faire prendre les mesures tendant à redynamiser le fonctionnement du fonds européen de développement et, plus largement, d'engager les réformes nécessaires tendant à limiter les travers bien connus de la bureaucratie européenne ?
L'existence de cette cagnotte - une vraie celle-là - du FED, auquel la France contribue à hauteur de 25 %, affaiblit la portée des remarques qui doivent être faites face à l'érosion continue du budget de la coopération au cours de ces dernières années.
Il est vrai que la France est encore le premier pays du G 7 quant au niveau de son effort, qu'elle se situe au sixième rang mondial en pourcentage de son PIB.
Il est vrai que la France a fait beaucoup en faveur de l'annulation de la dette des pays les plus pauvres et les plus endettés.
Mais il est vrai aussi que de 41,9 milliards de francs d'aide publique au développement en 1994, nous sommes passés à 28,9 milliards de francs en 2000 et que nous y consacrons désormais 0,37 % de notre PIB contre 0,64 % en 1992 ! Nous nous éloignons de l'objectif auquel la France a souscrit à l'ONU, comme les autres pays industrialisés, de consacrer 0,7 % de son PIB à l'aide au développement.
Cette tendance à la baisse va, me semble-t-il, poser des problèmes difficilement surmontables quant à l'ambition légitime d'élargir le champ d'intervention de la France, singulièrement aux pays de l'Afrique anglophone et lusophone.
Les dangers de la dispersion et du saupoudrage, déjà perceptibles, ne vont-ils pas s'accentuer ?
Le peu de temps qui m'était imparti s'achevant, je ne pourrai entrer plus avant dans l'analyse des nombreux autres éléments de ce budget, mais, M. le rapporteur spécial, l'a fait excellement.
Nous soutenons les fondements de la politique que vous menez et en espérant la prise en compte de nos remarques, qui rejoignent les voeux de tous ceux qui sont sincèrement attachés à l'oeuvre de solidarité de la France dans le monde, nous voterons pour votre projet de budget. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, quelques mots d'abord - c'est bien le moins - sur le budget des affaires étrangères.
Il connaît une modeste progression, qui tranche heureusement avec la pénurie connue pendant les années quatre-vingt-dix et qui confirme la remontée des crédits amorcée en 1999 et surtout en 2000. Le groupe socialiste l'approuvera, comme d'ailleurs la commission des affaires étrangères l'a fait à l'unanimité.
Pour 2001, les crédits du ministère des affaires étrangères s'élèveront à 22,08 milliards de francs. Ils représentent 1,28 % du budget de l'Etat. Il est vrai que la Quai d'Orsay ne gère pas la totalité des moyens dévolus à notre politique extérieure. Ces derniers atteindront 55,49 milliards de francs, soit un peu plus de 3 % du budget de la nation, ce qui conduit néanmoins à dire que, pour la France, en termes budgétaires, l'action internationale du pays n'est pas prioritaire.
Le projet de budget pour 2001 progresse de 5,3 % par rapport à celui de l'an dernier. Il s'agit en réalité de la forte augmentation des crédits destinés au financement des opérations de maintien de la paix, soit 4 milliards de francs dus en particulier d'abord à l'augmentation du nombre de ces opérations et surtout à la forte appréciation du dollar par rapport au franc. En réalité, à structure constante, les crédits pour 2001 progressent modestement de 40 millions de francs. Je n'entrerai pas dans le détail. Les intervenants précédents l'ont fait. Mais je veux encore noter que l'action extérieure, en ce qui concerne les moyens politiques de coopération, semble avoir été transférée en grande partie au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, qui manie des sommes considérables. Au total, nous sommes en présence d'un budget limité pour des ambitions élevées. La chute des crédits destinés à l'action extérieure de la France est enrayée. Il faudrait maintenant faire en sorte que 2001 soit l'année de la reprise budgétaire que la politique du Gouvernement et de vous-mêmes, messieurs les ministres, mérite amplement.
J'en viens maintenant, comme il est d'usage dans ce débat, à quelques réflexions sur la politique internationale. Notre monde globalisé est loin d'être un monde pacifié. De nombreux conflits se déroulent sur presque tous les continents.
Certains de ces conflits, notamment au Proche-Orient, existent déjà depuis des décennies. D'autres, je pense surtout à la Tchétchénie, sont le produit de l'effondrement de la puissance soviétique. D'autres, enfin, en Afrique, trouvent leurs origines dans le sous-développement et dans les sursauts dramatiques d'une décolonisation inachevée ou mal conduite.
J'évoquerai d'abord le Proche-Orient.
Les engagements pris par les dirigeants palestiniens et israéliens à Charm el-Cheikh, voilà sept semaines, et à Gaza, le 2 novembre dernier, n'ont pas été respectés. L'interruption brutale du processus de paix allonge chaque jour la liste des morts, israéliens et surtout palestiniens.
Qui pourra à nouveau, dans cette région meurtrie, reprendre le drapeau de la paix et lancer un vibrant « Ça suffit ! Arrêtons de nous entretuer. Redonnons une chance à la vie. » Qui pourra reprendre le travail d'Yitzahk Rabin, assassiné voilà cinq ans, et auquel on vient de rendre hommage ?
Nous savons que la France a multiplié les intitiatives pour la paix. L'Union européenne n'a pas cessé d'oeuvrer dans ce sens. Le président Clinton s'est beaucoup dépensé mais, arrivé en fin de mandat, il ne peut plus guère peser. Sur place, la désespérance s'accroît chaque jour davantage. Sur ce dossier, le Conseil de sécurité a semblé paralysé. L'idée d'une mission d'observation de l'ONU dans les territoires a tardé à se concrétiser, mais il semble que le Premier minsitre insraélien l'accepte désormais.
L'urgence réside actuellement dans l'arrêt des violences, puisqu'il n'est pas envisageable de revenir au statu quo ante pour les Palestiniens. Les colonies et la question de Jérusalem restent au coeur du conflit. Il faut que la paix soit fondée sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité, sur les principes adoptés lors de de la conférence de Madrid - le principe de la terre contre la paix - et sur les accords conclus à Oslo. Mais ce processus a-t-il encore une réalité ?
La France et l'Union européenne ont réaffirmé leur soutien au droit des Palestiniens à disposer d'un Etat. Israël, de son côté, traverse l'une des crises les plus graves de son existence. Pour les uns comme pour les autres, il n'y a pas d'alternative à la négociation et à la paix. Les deux peuples sont là, sur cette terre qu'ils auront, d'une façon ou d'une autre, à se partager. La négociation est donc inéluctable ; il reste à savoir combien de sang sera versé avant que la raison l'emporte.
Autre sujet de préoccupation les Balkans.
Au moment où il s'apprête à quitter son poste, je voudrais d'abord saluer le remarquable travail accompli dans des conditions particulièrement difficiles par Bernard Kouchner au Kosovo, où il faut rappeler que la France est actuellement le deuxième contributeur en ce qui concerne la mise à disposition de personnels.
Aujourd'hui, on peut faire preuve d'un certain optimisme, même s'il convient de rester prudents. Mais on peut regarder avec espoir l'évolution de la Serbie depuis la mise à l'écart de Milosevic, qui demeure cependant présent sur la scène politique de Belgrade. Nous verrons, aux élections législatives du 23 décembre prochain, si les démocrates conduits par le président Kostunica confirment leur progression.
Au Kosovo, les élections municipales ont donné l'avantage aux modérés et, en Bosnie, le dialogue semble remplacer d'un manière durable les invectives et l'usage de la force.
Cependant, comme vient de le rappeler le président de Villepin, en plusieurs lieux la tension demeure. Le chemin à parcourir est encore long et l'européanisation des Balkans, pour utiliser une formule que vous affectionnez, monsieur le ministre des affaires étrangères, n'est pas pour demain. Mais les choses évoluent et, dans les Balkans, elles évoluent parfois rapidement. Restons vigilants en essayant d'apporter une contribution positive au processus enclenché par les forces démocratiques sur place.
Nous pouvons remarquer que, sous présidence française, les Européens parlent aujourd'hui d'une seule voix quand il s'agit du sud-est de l'Europe. Le récent sommet de Zagreb l'a montré. Pensez-vous, monsieur le ministre, qu'il s'agit d'un phénomène durable ? Si oui, ce serait une grande avancée pour la politique extérieure de l'Union européenne.
J'en viens maintenant à ce qui nous préoccupe en premier lieu dans le moment présent, à savoir ce que pourront être les conclusions de la présidence française de l'Union européenne.
Auparavant, je tiens à dire mon inquiétude devant le contraste entre les succès indéniables que sont l'instauration d'une monnaie unique ou les progrès enregistrés dans la construction d'une défense européenne et le désintérêt des citoyens de nos pays vis-à-vis de la construction européenne,...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ah !
M. Claude Estier. ... un désintérêt que confirment tous les sondages et qui provient à la fois d'une difficulté de compréhension des enjeux, des intérêts et des rapports de force tels qu'ils apparaissent dans les négociations sur la réforme des institutions, donc un sentiment d'immatérialité de l'Union européenne, dont les activités leur semblent loin de leur préoccupations quotidiennes.
Les négociations menées depuis des mois sur la conférence intergouvernementale ne contribuent pas à la clarification nécessaire des objectifs de l'Union.
Cela est particulièrement vrai de la négociation sur la composition de la Commission : alors que cette instance centrale est censée représenter l'intérêt européen, beaucoup d'Etats membres semblent croire que le maintien d'un commissaire par Etat assurerait une plus grande lisibilité, imposant la représentation nationale comme seule légitime et susceptible de remporter l'adhésion de leurs concitoyens.
Il y a là un brouillage des cartes qui pourrait avoir des conséquences sur la manière d'élaborer les politiques de l'Union avec le risque de se retrouver devant le paradoxe suivant : une plus grande intégration par le recours à des coopérations renforcées, comme si toute nouvelle initiative pour un approfondissement de la construction européenne ne pouvait passer désormais que par des actions organisées dans un cadre parallèle ou en tout cas plus restreint.
J'ai dit le succès que représente, à mes yeux, l'existence de l'euro, qui connaît d'ailleurs, ces jours-ci, une remontée intéressante. Mais, là encore, les citoyens ont du mal à saisir le rôle positif de cette monnaie unique, tant il leur paraît que sa valeur et ses fluctuations sont conditionnées par des phénomènes qu'ils ne maîtrisent pas. Un grand travail pédagogique reste à accomplir avant que l'euro remplace le franc dans un peu plus d'un an, et je sais que le Gouvernement y veille.
Sur un autre plan, on peut regretter que l'inscription dans le traité d'une référence à la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne semble plus d'actualité immédiate, alors que cette charte, qui a, en tout cas, le mérite d'exister, est destinée à rendre les droits des citoyens plus lisibles et à susciter leur adhésion par une réponse à des problèmes qui les concernent directement.
La réconciliation entre l'Europe et ses citoyens passe par une meilleure information, non seulement sur ce que fait l'Europe, mais aussi sur la valeur ajoutée d'actions engagées à l'échelon européen et sur ce que l'Europe a encore à nous apporter.
Quelles que soient les conclusions du prochain sommet de Nice, il faut donc insister sur les nombreuses décisions, dans tous les domaines, qui ont été prises sous la présidence française.
Je citerai notamment les accords sur la fiscalité de l'épargne et la lutte contre le blanchiment de l'argent sale ; l'agenda sur la politique sociale, qui prévoit une série d'actions à engager sur une période de cinq ans avec une stratégie de lutte contre l'exclusion sociale ; le plan de mobilité des étudiants, des chercheurs, des enseignants et des formateurs ; le programme d'action de lutte contre les discriminations ; la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en matière civile et commerciale ; l'accord sur la sécurité générale des produits et la création d'une autorité alimentaire européenne.
Enfin, les quinze Etats membres ont pris, hier, une décision sans précédent en prohibant les farines animales dans l'Union européenne à compter du 1er janvier 2000, pour une durée de six mois éventuellement renouvelable.
Ainsi, la protection des consommateurs est érigée comme l'une des priorités de l'Union, comme un phénomène ne connaissant plus de frontières. Plusieurs de ces décisions - j'y insiste - sont dues à l'initiative directe du gouvernement français. On doit souhaiter qu'à l'avenir les Etats s'attachent davantage à cette dimension pratique parce que c'est elle qui fonde la légitimité de la construction européenne dans la mesure où elle touche les citoyens plus que les débats institutionnels, certes essentiels, mais trop souvent abstraits. Dans ces débats, dont l'issue commande le futur élargissement de l'Union, qu'il s'agisse de la composition de la Commission, des votes à la majorité qualifiée, de la repondération des voix ou du développement des coopérations renforcées, des compromis restent encore à trouver d'ici à samedi ou à dimanche. Ce ne sera pas chose facile, mais je sais que vous restez optimiste, monsieur le ministre. L'expérience a d'ailleurs souvent prouvé que c'est au dernier moment que les situations les plus complexes se dénouent. Nous faisons donc confiance à la présidence française pour trouver ces compromis et pour que le sommet de Nice marque une étape décisive pour la constructioon européenne à laquelle nous n'avons cessé d'être attachés. (Bravo ! applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Monsieur le ministre, en ce qui me concerne, je vous dis tout de suite que je voterai votre projet de budget pour l'an prochain, même si, à l'instar du président de la commission des affaires étrangères, Xavier de Villepin, des rapporteurs et des collègues qui m'ont précédé, j'émets de fortes réserves, non pas seulement sur la dotation, car un bon budget n'est pas forcément celui dont les dépenses s'accroissent,...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ah !
M. Robert Del Picchia. ... mais pour ses contraintes.
Je le voterai non pas seulement en raison de la présidence française de l'Union européenne - je vous l'ai déjà dit -, mais parce que, à titre personnel, j'apprécie la politique étrangère menée par le Quai d'Orsay sous votre direction et que, contrairement à ce qu'a dit l'un des collègues qui m'a précédé, j'ai la faiblesse de penser qu'elle est en accord avec celle du Président de la République.
Monsieur le ministre, en tant que rapporteur de la loi sur le volontariat au Sénat, je me réjouis de la publication toute récente au Journal officiel des décrets d'application de cette loi qui va permettre de remplacer les anciens coopérants par des volontaires civils à l'étranger. En revanche, je reste perplexe sur la diversification des crédits à la francophonie.
J'ai bien remarqué que des progrès avaient été accomplis. Mais, malgré les bonnes explications de mon collègue Jacques Legendre, je ne sais pas très bien où l'on va, les recoupements et les diversifications de l'organigramme de la francophonie restant toujours pour moi incompréhensibles. Ne pourrait-on pas avoir un véritable état des lieux de la francophonie, de tous les organismes qui ont en charge la francophonie et, bien entendu, de leur budget ?
Sans vouloir reprendre les sujets déjà évoqués, je me dois de vous rappeler quelques points et de vous poser quelques questions que nous interpellent.
S'agissant de l'Europe, je commencerai par l'avenir de la CIG. La moitié des Français de l'étranger résident en Europe. Ceux qui vivent dans l'Union européenne sont intéressés par le devenir de l'Union. Ceux qui résident dans les pays candidats sont inquiets du retard de l'élargissement. Pouvez-vous renseigner les premiers et rassurer les seconds ?
Permettez-moi, s'agissant de politique étrangère, de vous poser une question à deux titres : en tant que sénateur des Français de l'étranger représentant quelque 20 000 Français qui y résident et en tant que président délégué du groupe France-Afrique de l'Ouest, plus particulièrement chargé de la Côte d'Ivoire.
J'aimerais d'abord connaître votre position sur la situation politique dans ce pays.
Ecarté, pour non-ivoirité, de la course à la présidence, sous le régime du général Gueï, M. Ouattara a vu cette impossibilité confirmée pour les législatives. N'est-ce pas une occasion manquée pour un apaisement politique dans ce pays troublé ?
Je sais bien, monsieur le ministre, que vous allez me répondre que la France ne s'immisce pas dans les affaires intérieures des autres pays, y compris les pays africains. Mais vous pouvez me répondre sur une estimation, une analyse politique. Il existe une menace à peine voilée des partisans d'Alassane Ouattara. En clair, existe-t-il un risque de sécession en Côte d'Ivoire ? A-t-on eu suffisamment de contacts avec le président Laurent Gbagbo ?
En Afrique justement, monsieur le ministre, Radio France internationale, RFI, est un grand moyen d'information et, dans certains pays, le plus écouté. C'est une très bonne chose pour notre pays. RFI est la radio mondiale de la France ; c'est un des éléments de son rayonnement.
RFI a réalisé ces dernières années un développement important et nécessaire pour maintenir sa place face à une forte concurrence, en particulier de la BBC world service . Or le budget de RFI ne bouge pas depuis trois ans : il s'élève à 763 millions de francs, dont 452 millions attribués par votre ministère, le reste étant attribué par le ministère de la culture.
Ce budget, qui peut paraître élevé, est stable, mais il connaît des contraintes : la disparité des salaires avec le reste de l'audiovisuel, ses charges en personnel ; les 35 heures y sont appliquées aussi... En définitive, le budget est trop étroit et le développement en souffre, en particulier, le développement d'Internet. Certes, le site existe et fonctionne bien, mais il doit être amélioré de façon à ne pas avoir un train de retard. La radio de demain, c'est aussi Internet, surtout pour une radio qui se veut mondiale. Ce développement est donc urgent.
Cette stabilité budgétaire freine aussi le développement de RFI à Chypre sur le Proche-Orient, région du monde troublée, où la France devrait aussi faire entendre sa voix.
Enfin, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur un trou noir de RFI - et des autres stations françaises d'ailleurs. Il s'agit tout simplement de Bruxelles. En effet, à Bruxelles, aucune station française n'est reçue en modulation de fréquence. Avec de grandes difficultés, on perçoit entre deux rafales parasites France Inter sur ondes longues.
Bien sûr, on me dira : « Mais vous avez la radio belge en langue française ! » Oui, mais ne pensez-vous pas qu'il est important pour la France d'avoir aussi un rayonnement sur une ville où se trouve la Commission européenne, l'OTAN et d'autres organisations internationales, dans une ville où se tiennent tant de conférences ministérielles ? Et puis, il ne faut pas oublier que plus de 100 000 Français vivent en Belgique. Ne trouveriez-vous pas agréable, voire utile, pour vous et vos collègues qui s'y rendent souvent, d'entendre, dans la voiture qui vous conduit, ou à votre hôtel, les dernières nouvelles de France et du monde ? Eh bien, monsieur le ministre, vous le pourriez si RFI installait un émetteur de modulation de fréquence à Bruxelles. Pour ce faire, il suffit d'augmenter légèrement le budget : un émetteur FM ne coûte que 200 000 francs. Une grande partie de la population française qui réside à Bruxelles vous en serait reconnaissante, monsieur le ministre.
Sans revenir dans le détail sur l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, je me contenterai, monsieur le ministre, de déplorer un léger défaut de communication sur ce sujet.
On nous a d'abord dit que la réforme se ferait à prix coûtant, puisque ce seront 167 millions sur six ans. De fait, ce manque d'information et peut-être une consultation et une concertation trop tardives - je dis bien « peut-être » : vous pourrez me démontrer le contraire - ont conduit, nous le savons tous, à des mouvements de grèves des enseignants très mal perçus par les parents d'élèves.
Les parents d'élèves sont sceptiques. Ils craignent que la baisse du nombre d'enseignants expatriés, aggravée par la suppression des postes de coopérants - que l'on ne remplacera que très partiellement par des volontaires civils - ne conduisent à deux résultats très négatifs : d'une part, la baisse de la qualité de l'enseignement par manque de renouvellement, mais aussi en raison de ces modifications - résidents ou recrutés locaux -, d'autre part, l'augmentation des frais de scolarité.
Je me dois en effet de le rappeler à mes collègues sénateurs de métropole à l'étranger, l'école publique française est privée et, de surcroît, payante ! Seul un enfant français sur trois à l'étranger y est scolarisé, les autres n'y allant pas tout simplement parce que cette école est trop chère !
Mme Paulette Brisepierre. Très bien !
M. Robert Del Picchia. Monsieur le ministre, vous avez parlé de l'AEFE. Etant donné la situation que je viens de décrire et que vous connaissez bien, je vous poserai seulement une question : pouvez-vous nous affirmer que la réforme engagée par l'AEFE n'amènera pas d'augmentation du prix de la scolarité payée par les parents ?
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Très bonne question !
M. Robert Del Picchia. En revanche, avec M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les relations culturelles extérieures et la francophonie, je me réjouis du résultat d'EduFrance.
J'ai assisté la semaine dernière à Athènes à une opération conjointe de l'ambassade de France et d'EduFrance. Je dois dire que les résultats ont été très positifs. Grâce à cette opération, plusieurs dizaines d'étudiants grecs se rendront, par exemple, dans les universités grenobloises.
Enfin, monsieur le ministre, je veux parler de TV5. Ici même, l'année dernière, j'avais émis des mises en garde sur la situation au Canada. Je me réjouis donc qu'un accord ait pu être trouvé, mais je souhaiterais avoir quelques éclaircissements sur cet accord et des précisions en qui concerne les opérations de TV5.
Je tiens à féliciter Jean Stock et son équipe des résultats qu'ils ont obtenus.
Pour conclure, je souhaite évoquer brièvement le Conseil supérieur des Français de l'étranger pour remercier M. le ministre d'avoir, avec ses services de la DFAE, la direction des Français à l'étranger assurée par M. Lafon, et le secrétariat général du CSFE, compris l'importance et l'urgence d'une réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger, en créant par un arrêté pris en septembre dernier une commission temporaire de la réforme, dont j'ai l'honneur et la charge d'être le rapporteur.
Avec mon collègue Guy Penne, qui la préside, nous avons entrepris un sondage grandeur nature auprès des membres du CSFE sur les souhaits préalables à cette réforme. Nous allons maintenant travailler au sein de cette commission. Dès la semaine prochaine, nous ferons des propositions pour parvenir, par étapes, à réformer en profondeur cette assemblée représentative des Français de l'étranger, et ce, bien entendu, dans le consensus, comme vous l'avez souhaité, d'autant que nous sommes persuadés que c'est la seule façon de réformer le CSFE.
M. Guy Penne. Très bien !
M. Robert Del Picchia. Nous espérerons, monsieur le ministre, que vous saurez entendre les représentants des Français de l'étranger pour mettre en oeuvre les modifications législatives nécessaires à la réalisation de cette réforme. En tout cas, je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien m'apporter. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le ministre, l'aspect social du ministère des affaires étrangères en faveur de nos compatriotes expatriés va être l'objet de mon intervention. C'est dans ce contexte que je poursuis l'action à laquelle je me suis attaché depuis que je représente nos compatriotes au Sénat en vue de leur assurer une couverture sociale similaire à celle dont ils bénéficieraient en France, notamment par l'intermédiaire des crédits du fonds d'assistance créé en 1977, ce qui permettrait d'accorder aux Français expatriés âgés ou handicapés des aides similaires au minimum vieillesse et à l'allocation aux adultes handicapés.
Après avoir connu deux années de hausse - en 1999, plus 10 millions de francs, en 2000, plus 4,7 millions de francs, auxquels il convient d'ajouter 1 million de francs que j'ai obtenu au titre de la réserve parlementaire - ces crédits marquent le pas dans le projet de budget que vous nous proposez pour 2001.
Certes, globalement, les crédits réservés à l'action sociale de votre ministère connaissent une hausse sensible - plus 3,14 millions de francs -, mais la plus grande partie de cette augmentation - un peu plus de 2 millions de francs - sera consacrée à l'emploi et à la formation de nos compatriotes expatriés, ce dont je ne peux que me féliciter, cet aspect de l'expatriation ayant besoin d'être développé.
Néanmoins, je m'inquiète pour nos compatriotes âgés ou handicapés notamment : les hausses successives de 1999 et 2000 avaient permis non seulement de relever le montant de l'ensemble des allocations de solidarité ou aux handicapés, mais également - c'était là un point qui me tenait particulièrement à coeur et sur lequel j'étais intervenu à plusieurs reprises - de prendre des mesures spécifiques pour les enfants handicapés souffrant d'un handicap lourd ; parallèlement, des aides ponctuelles avaient pu être mises en place pour distribuer des médicaments ou pour aider les familles les plus défavorisées ayant des enfants scolarisés.
Toutes ces actions doivent être poursuivies et amplifiées, et les décisions prises l'an dernier dans le cadre de la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger doivent être maintenues.
Or il est à craindre que, après deux années bénéfiques dans ce domaine, 2001 s'annonce de façon plus restrictive. Je souhaite qu'il ne s'agisse que d'une pause avant la reprise, en 2002, d'un effort significatif en vue d'apporter à nos compatriotes expatriés les plus démunis toute l'aide dont ils ont besoin et qu'ils sont en droit d'attendre.
Certes, l'une de mes demandes, réitérée chaque année depuis 1985, devrait connaître prochainement un début de réponse : il s'agit de la couverture maladie des Français expatriés les plus défavorisés, notamment de celle des allocataires du fonds d'assistance de votre ministère. Bien que n'apparaissant pas encore au budget de ce dernier puisque le projet de loi relatif à la modernisation sociale n'a pas encore été examiné par le Parlement, il est prévu de créer une ligne budgétaire spécifique au sein des crédits d'assistance en vue de la prise en charge d'une partie de la cotisation maladie de la caisse des Français de l'étranger - CFE - d'un certain nombre de nos compatriotes expatriés. Cette ligne budgétaire bénéficierait d'un abondement annuel de 95 millions de francs.
Je ne peux que me réjouir que, plus de quinze ans après ma première demande, le Gouvernement fasse ainsi droit à ce souhait constant de voir la solidarité nationale s'exprimer à l'égard de tous les nationaux français sans discrimination par rapport à leur lieu de résidence.
Je m'interroge toutefois sur la portée de cette prise en charge, car il nous a été indiqué, dans le cadre de la commission des affaires sociales du Conseil supérieur des Français de l'étranger, que cet abondement annuel de 95 millions de francs serait limitatif et ne pourrait être dépassé. Or il semble que, sur cette base, seuls 25 000 Français, dont 10 000 sont déjà adhérents à la CFE, pourront bénéficier de la prise en charge partielle par l'Etat de leur cotisation maladie. Il est certain qu'une large diffusion sera donnée - cela est souhaitable - à cette mesure, et je crains que l'on ne fasse naître de faux espoirs parmi certains de nos compatriotes. Je pense en particulier à certains titulaires de l'allocation de solidarité aux adultes handicapés qui, comme à Pondichéry ou à Madagascar, perçoivent uniquement 600 francs ou 700 francs par mois et qui auront les plus grandes difficultés à payer la partie demeurant à leur charge, dont le montant devrait se situer autour de 300 francs par mois.
Il convient donc de réfléchir pour l'avenir à la mise en oeuvre de mesures complémentaires spécifiquement destinées aux allocataires du fonds d'assistance de façon que, comme en France, où les minima sociaux tels que le minimum vieillesse ou l'allocation handicapés sont assortis de prestations complémentaires diverses, notamment de la couverture maladie en application de la CMU, les allocations consulaires soient accompagnées des mêmes droits qu'en métropole. Le plus simple dans ce domaine, puisque c'est votre ministère qui représente l'Etat vis-à-vis des Français résidant à l'étranger, serait que les crédits d'assistance ou, plus largement, les crédits destinés à l'action sociale soient augmentés de façon significative.
Avant de conclure, je souhaite aborder la question des sociétés françaises de bienfaisance, pour lesquelles l'évolution du crédit du fonds d'assistance est également très importante puisque les subventions qu'elles reçoivent de votre ministère sont fonction de ces crédits.
Je m'explique : le fonds d'assistance attribue en premier lieu à nos postes diplomatiques les fonds correspondant aux demandes faites au titre des allocations de solidarité et de l'allocation aux adultes handicapés. Ce n'est qu'après que les sommes restantes sont distribuées aux sociétés françaises de bienfaisance. Dans un contexte de hausse budgétaire, il ne fait nul doute que, comme en 1999 et en 2000, ces associations caritatives bénéficieront de subventions d'un montant de 5 millions de francs. En revanche, dans la perspective du projet de budget pour 2001, je m'interroge sur l'aide qui pourra leur être apportée compte tenu de sa très faible progression - pour ne pas dire de son immobilisme - car je crains que une fois les aides distribuées à nos consulats, il ne reste plus grand-chose pour nos sociétés de bienfaisance.
Or vous n'êtes pas sans savoir, messieurs les ministres, qu'elles jouent un rôle important auprès de nos compatriotes expatriés les plus défavorisés, à qui elles apportent une assistance morale et surtout matérielle : achat de matériel pour handicapés, frais annexes de scolarité, achat de vêtements, prise en charge de soins ou de frais de voyage, etc.
Devant le nombre de plus en plus important de Français en difficulté et devant l'incapacité de nos postes à aider ces derniers en raison du gel en francs constants des crédits d'assistance, elles sont amenées à intervenir de plus en plus fréquemment et sont devenues un complément indispensable des aides consulaires. Elles ont donc besoin de financements plus importants.
Vous comprendrez, messieurs les ministres, à travers ces réflexions, que l'action envers les Français de l'étranger les plus démunis doit constituer une priorité.
Certes, une augmentation plus marquante est prévue en 2001 pour l'emploi et la formation à l'étranger, ce qui n'avait pas été le cas auparavant, et je m'en réjouis. Certes, en 1999 et en 2000, vous aviez soutenu l'effort de solidarité vis-à-vis de nos compatriotes, mais je regrette qu'aujourd'hui ceux-ci doivent pâtir du fait que, pour mieux en aider certains, vous ne poursuiviez pas cet effort.
Je veux croire qu'il ne s'agit là que d'une pause, comme je l'ai dit précédemment, et que, dès l'an prochain, les crédits d'assistance connaîtront de nouveau une forte progression. Je serai très vigilant sur ce point et veillerai en particulier à ce que l'inscription de la ligne budgétaire nouvelle de 95 millions de francs insérée dans le projet de loi de modernisation sociale, qui, je l'espère, d'ici là aura été voté par le Parlement, ne constitue pas la seule augmentation des crédits sociaux de votre ministère, puisque son utilisation aura été définie, et qu'elle soit accompagnée d'une hausse des crédits destinés à alimenter les allocations de solidarité et les allocations aux adultes handicapés afin de répondre aux attentes de l'ensemble de nos compatriotes.
Monsieur le ministre, sous réserve des remarques que je viens de formuler et en souhaitant que des réponses soient apportées aux demandes que j'ai formulées, je voterai votre projet de budget. (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Paul Girod.)