SEANCE DU 6 DECEMBRE 2000


M. le président. Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'enseignement scolaire, la parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme chaque année, le bilan de l'enseignement scolaire révèle la même réalité navrante : l'illettrisme gagne du terrain ; 20 % des élèves de sixième ne maîtrisent pas la lecture, contre 15 % en 1997 ; 38 % des élèves de sixième ne maîtrisent pas le calcul, contre 33 % en 1997.
Alors que tout se joue à l'école primaire, force est de constater qu'à l'entrée du collège un élève sur quatre ne maîtrise pas les compétences de base de la lecture. Cette non-maîtrise des savoirs fondamentaux conditionne l'avenir de l'élève et son insertion future dans le monde du travail.
Résultat : un conscrit sur dix ne sait toujours pas lire, et 30 % des 18-35 ans ne peuvent comprendre le sens d'un article de journal portant sur un sujet simple.
Cet illettrisme latent semble paradoxal, au regard des crédits budgétaires en constante augmentation. Le problème de fond ne tient donc pas tant au manque de crédits qu'à leur mauvaise gestion et affectation !
Car, à ce constat qualitatif, la réponse gouvernementale est, une fois encore, quantitative. On observe en effet une véritable « dérive comptable », avec 332 milliards de francs de crédits, alors que cette augmentation quantitative des moyens n'a pas eu d'effet sur la qualité de l'enseignement et sur la formation des élèves. C'est la traditionnelle logique quantitative qui, sous la pression des tout-puissants syndicats, prévaut rue de Grenelle.
Tout se passe, monsieur le ministre, comme si, malgré l'identification qualitative des problèmes, l'Etat s'enferrait dans une réponse en termes d'effectifs, réponse qui a pourtant largement fait la preuve de son inadaptation.
On ne peut que dénoncer et déplorer cette inadéquation manifeste entre les choix éducatifs arrêtés par le Gouvernement et la réalité.
L'excellent rapport d'avril 1999 de la commission d'enquête dirigée par notre collègue Adrien Gouteyron et consacrée au personnel de l'éducation nationale l'atteste. On y découvre un incroyable gaspillage de moyens humains et financiers, et l'impuissance des gouvernements, soumis aux pressions syndicales, à résoudre les dysfonctionnements. Ces derniers ne manquent pas.
Il y a, d'abord, les enseignants qui ne sont pas affectés à des fonctions d'enseignement. Combien sont-ils ? Dix mille, quinze mille,...
M. Patrick Lassourd. ... vingt mille ?
M. Jean-Louis Carrère. Un million !
M. Patrick Lassourd. Je dénonce également les dérives constatées dans la gestion des heures supplémentaires, manifestement excessives, devenues un outil habituel d'ajustement fort coûteux.
Les « décharges syndicales » ne sont-elles pas, elles aussi, excessives ?
Par ailleurs, on ne peut que s'indigner des mises à disposition arbitraires, qui n'ont qu'un lointain rapport avec l'éducation nationale.
Enfin, je souhaite évoquer le développement des emplois précaires, comme les aides-éducateurs, issus des emplois-jeunes créés à l'automne 1997. Ces personnels non-titulaires connaissent une augmentation d'effectifs inquiétante - ils sont aujourd'hui 70 000 - pour un coût budgétaire de 7 milliards de francs. C'est pratiquer, veuillez m'excuser le barbarisme, de l'« occupationnel ».
J'y vois, en outre, une véritable supercherie, qui consiste à faire croire à ces jeunes qu'on leur offre une formation, un débouché, un avenir, quand le Gouvernement cherche avant tout à réduire artificiellement les chiffres du chômage et à présenter un bilan flatteur de la lutte pour l'emploi.
Il n'existe aucun bilan pour apprécier la contribution de ces jeunes. Un sur deux n'a reçu aucune formation à faire valoir auprès d'un employeur. Les rares formations consistent en des prises de contact sans lendemain. Leurs fonctions restent limitées - aide à l'enseignement, à la documentation, tâches de surveillance des intercours, etc. - et peu qualifiantes, lorsqu'on sait que « l'animation » de clubs ou de foyers occupe la moitié d'entre eux ! Leur formation continue, tardive et insuffisante, ne les arme ni pour l'accès aux concours des métiers de l'enseignement, ni pour d'autres débouchés au sein de l'administration, où d'autres jeunes plus compétents auront, suivant la loi de la concurrence, davantage leur chance.
Une étude a par ailleurs révélé que leurs maigres qualifications seraient difficilement réutilisables dans le secteur privé marchand.
M. Jean-Louis Carrère. C'est de la mauvaise graine !
M. Patrick Lassourd. Pas du tout !
Au regard de ce bilan navrant, on comprend que l'éducation nationale ne prépare pas ces jeunes à exercer de vrais métiers !
M. René-Pierre Signé. Oh ! là ! là !
M. Patrick Lassourd. Le recours excessif à cette « variable d'ajustement » n'est donc favorable ni aux enfants, car inutile, ni à ces jeunes, car illusoire. On le voit, l'objectif n'est pas pédagogique mais démagogique.
M. Jean-Louis Carrère. C'est un expert qui vous parle !
M. Patrick Lassourd. Quel avenir pouvez-vous donc offrir à ces jeunes, hormis des débouchés incertains au terme de cinq ans ! C'est à juste titre que le rapporteur de la commission des finances évoque à leur sujet un véritable « gâchis social ».
M. René-Pierre Signé. Arrêtez !
M. Patrick Lassourd. Pour vous montrer quelle est un peu l'ambiance, j'ai envie de vous raconter comment les choses se passent.
Dans mon canton rural, en Ille-et-Vilaine, à cinquante kilomètres de Rennes, le choix des professeurs et des instituteurs qui viennent dans ma commune s'opère par défaut. Pourquoi ?
M. Jean-Louis Carrère. C'est peut-être à cause du maire !
M. Patrick Lassourd. Parce qu'il s'agit d'une commune rurale de 4 500 habitants, hélas ! éloignée de Rennes, capitale des loisirs de ces enseignants. Résultat : nous n'avons que de très jeunes enseignants inexpérimentés...
M. René-Pierre Signé. Oh ! là ! là !
M. Patrick Lassourd. ... qui n'habitent jamais dans la commune, qui ne participent jamais à la vie de la cité, même pas à la fête annuelle organisée par le comité des fêtes des écoles publiques !
M. René-Pierre Signé. Ça ne doit pas être drôle de vivre chez vous !
M. Patrick Lassourd. Bref, nous « récoltons » une grande majorité d'enseignants qui n'ont de cesse de présenter des souhaits de mutation, et qui ignorent la ville dans laquelle ils exercent, voire qui ignorent les parents d'élèves.
M. René-Pierre Signé. Oh ! là ! là !
M. Patrick Lassourd. Oh ! Vous pouvez rire ! C'est malheureusement la triste réalité !
M. Jean-Louis Carrère. On ne rit pas !
M. Patrick Lassourd. Monsieur le ministre, puisque je crois savoir que vous venez à Rennes la semaine prochaine, je vous invite à venir dans ma commune. Vous verrez quelle est la situation. Je suis persuadé que vous aurez des surprises.
Nous sommes loin de l'instituteur qui était une référence dans nos communes !
Dans ces conditions, lorsque l'on sait combien l'accès aux études supérieures est de plus en plus difficile pour les enfants issus de familles à revenus modestes, qui plus est originaires de secteurs géographiques défavorisés sur le plan culturel, comme les sont les territoires ruraux et les territoires urbains sensibles, on mesure à quel point le système français de l'éducation nationale peut être un système de ségrégation...
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Patrick Lassourd. ... qui n'offre pas aux enfants des familles les plus défavorisées les mêmes chances qu'aux autres !
M. René-Pierre Signé. N'importe quoi !
M. Patrick Lassourd. Le fameux principe de l'égalité des citoyens devant les droits fondamentaux est mis en défaut lorsqu'il s'agit de l'éducation nationale.
Et tout cela, pourquoi ? Parce que, messieurs les ministres, le bien de l'enfant est passé au second plan, derrière les intérêts, de nature corporatiste, du personnel de l'éducation nationale.
M. René-Pierre Signé. Arrêtez !
M. Patrick Lassourd. Alors, vous voulez, comme vos prédécesseurs, réagir.
Vous allez créer un haut conseil pour l'évaluation. Le 15 novembre dernier, vous avez déclaré que ce haut conseil avait pour mission « non pas d'évaluer l'école », mais, je cite, « d'évaluer les évaluations » ! C'est ubuesque ! S'il ne s'agissait pas de l'avenir de nos enfants, j'en rirais, à cet instant, à gorge déployée !
M. Jean-Louis Carrère. Ça ne doit pas vous arriver souvent !
M. Patrick Lassourd. Pour conclure, je dirai que ce budget souligne tous les paradoxes qui conduisent tant de nos enfants à l'échec scolaire.
Les effectifs des enseignants augmentent, alors que toutes les formules d'absentéisme « légalisé » progressent : détachements, disponibilités, congés divers, etc.
M. Jean-Louis Carrère. Et même les grossesses ! Car, en plus, elles ont toutes des enfants !
M. Patrick Lassourd. Alors que les crédits de l'enseignement scolaire ont progressé de 49 % de 1990 à 1999, le ratio personnel/élèves n'aura, lui, progressé que de 10 %, ce qui révèle une stagnation étonnante du taux d'encadrement. On en est toujours, en 1999, à 25,5 élèves par enseignant en préélémentaire et 22,3 en élémentaire, contre respectivement 27,1 et 22,6 en 1994.
Le redoublement est en baisse, mais l'illettrisme gagne toujours du terrain !
La multiplicité des objectifs en primaire - initiation aux nouvelles technologies, éveil artistique et culturel, etc. - c'est très bien, c'est très utile, mais on ne recentre pas l'école sur les savoirs fondamentaux que sont la lecture, l'écriture et le calcul.
M. Alain Joyandet. Vous avez raison !
M. Patrick Lassourd. La baisse des crédits de formation des personnels enseignants révèle que l'éducation nationale dépense beaucoup moins que les grandes entreprises pour la formation de son personnel. Ce n'est pas cohérent avec l'augmentation du nombre des postes et prouve que le contenu de ces derniers est moins important, aux yeux du Gouvernement, que leur nombre !
Monsieur le ministre, au regard de tous ces paradoxes, n'est-il pas temps de recentrer le système scolaire sur le bien et la réussite de l'enfant, n'est-il pas urgent de responsabiliser les enseignants et de proposer non pas une réforme, mais une véritable révolution refondatrice ? (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le fait d'être de retour à cette tribune autant que les derniers propos que j'ai entendus auraient tendance à m'inspirer la houle, que vous connaissez bien, des contre-arguments.
M. Ivan Renar. Cela rajeunit !
M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué. Mais, en cet instant, tout pousse à la concision : l'horaire, bien sûr, le respect du temps prévu pour mon intervention, mais surtout, je dois vous le dire, l'avis si rare rendu à l'unanimité par la commission des affaires culturelles en faveur de l'adoption des crédits de l'enseignement technique.
Je n'abuserai pas de cette unanimité ; je la salue parce que je l'apprécie à sa juste valeur.
La commission des affaires culturelles et son président, Adrien Gouteyron, se sont assurés du contenu des mesures prises en organisant une séance spéciale d'audition du ministre. Mme le rapporteur pour avis s'est enquise quasiment depuis mes premiers pas dans ce ministère de ce qui se faisait. J'ai donc la faiblesse de penser que cet avis n'a pas été rendu par surprise. Je n'en abuserai pas.
Je m'en tiendrai au ton qui a été celui aussi bien du président que des rapporteurs s'exprimant sur cet enseignement professionnel. J'apprécie les mots qu'ils ont eus pour les enseignants de France qui ont fait leur travail, leur résistance à la lamentable mode, si typiquement française, de l'autoflagellation et de l'autodénigrement, si largement répandue et si abondamment utilisée ce soir, hélas ! Eux n'ont pas eu cette attitude, et j'en suis heureux.
Sans faire d'autre démonstration, je m'en tiendrai à souligner que la cohorte d'analphabètes, d'incapables et d'absentéistes qui vient d'être décrite a réussi à faire de notre patrie la quatrième puissance économique mondiale, le deuxième pays exportateur par habitant et le détenteur du meilleur rapport entre la durée des études et les gains de productivité, qui sont les plus importants au monde. Compte tenu de la concision dont je dois faire preuve, je me bornerai à affirmer que cet argument est sans réplique, parce que c'est celui des faits : notre enseignement professionnel est l'un des meilleurs du monde, si ce n'est le meilleur.
M. Patrick Lassourd. C'est de l'autosatisfaction !
M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué. Je n'en veux pour preuve que l'intérêt qu'il suscite partout dans le monde et les missions d'expertise et de conseil que de nobles peuples, des peuples extrêmement avancés, nous demandent d'effectuer chez eux. Notre réussite est le meilleur des contre-arguments.
Je me contenterai donc de répondre à quelques questions extrêmement précises qui m'ont été posées.
Je regrouperai celles qui concernaient la part qui reviendra à mon département ministériel dans les noyens nouveaux considérables inscrits au projet de budget pour l'enseignement secondaire - à ce propos, j'indique en particulier que l'enseignement professionnel bénéficiera de 37 % de l'ensemble des créations de postes d'enseignant prévues dans le secondaire - et celles qui sont incluses dans le plan pluriannuel que M. Jack Lang a présenté et que l'opinion, ainsi que les différents partenaires de l'éducation nationale, ont bien voulu saluer.
La répartition des moyens nouveaux s'opérera selon des critères objectifs, c'est-à-dire que les mêmes critères s'appliqueront aux différentes voies d'enseignement. On tiendra compte par exemple, s'agissant des effectifs des personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de services, les ATOS, du nombre de mètres carrés de locaux, des constructions nouvelles et des besoins. A cet égard, madame Luc, votre appréciation est proche de la vérité vers laquelle nous nous dirigeons, puisque si les arbitrages ne sont pas définitivement arrêtés, la proportion des postes créés affectés à l'enseignement professionnel sera en effet de l'ordre du quart. De même, pour ce qui concerne le nombre des postes, point qui soulève de légitimes interrogations, le principe de transparence s'appliquera et, le cas échéant, si la commission des affaires culturelles du Sénat le demande, je prends ici l'engagement que je viendrai en rendre compte.
Par ailleurs, j'ai été interrogé sur les raisons de l'hémorragie des effectifs. Il s'agit en effet d'une situation absurde : la croissance reprend, nous manquons de main-d'oeuvre qualifiée et, parallèlement, nous constatons que, pour les trois quarts, la baisse démographique affecte l'enseignement professionnel. C'est intolérable et inadmissible compte tenu de l'effort que fait le pays au plan des investissements et des besoins qui existent. M. Jack Lang et moi-même travaillons en étroite concertation sur ce problème. Certaines causes tiennent à des effets de système, et nous en avons longuement débattu, mais je reconnais qu'un effort doit être fait, comme l'ont demandé de nombreux intervenants pour partir, dans notre réflexion, du point de vue qui est celui des familles et de leurs préoccupations s'agissant de l'avenir de leurs enfants.
Quoi qu'il en soit, nous sommes déterminés, comme l'a indiqué M. Jack Lang, à faire en sorte que quiconque confie son enfant à l'enseignement professionnel soit assuré que celui-ci, en fonction de son talent et de son goût de l'effort, pourra aller aussi loin que possible dans ses études. La « fluidité » sera donc garantie par un système, qui n'est pas encore achevé, de passerelles, qui devra fonctionner à tous les niveaux. Il faut surtout que chaque titulaire d'un BEP soit assuré de pouvoir préparer le baccalauréat professionnel correspondant et ait ensuite la possibilité d'accéder, notamment par la voie technologique, à l'enseignement supérieur, la classe de terminale technologique pouvant servir de passerelle.
La lisibilité du système doit également être garantie. En effet, cela a été souligné à plusieurs reprises, nous comptons de nombreux enfants issus des milieux populaires dans l'enseignement professionnel et nous savons que la « culture » de l'ambition et du plan de carrière n'est pas la mieux partagée du monde. L'illisibilité du système est un facteur de discrimination sociale, et nous devons donc travailler à clarifier les parcours pour les familles et les jeunes. Nous nous sommes attaqués à cette tâche en demandant le reclassement, d'après la nomenclature des métiers, de l'ensemble des établissements, et vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs - nous en reparlerons plus en détail en une autre occasion -, que nous projetons de constituer un « lycée des métiers » qui regrouperait la voie technologique, la voie professionnelle, les classes de STS, éventuellement la préparation à la licence professionnelle et le centre de validation des acquis professionnels. Nous disposerions ainsi de véritables pôles d'excellence, reconnus comme tels par ceux qui en seront demain les utilisateurs et qui seraient une voie reconnue menant à la réussite.
J'évoquerai enfin la crédibilité du système. Je crois qu'elle est assurée, mais il faut sans relâche en faire la démonstration, réactualiser sans cesse les diplômes. Nous y travaillons : trente-deux l'ont été l'année dernière, et plus de quarante autres réactualisations sont prévues. J'ai convoqué pour cela la conférence interprofessionnelle, qui regroupe l'ensemble des commissions professionnelles consultatives, car ce n'est pas au Sénat que j'apprendrai, nonobstant tous ceux qui vont répétant que l'école ne connaît pas l'entreprise, qu'il n'existe pas un seul diplôme professionnel dans ce pays, je dis bien pas un seul, dont le référentiel ne soit conçu par l'éducation nationale et les professionnels, représentants patronaux et ouvriers confondus. Nous devons travailler sans trêve à moderniser et à densifier les cursus, et nous nous y employons.
La crédibilité de l'enseignement professionnel est aussi attestée, à mon sens, par le nombre de branches patronales qui concluent des conventions avec l'éducation nationale. Cela montre bien qu'elles ont confiance dans ce magnifique outil que nous faisons fonctionner et qui a produit les résultats que je viens d'indiquer. Or, ce qui compte, c'est précisément les résultats, et tout indique que notre enseignement professionnel fonctionne plutôt bien.
Naturellement, nous nous donnons pour objectif d'enrayer la tendance à l'hémorragie dans les délais les plus courts. A cet égard, je souhaiterais que nous puissions inverser les flux dès la prochaine rentrée scolaire. Le problème est réel, j'en conviens, mais il faut tout de même remettre les choses à leur place : on dénombre 734 000 élèves dans l'enseignement professionnel ; cela signifie, mesdames, messieurs les sénateurs, que la moitié de chaque classe d'âge passe par cette filière, apprentissage et enseignement professionnel confondus. Trop souvent nos compatriotes ne le savent pas, et je crains que cette ignorance ne soit due à une espèce d'effet, que je qualifierai d'idéologie, qui, parfois, conduit à nier la réalité sociale du pays. En effet, rappelons que 60 % de la population active est composée d'employés et d'ouvriers, qui font l'excellence et la réussite françaises.
Je n'abuserai pas davantage de cette tribune, même si, comme vous l'imaginez, j'aurais beaucoup de choses à dire à l'honneur de cet ordre d'enseignement, qu'il s'agisse du secondaire ou du supérieur.
Je voudrais cependant souligner qu'un argument ne doit plus être utilisé : en effet, que les effectifs enseignés baissent et que l'encadrement se renforce est une excellente chose.
M. René-Pierre Signé. Bien sûr !
M. Patrick Lassourd. Mais cela ne résout pas les problèmes !
M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué. Les Français veulent creuser, notamment dans l'enseignement professionnel, l'avantage comparatif dont nous disposons, parce que nous nous dirigeons vers des sociétés de la connaissance,...
M. René-Pierre Signé. Bravo !
M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué. ... parce que l'Europe, à Lisbonne et à Feira, a décidé que les systèmes éducatifs participaient pleinement du modèle de développement original européen.
M. Patrick Lassourd. Bref, cela va très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué. Nous avons l'un des meilleurs systèmes d'enseignement, nous voulons l'améliorer et nous voulons que la main-d'oeuvre française se maintienne toujours au plus haut niveau, soit éduquée, formée et qualifiée pour rester la première au monde, comme on constate qu'elle l'est aujourd'hui dans tant de domaines, si l'on veut bien cesser quelques instants de se battre les flancs.
Il faut bien sûr prendre conscience des problèmes, mais il ne faut pas en rester à cette mortification permanente qui nie l'effort que ce peuple a fourni pour se hisser à ce niveau. Nous, les Français, nous défendons, dans notre pays et en Europe, un modèle qui, nonobstant toutes les difficultés qu'il a pu rencontrer, la dérision à laquelle il a pu se heurter, s'avère aujourd'hui être celui qui réussit sur le long terme. C'est le modèle de la professionnalisation durable ; l'adaptabilité, l'employabilité - tous ces mots qui ont servi si souvent à colporter une idéologie hostile à l'école - sont aujourd'hui, nous pouvons le dire, réellement garanties, avec, en droit, une sécurité individuelle pour chaque travailleur devant la mutation technologique. Cela a été rendu possible grâce à un système éducatif global qui n'existe que dans notre pays et qui comprend la formation initiale, la formation continue et la validation des acquis professionnels, en sorte que nous disposons d'un modèle de formation tout au long de la vie. Nous pouvons tous en être fiers : il permet des performances, je l'ai dit tout à l'heure, et, surtout, il est une source d'exemples. J'apprécie donc tout particulièrement, sans masquer le fait que, bien sûr, les problèmes demeurent - ils sont nombreux, et on ne peut prétendre les régler au travers d'un budget - et que nous continuons à l'évidence à avoir des divergences d'appréciation sur la manière de les traiter, que la commission ait voulu marquer que nous méritions d'être encouragés à poursuivre dans la voie que nous avons choisie. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste, républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Patrick Lassourd. Bref, tout va bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mon ami et collègue Jean-Luc Mélenchon vient de dire excellemment, à propos de l'enseignement professionnel, ce que l'ensemble du Gouvernement, et moi-même en particulier, pense de l'éducation en général. Je ne reprendrai pas chacune de ses paroles, que j'aurais aimé pouvoir prononcer devant vous. Il s'est exprimé avec force, avec coeur, avec intelligence et précision.
Nous avons eu, avec la commission des affaires culturelles et la commission des finances du Sénat, de larges échanges de vues. L'heure ne me permet pas de revenir sur chacun des points que nous avons alors analysés et étudiés, sans que je parvienne toujours à convaincre, mais cela, c'est la règle du jeu !
Si un ou deux orateurs ont employé un ton qui a tranché avec l'atmosphère générale de cette journée, je voudrais remercier tous les autres intervenants, en particulier les rapporteurs, d'avoir, avec sagesse, calme et sérénité, exprimé leurs sentiments, leurs réserves, leurs interrogations. Notre éducation nationale mérite ce climat, et non pas les analyses caricaturales dans lesquelles certains peuvent se complaire. J'ai cru comprendre que cette volonté de compréhension et de sagesse l'a emporté aujourd'hui, dans cette enceinte, sur d'autres préoccupations plus partisanes.
Toute une série de questions ont été abordées. Je ne puis malheureusement pas les reprendre dans le détail.
La question des aides-éducateurs a été notamment évoquée par MM. Lachenaud, Bernadaux, Lagauche, Signé, Darcos, Martin et Lassourd. Je persiste à penser que cette idée de mon prédécesseur est excellente. Elle a en effet permis d'enrichir l'éducation nationale et d'apporter aux maîtres, aux chefs d'établissement et aux directeurs d'école une assistance intellectuelle, technique et pédagogique si précieuse que nombre d'entre eux auraient bien des difficultés à s'en passer aujourd'hui. Je crois que, dans l'avenir, nous devrons essayer de maintenir au moins certaines de ces fonctions. Cette question n'est pas tranchée, le Gouvernement y reviendra dans les prochains mois et j'aurai sans doute moi-même l'occasion de vous en reparler.
Certains, parmi ces personnels, s'apprêtent à prendre d'autres orientations, que ce soit dans des administrations - tel est l'objet de la convention que j'avais signée avec M. Chevènement pour la police - ou dans le secteur privé. Ainsi, M. Mélenchon et moi-même signerons dans quelques jours avec de grandes entreprises, par exemple la SNCF, le groupe Schneider ou le groupe Suez-Lyonnaise des Eaux, une série de conventions qui se traduiront par l'engagement d'embauche de 30 000 jeunes, ces conventions venant prendre la suite de celles que nous avions conclues dans le passé avec le groupe Accor, Air France ou d'autres grandes entreprises.
La question de la formation de ces aides-éducateurs a été posée. Toute une série de dispositions ont été prises, depuis huit mois, pour que nous soyons en mesure d'assurer à chacun de ces jeunes un parcours individualisé qui les prépare soit à s'orienter vers l'administration ou vers la vie associative, soit à choisir, comme c'est le cas au travers de ces conventions, les entreprises privées. M. Mélenchon et moi-même sommes très attentifs à l'avenir individuel et collectif de ces jeunes.
Les directeurs d'école et les chefs d'établissement ont fait l'objet de questions assez distinctes qui ont été posées par MM. Grignon, Lorrain, Signé, Carrère, Bernadaux, Eckenspieller, Darcos, Martin et Delfau.
S'agissant des chefs d'établissement, là encore, j'ai envie de tordre le cou à certains canards qui sont si aisément propagés ici ou là, que j'ai moi-même failli croire qu'ils étaient vrais, tant on les répète à l'envi sans jamais, à aucun moment, vérifier leur authenticité. Il en est ainsi de toute une série d'affirmations que j'ai entendues proférer tout au long de l'après-midi, et par certain encore voilà quelques instants... Si je devais rectifier chacune des erreurs qui ont été énoncées, cela me demanderait beaucoup de temps !
Je l'affirme, tous les postes de chefs d'établissement des collèges et des lycées sont pourvus. Certes, des postes d'adjoint ne le sont pas encore, mais pour des raisons qui tiennent, notamment, à l'existence d'un vivier encore insuffisant ou à certaines carrières qui ne sont pas assez normalement assurées.
Mais, s'agissant des chefs d'établissement - proviseurs et principaux - interrogez-les, mesdames, messieurs les sénateurs, ils sont très heureux des accords que nous avons conclus voilà quelques semaines, qui reconnaissent pleinement leur fonction, leur statut moral et qui leur permettent d'entreprendre une carrière reconnue, je crois, comme bonne et heureuse, même si leur rôle n'est pas toujours facile, nous le savons, certains ayant à assumer des tâches parfois délicates. Mais ils le font toujours avec beaucoup d'énergie, d'enthousiasme et d'esprit de responsabilité.
Quant aux directeurs d'école, il s'agit d'une tout autre situation. Il existe près de 60 000 écoles en France. Les situations sont très inégales, très différentes. Une école rurale, je ne vous l'apprendrai pas, n'est pas une école urbaine. Une école à quatre classes n'est pas une école à douze classes.
C'est un sujet sur lequel notre administration travaille très sérieusement, là encore dans un esprit de responsabilité. Des pistes ont été explorées. Dans le passé, les mesures prises n'ont pas toujours été cohérentes, je dois le reconnaître et, aujourd'hui, nous voulons, pour la première fois, introduire un peu de cohérence en cette matière. Des négociations ont été ouvertes avec les organisations concernées. J'espère que le bon sens et la sagesse l'emporteront pour trouver une solution progressive et satisfaisante pour les directeurs d'écoles.
La question de la formation des maîtres a été posée par Mme Luc, MM. Grignon et Jean-Louis Lorrain. Il n'est pas question, comme l'ont dit certains, d'abandonner ce chantier. Ce serait criminel au moment même où nous allons, dans les dix ans qui viennent, recruter des dizaines de milliers de professeurs. Nous avons le devoir de leur assurer la meilleure formation, je veux dire une formation qui leur permette d'aider les jeunes à réussir et à sortir des difficultés lorsqu'ils y sont confrontés.
Comme je l'ai dit, nous y travaillons sérieusement, et j'ai bien l'intention, avec M. Mélenchon, d'élaborer une réforme importante. Naturellement, nous prendrons le temps nécessaire à la concertation, à la confrontation des idées ; si tel ou tel d'entre vous a de bonnes suggestions à nous faire, elles seront les bienvenues. Je vous donne rendez-vous au trimestre prochain.
La question de la gratuité a été posée par Mme Luc. J'avais confié à M. Bernard Toulemonde une mission de réflexion sur ce sujet. Nous devons poursuivre l'investigation pour essayer, là encore, de trouver des solutions harmonieuses et dans le cadre, naturellement, de nos possibilités matérielles.
L'évaluation a fait l'objet de questions posées par MM. Carle, Darcos, Jean-Louis Lorrain. Nous avons mis en place un Haut conseil de l'évaluation qui permettra de façon transparente et indépendante, avec des experts originaires de différentes sensibilités, y compris d'experts d'autres pays, de mieux évaluer notre système d'enseignement de l'école à l'université. Je considère que l'évaluation est vitale et nous avons un devoir absolu de réaliser à tous les étages une évaluation transparente et contradictoire de notre système d'éducation.
Les élèves qui entrent en sixième sans savoir lire et écrire est un problème qui a été soulevé par MM. Pelletier, Martin, Vallet, Carle et Delfau. Oui, 10 % ou 15 % des enfants sortant de l'école primaire - les chiffres sont discutés - éprouvent des difficultés d'écriture ou de lecture.
Nous ne l'acceptons pas, nous ne voulons pas l'accepter ! C'est pourquoi nous avons mis au point, au mois de juin dernier, toute une série de mesures à l'application desquelles je veille personnellement en me rendant dans chaque académie pour rencontrer les inspecteurs de l'éducation nationale et les professeurs. J'ai bon espoir que nous allons réussir à gagner peu à peu cette bataille dans le même temps où nous allons assurer un certain nombre d'autres enseignements essentiels aujourd'hui tels que l'apprentissage d'une langue vivante étrangère. Je réponds par là même à la question posée excellemment par M. Legendre - la diversité linguistique - et par M. Pelletier.
Je ne veux pas faire de l'autosatisfaction qui de plus ne serait pas la mienne. S'il y a autosatisfaction, elle est nationale, elle est collective. C'est notre pays qui, de génération en génération, j'ose dire même de gouvernement en gouvernement, a oeuvré pour que notre éducation nationale soit en effet, comme l'a indiqué Jean-Luc Mélenchon, l'une des meilleures du monde, à ce point que nous recevons sans cesse, sans toujours pouvoir y répondre, des demandes d'assistance technique, d'expertise, de conseils provenant d'un grand nombre de pays, y compris européens.
Ces chiffres peuvent être inversés. Si 10 % ou 15 % - et je veux faire refluer ce pourcentage - des enfants entrant au collège ne sont pas au niveau, cela signifie que 80 % ou 90 % le sont. Cessons donc d'exalter je ne sais quel âge d'or qui situerait entre les deux guerres ou au début du siècle. A l'époque, où un très grand nombre d'enfants étaient exclus, mis à l'écart.
Reportez-vous aux documents sur l'histoire du certificat d'études ! Croyez-vous réellement que tous les enfants de France allaient jusqu'au terme de leur scolarité à l'école primaire et passaient leur certificat d'études ? Non ! La moitié d'entre eux, avant même l'âge légal de la scolarité obligatoire étaient envoyés à l'usine ou aux champs. Dieu merci ! les choses ont changé, le monde s'est transformé.
De même, nous vous entendions dire, voilà encore sept ou huit ans, que 150 000 jeunes sortaient du système scolaire sans qualification. Ce chiffre a été ramené à 50 000 - encore trop, c'est vrai. C'est pourquoi nous devons continuer, persévérer. Même si les effectifs diminuent, nous devons assurer un meilleur encadrement des enfants et une meilleure formation des maîtres.
Tels sont quelques-uns des points sur lesquels je voulais revenir.
Je ne veux pas engager de polémiques à propos des enseignants qui n'enseigneraient pas. Il faut savoir de quoi l'on parle et être clair et précis. Ne mettons pas dans le même panier - pardonnez-moi cette expression un peu triviale - les enseignants qui sont détachés et qui ne coûtent aucun centime au ministère de l'éducation nationale et les enseignants mis à disposition, qui ne représentent que 2 000 personnes sur un total de plusieurs centaines de milliers.
Cessons donc de fantasmer sur ces 2 000 fonctionnaires mis à disposition pour exercer des activités d'intérêt général, alors qu'ils sont, je le répète, près d'un million aujourd'hui à enseigner un peu partout, de l'enseignement primaire à l'enseignement supérieur.
Au collège, vous le savez, nous préparons un certain nombre de transformations. La question a été posée par MM. Delfau, Bernadaux, Eckenspieller, et j'aurai l'occasion d'en reparler d'ici à quelques semaines. C'est un sujet important, et nous avons le devoir, là encore, de procéder à des transformations et d'avancer.
Déconcentration et décentralisation sont des sujets qui ont été évoqués à plusieurs reprises, notamment par MM. Lachenaud, Martin et Lorrain ; peut-être y reviendrons-nous à propos de l'enseignement supérieur dans quelques instants.
La déconcentration, il faut en reconnaître le mérite à ce Gouvernement - ni à M. Méchelon ni à moi-même, mais à M. Allègre, qui a pris cette décision discutée, controversée, qui s'est heurtée à un certain nombre d'objections -, entre dans les faits. Aujourd'hui, nous essayons d'en dresser le bilan pour tenter d'améliorer encore les choses mais, d'ores et déjà, on ne s'est pas contenté de paroles puisque la déconcentration a été réalisée.
Quant à la décentralisation, vous le savez, les lois de 1983 ont permis aux collectivités locales de prendre toute une série d'initiatives, en particulier - et dans quelques instants nous y reviendrons - en liaison avec l'Etat, pour le développement universitaire.
Puisque la question du plan pluriannuel a à nouveau été posée - par MM. Vallet, Grignon, Delfau et Carrère notamment -, je dirai que ce plan n'est pas seulement un plan de moyens, un plan de création de postes. Bien sûr, c'est aussi un plan de création de postes, mais est-il si mirifique ? Il est sage, raisonnable, pour nous permettre d'accomplir un certain nombre de changements au lycée, au collège, dans l'enseignement primaire.
Tout à l'heure, j'ai entendu certains d'entre vous, parfois les plus critiques à l'égard de ce plan pluriannuel, énoncer telle proposition, se faire les porte-parole de telle catégorie, suggérer telle réforme, et chaque fois je calcule en moi-même : 5 000 postes, 10 000 postes, 20 000 postes... Est-ce que chacun d'entre nous, lorsqu'il émet une protestation contre tel ou tel aspect de notre fonctionnement de l'éducation nationale, en mesure les conséquences quantitatives ?
Ce plan pluriannuel est beaucoup plus qu'un plan de création d'emplois. C'est un plan qui exprime une volonté politique forte de soutenir, de moderniser, de transformer notre service public de l'éducation nationale. Nous croyons en lui. Nous sommes certains que, même s'il comporte des défauts, nous allons y porter remède ; même s'il doit être rendu plus efficace, plus juste - et nous y travaillons -, c'est un système dont nous devrions être fiers collectivement.
Cette école, c'est la nôtre, c'est celle de notre pays, et je crois qu'il faut se réjouir qu'un Gouvernement dise au pays que l'éducation nationale n'est pas une question que l'on peut traiter au petit bonheur la chance, avec des budgets en dents de scie, en accordéon - un jour on ampute, le lendemain on augmente ; un jour on avance, le lendemain on recule. Non ! C'est un sujet qu'on saisit à bras-le-corps. Dans les dix années qui viennent, nous voulons collectivement et nationalement nous battre pour que ce service public soit transformé, modernisé, pour que les professeurs qui seront recrutés soient mieux formés, pour que les élèves puissent réussir et, en même temps, être en mesure de faire fonctionner l'ensemble de notre société.
Ce que disait Jean-Luc Mélenchon est vrai : si notre pays est à ce point créatif sur le plan industriel et économique, croit-on que la formation des élèves n'y est pour rien, que l'intelligence de nos maîtres n'y est pour rien ? Par quel miracle, par quelle étrange métamorphose ce pays serait-il si prospère, si créatif, si, dans le même temps, il n'était pas l'un des pays qui souhaite en effet donner à ses enfants l'une des meilleures formations qui soit ? L'objectif principal de ce plan pluriannuel est bien de travailler dans la durée pour les prochaines années et de donner à notre éducation nationale les moyens de son développement.
Je remercie ceux d'entre vous qui, par leur vote ou par leur participation sereine à ce débat, apportent d'une certaine manière leur soutien à cette volonté collective. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Messieurs les ministres, je vous ai sentis parfois quelque peu irrités par les critiques de certains de nos collègues. N'y voyez aucune raison, elles témoignent de l'attachement que tous nous portons à l'éducation nationale. Chacun y va avec son tempérament, chacun dit les choses comme il les sent, mais, tous, nous sommes profondément attachés à notre système éducatif, personne ne peut le nier.
Vous avez bien voulu faire état des conditions dans lesquelles s'était déroulée la discussion au sein de la commission des affaires culturelles.
M. Jean-Louis Carrère. Elle s'est fort bien déroulée.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Elle a montré la volonté de faire en sorte que le système progresse encore. (M. Lassourd applaudit.)
Messieurs les ministres, vous avez dit que notre système éducatif ne méritait pas d'être trop durement critiqué, qu'il fallait éviter de décourager les enseignants et de faire ressortir que ce qui ne va pas. C'est vrai, mais, inversement, il ne faut pas non plus se cacher les réalités et il en est un certain nombre sur lesquelles je voudrais insister au terme de cette discussion.
Monsieur le ministre délégué à l'enseignement professionnel, la réussite dont vous avez parlé tout à l'heure, elle ne date pas d'hier, elle ne date pas d'aujourd'hui, elle est en effet le fruit d'une longue histoire, et tout le monde y a apporté sa pierre, c'est indiscutable.
Il n'en demeure pas moins, comme vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le ministre, que les trois quarts de la baisse des effectifs portent sur l'enseignement professionnel. C'est un problème grave. C'est aussi un signe. Il faudra y porter remède.
A cela s'ajoute le fait que, au sein même de l'enseignement professionnel, les effectifs des classes de type tertiaire gonflent alors que ceux des classes de type industriel ne croissent pas dans les mêmes proportions et que les titulaires de baccalauréats professionnels qui continuent leurs études viennent plus souvent des filières tertiaires que des filières industrielles.
Cela traduit un dysfonctionnement réel, et il appartient au Parlement de vous inviter à y porter remède.
Ma deuxième remarque portera sur les recrutements massifs d'enseignants. Ils sont inéluctables et je veux vous dire à mon tour qu'il est indispensable de profiter de cette opportunité pour redéfinir un certain nombre de données.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que vous alliez vous attaquer à la réforme des IUFM. Tant mieux ! Mais il y a aussi un certain nombre d'autres directions dans lesquelles sans doute il convient de s'engager.
On sait très bien que la définition strictement disciplinaire des services de nos enseignants ne correspond plus à la réalité de tous les élèves que nous accueillons. Peut-être serait-il bon de profiter de ces recrutements forcément massifs pour, enfin, s'engager dans la voie qui est souhaitée par beaucoup. Mais, pour s'engager dans cette voie, il faut du courage, y compris du courage politique !
M. Jean-Louis Carrère. Dans quelle voie ?
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Et nous souhaitons, je vous le dis sincèrement, que vous ayez ce courage, dans l'intérêt de notre éducation nationale.
M. Jean-Louis Carrère. On en a parlé cet après-midi !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Peut-on aussi profiter de cette circonstance pour redéfinir les carrières,...
M. René-Pierre Signé. Vous n'allez pas nous donner des leçons !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. ... pour redéfinir les critères selon lesquels elles se déroulent et les moyens de les évaluer.
Je souhaite que ces questions soient posées et que la réponse leur soit apportée à l'occasion de ce plan de recrutement.
Ma troisième remarque a trait à la diversité des élèves. Je l'ai évoquée tout à l'heure à propos des enseignants, de leur formation et de la définition de leurs services. Vous comptez travailler sur le collège, monsieur le ministre. Bravo ! Il faut évidemment le faire.
On n'a pas encore trouvé le moyen de conjuguer la nécessaire égalité, qui est un objectif, et l'évidente diversité, qui est une réalité et une contrainte forte. Il faudra bien que l'on trouve des moyens. J'espère que les réformes envisagées le permettront.
Je terminerai mon exposé en commentant les résultats d'un sondage. Messieurs les ministres, ce sondage, il vaut les autres et je crois qu'il a été réalisé dans des conditions sérieuses.
M. Jean-Louis Carrère. Par la mairie de Paris ?
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Il fait ressortir une réalité qui mérite que l'on s'interroge. Quand on questionne les Français sur la confiance qu'ils font aux enseignants, 77 % répondent oui. Mais quand on les interroge sur la confiance qu'ils font à l'organisation et au système scolaires, ils ne sont plus que 13 % à répondre par l'affirmative.
M. Jean-Louis Carrère. Alors cessez de dénigrer les enseignants !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Cela veut dire qu'il faut faire un vrai travail d'explication.
M. René-Pierre Signé. Vous étiez inspecteur de l'éducation nationale !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Permettez-moi, messieurs les ministres, de profiter de ce débat budgétaire pour vous dire que nous demandons, dans cette assemblée, quelque chose que nous n'avons pas encore obtenu. Nous souhaitons qu'ait lieu annuellement, en dehors de la discussion budgétaire, un grand débat sur l'éducation nationale.
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Pourquoi ce sujet ne le mériterait-il pas ? (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Nous en organisons beaucoup. L'éducation nationale a tout à y gagner. Je suis persuadé que vous vous y prêterez parce que c'est un moyen d'informer les Français sur les problèmes de l'éducation nationale, les efforts qu'elle fournit, les réformes envisagées. Bref, c'est un moyen de faire comprendre ce que le pays peut attendre de l'éducation nationale et ce que l'éducation nationale fait pour lui.
Tels sont, messieurs les ministres, les voeux que je voulais formuler en terminant. Je suis persuadé que mes collègues qui siègent à gauche de l'hémicycle, en dépit de leurs interruptions, sont, au fond d'eux-mêmes, d'accord avec nous. C'est pour cela que je me permets d'insister beaucoup sur ce point. J'espère que, l'année prochaine, nous pourrons nous féliciter que ce débat ait eu lieu. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Louis Carrère. Pas de budget ! Pas de débat ! (Sourires.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'éducation nationale : I. - Enseignement scolaire.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 17 944 290 999 francs. »