SEANCE DU 6 DECEMBRE 2000


La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Messieurs les ministres, cet été, je vous avais interrogés à propos de la grave pénurie de personnels IATOSS dans l'éducation nationale. Cette situation a entraîné - vous le savez - de multiples actions des personnels, car les problèmes posés sont multiples.
Vos services estiment à 30 000 le nombre de postes à créer d'urgence, sans compter les emplois précaires à résorber qui constituent aujourd'hui le tiers des 190 000 agents dont de nombreux emplois-jeunes à l'avenir incertain.
Les conditions de travail de ces personnels se sont fortement dégradées. J'avais cité l'exemple d'un jardinier entretenant seul un hectare de jardin dans un lycée parisien. Dans tous les établissements d'enseignement, on observe des horaires de travail prolongés. Le non-respect des qualifications provoque des frustrations individuelles et collectives.
Les rémunérations sont calculées sur la base de grilles très faibles. Un ouvrier d'entretien ou d'accueil, de catégorie C commence sa carrière avec un traitement mensuel de 5 900 francs pour la terminer à 7 400 francs. Il s'agit également de métiers où les primes se limitent à une centaine de francs par mois. L'ouvrier professionnel débute à 6 200 francs pour finir, au mieux, à 9 600 francs. Pour les ouvriers techniciens de catégorie B ayant un niveau baccalauréat, les salaires de début s'élèvent à 6 700 francs en début de carrière et vont jusqu'à 10 000 francs en fin d'activité. Un adjoint technique principal de laboratoire débute à 6 200 francs et termine à 8 800 francs.
Tant au niveau des conditions de travail qu'à celui des rémunérations, la place et le rôle des IATOSS ne sont pas réellement reconnus dans les communautés scolaires, du lycée à l'enseignement supérieur. On me signalait même le cas d'un établissement où était consignée la directive suivante sur le carnet d'un agent : « ne parler ni aux professeurs ni aux élèves ».
Cette situation, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, doit évoluer.
Cette année, où en sommes-nous ? Les besoins reconnus par votre administration sont loin d'être satisfaisants. Permettez-moi de citer un seul exemple : vous estimiez à trente-neuf le nombre de postes supplémentaires à Paris-XIII ; quinze postes ont été attribués. Des situations plus graves encore concernent la qualité des services, la suppression de postes statutaires et le recours à des contrats emploi-solidarité.
Que se passera-t-il demain ? Ne s'agit-il pas d'une fuite en avant avec des conséquences imprévisibles pour les agents occupant ces emplois précaires et le service public ?
Je vous avais demandé ce que vous comptiez faire pour transformer les contrats précaires de IATOSS en postes statutaires et revoir les grilles de rémunération.
Dans votre réponse, vous reconnaissez l'importance du rôle des IATOSS dans la communauté éducative. Nous sommes d'accord. Vous me rappelez qu'au titre de 1998 et de 1999, 1 836 emplois ont été créés et 960 emplois supplémentaires ont été inscrits dans la loi de finances rectificative en 2000. Vous précisez également qu'une réflexion est engagée pour la modernisation de la filière ouvrière.
Nous nous félicitons de ces mesures et de la majoration des crédits pour les travaux et les heures supplémentaires des personnels administratifs.
Dès cette année, 1 000 agents administratifs vont accéder au corps des agents.
Nous approuvons également lorsque, en conclusion de votre réponse, vous écriviez « des moyens nouveaux seront demandés à ce titre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2001 ». Vous avez confirmé votre affirmation, mais les moyens seront-ils suffisants ?
Monsieur le ministre, votre réponse est importante. De nombreuses actions ont eu lieu, notamment dans les lycées de banlieue. Elles avaient une caractéristique particulière : au lycée Cassin de Gonesse, par exemple, il s'agissait non pas simplement d'agents en grève pour obtenir la création de trois postes, mais de tout un lycée avec parents, professeurs et personnels administratifs engagés dans l'action et organisant même des piquets de grève aux portes du lycée. Je pourrais également citer le cas du lycée de Sarcelles et de bien d'autres.
L'action en faveur des IATOSS est devenue celle de tous les personnels d'un lycée. Vous le savez, monsieur le ministre, le mal est profond. Votre projet de budget doit le guérir.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Je rappelle en présence de son président, que la commission des finances préconise le rejet des crédits des titres III, IV, V et VI.
M. René-Pierre Signé. C'est scandaleux !
Mme Hélène Luc. Comment peut-on rejeter tous ces crédits, même s'ils sont insuffisants !
M. René-Pierre Signé. C'est n'importe quoi, franchement !
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Je suis un peu atterré car je connais l'attachement réel de M. le président de la commission des affaires culturelles au système éducatif français. Dans le même temps, je retrouve la pauvreté d'un débat où, par construction idéologique, on vote contre un budget que, dans les couloirs, on approuverait.
Et l'on voudrait que le Sénat fasse l'objet d'un traitement spécial, qu'il ait droit à un grand débat préalable au budget de l'éducation nationale !
M. Jean-Claude Carle. Absolument !
M. Jean-Louis Carrère. Pour le moins, mes chers collègues, vous faites preuve d'incohérence !
M. Jean-Claude Carle. C'est parfaitement cohérent.
M. Jean-Louis Carrère. Tout au long des procédures budgétaires, vous n'avez pas réussi à trouver le bon tempo. La preuve : vos collègues des groupes RPR et UDF de l'Assemblée nationale ont, en commission des finances, voté à l'unanimité le budget de l'enseignement scolaire. Mais vous n'en êtes pas à une incohérence près !
Pour vous aider à redevenir cohérent, puisqu'il s'agit de la réputation du Sénat, que vous entendez défendre, je vous conseille de ne pas suivre l'avis de la commission et de voter le budget de l'enseignement scolaire (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Notre collègue Jean-Louis Carrère a de la conviction et il l'exprime avec beaucoup de force. Qui le lui reprochera ?
M. André Lejeune. En plus, il a raison !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous ne votons pas autre chose en cet instant que des mesures nouvelles, je voulais vous le rappeler, mes chers collègues.
Pourriez-vous me dire, vous qui êtes éloquent, monsieur Carrère, et que j'écoute souvent, sur quoi nous votons maintenant.
M. Jean-Louis Carrère. Sur le titre III !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Non, sur des mesures nouvelles !
M. Jean-Louis Carrère. Je n'ai pas compris !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mon cher collègue, ce sera sur les services votés que vous voterez l'essentiel !
Je voudrais que vous soyez bien conscients qu'en ce moment nous votons sur la politique nouvelle que nous propose le Gouvernement.
M. le rapporteur spécial nous a dit que, malgré les mises en garde que nous avons réitérées au cours des années qui viennent de s'écouler, ce budget n'est pas à la hauteur de l'ambition que nous devons avoir pour l'avenir de nos enfants.
M. René-Pierre Signé. Qu'avez-vous fait lorsque vous étiez au pouvoir ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce n'est pas la peine d'exprimer autant d'indignation, mes chers collègues. Nous émettons nos convictions respectives en respectant le Gouvernement, en nous respectant les uns les autres.
En ce qui nous concerne, nous avons décidé d'émettre un avis négatif, et j'invite la majorité sénatoriale à suivre l'avis du rapporteur spécial.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 849 484 652 francs. »