SEANCE DU 6 FEVRIER 2001


M. le président. La parole est à M. Goulet, auteur de la question n° 965, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Daniel Goulet. Ma question qui s'adresse à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement concerne l'enfouissement des déchets radioactifs car l'application de la loi du 30 décembre 1991 donne lieu à des difficultés d'interprétation et d'application suscitant bien des craintes que nous ne pouvons apaiser.
Ainsi, le projet d'ouverture d'un second site d'enfouissement à Athis-de-l'Orne est programmé.
La suspension de la « mission granite » n'a rassuré ni les riverains, ni les associations de défense de l'environnement, ni les élus, pourtant tellement concernés, si peu consultés et jamais entendus.
Monsieur le secrétaire d'Etat, peut-on nous donner l'assurance qu'aucun nouveau projet de site d'enfouissement n'est à l'étude dans le secteur d'Athis-de-l'Orne, au coeur même de la Suisse normande, véritable château d'eau naturel. Tout accident mettrait en péril non seulement l'air mais l'eau de l'Orne, qui alimente en partie la ville de Caen, dans cette région qui fut déjà victime de l'industrie de l'amiante - on en a parlé ce matin. Mais un accident mettrait également en péril les exploitations agricoles et les élevages qui n'ont vraiment pas besoin de cela, en ce moment. Tout cela explique que l'ensemble des acteurs de cette zone soit hostile à tout projet d'enfouissement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pour ma part, j'ai observé que les discours variaient selon qu'ils émanaient du ministère de l'environnement ou du ministère en charge de l'industrie.
La loi portant création de l'agence de sécurité sanitaire environnementale aurait pu contribuer à clarifier le débat si vous aviez - la majorité avec vous - suivi la position du Sénat, qui souhaitait voir rattachées à l'agence les compétences liées aux contrôles des déchets radioactifs.
Il faut savoir que, actuellement en France, le système est morcellé en dix-neuf services, rattachés à six ministères, organisation à laquelle il convient de mettre bon ordre si l'on veut inspirer le sérieux et la confiance.
Pour être précis, j'ajouterai que le Sénat aurait voulu que la nouvelle agence englobe les compétences de l'office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, cet organisme étant déjà en charge de la protection des populations contre les risques radio-actifs.
Les solutions envisagées ne sont donc pas satisfaisantes.
A cet égard, je citerai les propos de Claude Allègre, président du bureau des recherches géologiques et minières qui figurent dans le rapport Bataille, à la page 73 : « On a raison de se mobiliser contre les méthodes de stockage ; géologiquement parlant, le sous-sol est le plus mauvais endroit pour stocker les déchets à cause de l'eau qui y circule et pénètre partout. »
Emanant d'un éminent spécialiste, ces propos, qui ne peuvent être constestés, doivent conduire le Gouvernement à adopter rapidement une position sans équivoque.
Les questions de sécurité sont plus que jamais au coeur des préoccupations de nos compatriotes.
Ces derniers, en la circonstance, ne sont ni écoutés ni sérieusement consultés sur des questions fondamentales qui touchent à leur santé et à la qualité de leur environnement naturel. Ils sont légitimement lassés de cette situation, et leurs élus avec eux ; vous le comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur le sénateur, connaissant parfaitement votre département, je sais l'émotion qu'a suscitée le projet que vous avez évoqué.
J'ai le sentiment de pouvoir vous donner partiellement satisfaction sur la première partie de votre question ; en revanche, sur la seconde, je ne pense pas que nous puissions être d'accord.
La loi du 30 décembre 1991 relative à la gestion des déchets de haute activité à vie longue prévoit que trois axes de recherche doivent être explorés d'ici à 2006, date à laquelle le Parlement aura à se saisir du dossier. Nous sommes maintenant à plus de la moitié du délai de quinze ans fixé par la loi.
L'une des voies de recherche concerne l'étude des possibilités de stockage réversible dans des formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains. J'ai bien entendu la citation que vous venez de faire. C'est pourtant cette direction que prenaient la plupart des spécialistes.
La recherche d'un site dans le granit répond à cette démarche. Une mission de concertation désignée par le Gouvernement a été chargée d'établir le dialogue avec les populations concernées ainsi qu'avec les élus.
En ce qui concerne le site du massif d'Athis, tous les votes exprimés, que ce soit par les communes, les cantons, ou le conseil général, ont été défavorables.
Devant les réactions qui ont eu lieu sur les quinze sites présélectionnés, le Gouvernement a suspendu la recherche d'un emplacement. Il n'y a donc pas lieu, pour l'instant, de s'affoler inutilement à propos d'Athis.
En revanche, monsieur le sénateur, s'agissant de la prise en charge des questions touchant au nucléaire par l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, l'AFSSE, le Sénat s'est prononcé en deuxième lecture de la proposition de loi concernée pour la création de l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire par la fusion de deux organismes existants, l'IPSN et l'OPRI. Ainsi, l'AFSSE n'intégrera pas l'OPRI, comme le Sénat l'avait voulu dans un premier temps, mais jouera un rôle de tête de réseau et pourra naturellement se prononcer sur les questions sanitaires touchant au nucléaire civil.
La discussion se poursuivra d'ailleurs tout à l'heure à l'Assemblée nationale. J'espère que la clarification que vous attendez interviendra alors, monsieur le sénateur.
M. Daniel Goulet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. J'ai bien pris note - et tous mes interlocuteurs normands le feront également - du fait que les procédures visant le site Athis-de-l'Orne étaient suspendues. Mais cette décision est-elle ferme et définitive ? Je voudrais en être sûr.
Bien entendu, votre réponse sera considérée avec la plus grande attention par tous les élus qui se sont prononcés contre le projet. Je suis persuadé qu'ils auront à coeur avec moi, avec Mme Voynet, de faire en sorte que ce site soit définitivement abandonné lorsque cette affaire importante reviendra devant le Parlement.

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