SEANCE DU 3 AVRIL 2001


M. le président. La parole est à M. Souvet, auteur de la question n° 1004, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Louis Souvet. Avant de développer ma question, madame la secrétaire d'Etat, je voudrais vous faire un compliment : j'admire votre éclectisme. Je vous ai en effet entendu répondre à M. Paul Blanc sur la diminution des effectifs dans les perceptions rurales, ce qui, comme chacun le sait, relève bien de votre compétence, mais aussi à M. Jean-Paul Hugot sur l'accès forfaitaire à Internet, à M. René-Pierre Signé sur les nouvelles technologies, à l'instant, à M. Alain Gournac sur la professionnalisation des armées, et vous vous apprêtez à répondre sur la situation des titulaires d'un doctorat occupant un emploi-jeune. Vous l'avez compris, madame la secrétaire d'Etat, je traduis là notre inquiétude. Les parlementaires se déplacent pour avoir en face d'eux un interlocuteur au fait des problèmes. Si la situation de ce matin devait se généraliser, nous n'aurions plus qu'à envoyer nos assistants, ce qui ne serait pas très convenable. Je souhaite vraiment que les ministres fassent un effort pour répondre aux questions pointues que nous leur posons. Il s'agit effectivement de questions particulières. S'il s'agissait de questions générales, nous les poserions sous la forme de questions écrites et le tour serait joué.
Cela étant dit, j'en viens à ma question. Madame la secrétaire d'Etat, le nombre des intéressés - une soixantaine sur le plan national - pourrait inciter à traiter cette question sur le mode anecdotique. En fait, ce problème résume à lui seul les limites d'un tel dispositif, ainsi que le double langage du Gouvernement. Ce qui rajoute à l'absurdité de cette problématique, c'est le fait que, contrairement à d'autres emplois-jeunes, le Gouvernement a besoin de l'expérience et du travail de ces titulaires d'un doctorat, notamment pour aider au fonctionnement des IUFM, les instituts universitaires de formation des maîtres.
Dès le départ, le Gouvernement savait quelle serait l'issue des emplois proposés, à savoir un retour sur le marché du travail avec, certes, une expérience supplémentaire, mais une expérience très spécifique dans le domaine de l'enseignement, expérience peu en phase avec les attentes des entreprises privées. Ce marché de dupes, il convient de le dénoncer, a donné de faux espoirs. Vous êtes bien consciente, madame la secrétaire d'Etat, que la réorganisation préconisée par vos conseillers - j'aurais dû dire « par vos conseillers, monsieur le ministre », car c'est bien sûr au ministre de l'éducation nationale que je m'adresse - vers le secteur privé n'est viable que sur le papier. Dans la réalité, il s'agit d'une pure chimère. En effet, en trois ans seuls 2 % des jeunes titulaires d'un doctorat ont réussi par eux-mêmes cette conversion. Vous savez aussi que le ministère échoue depuis bientôt quatre mois dans sa promotion forcée des jeunes titulaires d'un doctorat.
Passé l'effet d'annonce, ne nous occupons pas des conséquences à long terme pour ces jeunes, tel pourrait être le mot d'ordre ayant présidé à cette mise en place. « Coïncidence » heureuse, les contrats finiront pour la plupart après les échéances législatives. Ces jeunes titulaires d'un doctorat vous demandent des comptes et veulent du concret. Même si la ministre initiatrice du projet n'est plus au Gouvernement, celui-ci doit assumer les conséquences de ces actes.
Ces jeunes ont le désavantage d'avoir pour bagage universitaire huit années d'études au minimum après le baccalauréat et, de surcroît, de ne pas travailler par exemple pour le ministère de l'intérieur, où les titularisations poseront moins de problèmes, au grand dam des fonctionnaires suivant un cursus classique ; mais il s'agit là d'un autre problème !
Madame le secrétaire d'Etat, demande au moins à votre collègue de recevoir ces jeunes docteurs, de ne pas les mépriser compte tenu du travail qu'ils ont consacré au profit de l'éducation nationale, et d'étudier les propositions qu'ils formulent.
Ces jeunes titulaires d'un doctorat se proposent de participer au développement de l'enseignement universitaire à distance, via notamment Internet. Leur mission actuelle au sein des IUFM les a préparés à ce programme. Cette démarche est innovante et permettrait de réinvestir immédiatement les compétences des jeunes docteurs tout en offrant à ces derniers une intégration légitimée par ces compétences requises pour un « learning universitaire ».
Il est vrai, madame le secrétaire d'Etat, que leur nombre relativement réduit ne plaide pas électoralement en leur faveur. Mais si rien n'est fait, ils représenteront, tout autant qu'ils sont, les conséquences humaines d'un dysfonctionnement grave d'un système dont la pérennité a été assurée pour partie par le ministère de l'éducation nationale.
En refusant d'écouter les arguments de ces jeunes docteurs, vous les placez en porte-à-faux à l'égard de la communauté tout aussi précaire des emplois-jeunes ; vous savez pertinemment, en effet, que la bonne conscience de ces diplômés les empêche de se désolidariser de leurs camarades dont le niveau d'études est évidemment très inférieur.
A travers vous, madame le secrétaire d'Etat, je demande donc à M. le ministre de l'éducation nationale de recevoir personnellement ces jeunes titulaires d'un doctorat, car, sans son aval, les services ne leur proposeront aucune solution pérenne.
Vous me permettrez d'ajouter que ce n'est pas le seul problème de ce type. L'actualité met en effet en relief l'association des médecins nouveau régime avec diplôme interuniversitaire de spécialisation, le DIS, comme nombre de médecins ayant suivi leur cursus de formation dans des universités à l'étranger. Mes collègues et moi-même sommes très fréquemment saisis de demandes émanant de ces médecins qui, pour des raisons diverses, ne peuvent exercer. Il serait temps, me semble-t-il, de clarifier les positions.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, M. le ministre de l'éducation nationale m'a demandé d'apporter à la question que vous venez de poser la réponse suivante.
Parmi les 70 000 contrats d'emplois-jeunes mis à la disposition du ministère de l'éducation nationale, ce dernier a décidé de recruter 400 jeunes docteurs destinés à aider au développement des nouvelles technologies dans les instituts universitaires de formation des maîtres.
Une centaine de recrutements a été réalisée et soixante-dix jeunes docteurs toujours en fonction s'inquiètent pour leur avenir au terme de leur contrat de cinq ans.
Ces recrutements ont été réalisés dans une période de difficulté d'insertion de certains jeunes docteurs et à un moment où le ministère de l'éducation nationale voulait développer les NTIC, ou nouvelles technologies de l'information et de la communication, dans les IUFM.
Cette convergence d'intérêt n'a malheureusement pas rencontré le succès escompté, puisqu'il n'y a eu qu'une centaine de recrutement parmi les quatre cents recrutements programmés.
Si la situation des jeunes docteurs présentait des spécificités quant à l'exercice de leur fonction, ces jeunes sont néanmoins dans la même situation que tous les emplois-jeunes au regard de leur insertion professionnelle.
La spécificité des jeunes docteurs résidait à la fois dans le montant de leur rémunération, très supérieur au SMIC, dans la nécessité de posséder un doctorat dans le domaine des technologies de l'information et de la communication et dans une définition précise d'activités d'agents de développement des NTIC.
S'agissant de la question de l'insertion professionnelle, les jeunes docteurs sont, au terme du contrat de cinq ans, dans une situation semblable à celle de tous les titulaires d'un emploi-jeune puisqu'ils doivent chercher à être recrutés dans la fonction publique ou dans le secteur privé.
Il est vrai que la quasi-totalité d'entre eux désirerait accéder à l'enseignement supérieur soit en qualité de maître de conférence, soit en qualité d'ITARF, ou ingénieur et personnel technique et administratif de recherche et de formation.
Dans ces deux situations, la procédure est identique : dans un premier temps, il faut que l'IUFM réserve l'un de ses emplois vacants pour le recrutement d'un maître de conférence ou d'un ITARF correspondant à la spécialité du jeune docteur ; dans un second temps, le jeune docteur doit se présenter aux épreuves de sélection correspondantes.
Au cours de ces dernières années, les IUFM n'ont pas pu dégager les emplois qui auraient permis de réaliser le recrutement de ces jeunes docteurs.
Il n'existe pas dans la fonction publique, en particulier dans l'enseignement supérieur, de mesure de titularisation automatique comme pourraient le souhaiter les jeunes docteurs.
Il est donc indispensable que les jeunes docteurs diversifient les recherches d'emplois qu'ils sont amenés à conduire. Pour les aider, le ministère de l'éducation nationale noue actuellement des contacts avec le syndicat professionnel Syntec qui regroupe les sociétés d'informatique et les sociétés de conseil. Il s'agit d'entreprises qui recrutent des personnels de haut niveau.
Par ailleurs, la pénurie de main-d'oeuvre dans le domaine informatique devrait constituer un élément très favorable à l'insertion de ces jeunes. Ceux-ci possèdent en effet, en plus d'un doctorat, une expérience de plus de trois ans dans le domaine informatique qu'ils devraient pouvoir valoriser auprès des entreprises de ce secteur professionnel. Le ministère de l'éducation nationale mettra tout en oeuvre pour accompagner ces démarches.
M. Louis Souvet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Je tiens à vous remercier de votre réponse, madame le secrétaire d'Etat. Néanmoins, je soulignerai que vous avez tenu exactement les propos que j'ai développés dans ma question, à savoir que ces jeunes ont une formation tellement spécifique qu'ils ne peuvent pas trouver un emploi dans le secteur privé et que, par ailleurs, les IUFM n'ont pas pu dégager les emplois nécessaires pour les employer.
J'ai bien entendu que, pour les aider, le ministère de l'éducation nationale avait noué des contacts avec le syndicat professionnel Syntec et était prêt à consentir des efforts. Je le souhaite vivement, car ce serait un comble que des diplômés ayant fait des études d'un tel niveau - ce sont des docteurs ! - soient sans emploi et restent affectés à des emplois-jeunes longtemps encore. Ce serait vraiment, me semble-t-il, la faillite d'un système. Je compte donc beaucoup sur le ministère de l'éducation nationale pour apporter une solution à leur problème.

REMISE EN CIRCULATION
DU TUNNEL DE SAINTE-MARIE-AUX-MINES