SEANCE DU 29 MAI 2001


M. le président. La parole est à M. Demuynck, auteur de la question n° 1068, adressée à Mme le ministre de la jeunesse et des sports.
M. Christian Demuynck. Madame le minisre, le 24 février dernier, l'équipe première de Neuilly-Plaisance de handball évoluant en Nationale 3 rencontrait l'équipe d'Oissel, originaire de Basse-Normandie, lors d'un match comptant pour le championnat de France.
Au cours de cette rencontre, des supporters de Neuilly-Plaisance pris par leur passion du jeu ont manifesté leur exubérance d'une façon tout à fait intolérable en jetant sur le terrain deux pièces de vingt centimes et un morceau de plastique.
A la suite de cette attitude, les arbitres ont dressé un rapport, qui a été transmis à la Fédération française de handball. La commission disciplinaire de cette instance a jugé bon de sanctionner extrêmement lourdement l'équipe nocéenne en lui infligeant non pas une mais quatre pénalités : une amende de 13 000 francs, une suspension de parquet de deux mois - du 24 mars au 19 mai dernier - pour l'équipe première, la même sanction pour l'équipe féminine et, comble de l'absurdité, un arrêt total des matchs pour les jeunes de Neuilly-Plaisance, car une suspension de parquet est applicable pour toutes les équipes sans tenir compte de leur âge. Quant au 13 000 francs d'amende, c'est provoquer purement et simplement l'asphyxie du club, puisque cette somme représente 50 % des cotisations annuelles.
Cette sanction financière est donc totalement disproportionnée, s'agissant d'un club amateur qui collectionne par ailleurs les bons résultats, puisqu'il est classé dans les quatre premiers de sa poule. La suspension de toute rencontre durant deux mois a eu pour conséquence immédiate de « jeter dehors », cent trente gamins, du fait de l'annulation des douze matchs prévus. C'est donc l'ensemble du club qui a été pénalisé par la faute de supporters qui ont eu le tort de manifester, d'une façon bien modeste, leur soutien à l'équipe nocéenne.
En l'occurrence, on est loin des événements qui ont secoué la Seine-Saint-Denis en 1999, et qui ont été à l'origine, le 12 avril de cette même année, des mesures que vous avez prises pour garantir la sécurité dans les stades.
Ardent défenseur de la libre pratique du sport et de la non-violence, je suis d'ailleurs intervenu à cette époque pour que des mesures sévères soient prises afin de condamner des actes hautement répréhensibles qui alimentaient alors quotidiennement l'actualité. Vous m'avez d'ailleurs, reçu madame le ministre, et avez répondu favorablement à une demande de concertation en organisant une réunion sur ce thème avec les maires de Seine-Saint-Denis.
Toutefois, dans le cas présent, il convient de mesurer la totale disproportion de la sanction avec les faits, car, je le répète, il n'y a pas eu de violence dans cette affaire. Il apparaît évident - et je pense que vous partagerez mon avis - que de telles peines - celles-ci ne sont pas essentiellement prises à l'encontre du club de Neuilly-Plaisance puisque d'autres clubs rencontrent exactement les mêmes problèmes - loin de dissuader les fauteurs de troubles, risquent plutôt de démobiliser les bénévoles, qui animent avec un dévouement exemplaire les clubs sportifs.
Je souhaiterais donc connaître, madame le ministre, les mesures que vous envisagez de prendre pour éviter que des bénévoles et des licenciés ne soient pris en otages par les auteurs de ces troubles. Ne croyez-vous pas, en effet, qu'il serait plus judicieux de punir les auteurs de ces exactions, plutôt que les sportifs sur le terrain ? Quelles actions pouvez-vous mener, madame le ministre, en direction de la fédération française de handball pour que ses dirigeants prennent conscience du rôle social qu'ils ont à jouer et pour qu'ils cessent de prendre des décisions aussi absurdes ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet. ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, je sais votre engagement pour lutter contre la violence dans le sport. Les mesures que nous avons prises, à la suite des réunions de concertation avec les élus et les présidents de club en Seine-Saint-Denis, ont permis de mettre en place un dispositif avec un officier référent. Compte tenu des résultats obtenus, ce dispositif a d'ailleurs été étendu à vingt-six autres départements. Nous avons maintenant des commissions départementales, régionales et nationale pour agir contre la violence dans le sport. Ce qui s'est passé en Seine-Saint-Denis nous a permis ensuite de répondre à l'aggravation des actes de violence à tous les niveaux, dans tous les départements et dans plusieurs disciplines sportives.
Nous avons d'ailleurs accompagné ce dispositif d'une campagne nationale, que j'ai annoncée à la télévision dans une émission sportive du dimanche soir. Cette campagne sera déclinée dans tous les lieux publics comme la SNCF et la RATP, où nous avons fait appel à de nombreux champions pour qu'ils parlent aux jeunes. Nous leur avons demandé, de façon originale, non par leur photo actuelle qui sert parfois à des campagnes de publicité mais une photo d'eux lorsqu'ils étaient cadets. Jackson Richardson nous a répondu. C'est une affiche qu'il faudra mettre à la disposition des jeunes de ce club.
J'en viens plus spécifiquement au club de Neuilly-Plaisance. Il est vrai que s'étaient déjà produits deux précédents. Je sais que vous aviez été conduit vous-même à prendre des mesures auprès de l'encadrement du club et avec les forces de sécurité pour enrayer ces agissements.
S'agissant des supporters, si le club porte plainte, nous pouvons appliquer la loi renforcée du 6 mars 1998, qui permet la double peine, c'est-à-dire l'interdiction pour les supporters concernés de pénétrer dans des stades pendant six mois, un an, voire deux ans.
Quant aux sanctions disciplinaires, elles dépendent uniquement du mouvement sportif. Pour ma part, je considère qu'elles doivent viser les responsables proprement dits, et ne pas interdire une pratique à l'ensemble des enfants ou des jeunes qui n'ont pas été concernés par les actes de violence. A la suite de votre intervention, je m'en ouvrirai à la fédération de handball. Toutefois, je veux laisser cette responsabilité aux fédérations.
Le club peut faire appel devant la commission d'appel de la fédération de handball. S'il n'a pas satisfaction, il pourra faire appel devant le CNOSF, le Comité national olympique et sportif français, qui est à même de porter une appréciation sur les décisions prises par la fédération.
Par ailleurs, il serait sans doute intéressant qu'une rencontre - mais peut-être a-t-elle eu lieu - soit organisée entre l'officier référent du département et les responsables du club et, peut-être, du district de handball ; c'est ce que je vais suggérer au mouvement sportif.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Madame le ministre, je suis très rarement d'accord avec les décisions du Gouvernement, mais je dois dire qu'en matière de tranquillité dans les stades les dispositions que vous avez prises, avec l'officier référent, sont bonnes, et il faut bien sûr continuer à les appliquer.
En réponse à ma question, vous avez rappelé le passé et les problèmes déjà survenus. En l'occurrence, ces problèmes n'étaient nullement imputables à l'équipe de Neuilly-Plaisance : il s'agissait d'une équipe de Montreuil suivant celle de Romainville, laquelle venait jouer à Neuilly-Plaisance !
Mon reproche porte, en fait, sur la sanction disciplinaire extrêmement sévère qui a été décidée à l'encontre de l'équipe de Neuilly-Plaisance, et ce en l'absence de tout problème d'insécurité.
A la suite de contacts avec tous les maires et les présidents de club de Seine-Saint-Denis, je me suis aperçu d'ailleurs d'une propension de la fédération de handball à infliger des amendes extrêmement lourdes, ce qui m'inquiète quelque peu. Je me demande même si les collectivités, par ces moyens détournés, ne sont pas en train de subventionner la Fédération française de handball.
Informé de la question que je posais ce matin, un représentant de la fédération m'a même déclaré que, de toute façon, ses dirigeants ne risquaient rien, qu'ils étaient « très bien » avec Mme le ministre de la jeunesse et des sports, ajoutant : « Vous pouvez faire tout ce que vous voulez, nous continuerons ; ce sont nous les patrons ! » (Mme le ministre sourit.)
Je crois donc nécessaire d'essayer de faire comprendre aux dirigeants de cette fédération qu'il faut cesser de se comporter de cette manière et qu'ils doivent songer au rôle social important qui est le leur dans un département aussi difficile que la Seine-Saint-Denis.

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