SEANCE DU 29 MAI 2001


M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 62, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après l'article 20, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 126-1 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article L. 126-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 126-1-1. - Les personnes mentionnées à l'article précédent peuvent dissiper tout rassemblement sans cause légitime dans les parties communes d'immeubles collectifs d'habitation, lorsqu'il compromet la libre circulation des occupants ou des tiers normalement appelés à se rendre en ces lieux. Le refus d'obtempérer est constitutif du délit de rébellion prévu à l'article 433-6 du code pénal. »
Par amendement n° 91, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 20, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article L. 126-1 du code de la construction et de l'habitation, un article L. ... ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les propriétaires ou exploitants d'immeubles à usage d'habitation ou leurs représentants, qui satisfont à l'obligation mentionnée par l'article L. 127-1 du présent code, peuvent également, en cas d'occupation des espaces communs du bâti par des personnes qui entravent l'accès et la libre circulation des locataires ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté ou nuisent à la tranquillité des lieux, faire appel à la police ou à la gendarmerie nationales, ainsi, le cas échéant, qu'à la police municipale, pour rétablir la jouissance paisible de ces lieux. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 62.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La lutte contre l'occupation des halls d'immeuble constitue une préoccupation majeure dans certaines de nos communes.
En effet, on constate parfois que des groupes ou des bandes occupent des halls d'immeuble pendant de très longues périodes et menacent les résidents, qui redoutent de quitter ou de regagner leur appartement.
Cet amendement vise donc à remédier à cette situation.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 91 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 62.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Mon intervention vaudra également présentation de l'amendement n° 90, qui sera appelé ultérieurement.
L'occupation fréquente et sans raison valable des halls ou parties communes des immeubles par des personnes résidentes de droit ou non constitue une source de nuisances de tous ordres, qui alimente le sentiment d'insécurité des habitants, en particulier dans les grands ensembles.
L'article L. 126-1 du code de la construction et de l'habitation permet déjà aux propriétaires et aux exploitants des immeubles à usage d'habitation d'accorder aux services de police et de gendarmerie nationales une autorisation de pénétrer dans les parties communes. Je me souviens d'ailleurs avoir été l'auteur, avec Mme Catala, de l'amendement ayant permis d'introduire cette disposition dans la loi de 1995.
Un amendement, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, a étendu cette autorisation à la police municipale. Cela ne permet toutefois pas aux policiers et aux gendarmes de contraindre les personnes qui occupent les parties communes à quitter les lieux. Le relevé des infractions susceptibles de leur être imputées, telles que les dégradations, les vols, le tapage et les trafics divers qui pourraient servir de fondement à des interpellations, est soumis aux conditions habituelles de constatation en flagrance, que les policiers ou les gendarmes ont beaucoup de difficultés à réunir, compte tenu de la configuration des lieux ou des circonstances de leurs interventions.
La création d'une infraction spécifique de nature contraventionnelle constituée par le seul fait, pour son auteur, de stationner dans les parties communes d'un immeuble ne permettrait pas d'atteindre l'objectif visé, qui est de libérer les lieux. Le cadre contraventionnel n'offre en effet aucun moyen coercitif à l'agent verbalisateur.
Il apparaît, en conséquence, plus efficace de situer l'action des services de police et de gendarmerie dans le cadre de l'ordre public.
Il est ainsi proposé d'insérer un article L. 126-2 dans le code de la construction et de l'habitation. L'occupation systématique et abusive des parties communes crée manifestement un trouble à la jouissance de ces lieux quand elle entrave l'accès et la libre circulation des propriétaires ou des locataires, empêche le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité ou de sûreté ou nuit à la tranquillité.
Pour rétablir la jouissance paisible, il est donc proposé que, lorsque le propriétaire ou le gestionnaire le demande, la police, la gendarmerie ou, le cas échéant, la police municipale puisse intervenir pour contraindre les personnes en cause à quitter les lieux.
Cette possibilité de recourir aux services de police ou de gendarmerie ne doit pas cependant avoir pour conséquence de faire reposer sur ces seuls services la charge d'assurer la tranquillité des parties communes des immeubles.
En effet, les propriétaires ou exploitants d'immeubles doivent préalablement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, assurer le gardiennage et la surveillance et prendre les mesures permettant d'éviter les risques manifestes pour la sécurité et la tranquillité, ainsi que le prévoit l'amendement n° 90 visant à compléter l'article L. 127-1 du code de la construction et de l'habitation.
L'ensemble de ce dispositif repose sur le renforcement des relations partenariales avec les services de police et de gendarmerie, à partir desquelles pourront être mises en oeuvre, de façon concertée et coordonnée, les mesures précitées, qui sont destinées à rétablir de meilleures conditions de vie pour les habitants des immeubles. C'est une nouvelle illustration de ce que doit être la coproduction de sécurité.
Tel est l'objet des amendements n°s 91 et 90.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 91 ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Nous constatons que cet amendement a le même objet que celui de la commission, puisqu'il tend à permettre de dissiper les attroupements dans les parties communes d'immeubles.
Toutefois, l'amendement du Gouvernement risque de susciter la surprise et peut-être même de l'irritation. Il exige en effet que les bailleurs respectent les obligations de gardiennage et de surveillance que la loi leur confie telles que, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, l'article L. 127-1 les prévoit.
Hélas, le décret d'application n'a jamais été pris, si bien que la possibilité que vous offrez n'en est pas une. Voilà tout de même une curiosité. En outre, mais c'est une habitude, l'amendement du Gouvernement, contrairement à celui de la commission, ne prévoit aucune sanction.
La commission a donc émis, évidemment, un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 62, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20, et l'amendement n° 91 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 90, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 20, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article L. 127-1 du code de la construction et de l'habitation, après les mots : "assurer le gardiennage", sont insérés les mots : "et prendre les mesures permettant d'éviter les risques manifestes pour la sécurité et la tranquillité des locaux". »
Cet amendement n'a plus d'objet.

Article 21