SEANCE DU 6 JUIN 2001


M. le président. « Art. 12. - I. - L'article 23 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications est ainsi rédigé :
« Art. 23 . - Les biens immobiliers de La Poste relevant de son domaine public sont déclassés. Ils peuvent être librement gérés et aliénés dans les conditions du droit commun.
« Lorsque les conditions de la cession ou de l'apport d'un bien compromettent la bonne exécution par La Poste des obligations de son cahier des charges ou des engagements pris dans le cadre de son contrat de plan, en ce qui concerne, notamment, la continuité du service public et la politique d'aménagement du territoire, l'Etat s'oppose à la cession ou à l'apport ou subordonne leur réalisation à la condition qu'ils ne portent pas préjudice à la bonne exécution desdites obligations. A cette fin, La Poste transmet à l'Etat toutes informations utiles et, notamment, le projet de convention avec le cessionnaire ou le destinataire de l'apport.
« En cas de non-respect des conditions prévues à l'alinéa précédent, la nullité de la cession ou de l'apport peut être demandée par l'Etat.
« Le cahier des charges fixe les conditions et modalités de l'opposition mentionnée au deuxième alinéa. »
« II. - Les dispositions du premier alinéa de l'article 23 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée entreront en vigueur à la date de publication du décret approuvant les modifications apportées au cahier des charges pour l'application du dernier alinéa du même article et au plus tard dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi. »
Sur l'article, la parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. L'évolution du service postal constitue, à mes yeux, comme pour nombre de mes collègues, un enjeu majeur pour l'évolution des territoires ruraux.
Nul ne peut en effet ignorer que, par ses nombreux points d'implantation, La Poste joue un rôle essentiel dans l'aménagement harmonieux de notre territoire. Nul ne peut ignorer non plus que, dans certaines petites communes, les agences postales constituent souvent la principale, voire la seule activité économique.
Depuis plusieurs années, la construction européenne et les mutations technologiques imposent une adaptation de nos grands services publics de réseau.
Pour les télécommunications ou le secteur électrique, le Parlement a pu remplir pleinement son rôle de réflexion et de proposition. Aussi, il me paraîtrait cohérent que le Parlement soit amené à débattre de l'évolution du service public postal au regard de ses conséquences pour nos concitoyens comme pour nos territoires.
Or nous ne voyons rien venir. Il n'y a eu aucun débat législatif d'ensemble sur La Poste depuis 1990. Le Gouvernement se limite, ce que je regrette, à proposer de façon éparse, dans divers projets de loi, des dispositions touchant à la réglementation postale. L'année dernière, il a même proposé au Parlement que la directive postale du 15 décembre 1997 soit transposée par ordonnance, c'est-à-dire sans débat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis convaincu que la mutation du service public est nécessaire, mais elle ne peut ni ne doit s'effectuer en catimini, car, je le répète, ce serait au détriment de l'aménagement pérenne de notre territoire, en particulier des zones les plus fragilisées par une baisse de la démographie. Il me semble que c'est une solidarité nationale nécessaire.
Aujourd'hui, l'article 12 de ce projet de loi vise à faire sortir les biens immobiliers de La Poste du régime juridique de la domanialité publique afin d'accroître la liberté de gestion de l'établissement. Ces biens pourront être gérés dans les conditions de droit commun, mais sous un contrôle assez strict de l'Etat.
En permettant une meilleure adéquation entre les besoins de ses missions et son parc immobilier, cette mesure vise à contribuer à la modernisation de La Poste.
J'estime toutefois que, même s'il constitue une avancée intéressante, ce dispositif ne permet pas de répondre à l'ensemble des défis que La Poste doit relever.
Il me semble même que le Gouvernement traite les effets collatéraux sans évoquer la question principale.
Pour France Télécom, le déclassement de son domaine public était le corollaire de la transformation de l'opérateur en société anonyme détenue directement et majoritairement par l'Etat.
Pour La Poste, le Gouvernement propose le déclassement de son domaine public en maintenant l'opérateur en établissement public. Or, comme mon collègue M. Gérard Larcher, je pense que la question de la « sociétisation » de La Poste devra être envisagée rapidement si l'on veut véritablement lui donner les moyens de son développement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais donc savoir si le Gouvernement a l'intention de soumettre un projet de loi au Parlement qui permette d'aborder l'avenir de La Poste dans sa globalité.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 120, MM. Lefebvre, Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer l'article 12.
Par amendement n° 125 rectifié ter, MM. Charasse, Angels et les membres du groupe socialiste proposent de compléter le premier alinéa du texte présenté par le paragraphe I de cet article 12 pour l'article 23 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, le conseil municipal peut demander que le projet de cession ou d'apport d'un bien immobilier appartenant à La Poste soit soumis à enquête publique lorsque ce bien a été acquis avec le concours ou l'aide financière d'une collectivité territoriale et que sa cession pourrait créer des difficultés pour la réalisation de projets d'aménagement urbain ou rural. »
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 120.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'article 12 du projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier a pour objet de modifier le régime de gestion du patrimoine immobilier de La Poste. Les actifs immobiliers qui appartenaient au domaine public de La Poste pourront désormais être gérés et aliénés librement par l'entreprise, dans les conditions de droit commun, y compris, il faut le souligner, les locaux utilisés par le personnel de La Poste.
Dans son rapport, Mme Bricq, député, nous explique que ce transfert des droits de propriétés consisterait en une simple correction d'ordre technique permettant de lever une contrainte préjudiciable au bon fonctionnement de La Poste.
Elle y affirme qu'il faut relativiser les conséquences d'une telle réforme, puisque les locations représentent déjà une part non négligeable du parc immobilier de La Poste, à savoir 72 %, précise-t-elle.
Enfin, elle nous rassure : toutes les précautions seraient prises afin que l'exploitant public continue à assumer ses obligations de service public dans le respect des principes fondateurs : égalité, continuité, adaptabilité aux nouveaux besoins. L'Etat pourrait ainsi refuser toute cession dont il jugerait qu'elle contrevient à ces principes.
Qui nierait, cependant, qu'un Etat libéral est par essence tolérant, pour ne pas dire favorable à l'extension du domaine de la propriété privée ? On peut donc s'interroger sur la force de ces garanties, au vu de la domination actuelle de l'idéologie libérale. On ne peut même que s'en inquiéter au regard de la tendance à l'alignement de la définition du service public à la française sur celle du service universel à l'européenne, qui véhicule une vision beaucoup plus minimaliste que la conception française.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, comment ne pas s'étonner de la précipitation avec laquelle le Gouvernement mène cette réforme, en l'inscrivant dans ce projet de loi ?
Nous nous en étonnons d'autant plus que les organisations syndicales, à qui l'on avait promis la tenue d'un grand débat public sur La Poste, ne semblent pas avoir été consultées, à cause de l'urgence, sans doute, qui condamne à l'abandon de principes aussi essentiels que la transparence de l'information, la consultation des usagers et des différents partenaires sociaux sur le sort d'une entreprise publique dont le rôle en matière d'intégration territoriale et sociale n'est plus à démontrer.
C'est le processus démocratique qui est court-circuité quand on introduit subrepticement, ici ou là, dans une loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire par exemple, la transposition d'une directive postale européenne.
Cette réforme participe de la même méthode, tant du point de vue de la forme que de celui du fond. L'urgence semble rimer avec pression de la concurrence européenne.
Ici, il s'agit des actifs immobiliers, ailleurs, de la mise en oeuvre du projet de schéma d'organisation des fonctions transversales contre l'avis unanime de toutes les organisations syndicales. Ainsi, par petites touches, c'est l'ensemble du service public de La Poste qui est mis en cause.
Nous ne nions pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que la gestion des actifs immobiliers de La Poste a un coût élevé - évalué à 5,2 milliards de francs - et qu'il correspond aux charges locatives ou patrimoniales. Rien ne nous est dit cependant sur les parts respectives des unes par rapport aux autres, les premières étant sans doute importantes. Le coût global diminuera-t-il sensiblement ? A court terme, en tout cas, l'apport de liquidités est évident.
La Poste semble avoir besoin de ces liquidités pour poursuivre sa politique de rachat d'entreprises en France et à l'étranger, dans le domaine, par exemple, des colis et de la logistique. Cette politique de croissance externe - nous avons pu l'observer dans d'autres domaines d'activité - peut se réaliser au détriment du développement interne de La Poste, en l'occurrence de la préservation d'un patrimoine et des missions de service public.
Deux sociétés immobilières existent déjà, qui s'occuperont de la gestion, des opérations de vente ou de crédit-bail des actifs immobiliers de La Poste.
S'agissant d'une entreprise publique, les usagers et les autorités de tutelle n'auraient-elles pas leur mot à dire quant à l'utilisation future de ces fonds et, au demeurant, quant à la logique qui guide l'ensemble des choix actuels de La Poste ?
La poursuite de l'externalisation des coûts de La Poste, obtenue, l'année dernière, par la cession de 180 immeubles ou terrains et, au début de cette année, par la vente de sa flotte automobile, est évidemment, à court terme, source d'économie sur les coûts, surtout si les fonds générés sont affectés à la réduction de la dette. Est-on sûr que le résultat sera aussi profitable sur le long terme ?
Pour toutes ces raisons, auxquelles s'ajoutent les inquiétudes quant à l'avenir du personnel de la direction de l'immobilier et des services techniques de maintenance - environ 150 personnes - nous demandons la suppression de l'article 12.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 125 rectifié ter.
M. Michel Charasse. L'article 12 du projet de loi permet à La Poste d'assurer une meilleure gestion de son patrimoine immobilier et de procéder, si elle le juge utile, à la cession, après déclassement, d'un certain nombre de bâtiments dont elle n'a plus l'usage et qui sont actuellement affectés au service public postal.
Cette disposition a fait l'objet d'une assez longue discussion en commission des finances...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Michel Charasse. ... et nous nous sommes aperçus que, dans un certain nombre de cas, des collectivités locales, généralement des communes, quelquefois avec l'aide du département, avaient apporté des fonds à La Poste, en argent ou en nature, par exemple en cédant un terrain dans des conditions parfois très favorables.
M. Loridant - il n'a pas pu rester jusqu'à maintenant, mais il m'a demandé d'insister sur ce point - a notamment cité le cas de la construction d'un bureau de poste aux Ulis, pour laquelle il avait cédé un terrain pour un franc symbolique et un bail de quatre-vingt-dix-neuf ans.
Lorsqu'on se trouve dans une telle situation, il peut paraître choquant qu'un bien qui a été construit avec l'argent, non pas de La Poste, mais d'une collectivité locale, soit cédé sans tambour ni trompette, et sans que la collectivité soit appelée à dire son mot.
Vous me direz, chers collègues, que la collectivité peut toujours exercer son droit de préemption. Mais, dans certains cas, elle n'en a pas les moyens, elle ne peut pas le faire, elle éprouve des difficultés, ou elle ne souhaite pas exercer ce droit pour une raison ou pour une autre, par exemple parce que le bâtiment est encastré dans un ensemble de bâtiments privés. Bref, on peut rencontrer mille et une situations. Pourtant, la cession interviendrait et la collectivité ne serait pas impliquée, malgré l'effort qu'elle aurait accompli en faveur du service postal.
J'ajoute que l'opération a pu être conduite par la collectivité territoriale dans le cadre d'une opération d'aménagement urbain ou rural. Comment, dès lors, accepter que, subitement, les projets de cession de son patrimoine immobilier par La Poste puissent risquer, par la qualité de l'acheteur ou par la nouvelle destination envisagée pour le local, de contrecarrer un projet d'aménagement, l'organisation d'un quartier, d'un secteur rural, etc.
A l'issue de la longue discussion que nous avons eue en commission - je fais appel à nos collègues qui y ont assisté - nous avons tenté, avec Bernard Angels et les membres du groupe socialiste, de trouver une solution. C'est ainsi que, avec mes amis, j'ai déposé un premier amendement. Mais, monsieur le rapporteur général, j'ai rectifié ce texte afin de le rendre plus restrictif et pour faire en sorte qu'il ne vise bien que les quelques cas qui peuvent être concernés, et qui ne doivent pas être très nombreux.
Avec cet amendement n° 125 rectifié ter, c'est le conseil municipal qui pourrait demander qu'avant l'exécution d'un projet de cession d'un immeuble par La Poste il y ait enquête publique si deux conditions cumulatives sont réunies : d'une part, que la collectivité ait participé financièrement à la création de ce bâtiment et, d'autre part, que la cession soit de nature à gêner ou à contrecarrer un projet d'aménagement urbain ou rural.
Les techniciens de La Poste m'ont fait observer, de même qu'à mes collègues du groupe socialiste - M. Bellanger a eu des conversations à ce sujet avec un certain nombre d'entre eux -, que cela pouvait poser encore des problèmes. Certes, mais, à force de raboter l'amendement, il n'en restera plus rien !
Mes chers collègues, dans la vie, je crois qu'il faut être réaliste et concret, et, dans cette maison, nous avons au moins la réputation d'essayer d'avoir du bon sens. Pour que les dispositions de l'amendement n° 125 rectifié ter soient mises en oeuvre, il faudra donc, premièrement, que La Poste veuille vendre, ce qui n'est pas le cas partout ; deuxièmement, que le bureau de poste ou l'immeuble ait obtenu l'aide d'une collectivité locale ; troisièmement, que le projet de cession soit de nature à contrecarrer un aménagement urbain ou rural.
Imaginons que La Poste envisage de vendre cent bâtiments. Sur ces cent bâtiments, admettons que trente auront reçu l'aide d'une collectivité territoriale. Sur ces trente bâtiments, peut-être une dizaine seront concernés par un projet d'aménagement urbain ou rural. Il ne faut donc pas dramatiser. Ce qui est certain, c'est qu'il faut que nous préservions les intérêts des collectivités territoriales.
Dans ce cas-là, cela veut-il dire que l'on ne peut pas vendre ? L'Etat peut toujours s'y opposer, puisque cela appartient au domaine public. Si l'Etat ne s'y oppose pas, la collectivité peut demander une enquête d'utilité publique, à l'issue de laquelle le commissaire enquêteur fera une proposition. S'il lui paraît que la position de la collectivité est justifiée, il dira qu'il ne faut pas vendre ; s'il lui paraît qu'elle est injustifiée, il dira que l'on peut vendre.
Il ne faut donc pas faire dire à la nouvelle rédaction de cet amendement n° 125 rectifié ter ce qu'il ne veut pas dire. Il s'agit essentiellement d'une précaution !
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, s'agissant du bureau de poste des Ulis, M. Loridant souhaite que vous lui confirmiez que la cession éventuelle par La Poste du bâtiment ne remettrait pas en cause les conventions passées entre la commune et La Poste, selon lesquelles la commune reste propriétaire du terrain, qui n'est que concédé à La Poste pendant quatre-vingt-dix-neuf ans.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur le fond des choses, le dispositif que propose le Gouvernement est opportun et utile.
M. Michel Charasse. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons développé ces considérations dans le rapport écrit de la commission des finances, en rappelant, notamment, que la commission supérieure du service public des postes et télécommunications, composée en majorité de parlementaires de toutes tendances politiques, a rendu, le 28 mars dernier, un avis conforme à ce projet d'article.
De plus, il convient de rappeler - mais cela a déjà été fait - que l'assouplissement qui va intervenir laisse subsister le droit d'opposition préalable de l'Etat ; cela se justifie tant que le statut de La Poste demeure ce qu'il est.
Au vu de cette appréciation favorable sur l'avancée qui nous est proposée, la commission ne peut évidemment qu'émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 120 du groupe communiste républicain et citoyen.
Selon nous, il faut permettre à La Poste de s'adapter - il ne faut donc pas qu'elle ait, si vous me permettez l'expression, des semelles de plomb - de jouer tout son rôle économique dans la clarté, en respectant - nous y reviendrons tout à l'heure avec l'amendement de la commission des finances - ses obligations de service public et en acquérant la capacité de développement la plus large possible sur l'ensemble des marchés qui lui sont ouverts. Telle est l'orientation de la commission des finances.
L'amendement n° 125 rectifié ter de M. Charasse n'est nullement en contradiction avec une telle orientation. Je souligne que le dispositif est même beaucoup plus achevé que celui de la première version que nous avions examinée en commission des finances.
Cet amendement fait ressortir que des projets de cession immobilière, par cession sur le marché ou par apport à une autre personne morale que La Poste, peuvent poser problème dans un contexte donné : lorsque la collectivité territoriale a eu, dans le passé, à faire des efforts - on en a cité un exemple pour l'installation de La Poste - ou lorsque le bâtiment qu'il s'agit de céder joue un rôle significatif pour l'évolution du contexte urbain, pour l'aménagement urbain ou l'aménagement d'une zone rurale... peu importe.
Dès lors, prévoir une procédure particulière, c'est-à-dire une enquête publique, dans ces cas particuliers ne fait qu'introduire une formalité - puisque vous ne précisez pas dans votre amendement quelle sera la sanction de cette enquête publique - conçue comme une incitation à négocier, c'est-à-dire comme un moyen d'éviter que La Poste ne regarde un jour de haut - pas aujourd'hui... - quelques pauvres élus ruraux ou urbains en leur disant : « On fait ça parce que c'est décidé, et c'est comme ça ! »
Si l'immeuble postal concerné a été acquis comme il est indiqué dans l'amendement - ou, serais-je tenté de dire, si la cession de l'immeuble peut entraver la réalisation d'un projet urbain ou rural - il semble en effet logique de négocier.
En réalité, mon cher collègue, je comprends votre amendement comme un appel à négocier dans ces cas de figure, de telle sorte que l'évolution des fonctions de La Poste - la libéralisation progressive, un jour ou l'autre, de son contexte - ne s'oppose pas aux bonnes relations locales. Voilà quel est, me semble-t-il, l'objectif de cet amendement.
Tel qu'il est maintenant rédigé, il appelle, me semble-t-il, un avis de sagesse.
Mais, à la vérité, avant de formuler de manière définitive un tel avis, j'attends de savoir si cette analyse est bien en conformité avec celle de la commission des affaires économiques. En effet, puisque nous avons jusqu'ici dégagé des positions communes dans ce débat, je souhaite que ce soit de nouveau le cas.
M. le président. La parole est à M. Larcher, rapporteur pour avis, dont l'intervention est sollicitée par M. le rapporteur général.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Monsieur le rapporteur général, notre avis part d'abord d'une observation qu'il est, je crois, bon de rappeler à cet instant du débat : les trois quarts des bureaux de poste ne sont pas aujourd'hui possédés en propre par La Poste.
M. Michel Mercier. Ça, c'est vrai !
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Seul un bureau de poste sur quatre pourrait éventuellement être concerné par la proposition de M. Michel Charasse. En fait, beaucoup moins le sont car, fort heureusement, le patrimoine de La Poste, dans sa majorité, paraît avoir été financé autrement que par les apports des collectivités locales ou territoriales.
Permettez-moi de revenir sur le principe fondamental qui consiste à donner une plus grande liberté à La Poste, ce qui est d'ailleurs une nécessité pour restructurer le haut de son bilan et ses coûts d'exploitation. En outre, monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens d'autant plus à informer notre Haute Assemblée que nous sommes privés depuis onze ans de tout débat de fond sur La Poste !
L'externalisation de la flotte de véhicules, qui est intervenue l'an dernier - sans que l'on ait eu un débat sur le sujet - a eu un effet positif. En effet - nous l'évoquions dans un rapport du Sénat dès 1997 - la flotte de La Poste compte 48 000 véhicules, dont l'âge moyen était de sept ou huit ans ; 13 000 d'entre eux ont été remplacés dès 2001. Le coût prévisible pour l'établissement est inférieur de 35 % au coût du système internalisé antérieur.
En ce qui concerne le parc immobilier, propriété de La Poste, seulement 50 % de celui-ci est affecté à l'exploitation postale ; 20 % des surfaces, soit un mètre carré sur cinq, sont en fait des logements de fonction ou à vocation sociale, qui pourraient être gérés autrement. Aujourd'hui, quand La Poste veut céder les étages supérieurs d'un immeuble qu'elle possède, mais dont elle n'utilise que le rez-de-chaussée, elle ne peut pas le faire : il faut qu'il n'y ait plus aucune activité postale et que tout soit vendu en bloc.
Voilà les rigidités que nous souhaitions voir évoluer depuis fort longtemps au travers d'un certain nombre de rapports que nous avons présentés ici, devant la commission des affaires économiques, ou à l'occasion des avis budgétaires donnés, année après année, par le rapporteur Pierre Hérisson.
Le dimensionnement du réseau postal, qui est important et auquel nous sommes attachés, ne peut donc pas être défini par la seule politique de gestion immobilière de La Poste. L'amendement déposé par notre collègue Michel Charasse ne réintroduit-il pas une rigidité, à un moment où nous cherchons à permettre davantage de souplesse, tout en apportant des garanties, puisque le droit d'opposition existe ?
M. Michel Charasse. Le droit d'opposition de l'Etat !
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Oui, le droit d'opposition du seul Etat.
Nous nous sommes interrogés un moment : nous avons été tentés de refuser le fruit Charasse, parce que, s'il était séduisant, à la manière du fruit du jardin d'Eden, il comportait en même temps un certain nombre de dangers de blocage.
Dans la nouvelle rédaction qui nous est proposée - sur laquelle vous souhaitiez, monsieur le rapporteur général, avoir l'avis du rapporteur pour avis que je suis - s'engage un débat entre La Poste et la collectivité, notamment locale, qui a cofinancé ou qui possède des éléments de propriété. L'enquête publique sera d'ailleurs l'occasion d'une vraie négociation ; cela nous paraît intéressant.
Mais il faut rappeler que ces éléments de propriété portent sur une part limitée des biens de La Poste, et ne sont donc pas de nature à réintroduire une rigidité qui irait à l'encontre de ce que nous proposons.
Après de nombreuses discussions et interrogations, nous proposerions, si nous devions le formuler autrement que comme un souhait, un avis de sagesse. Mais je m'alignerai naturellement sur la position de M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci, cher rapporteur.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, maintenez-vous votre avis de sagesse ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sagesse confirmée, monsieur le président !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Sur ce dossier, deux mots guident notre action : souplesse et dialogue. C'est parce que nous souhaitons aboutir, comme l'a rappelé M. le rapporteur général, que nous voulons que les biens puissent être déclassés, de façon à donner de la souplesse à la gestion, si La Poste le souhaite et si les collectivités le souhaitent également.
En conséquence, le Gouvernement est opposé à l'amendement n° 120.
J'ai bien entendu les argumentations de M. Charasse et des deux rapporteurs.
Effectivement, M. Larcher l'a rappelé, sur les 17 000 points de contacts, La Poste ne possède que 5 000 implantations. Cela signifie que 75 % des points de contact, essentiellement en zone rurale, sont loués. Ils ne sont donc pas concernés par l'article 12 du projet portant MURCEF. Cela limite la portée de cet article et ses conséquences sur le territoire, notamment en zone rurale.
En outre, il existe des garde-fous.
D'abord - c'est le deuxième alinéa de l'article - l'Etat peut s'opposer à une cession qui nuirait à la continuité du service public ou à la politique d'aménagement du territoire. Ensuite, il est prévu des outils de concertation avec les commissions de présence postale territoriale, mises en place par le Gouvernement dans chaque département pour associer les élus aux décisions de La Poste. La réunion que tiendra en octobre prochain, M. Christian Pierret avec leur président et La Poste sera d'ailleurs l'occasion d'assurer l'ancrage de ces commissions et leurs pouvoirs. C'est là un engagement concret du Gouvernement.
La modification du régime domanial de La Poste n'a aucun impact sur les conventions d'agence postale communale conclues entre La Poste et les communes. Je suis d'autant plus clair sur ce point que c'est cette inquiétude qui est à l'origine de cet amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Encore heureux !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement de M. Charasse, surtout en raison du concept d'enquête publique, qui est un véritable marteau-pilon ! Je ne peux accepter une procédure longue, complexe, trop contraignante et d'une lourdeur d'application qui réduirait à néant l'économie du projet.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, c'est excessif ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 120, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 125 rectifié ter .
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, après avoir entendu les explications de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d'Etat, je pense que l'on devrait pouvoir s'entendre assez facilement.
Au fond, monsieur le secrétaire d'Etat, que souhaitons-nous ? Nous souhaitons que les opérations de cession, que nous approuvons, et les facilités que l'on va donner à La Poste pour procéder aux opérations nécessaires de déclassement domanial ne se fassent pas en catimini, sans que les collectivités soient informées, voire associées si nécessaire.
Certes, monsieur Mercier, il y a un droit de préemption.
M. Michel Mercier. Il est fait pour cela.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, mais il coûte cher !
M. Michel Charasse. D'abord, toutes les collectivités ne sont pas en état de l'exercer. Ensuite, La Poste peut informer par courrier la commune de son intention de vendre tel bâtiment, sans autre explication.
Si vous nous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que des instructions seront données par la tutelle à La Poste pour que, dans ce cas, des contacts soient pris avec la collectivité concernée, pour qu'il y ait une négociation, un échange et un dialogue, pour que La Poste explique ce qu'elle veut faire, à qui elle veut vendre et pourquoi elle vend, pour qu'une réflexion s'instaure afin de donner éventuellement la possibilité à la collectivité de demander à l'Etat de s'opposer à la vente, sachant que l'Etat a le pouvoir de le faire, nous pourrons éventuellement retirer l'amendement ; je pense que mes collègues en seront d'accord car, dans ce cas-là, il aurait satisfaction. (M. Marini fait un signe de dénégation.)
Si, monsieur le rapporteur général. Il est inutile de charger la loi d'une série de conditions s'il est entendu que l'interprétation de l'article 12 - parce que c'est l'interprétation de l'article 12 qui est en cause - est bien celle que je viens d'énoncer. (M. le secrétaire d'Etat opine.)
Comme j'ai entendu, par ailleurs, que l'opération ne remettait pas en cause les conventions conclues avec les collectivités locales - je ne vois pas, d'ailleurs, comment elle pourrait les remettre en cause puisqu'il n'y a aucune disposition dans l'article 12 qui l'autorise - cela signifie que les droits actuels des collectivités seront préservés. M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Monsieur le président, avant de prendre une décision, je souhaiterais entendre la réponse de M. le secrétaire d'Etat à la demande de mon collègue Michel Charasse.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Monsieur Charasse, je veux vous faire part de la volonté très ferme du Gouvernement de faire en sorte qu'une vraie concertation existe entre les pouvoirs publics et les collectivités locales, que toutes les instructions soient données pour qu'en cas de vente de biens immobiliers les collectivités locales soient informées du mode, de l'objet et du motif de la vente, que le dialogue s'instaure et que les collectivités puissent prendre toutes dispositions si la préemption doit intervenir.
J'ai dit, dans la discussion générale, que les maîtres-mots qui avaient présidé à la rédaction de ces articles étaient dialogue et souplesse.
L'objectif de cet article 12 est en effet la souplesse, souplesse que pratiquement tout le monde souhaite ici, si j'ai bien compris.
Ce que vous vouliez, monsieur Charasse, monsieur Bellanger, c'est obtenir la garantie, pour les collectivités locales, que les projets d'aménagement du territoire, que le maintien des services publics ne seraient pas remis en cause. Cette garantie, je vous la donne.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Je vous remercie de votre engagement très ferme, monsieur le secrétaire d'Etat, lequel me conduit à mettre à exécution la suggestion de mon collègue M. Charasse en retirant l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 125 rectifié ter est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous devrons suspendre nos travaux vers dix-neuf heures quarante-cinq. Il serait tout à fait « judicieux » que nous ayons alors terminé l'examen de l'article 13 Mme le secrétaire d'Etat au logement ayant, ce soir, d'autres obligations.
J'appelle donc chaque intervenant à un effort de concision.

Articles additionnels après l'article 12