SEANCE DU 13 JUIN 2001


M. le président. « Art. 57. - Des décrets en Conseil d'Etat pourvoient, en tant que de besoin, à l'exécution de la présente loi organique.
« Ils contiennent toutes dispositions relatives à la comptabilité publique et à la bonne gestion des finances publiques. »
Par amendement n° 281, M. Charasse propose de compléter in fine le premier alinéa de cet article par deux phrases ainsi rédigées : « Ces décrets pourront adapter les dispositions de la présente loi afin qu'elles soient applicables, à titre expérimental, aux collectivités territoriales et aux groupements de collectivités territoriales qui en exprimeront le souhait. Le bilan de cette expérimentation, établi par le Gouvernement, sera communiqué au Parlement. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Après tout, que faisons-nous depuis jeudi dernier, depuis beaucoup plus longtemps pour la commission des finances et depuis encore plus longtemps pour son président rapporteur ? Nous réfléchissons sur les meilleurs moyens de faire fonctionner la démocratie au niveau national, en tout cas en ce qui concerne les compétences respectives, les pouvoirs de contrôle ou d'intervention respectifs des uns et des autres en matière budgétaire.
Bien que je reste sceptique sur un certain nombre de dispositions qui ont été adoptées tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat - mais la navette n'est pas finie - je me dis qu'il ne faut pas être pessimiste : si ça marche, si ça permet d'aboutir à une véritable amélioration du fonctionnement de la démocratie, à la fois au sommet de l'Etat et pour l'ensemble de la nation, si les rapports entre le Gouvernement et le Parlement, entre l'exécutif et le législatif s'en trouvent vraiment améliorés, si le législatif en retire de plus grandes possibilités de s'exprimer, décider, peser, eh bien, pourquoi ne pas regarder ce que cela pourrait donner au niveau des collectivités locales. Ce qui est bon pour Paris doit être bon pour la province, et il n'y a pas de raison pour que nous ayons le souci d'améliorer les pouvoirs et les prérogatives des assemblées du Parlement mais pas ceux et celles des assemblées locales : conseils généraux, conseils régionaux conseils municipaux, assemblées des groupements de communes, etc.
Je propose donc, dans mon amendement n° 281, que des décrets puissent adapter à titre expérimental, et uniquement pour les collectivités locales qui seraient volontaires, les règles de la future loi organique pour voir si la démocratie locale ne pourrait pas, elle aussi, s'en trouver améliorée.
Au fond, cet amendement n° 281 constitue un pari : ou notre réforme fonctionne sur le plan national et elle fonctionnera forcément sur le plan local, ou elle ne fonctionne pas sur le plan national et, dans ce cas-là, il n'y aura pas beaucoup de volontaires sur le plan local !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Formulée autrement, l'idée de Michel Charasse, c'est : « Ce qui est bon pour la France devrait pouvoir l'être pour les collectivités territoriales. »
M. Michel Charasse. Mais oui ! Il n'y a pas deux démocraties !
M. Alain Lambert, rapporteur. Bien sûr, quand Michel Charasse a parlé de Paris, il fallait entendre, non pas la ville, mais le siège du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.
Ce qui vaut pour la France ne vaut-il pas pour chacune de nos collectivités territoriales ? Tel est le message lancé par Michel Charasse, sur lequel la commission, avec beaucoup d'humilité, entendra l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 281 ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je dois dire que l'idée de Michel Charasse me paraît, de prime abord, très séduisante. En effet, comme il l'a très bien dit, si la réforme sur laquelle nous travaillons collectivement dans le meilleur esprit marche bien et produit les effets escomptés en matière de gestion publique, après tout, pourquoi la réserver à l'Etat et ne pas en faire profiter les autres acteurs publics que sont notamment les collectivités locales ? Michel Charasse a certainement pensé, en particulier, à celles qui sont à la pointe en matière de gestion, parmi lesquelles figure évidemment Alençon, monsieur le président de la commission des finances. (Sourires.)
Pourquoi, en effet, ne pas le faire, et aussi vite que possible ? Pour ma part, je souscris tout à fait à une telle suggestion.
Sur la question de savoir si une disposition de ce type a sa place dans une loi organique, je m'en remettrai à l'appréciation du Sénat. L'idée me paraît séduisante. La transcrire dans un texte organique me semble sujet à discussion.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 281.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je remercie M. le président de la commission et Mme la secrétaire d'Etat d'avoir dit en substance : « Après tout, pourquoi pas ? »
Evidemment, la question qui se pose, comme Mme la secrétaire d'Etat l'a laissé entendre, c'est de savoir si cette disposition a bien sa place dans ce texte.
Il est certain que le régime budgétaire des collectivités locales ne relève pas de la loi organique. Mais le texte dont nous allons achever la discussion comporte déjà des dispositions qui ne me paraîssent pas de nature organique et me semblent relever de la loi ordinaire. Le Conseil constitutionnel fera le tri !
J'ai profité du « wagon Lambert », si je puis dire, pour accrocher mon « petit wagon » à moi ! (Sourires.)
M. Paul Loridant. Ce n'est pas un wagon, c'est un train ! (Rires.)
M. Alain Lambert, rapporteur. Un tender, tout au plus !
M. Michel Charasse. C'est un TGV ! (Nouveaux rires.)
En tout cas, ce « petit wagon », si le Conseil constitutionnel devait le déclasser, il ne le déclarerait pas forcément non conforme.
J'ajoute que la future loi organique s'appliquera en principe en 2006, à l'exception de quelques dispositions qui s'appliqueront avant.
Mon amendement part du principe que ce qui est bon pour l'Etat peut l'être aussi pour les collectivités locales. Cela signifie qu'il n'est pas question d'appliquer le nouveau dispositif avant 2006 puisque ce n'est qu'à partir de cette date que nous pourrons l'évaluer, voire beaucoup plus tard.
En effet, après 2006, viendra 2007, année d'élection présidentielle. Or les bouleversements entraînés par cette loi organique sont tels que je ne serais nullement étonné que les choses se terminent comme l'histoire des deux curés qui, dans un couloir du Vatican, discutent du mariage des prêtres. « A notre âge, nous ne le verrons pas », dit le premier. « Nous, non, mais nos enfants, peut-être ! », répond le second (Rires.)
Pourquoi n'en irait-il pas de même avec la loi organique ?
Ce n'est donc pas pour tout de suite, mais je pense qu'il ne serait pas inutile d'introduire une telle disposition, surtout à un moment où le Gouvernement s'apprête à présenter un texte qui ne manquera certainement pas de susciter de très longs débats au Sénat puisqu'il traite de la démocratie locale. On y prévoit, en particulier, la création de conseils de quartier, ce qui revient à considérer que les conseils municipaux ne fonctionnent pas assez bien et qu'il faut les compléter par d'autres conseils qui ne sont pas élus ! Nous, nous n'avons quand même pas monté des usines à gaz de ce genre à côté de l'Etat : il n'y a toujours que le Parlement et le Gouvernement.
Je pense donc que mon idée mérite d'être creusée. Je n'en ferai pas une maladie si cet amendement n'est pas accepté, mais peut-être qu'un jour, finalement, on y viendra, si la réforme est vraiment une réussite. Et si ce n'est pas une réussite, les collectivités locales sauront nous dire qu'elles n'en veulent pas.
M. René Garrec. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 281.

(L'amendement est adopté.)
M. Alain Lambert, rapporteur. Ce texte aura sa part d'humour !
M. le président. Par amendement n° 168 rectifié, M. Lambert, au nom de la commission, propose de supprimer le second alinéa de l'aticle 57.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Le second alinéa de l'article 57 reproduit la disposition prévue par l'ordonnance organique qui donne un objet précis à certains types de décrets d'application, ceux qui sont relatifs à la comptabilité publique.
Il nous faut d'abord préciser la portée de cet article.
Le législateur organique agissant en vertu des articles 33 et 47 de la Constitution ne peut déléguer sa compétence organique. En ce sens, le domaine des décrets d'application est restreint aux simples mesures d'exécution nécessaires, dans les strictes limites posées par la loi, éclairée par les travaux préparatoires qui l'auront précédée.
La commission considère que les lois de finances constituent le principal véhicule de l'application de la loi organique. De nombreux articles de celle-ci font ainsi explicitement référence à la compétence du législateur financier.
Dès lors, ce deuxième alinéa semble superflu et source de confusion. Le supprimer permettra d'établir clairement que le domaine du pouvoir réglementaire est strictement limité et subordonné à l'application de la présente loi organique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 168 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 57, modifié.

(L'article 57 est adopté.)

Seconde délibération