SEANCE DU 14 JUIN 2001


CRÉATION D'UNE COMMISSION
DÉPARTEMENTALE DU PATRIMOINE

Adoption des conclusions du rapport d'une commission
(ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 356, 2000-2001) de M. Philippe Richert fait au nom de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi (n° 294, 2000-2001) de M. Pierre Fauchon, relative à la création d'une commission départementale du patrimoine.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui s'inscrit dans la continuité de la loi du 28 février 1997, dont il me faut brièvement rappeler les intentions et les dispositions afin d'expliquer ce que la commission des affaires culturelles a cherché à obtenir en élaborant ses conclusions sur la proposition de loi de notre collègue Pierre Fauchon.
En adoptant la loi du 28 février 1997, le Parlement avait souhaité inciter les architectes des Bâtiments de France, ou ABF, à exercer de façon dynamique le rôle pédagogique et incitatif que requiert la protection efficace du patrimoine architectural dans un monde où il n'est plus de mise d'édicter et de disposer sans avoir au préalable justifié et cherché à convaincre.
Le Parlement avait donc décidé de soumettre les décisions des architectes des Bâtiments de France à un large dialogue organisé, estimant, en outre, que l'exercice solitaire du pouvoir d'avis conforme comportait de nombreux inconvénients pratiques, compte tenu, en particulier, de la diversité, voire parfois la disparité de la chronologique et locale des doctrines appliquées.
C'est pourquoi la loi de 1997 a institué une procédure permettant aux préfets de région de réformer, après avoir consulté une commission régionale du patrimoine et des sites, les avis conformes rendus par les architectes des Bâtiments de France sur les projets de travaux intéressant le patrimoine bâti dans le périmètre de protection des monuments historiques et dans les secteurs sauvegardés.
Cette loi, bâtie sur le modèle des dispositions instituées en 1983 dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, les ZPPAUP, adaptait aux exigences de la démocratie moderne le fonctionnement des procédures de protection du patrimoine architectural.
L'intention était, en outre, d'associer les collectivités locales au fonctionnement de ces procédures très largement étatiques. C'est ainsi que le législateur avait demandé, en 1997, que la composition des commissions régionales traduise un équilibre entre l'Etat et les collectivités locales.
Craignant que les nouvelles commissions régionales n'aient à faire face à un afflux de recours difficilement gérable, le législateur avait, enfin, décidé de réserver le pouvoir de faire appel aux maires ou aux autorités chargées de délivrer le permis de construire.
Où en est-on aujourd'hui ? Je rappelle, tout d'abord que, publié deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, après une laborieuse gestation...
M. Pierre Fauchon. C'est le cas de le dire ! (Sourires.)
M. Philippe Richert, rapporteur. ... le décret d'application n'a prévu que huit représentants des collectivités locales parmi les trente membres de la commission régionale.
En ce qui concerne la mise en oeuvre de la procédure d'appel, il me suffira d'indiquer, en guise de bilan rapide, que le nombre des recours a été de vingt-sept en 1999 et 2000. L'avis des ABF a été infirmé six fois par le préfet, dans quatre cas sur proposition de la commission.
Si l'on se réfère aux quelque six cent mille dossiers instruits chaque année par les architectes des Bâtiments de France, ces chiffres révèlent un fonctionnement très insatisfaisant du dispositif institué en 1997, sauf à créditer les architectes des Bâtiments de France d'une infaillibilité qu'ils ne songent sans doute pas eux-mêmes à revendiquer. (M. Hyest fait un signe dubitatif.)
Chacun conviendra alors de la nécessité de réexaminer le fonctionnement de ces procédures afin de rendre possible le dialogue souhaité en 1997. J'ai d'ailleurs constaté, au cours d'une rencontre avec les représentants du cabinet et des services du ministère de la culture, que vos services, monsieur le secrétaire d'Etat, réfléchissaient à une amélioration du dispositif de 1997 et se montraient favorables à certains éléments de notre proposition de loi.
Je pense que le débat d'aujourd'hui montrera l'utilité de ce travail. J'ajoute qu'il serait indispensable que vous procédiez, en outre, à un bilan approfondi du fonctionnement de la procédure d'avis conforme, afin d'envisager les moyens d'introduire un peu plus de cohérence dans les pratiques. On critique, à juste titre, l'exercice solitaire pour les ABF d'un pouvoir d'empêcher. Je crois que les conséquences en seraient moins gênantes et moins critiquées si le ministère était en mesure de proposer une réflexion globale sur l'exercice de ce pouvoir et de tracer des lignes de conduite. Je doute que le pouvoir d'évocation attribué par la loi au ministre soit très utile à cet égard. Il faudrait vraiment, monsieur le secrétaire d'Etat, lancer une évaluation nationale des pratiques en matière de protection du patrimoine architectural.
Sans attendre l'aboutissement, toujours imprévisible, nous le savons bien, des réflexions ministérielles et administratives, notre collègue Pierre Fauchon a eu l'heureuse initiative de lancer le débat en déposant une proposition de loi dont l'objectif - il convient de le souligner avec force - n'est en aucune manière de porter atteinte à un dispositif de protection auquel nous tenons tous et qui a fait ses preuves, ni de limiter l'action des architectes des Bâtiments de France, dont je tiens à saluer le travail remarquable dans un contexte marqué par la complexité des situations à régler et par le très grand nombre de dossiers instruits chaque année.
Les conclusions que je vais maintenant vous présenter ont été adoptées à l'unanimité, sans abstention, par la commission des affaires culturelles, après un large débat qui a permis de prendre en compte les propositions de l'ensemble des intervenants.
Nous avons cherché à définir la meilleure façon de lancer un dialogue effectif entre les architectes des Bâtiments de France et leurs différents interlocuteurs, au sein d'une instance dont la composition et la compétence territoriale soient une garantie d'efficacité.
Nous avons estimé qu'il fallait, à cette fin, tirer du système mis en place en 1997, dont le mérite est d'innover sans rompre, tout ce qu'il est possible d'en tirer.
La première de nos propositions est l'ouverture des recours aux pétitionnaires.
Comme je l'ai déjà indiqué, le choix avait été fait, en 1997, de ne pas ouvrir l'appel aux pétitionnaires.
L'expérience de deux années d'application de la loi démontre cependant que l'ouverture de l'appel aux principaux intéressés serait le moyen le plus efficace de faire entrer la procédure dans les habitudes et de former ainsi l'administration à la pratique du dialogue.
Il est improbable que les commissions seront immédiatement débordées par un afflux de demandes : il faudra du temps pour passer d'une vingtaine de dossiers en deux ans à un chiffre plus représentatif de la réalité vécue sur le terrain. Au demeurant, la départementalisation de la procédure permettra d'accélérer le traitement des dossiers, même s'ils sont sensiblement plus nombreux.
Notre deuxième proposition est en effet la localisation des recours au niveau départemental.
Des commissions départementales du patrimoine seraient chargées d'examiner les appels formés contre les avis des ABF et d'y substituer éventuellement leur avis.
Le traitement des dossiers au niveau départemental permettra de faire face dans les meilleures conditions à l'augmentation souhaitée du nombre des recours.
En outre, le département apparaît généralement, spécialement face à l'hétérogénéité de certaines grandes régions sur le plan du patrimoine, comme le cadre le plus adéquat pour un réexamen des avis des ABF.
Enfin, compte tenu du nécessaire rééquilibrage de la composition de l'instance d'appel, la représentation des collectivités sera plus facile à organiser au niveau du département. La prise en compte des diversités régionales dans une commission au sein de laquelle le nombre des élus serait invariablement fixé à trois aurait en effet posé des problèmes difficiles à régler.
J'insiste sur le fait, qui n'apparaît sans doute pas très clairement à la lecture de la proposition de loi, compte tenu du fait que nous avons conservé la structure des textes existants, qu'il n'y aura aucune confusion ni aucun recouvrement entre, d'une part, les commissions départementales du patrimoine, dont la seule compétence sera l'examen des appels contre les avis des ABF, et, d'autre part, les commissions régionales du patrimoine et des sites, qui conserveront les missions héritées en 1997 des commissions régionales du patrimoine historique, archéologique et ethnologique, les COREPHAE, et des collèges régionaux du patrimoine et des sites, c'est-à-dire l'émission d'avis sur les propositions de classement parmi les monuments historiques et les propositions d'inscription sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ainsi que l'émission d'avis sur les projets de création de ZPPAUP.
La troisième proposition est le rééquilibrage de l'instance de dialogue.
Il convient manifestement de préciser dans la loi la composition des commissions départementales du patrimoine, afin d'équilibrer la représentation des trois catégories de membres amenés à participer à leurs travaux.
La commission a donc fixé le nombre des membres des commissions départementales du patrimoine à huit. Elles seraient présidées par le préfet du département ou son représentant. Elles comprendraient, en outre, le directeur régional des affaires culturelles ou son représentant, un architecte des Bâtiments de France affecté dans le département désigné par le préfet, deux membres du conseil général élus en son sein, un maire désigné par le président de l'association départementale des maires et deux personnalités qualifiées désignées, l'une, par le préfet, l'autre, par le président du conseil général. Ainsi serait parfaitement assuré l'équilibre entre la représentation de l'administration et celle des collectivités, et dissipé tout soupçon de mainmise de l'administration étatique sur la procédure d'appel.
J'en arrive enfin aux deux derniers points de notre proposition.
C'est la commission départementale du patrimoine, et non plus le préfet, qui émettra un avis substitué à celui de l'architecte des Bâtiments de France.
La commission a aussi estimé utile de fixer à deux mois le délai dans lequel la commission départementale devra se prononcer.
Mes chers collègues, telle est la substance du texte que nous avons élaboré afin de mieux réaliser les objectifs que nous avions définis en 1997. Je vous ai plusieurs fois rappelé ces objectifs au cours de cette présentation. S'il me fallait les résumer en une phrase, je dirais que nous tentons inlassablement d'effacer du droit de la construction un adage inconnu des jurisconsultes : « On ne discute pas des goûts et des couleurs ». Il faut du temps pour le faire, et je vous propose d'avancer un peu aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Renar applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous allez examiner a pour ambition d'améliorer les possibilités de recours sur les avis des architectes des Bâtiments de France dans les trois zones de protection patrimoniale que sont les abords des monuments historiques, les secteurs sauvegardés et les ZPPAUP.
Cette proposition est intéressante dans la mesure où, si elle était adoptée, elle permettrait à l'ensemble des Français de bénéficier directement du dispositif créé par la loi du 28 février 1997 en matière de recours contre les avis des ABF.
De plus, je retiens aussi de cette proposition le souci qu'elle manifeste de garantir la collégialité des décisions, en quelque sorte par la contre-expertise. Sur ce point, on ne peut que saluer la convergence des préoccupations du rapporteur et du Gouvernement concernant la transparance des décisions et le dialogue nécessaire qui doit s'installer autour et à propos de la qualité architecturale.
Mais - car il y a malheureusement un « mais » - la création, à l'échelon départemental, d'une commission ayant un caractère paritaire - élus et administration - dont l'avis se substituerait aux décisions de l'Etat - ABF et préfet de région - ne peut pas être acceptée par le Gouvernement.
Je voudrais revenir sur l'histoire encore très récente de la loi du 28 février 1997, qui, sur l'initiative des parlementaires, a permis notamment que le maire puisse saisir le préfet de région d'un recours contre l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France. C'est une loi dans laquelle la Haute Assemblée et vous-même, monsieur le rapporteur, avez joué un grand rôle.
Quels qu'aient été les retards dans la rédaction des décrets d'application de la loi de 1997, les éléments d'analyse dont nous disposons nous conduisent à nuancer le jugement d'inefficacité à laquelle la présente proposition de loi veut remédier.
Comment critiquer, en effet, un mécanisme dont la mise en oeuvre est si récente ?
A certains égards, il est objectivement bien trop tôt pour procéder au bilan critique de la procédure que vous aviez adoptée.
M. Alain Gournac. Il n'est jamais trop tôt !
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat. Quelques indices, cependant, peuvent attester la pertinence de cette procédure, en tout cas dissuader de la condamner si rapidement.
Ainsi, depuis l'application concrète de la loi du 28 février 1997 - le décret d'application a été publié le 5 février 1999 - les commissions régionales du patrimoine et des sites, les CRPS, ont dû se prononcer sur quatre saisines en 1999 et sur vingt-trois en 2000.
Dans six cas, vous l'avez rappelé, l'avis de l'architecte des Bâtiments de France a été infirmé. Je vois là deux signes : la possibilité de recours fait son chemin - les saisines passent de quatre à vingt-trois sur deux ans et, sur les 600 000 avis annuels émis par les ABF, les avis favorables ou les solutions de compromis sont, de fait, très nombreux.
Enfin, la procédure telle qu'elle est proposée par la commission des affaires culturelles me conduit à une remarque critique : la qualité architecturale en espaces protégés me semble passer un peu au second plan, par rapport au souci de surmonter un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France.
On peut rappeler que les lois de 1913, de 1962 et de 1983 disposent expressément que la qualité architecturale est une responsabilité de l'Etat.
J'ai déjà eu l'occasion de défendre devant vous ce point de vue : la responsabilité de l'Etat tient normalement dans la capacité qui est la sienne à faire prévaloir - fût-ce en l'adaptant - un intérêt général, qu'il soit d'ordre scientifique, patrimonial ou architectural, sur des intérêts locaux dont la valeur n'est pas contestable, mais dont le caractère disparate parfois, voire conjoncturel, pourrait porter atteinte à l'intérêt national du patrimoine et de la mémoire. Je pense aux débats relatifs à la loi sur l'archéologie préventive, ainsi qu'à nos premières discussions sur la proposition de loi relative à la protection du patrimoine de M. Lequiller, député.
Vous avez déjà introduit, en 1997, des aménagements de la procédure d'avis tels qu'ils permettent à un maire de saisir le préfet de région contre l'avis de l'architecte des Bâtiments de France. Ainsi, le législateur a d'ores et déjà organisé une possibilité de substituer à l'avis de l'architecte des Bâtiments de France celui du préfet de région après consultation de la CRPS.
Je rappelle ce point, monsieur le rapporteur, car il me semble s'inscrire dans le droit-fil de votre préoccupation, qui est d'ouvrir à la discussion l'avis de l'ABF, institution que l'on peut estimer trop coupée des réalités du contexte local.
Cela me conduit à ma troisième observation sur les termes de la proposition.
En créant une instance départementale pour statuer sur la question des recours et en prévoyant une composition paritaire élus - représentants de l'administration, vous modifiez tout de même profondément la réforme instaurée par le législateur en 1997 qui ouvre déjà une possibilité de recours devant une commission, la commission régionale du patrimoine et des sites.
La composition de la CRPS reflète évidemment la collégialité scientifique de l'avis rendu, mais permet aussi de disposer d'un lieu unique de débat sur la notion de qualité architecturale, mise en oeuvre à l'occasion tant de l'inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques que de l'examen des ZPPAUP ou encore de l'examen des recours contre les avis des ABF aux abords des monuments, dans les secteurs sauvegardés, ou bien dans les ZPPAUP.
La commission départementale que vous proposez place la discussion non plus à l'échelon régional, qui est, à notre avis, le bon niveau pour apprécier la cohérence de la mise en oeuvre des politiques publiques en ce domaine, mais à l'échelon départemental.
En outre, s'agissant d'une procédure de recours contre les avis d'une autorité placée à l'échelon du département - l'ABF -, il est indispensable de s'élever à l'échelon régional, c'est-à-dire au-dessus du niveau de gestion des dossiers et des discussions et compromis qui ont échoué à ce premier niveau. Votre proposition peut donc créer flou et ambiguïté.
M. Jacques Machet. C'est le contraire !
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat. En outre, la séparation du traitement des questions patrimoniales entre la commission départementale et la CRPS ne pourra être que préjudiciable à l'unité, voire à l'égalité de traitement des questions en débat.
Ensuite, cette commission ne peut, à mon sens, se substituer au représentant de l'Etat, comme vous le prévoyez. Si nous convenons, en effet, que le dialogue autour de la qualité architecturale réside dans le rapprochement, dans la confrontation et la conciliation des analyses et des points de vue, qu'ils soient de gestion, de valorisation ou scientifiques, il est indispensable, à mon avis, de conserver au préfet de région, représentant de l'Etat, la compétence ultime, comme l'avait prévu la loi de 1997.
Pour l'ensemble de ces raisons, la proposition de réforme me paraît à la fois prématurée (M. Jacques Machet s'exclame) et non satisfaisante pour les intérêts dont l'Etat a la charge en matière de qualité architecturale et auxquels veillent au quotidien et, dans la plupart des cas, à la satisfaction générale les architectes des Bâtiments de France.
M. Jean-Pierre Schosteck. Non, la satisfaction n'est pas toujours générale !
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat. En tout cas, monsieur le sénateur, elle a été remarquée par M. le rapporteur lui-même, qui soulignait l'intérêt du travail de ces personnels.
Je souhaite néanmoins confirmer que le Gouvernement, singulièrement le ministre de la culture et de la communication, est prêt à travailler, en concertation avec vous, à l'amélioration du dispositif prévu en 1997. Par exemple, permettre à tout pétitionnaire de déposer un recours auprès de la CRPS et du préfet de région me semblerait utile. De même pourrait-on envisager un allongement du délai de recours et une réflexion sur l'amélioration de l'information de nos concitoyens et des élus, ainsi que sur les développements souhaitables de la collégialité et d'une meilleure association des élus. Au préalable, je pense cependant préférable que l'on procède à un bilan contradictoire de l'application, sur trois ans au moins, de la loi de 1997 et de son dispositif d'application.
Telles sont les pistes que le Gouvernement privilégie, car elles visent, en fait, à travailler à l'amélioration du dispositif mis en application en 1999 sans en bouleverser ni l'économie ni les fondements en termes de responsabilité de l'Etat et de niveau pertinent pour appréhender les difficultés d'appréciation en matière de qualité architecturale.
Je voudrais conclure mon propos en rappelant que Mme la ministre de la culture et de la communication s'est engagée, par les protocoles de décentralisation culturelle et par l'appui à la proposition de loi qui sera examinée ultérieurement, sur les voies et moyens de redéfinir les compétences et les responsabilités respectives des collectivités territoriales et de l'Etat.
Le Gouvernement a d'ailleurs déposé, à l'occasion du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, un amendement qui a pour objet de permettre une large expérimentation de décentralisation culturelle en matière patrimoniale pour lever ainsi les obstacles que rencontre le développement des protocoles de décentralisation culturelle en matière de transfert de compétences et de crédits.
Il s'agit donc, pour nous, non pas de camper frileusement ou ombrageusement sur des usages ou des compétences, mais de mettre en jeu ces usages et ces compétences, par l'expérimentation, dans les domaines qui vous préoccupent et sur lesquels vous êtes, vous aussi, des parties prenantes très engagées.
Au nom de la protection du patrimoine et de la qualité architecturale, il est, aujourd'hui, plus important de réfléchir à la répartition des responsabilités, de ménager les lieux de collégialité et de décision que de bouleverser le régime existant, qui, à ce jour, n'a pas fait complètement ses preuves, certes, mais n'a pas le moins du monde démérité.
La qualité architecturale aura beaucoup à y gagner, et c'est, j'en suis certain, notre ambition commune. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'excellent travail de la commission des affaires culturelles et de son rapporteur, notre non moins excellent collègue M. Richert, me dispense d'analyser la démarche qui a conduit au dépôt de la présente proposition de loi, à l'invitation d'ailleurs - je me permets de l'indiquer - du président de la Haute-Assemblée à l'occasion d'une récente réunion des maires du Loir-et-Cher.
Je me bornerai donc à préciser l'esprit de cette proposition de loi. Celui-ci ne vise en aucune façon - je tiens à le dire avec force - à abaisser le niveau de protection de l'environnement de nos monuments historiques ou des sites remarquables. Il tend simplement à modifier la procédure et l'esprit de cette protection, en passant d'un système autoritaire, archaïque, mal accepté et mal compris, à un système de responsabilité partagée entre les spécialistes et les responsables élus de l'aménagement local.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Pierre Fauchon. Je considère comme archaïque un système qui permet à des hommes d'exercer seuls un pouvoir quasiment discrétionnaire.
La bonne volonté, la qualification de ces hommes n'est pas en cause et, après M. le rapporteur, je rends très volontiers hommage à l'immense travail accompli quotidiennement par les services des monuments historiques. Leurs moyens - nous le constatons dans chaque département - n'ont rien d'excessifs, ils sont même quelquefois réduits et ils exigent beaucoup de ceux qui assument ces responsabilités, je puis en témoigner.
C'est le caractère personnel, discrétionnaire, de la décision qui rend celle-ci trop souvent incompréhensible.
En outre, ce caractère personnel permet non seulement de faire respecter des règles générales qui sont aisément justifiables, mais aussi d'étendre le contrôle et d'imposer un point de vue personnel sur des détails. (M. Machet acquiesce.)
Je ne citerai pas d'exemples pour ne pas allonger le débat, mais je pourrais dresser un florilège qui vous ferait certainement sourire et qui, parfois, pourrait même surprendre, monsieur le secrétaire d'Etat.
Ces détails n'ont aucun lien évident avec la défense de l'intérêt général. En revanche, le caractère personnel de l'appréciation est ressenti comme d'autant plus choquant que les points de vue varient selon les auteurs des décisions. Et il suffit quelquefois d'attendre le changement de l'architecte des Bâtiments de France d'un département pour voir ce qui était proscrit hier devenir conseillé ou, en tout cas, admis aujourd'hui.
M. Philippe Nogrix. Très bien !
M. Pierre Fauchon. Cette attitude pose un problème. On passe ainsi insensiblement - et je crois qu'il faut signaler cette dérive - de la protection du patrimoine, spécialement des monuments, à l'appréciation personnelle portée sur un projet de construction ou de démolition de bâtiments qui sont situés dans un périmètre de protection sans être par eux-mêmes l'objet de cette protection.
C'est une chose de dire si tel ou tel projet concernant tel ou tel bâtiment situé dans le périmètre protégé affecte ce qu'il s'agit de protéger ; c'est une autre chose que d'apprécier, comme si c'était pour soi le projet de la construction en question. Or la compétence de l'architecte des Bâtiments de France ne correspond qu'à la première hypothèse, et non pas à la seconde. Dans la pratique, cette seconde préoccupation se substitue pourtant fréquemment à la première.
Nous avions cru, vous aviez cru remédier à ces dérives par la création d'une commission régionale d'appel ; mais le fonctionnement de ce recours a été aménagé, non sans quelque malice ou arrière-pensée, me semble-t-il, de sorte qu'il ne fonctionne pas. Disons-le clairement, monsieur le secrétaire d'Etat, cela ne fonctionne pas !
D'où l'idée de rapprocher la commission du terrain en la situant dans le cadre départemental, de lui donner un caractère authentiquement mixte. J'évite de dire un caractère « paritaire », parce qu'il ne s'agit pas de mettre face à face les demandeurs de permis et ceux qui donnent les autorisations. Je préfère employer le qualificatif « mixte », puisque cette commission réunit, d'un côté, les élus et, de l'autre, les spécialistes, ce qui n'est pas du tout la même chose.
L'idée d'ouvrir le recours à tout pétitionnaire correspond par ailleurs à un principe fondamental en matière de service public, du moins dans un Etat de droit.
Deux objections seront sans doute formulées. La première rappellera - je l'entends souvent dire - que les architectes des Bâtiments de France détiendraient seuls la compétence nécessaire pour apprécier les questions dont nous parlons.
Je ne heurterai pas de front la notion de compétence et de spécialisation dans le domaine artistique et culturel, où cependant l'histoire nous enseigne que les spécialistes font à peine moins d'erreurs que les amateurs.
M. Philippe Nogrix. Très bien !
M. Pierre Fauchon. Je me bornerai à faire observer qu'il ne s'agit pas ici des travaux à exécuter sur les ouvrages protégés. Si c'était le cas, bien entendu, ces travaux requerraient un certain professionnalisme, je ne le conteste pas du tout. Il s'agit de travaux en eux-mêmes banals, et de leur incidence éventuelle à l'égard des ouvrages et des sites protégés.
Ce jugement s'appuie sur une question de goût, sur une conception générale, presque philosophique, de l'environnement. Les uns aiment que l'on intègre des éléments modernes et actuels dans des contextes qui ne le sont pas, et d'autres estiment, au contraire, qu'il faut garder l'homogénéité. Les deux écoles se défendent, il faut le reconnaître. Si les hommes ont inventé l'architecture, c'est probablement parce que, à certaines périodes de l'histoire de l'humanité, on a admis un certain nombre de nouveautés.
Pour illustrer mon propos, je peux aussi rappeler l'histoire bien connue des trois petits cochons. Le premier petit cochon a fait une maison en paille ; s'il y avait eu un ABF, il n'aurait pas été autorisé à la construire parce qu'il n'y avait pas de maison de paille auparavant. Le deuxième, qui, ensuite, a fait sa maison en bois, n'aurait pas été autorisé à la bâtir car les maisons étaient en paille. Enfin, le troisième, qui a construit sa maison en pierre, n'y aurait pas été autorisé pour les mêmes raisons. Evidemment, cela aurait été une situation terrible, et trop avantageuse pour le grand méchant loup ! (Sourires.)
En l'occurrence, il s'agit d'une question de goût et de conception générale, presque de philosophie. Et, ici encore, avertis par l'Histoire, gardons-nous de conférer à personne le moindre monopole en matière de bon goût. Bien sûr, cela n'exclut pas les avis.
La seconde objection consistera à dénoncer le laxisme en quelque sorte inéluctable de la commission départementale, qui est supposée a priori se préoccuper avant tout de ne pas déplaire aux demandeurs.
Cette considération nous amène au coeur du problème, particulièrement ressenti dans cette enceinte : il s'agit de savoir si les intérêts publics peuvent être confiés sans péril à des élus. C'est tout le problème de la décentralisation.
Nous sommes tous ou presque de ceux qui pensent que les affaires publiques sont aussi bien gérées - je ne dirai pas toujours mieux, mais en tout cas aussi bien - par les élus que par les spécialistes, les techniciens, à deux conditions essentielles : premièrement, de rendre les élus effectivement responsables, et c'est ce que nous essayons de faire ; deuxièmement, d'organiser entre élus et techniciens une coopération ouverte, transparente, dynamique.
C'est la combinaison des deux points de vue qui garantit, le mieux me semble-t-il, la valeur de la décision à prendre. Et c'est l'objet essentiel de cette proposition de loi. A cet égard, nous avons ménagé, d'un commun accord, deux sécurités : d'abord, la présidence de la commission par le préfet, qui est le gardien des intérêts généraux, et, ensuite, le droit d'évocation par le ministre dans tous les cas qui lui paraîtraient excessifs.
Dans le domaine dont nous traitons, cette démarche ne fait que rejoindre et prolonger celle de la commission des affaires culturelles. Je remercie celle-ci, son président et son rapporteur de l'avoir parfaitement compris, en la réintégrant en quelque sorte dans leur propre démarche, ce à quoi je me rallie bien volontiers. Il me paraît en effet de très bonne logique qu'un large consensus se manifeste dans cette assemblée pour mettre les élus locaux en mesure d'assurer d'une manière plus effective, plus réelle, les responsabilités qui sont tout de même d'abord et avant tout les leurs. (Très bien ! applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il nous est proposé aujourd'hui de créer dans chaque département une commission constituant une alternative aux architectes des Bâtiments de France, corps dont les avis, il y a encore vingt ans, ne souffraient aucune contestation.
Le rôle des architectes des Bâtiments de France est régulièrement et de plus en plus fréquemment contesté et remis en cause. On leur reproche notamment leur pouvoir discrétionnaire, le manque de voie de recours contre leurs décisions, la surfacturation de leurs actes, l'obligation de recourir à certains prestataires pour les travaux qu'ils ordonnent, leur statut irrévocable...
Au sein de la profession d'architecte, il est par ailleurs fréquent d'entendre, très souvent à tort, que ceux qui ont opté pour cette fonction sont les moins doués, car ils n'ont pas réussi comme architectes libéraux !
Une première brèche a été ouverte dans l'omnipotence des architectes des Bâtiments de France par les lois de décentralisation de 1983, mais pour les seules zones de protection du patrimoine architectural et urbain créées par les communes.
Cette possibilité de recours contre les décisions des architectes des Bâtiments de France a été encore améliorée, comme l'a longuement rappelé M. le rapporteur, sur l'initiative du Sénat, par la loi du 28 février 1997 relative à l'instruction des autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés, en instituant, à l'échelon régional, une commission du patrimoine et des sites dont les limites semblent, malheureusement, avoir été révélées par la pratique. Les recours dont a été saisie cette commission restent de l'ordre de l'anecdotique, et ses infirmations des décisions des architectes des Bâtiments de France représentent moins d'un quart des contentieux dont elle a été saisie.
La proposition de loi de notre collègue Pierre Fauchon qui nous est soumise aujourd'hui prévoit une solution plus radicale, quoique atténuée par la commission des affaires culturelles.
S'il est légitime de vouloir laisser aux pétitionnaires et aux élus concernés une possibilité de discussion avec les architectes des Bâtiments de France, je crains que le texte soumis à la Haute Assemblée ne soit d'abord guidé par l'idée selon laquelle les architectes des Bâtiments de France constituent une caste aux privilèges exorbitants et ne sont que des empêcheurs de tourner en rond détenant un pouvoir sans partage et dont la compétence laisserait à désirer.
M. Philippe Richert, rapporteur. Ce n'est pas le cas !
M. Serge Lagauche. Je reprends les propos de M. Fauchon...
Il faut néanmoins avoir à l'esprit que les architectes des Bâtiments de France jouent, en matière de protection du patrimoine, un rôle essentiel de prévention puisque tout projet de construction ou de travaux, dans un périmètre situé à 500 mètres d'un édifice protégé au titre des différentes lois sur les monuments historiques, secteurs sauvegardés ou zones de protection du patrimoine architectural et urbain, est conditionné à leur avis.
En soumettant à une délégation départementale de la commission régionale du patrimoine et des sites, composée en grande partie de représentants d'élus locaux, les avis contestés des architectes des Bâtiments de France, je crains que certaines de ces commissions ne soient enclines au laxisme, compte tenu des intérêts locaux qu'elles auront à défendre, et ce au détriment du patrimoine national.
Je l'ai dit en commission, et je tiens à le redire ici : en décentralisant à l'extrême la procédure de recours contre les décisions des architectes des Bâtiments de France, l'unicité de la politique en faveur de la protection du patrimoine sera remise en cause, car des disparités de traitement ne manqueront pas d'apparaître selon les départements.
M. Jacques Machet. Et aujourd'hui ?
M. Jean-Pierre Schosteck. Ces disparités existent déjà aujourd'hui ! Ce qui est vrai à Cahors n'est pas vrai à Montauban !
M. Serge Lagauche. C'est un point de vue, nous en avons un autre.
Depuis les années soixante, la France a peu à peu pris conscience de l'importance de son patrimoine et s'est dotée de lois permettant de le sauvegarder et d'éviter les démolitions sauvages, les restaurations ne respectant pas le projet initial ainsi que les ajouts et les constructions détériorant un site classé ou sauvegardé. Les architectes des Bâtiments de France ont joué un rôle inestimable en la matière.
Je pense donc qu'il faut faire preuve d'une grande prudence lorsque l'on souhaite repenser d'une manière ou d'une autre la politique en faveur du patrimoine. Le texte dont nous débattons constitue précisément une entrave à la politique en faveur du patrimoine national.
Pour toutes ces raisons, même si je suis globalement favorable au principe d'un recours contre toute décision administrative, et à ce titre contre celles des architectes des Bâtiments de France, je ne saurais néanmoins cautionner pleinement ce texte qui, selon moi, ouvre une porte à de possibles excès qui entameront le patrimoine français. C'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, je m'abstiendrai sur la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la protection des abords des monuments historiques, la protection au titre des secteurs sauvegardés, et, enfin, les fonds de protection du patrimoine architectural urbain et paysager sont trois régimes faisant intervenir, comme l'a souligné notre collègue M. Pierre Fauchon, l'architecte des Bâtiments de France.
Jusqu'en 1946, les avis de l'architecte des Bâtiments de France n'étaient susceptibles d'aucun appel, excepté pour les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager.
Sur proposition de la Haute Assemblée, une loi adoptée en 1997 a institué une procédure d'appel auprès d'une commission régionale du patrimoine et des sites.
Il apparaît aujourd'hui que les décisions, notamment les avis de l'architecte des Bâtiments de France, sont rarement remis en cause.
Pour autant, s'agit-il de remettre en cause aussi souvent que possible les avis de l'architecte des Bâtiments de France ?
A un moment où les questions du respect du patrimoine apparaissent, et c'est heureux, comme fondamentales pour un grand nombre de nos concitoyens, on ne peut que s'enorgueillir de l'existence de dispositifs législatifs permettant un respect strict de notre patrimoine.
A cet égard, d'ailleurs, je souhaite rappeler le rôle éminent de l'architecte des Bâtiments de France dans la sauvegarde et la valorisation de notre patrimoine.
Pour autant, le fait que les avis de l'architecte des Bâtiments de France puissent faire l'objet d'un appel ne nous semble pas être une aberration. La réponse à la question de savoir si l'échelon départemental sera mieux à même d'appréhender les problèmes relatifs au patrimoine que l'échelon régional ne nous paraît pas tranchée, même si, une fois encore, la procédure de l'appel de l'avis nous paraît un gage de démocratie.
Comme l'auteur de la proposition de loi qui nous est soumise, nous pensons qu'il y a place, a fortiori dans un contexte de décentralisation, pour un dialogue et une concertation entre les élus locaux et l'architecte des Bâtiments de France. Nous avons apprécié ainsi la tonicité du rapport de notre collègue Philippe Richert.
A ce titre d'ailleurs, la proposition de loi prévoit un dispositif qui mérite notre attention et qui a fait l'objet d'une vive discussion au sein de notre groupe.
Néanmoins, compte tenu des enjeux locaux de la protection du patrimoine, la division régionale de la commission du patrimoine et des sites nous paraît plus adéquate que le niveau départemental. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes - MM. Fauchon et Hyest applaudissent également.)
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat. Monsieur Fauchon, la procédure de recours, telle qu'elle existe à l'heure actuelle, doit permettre de remédier à tous les inconvénients que vous avez soulignés, et qui sont certainement bien réels. Améliorons la procédure de recours - ce que je proposais dans mon propos - et je suis sûr que nous résoudrons les problèmes que vous avez évoqués.
Vous avez, les uns et les autres, souligné le travail des architectes des Bâtiments de France, leur qualité et leur professionnalisme. Il s'agit non pas d'une autorité indépendante qui aurait le monopole du bon goût, mais - vous l'avez dit vous-même - de fonctionnaires qui ont une solide formation et qui exercent les compétences de l'Etat.
Il nous faut aussi garder à l'esprit la nouvelle procédure de recours. La discussion n'avait pas été simple en 1996. Un de mes prédécesseurs vous avait fait quelques remarques. Il avait fallu que vous le poussiez ! Aujourd'hui, vous avez devant vous un ministre encore plus sensible à vos arguments.
Je vous félicite pour le travail qui a été mené en 1996. La procédure qui a été adoptée alors permet, grâce à des discussions préalables entre élus et fonctionnaires, de résoudre de nombreux problèmes.
De plus, sans avoir suivi dans le détail les débats sur la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, je sais que ses dispositions apportent une souplesse supplémentaire et permettent, pour tout le périmètre autour des monuments historiques, de rendre le diagnostic beaucoup plus fin, plus pertinent, sur proposition de l'Etat et en accord avec les collectivités territoriales.
Monsieur Lagauche, je vous remercie de votre intervention, qui a bien montré les dangers que pouvait receler cette proposition. Lorsque j'étais - dans une vie antérieure ! (Sourires) - membre, au sein de cette assemblée, de la commission des lois, les juristes éminents que je côtoyais m'avaient enseigné que, pour apporter des modifications législatives, il fallait être très prudent et se garder de toute précipitation. Je pensais donc, monsieur Fauchon, que vous alliez aujourd'hui appuyer la démarche prudente qui est la mienne !
M. Pierre Fauchon. La commission des lois enseigne d'être prudent, mais résolu !
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat. J'entends bien, monsieur le sénateur, mais, quand nous demandons au moins trois années d'expérimentation, nous ne sommes pas excessifs ! Nous sommes résolus et prudents en même temps.
Monsieur Lefebvre, au regard de la responsabilité départementale et régionale, vous avez apporté des éléments forts, et je vous en remercie.
Monsieur le rapporteur, comme je l'ai dit à la tribune, je ne suis pas hostile à une réflexion globale et à une évaluation nationale. Les exercices que nous conduisons au travers des protocoles de décentralisation nous permettront d'alimenter cette réflexion en liaison avec les élus. Par ailleurs, nous travaillons évidemment au bilan de la loi de février 1997. Ces divers axes nous permettront d'atteindre les objectifs d'amélioration que nous nous étions fixés ensemble.
M. Philippe Richert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord me féliciter de ce débat. Je constate que l'aspect essentiel, à savoir l'ouverture des recours aux pétitionnaires, a recueilli l'accord de tous ceux qui se sont exprimés.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est quand même la moindre des choses !
M. Philippe Richert, rapporteur. Le Gouvernement comme l'ensemble de ceux qui siègent sur ces travées se sont déclarés favorables à ce principe qui était le coeur de la proposition de loi et qui a été repris par la commission.
Ensuite, il y a débat pour savoir si le niveau d'appel doit être départemental ou régional. Après avoir discuté avec vos services, monsieur le secrétaire d'Etat, j'avais proposé que ce soit une délégation de la commission régionale. Nous nous sommes laissé convaincre par l'insistance particulière et le talent de l'orateur passionné et du spécialiste qu'est M. Dreyfus-Schmidt d'opter pour le niveau départemental, et, reprenant la position de l'auteur de la proposition de loi, nous avons finalement basculé vers une commission départementale indépendante. Lorsque j'avais appelé à la prudence en disant que le Gouvernement aurait du mal à nous suivre, M. Dreyfus-Schmidt nous avait répondu que cela ne devrait pas poser de problème. Vous pourrez retrouver tous ces propos dans le compte rendu de nos débats.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes d'accord sur l'essentiel. La navette nous permettra maintenant d'affiner pour savoir s'il faut une commission départementale ou une délégation départementale de la commission régionale.
Dans l'immense majorité des cas, les avis rendus par les architectes des Bâtiments de France non seulement sont respectés, mais ont permis de conserver à notre pays la richesse d'un patrimoine et son environnement qui est remarquable.
En 1996, lorsque nous avons débattu de ce qui allait devenir la loi de février 1997, le ministre qui occupait votre place, M. Douste-Blazy, qui était d'une autre sensibilité politique, avait la même position que vous sur ce dossier. Il a fallu une proposition d'origine sénatoriale adoptée par la Haute Assemblée et transmise à l'Assemblée nationale pour faire évoluer le dossier, ce dont tout le monde se félicite aujourd'hui !
La navette va nous donner encore le temps de la réflexion. Quant à vos services, monsieur le secrétaire d'Etat, ils auront tout loisir de procéder à une évaluation et de nous en proposer les conclusions. Sachez qu'au sein de la commission des affaires culturelles nous sommes prêts au dialogue et au travail afin d'aboutir dans les meilleures conditions à une réforme qui respecte tant le patrimoine que les libertés individuelles. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

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