SEANCE DU 20 JUIN 2001


M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 53 rectifié, MM. Pelletier, Paul Girod, Joly, Mouly, Demilly, Vallet et Guichard proposent de rédiger ainsi les deuxième et troisième alinéas du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 752-6 du code rural :
« - au chef d'exploitation ou d'entreprise agricole présentant une inaptitude réduisant au moins des deux tiers sa capacité de travail ;
« - aux autres personnes mentionnées à l'article L. 752-1 du présent code présentant une inaptitude totale à l'exercice de la profession agricole. »
Par amendement n° 8, M. Seillier, au nom de la commission, propose, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 752-6 du code rural de remplacer les mots : « lorsque le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à un taux fixé par décret » par les mots : « présentant une inaptitude partielle ou totale à l'exercice de la profession agricole selon un taux fixé par décret ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 93, présenté par MM. Vasselle, Murat, Cazalet, Flandre, Ostermann, Leclerc, Hugot, Descours, Vial, François, César, Souvet, Eckenspieller, Doublet et de Richemont et tendant, à la fin du texte proposé par l'amendement n° 8, à supprimer les mots : « selon un taux fixé par décret ».
Par amendement n° 9, M. Seillier, au nom de la commission, propose, dans le troisième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 752-6 du code rural, de remplacer les mots : « en cas d'incapacité permanente totale » par les mots : « présentant une inaptitude totale à l'exercice de la profession agricole ».
La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° 53 rectifié.
M. Bernard Joly. Le texte qui nous est proposé pour l'article L. 752-6 du code rural tend à instaurer un concept d'invalidité permanente partielle au détriment du concept d'inaptitude à l'exercice de la profession, ce qui me semble être une erreur.
Ce texte dispose que toute personne ayant une invalidité permanente partielle inférieure à 50 % ne touchera aucune rente, alors que, dans le système actuel, cette personne peut être reconnue inapte à l'exercice de sa profession.
Je crains que les personnes qui bénéficient d'une rente en raison de leur inaptitude ne puissent plus en profiter parce que leur taux d'invalidité permanente partielle sera inférieur à 50 %.
En agriculture, surviennent souvent de petits accidents qui, dans le système proposé, ne donneraient pas lieu au versement d'une rente. Satisfaisant pour les accidents graves qui donnaient droit à une invalidité permanente à 100 %, dont les rentes seront plus élevées, le dispositif est défaillant pour les petits accidents courants de la profession.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 8.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement tend à remplacer la notion d'incapacité permanente ou partielle par celle d'inaptitude à l'exercice de la profession agricole.
La commission souhaite conserver la référence à un taux fixé par décret et non le maintien des simples règles existantes : rente pour le chef d'exploitation à partir d'une inaptitude des deux tiers de l'incapacité de travail et rente pour les conjoints et ayants droit si l'inaptitude est totale. Ce taux pourrait être de 50 % afin d'améliorer la couverture des risques.
Autrement dit, en remplaçant la référence à l'incapacité par la notion d'inaptitude à l'exercice de la profession agricole et en précisant que l'on se réfère tout de même à des taux, j'ouvre la perspective de cette innovation que constitue la définition complète, avec des taux, du régime d'inaptitude à l'exercice de la profession agricole.
J'ai bien mesuré que, en l'état, les deux références, qu'il s'agisse de l'incapacité dans le régime de la sécurité sociale et le régime général ou de l'inaptitude à l'exercice de la profession agricole, peuvent présenter à la fois des avantages et des inconvénients. C'est pourquoi il faut améliorer le dispositif et aller jusqu'au bout de la logique en retenant une définition complète, fondée sur des taux, de l'inaptitude à l'exercice de la profession agricole.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour défendre le sous-amendement n° 93.
M. Alain Vasselle. Monsieur le rapporteur, votre amendement serait parfait s'il ne faisait pas référence à un taux fixé par décret. Aussi, les auteurs du sous-amendement que je défends en l'instant souhaitent supprimer cette référence.
Mes chers collègues, en état actuel, l'inaptitude à l'exercice de la profession agricole s'apprécie au regard de trois aspects. D'abord, des éléments qui sont purement médicaux : l'incapacité permanente partielle ou totale physiologique. Ensuite, des éléments qui sont purement professionnels : le retentissement des conséquences de l'accident sur l'exercice de l'activité agricole spécifique à la victime. Enfin, des éléments qui sont purement personnels et qui sont liés à l'âge, à l'état de santé avant l'accident, à la formation professionnelle initiale et aux capacités de reclassement.
La prise en compte des deux aspects principaux, à savoir les éléments médicaux et les éléments professionnels - qui justifient d'ailleurs une double expertise médicale et économique - permet d'attribuer une pension d'inaptitude partielle ou totale dans des cas où il n'y a pas de corrélation entre le taux d'incapacité et l'aptitude professionnelle restante.
La notion d'inaptitude à l'exercice de la profession, qui est une notion médico-administrative, est particulièrement bien adaptée à la réalité puisqu'elle permet le service d'une rente quel que soit le taux d'incapacité fonctionnelle et quand bien même l'atteinte à l'intégration physique de l'assuré est minime, dès lors que celui-ci ne peut plus exercer sa profession agricole antérieure.
Ainsi un forestier atteint d'une maladie professionnelle telle l'allergie au bois peut-il bénéficier d'une pension d'inaptitude totale dès lors qu'il ne peut plus exercer sa profession en raison de cette allergie, alors même que le taux d'incapacité fonctionnelle correspondant à cette pathologie aura été estimé à 25 %. Il en est de même pour un céréalier, travailleur unique sur son exploitation, qui, atteint d'un traumatisme lombaire dont l'incapacité fonctionnelle est évaluée à 30 %, ne peut plus, à la suite de ce traumatisme, poursuivre la mise en valeur de son exploitation.
L'intérêt de la notion d'inaptitude est donc de permettre l'attribution d'une pension sans qu'un taux minimal d'incapacité fonctionnelle soit atteint.
L'introduction d'un taux qui rend exclusivement compte du préjudice corporel sans prendre en considération son effet sur l'activité professionnelle priverait la notion d'inaptitude de son intérêt principal puisque, en toute logique, la pension d'inaptitude partielle ne serait servie qu'à partir d'un taux minimal et la pension d'inaptitude totale qu'en cas d'incapacité permanente totale de 100 %. C'est à la solution retenue dans le cadre de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 3 mai 2001 que nous aboutirions.
Il est renvoyé à un décret, comme c'est le cas dans le dispositif actuel, pour la détermination du montant des rentes, leur revalorisation et la fixation des règles applicables en cas d'accidents successifs.
Certes, M. le rapporteur fait un effort dans la direction que nous souhaitons en avançant des pourcentages et des taux ; mais, pour le moment, nous n'avons pas l'assurance que ceux-ci seront retenus par le Gouvernement. Celui-ci, dans sa logique de quatrième branche de la sécurité sociale et de MSA, va, à mon avis, en rester à sa notion, ce qui interdira aux agriculteurs se trouvant en situation d'inaptitude au travail de pouvoir bénéficier d'un niveau d'indemnités correspondant à la situation dans laquelle ils se retrouveraient à la suite d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail.
C'est la raison pour laquelle il me paraît souhaitable que le sous-amendement que je présente, qui va dans le même sens que l'amendement de M. le rapporteur mais plus loin, soit adopté par la Haute Assemblée.
M. Philippe Richert. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 9 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 53 ainsi que sur le sous-amendement n° 93.
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a présenté un système original, permettant de maintenir le principe de l'inaptitude à l'exercice de la profession agricole, qui semble mieux adapté, tout en confirmant le mécanisme retenu par la proposition de loi d'un taux qui serait non pas le taux d'incapacité, mais un taux d'inaptitude. J'insiste sur ce point puisque le sous-amendement n° 93 vise à supprimer la référence à ce taux. Dans l'esprit de la commission, il ne s'agit pas du taux d'incapacité permanente, il s'agit d'une nouvelle forme de taux. Ce taux ne rendrait pas compte seulement du préjudice corporel, il prendrait aussi en compte son effet sur l'activité professionnelle.
Je concède que ce concept de taux d'inaptitude est pour l'instant novateur.
Revenons à l'objectif visé par la commission, à savoir concilier les avantages des deux systèmes, la rigueur de la référence du système d'incapacité et l'avantage du système spécifique pour les exploitants agricoles.
En effet, dans la législation actuelle, comme le rappelle l'amendement n° 53 rectifié, la rente d'inaptitude n'est accordée au chef d'exploitation que si sa capacité de travail est réduite d'au moins deux tiers et aux conjoints et aides familiaux que s'ils sont reconnus totalement inaptes à l'exercice de la profession agricole.
Cette législation permet de ne pas se fonder uniquement sur des critères médicaux, ce qui peut être une bonne chose, comme le montre l'exemple déjà cité des allergies au bois, mais elle paraît tout de même restrictive. La navette permettra peut-être d'améliorer le dispositif, soit à l'Assemblée nationale, soit au Sénat.
C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 53 rectifié et sur le sous-amendement n° 93.
Quant à l'amendement n° 9, il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président. Monsieur Joly, l'amendement n° 53 rectifié est-il maintenu ?
M. Bernard Joly. Me rangeant aux arguments de M. le rapporteur, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 53 rectifié est retiré.
Monsieur Vasselle, le sous-amendement n° 93 est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. J'ai tant de plaisir à entendre M. le ministre que je souhaite connaître l'avis du Gouvernement. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 93 et sur l'amendement n° 8, ainsi que sur l'amendement n° 9 ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je m'exprimerai sur le « paquet » : je suis défavorable à ces amendements et à ce sous-amendement, car ils s'inscrivent dans cette logique d'inaptitude alors que je défends la logique d'incapacité. Je voudrais m'y arrêter un instant.
Le critère de l'inaptitude, c'est mieux, dites-vous, monsieur Vasselle. Le problème, c'est que la Cour de cassation dit le contraire. Vous pouvez donc faire tous les raisonnements que vous voulez en disant que le critère de l'inaptitude permet une meilleure couverture, la Cour dit le contraire, et c'est pourquoi je défends la notion d'incapacité.
Je reviens sur l'exemple de l'agriculteur qui a perdu les deux jambes et qui est quasiment grabataire : s'il est lucide, on considère qu'il peut diriger son exploitation. La notion de l'inaptitude ne permet pas de prendre en compte ce genre de situation.
Je ne dis pas que vous êtes les porte-parole des assureurs. (Sourires sur les travées socialistes.)
M. Guy Fischer. Moi, je n'ai rien dit ! (Sourires.)
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Cependant, je comprends bien la raison pour laquelle les assureurs se retranchent derrière cette notion d'inaptitude : ils peuvent rejeter nombre de dossiers.
M. Guy Fischer. En effet !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ils peuvent ainsi réaliser des profits.
Puisque vous voulez une meilleure couverture pour les agriculteurs, je ne comprends pas pourquoi vous défendez cette notion d'inaptitude. En effet, entre le dispositif fondé sur la jurisprudence de la Cour de cassation et celui que vous proposez, il n'y a pas photo, si je puis m'exprimer ainsi !
Je maintiens que se figer sur cette notion d'inaptitude est une erreur pour la couverture sociale des agriculteurs.
C'est pourquoi j'émets systématiquement un avis défavorable sur tous les amendements et sous-amendements qui font référence à la notion d'inaptitude.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il est vrai que la Cour de cassation a pris position en fonction de la législation en vigueur. Mais dans la mesure où je propose de construire un nouveau dispositif complet, spécifique à l'agriculture,...
M. Alain Vasselle. C'est le rôle du législateur !
M. Bernard Seillier, rapporteur. ... d'inaptitude à l'exercice de la profession agricole, avec un système de taux que je détaillerai lors de la présentation des amendements suivants, la Cour de cassation tiendra compte, demain, de la nouvelle législation.
Je ne dis pas autre chose. Je reconnais la jurisprudence actuelle. Cependant, je peux prendre le pari que la jurisprudence changera avec le nouveau système, si celui-ci est adopté.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 93.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je remercie M. le rapporteur d'avoir répondu à M. le ministre à propos de la Cour de cassation. Notre Constitution évoluera peut-être dans l'avenir, mais à l'heure actuelle, il appartient au législateur, autant que je sache, d'élaborer la loi, et non à la Cour de cassation de faire en sorte que le Parlement s'adapte à la jurisprudence. C'est plutôt l'inverse qui doit prévaloir, et c'est donc à nous qu'il revient de faire évoluer la loi pour que la jurisprudence change.
Je remercie M. le rapporteur de l'avoir souligné et je suis surpris qu'un membre du Gouvernement prenne pour référence la jurisprudence de la Cour de cassation pour s'opposer à des amendements d'origine parlementaire qui tendent justement à faire évoluer une situation critiquée.
Monsieur le ministre, si vous examinez la disposition d'une manière isolée, sans la replacer dans le contexte général du dispositif que souhaite le Sénat, votre argument prend bien sûr toute sa force et il vous permet d'émettre un avis défavorable. Mais si vous replaciez cet amendement dans son contexte, si nous l'examinions simultanément avec d'autres dispositions dont nous débattrons lors de l'examen d'autres articles, vous constateriez que la notion d'inaptitude telle que nous entendons l'appliquer permettra d'éviter des situations comme celles que vous avez évoquées, je pense notamment à cet agriculteur cul-de-jatte qui, parce qu'il est lucide, ne pourrait pas bénéficier de la rente au motif qu'il est considéré comme étant encore capable d'exercer une partie de son activité.
C'est la raison pour laquelle j'ai fait valoir un certain nombre d'éléments sur lesquels pourrait s'appuyer la commission. En effet, M. le rapporteur propose, dans un amendement que nous examinerons tout à l'heure, de créer une commission pilotée par la MSA, qui prendrait une décision quant à l'inaptitude partielle ou totale et fixerait le niveau d'incapacité. Voilà pourquoi ce sous-amendement me paraissait intéressant.
Cela étant dit, M. le rapporteur considère que la navette permettra peut-être de parvenir à une position commune. Aussi, compte tenu de la volonté qui est la sienne de faire évoluer le dispositif dans un sens répondant au souci que nous exprimions, je retire ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 93 est retiré.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je souhaite reprendre ce débat sur l'inaptitude et l'incapacité.
Monsieur Vasselle, l'argument concernant la Cour de cassation ne me paraît pas recevable. Je ne suis pas un défenseur à tous crins du pouvoir des juges et je suis un parlementariste convaincu, d'ailleurs sans doute plus que vous : ainsi, je n'ai pas voté une constitution qui visait à rationaliser le parlementarisme, pour reprendre l'expression utilisée à l'époque !
Monsieur le rapporteur, une législation nouvelle imposera une nouvelle jurisprudence. Sauf que vous ne changez pas la définition de l'inaptitude. Par conséquent, à chaque fois qu'il y aura un trou dans votre dispositif - et j'ai bien compris que vous le vouliez très sophistiqué, avec notamment des taux et des encadrements -, la jurisprudence restera la même que précédemment, car la définition de l'inaptitude n'aura pas été modifiée.
Par ailleurs, pourquoi ne pas faire simple ? Vous ne m'avez toujours pas expliqué pourquoi vous refusiez la notion d'incapacité dont je vous dis qu'elle est plus protectrice. Pourquoi monter un système sophistiqué alors que l'on peut faire simple ? Je n'ai toujours pas compris, et je continue à penser que c'est une erreur.
Par conséquent, je suis toujours défavorable, en l'occurrence, à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Bernard Joly. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Cet amendement vise à remplacer la notion d'incapacité permanente ou partielle par celle d'inaptitude à l'exercice de la profession agricole.
M. le ministre nous dit que, pour lui, il n'y a aucune différence. Je croyais lui avoir fait part tout à l'heure d'une crainte, que je réitère : je crains en effet que les personnes bénéficiant d'une rente, parce que inaptes, ne puissent plus en profiter parce que leur taux d'invalidité permanente ou partielle sera inférieur à 50 %. Et ce ne sont pas les arguments que M. le ministre vient d'avancer qui me convainquent. Je voterai donc l'amendement de la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 55 rectifié, MM. Pelletier, Paul Girod, Joly, Mouly, Demilly, Vallet et Guichard proposent de supprimer le quatrième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 752-6 du code rural.
Par amendement n° 10 rectifié, M. Seillier, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi le quatrième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 752-6 du code rural :
« L'inaptitude partielle ou totale à la profession agricole est déterminée et notifiée à l'assuré par l'organisme assureur, après avis d'une commission dont la composition est fixée par décret, d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et morales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle. »
Par amendement n° 106, le Gouvernement propose :
I. Dans le quatrième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 752-6 du code rural, de supprimer les mots : « par le service du contrôle médical de la mutualité sociale agricole ».
II. Dans le même alinéa, de remplacer les mots : « par l'organisme assureur » par les mots : « à la victime par l'organisme assureur, après avis d'une commission dont la composition est fixée par décret, ».
La parole est à M. Joly, pour présenter l'amendement n° 55 rectifié.
M. Bernard Joly. Cet amendement vise à supprimer les dispositions relatives à la détermination du taux d'incapacité pour le calcul des rentes d'incapacité.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 10 rectifié et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 106 ainsi que sur l'amendement n° 55 rectifié, dont l'adoption, monsieur le rapporteur, ferait tomber votre propre amendement.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je le regretterais profondément, monsieur le président, puisque cet amendement est l'une des pièces de l'innovation proposée par la commission. Je souhaite que, grâce à la navette, puis à des perfectionnements législatifs ultérieurs, il n'y ait pas de trous dans le dispositif que nous proposons. Ce dernier, je le répète, concerne non pas des salariés, mais des chefs d'entreprise. C'est la raison pour laquelle je maintiens que la référence à la notion d'incapacité n'a pas fait la preuve de sa pertinence par rapport non pas aux salariés agricoles, mais aux chefs d'entreprise.
L'amendement n° 10 rectifié constitue une synthèse novatrice entre le système de l'inaptitude à l'exercice de la profession agricole et le mécanisme de l'incapacité, qui est déterminée par un taux.
Ce dispositif, centré autour du nouveau concept de « taux d'inaptitude », permet, selon la commission des affaires sociales, de bénéficier des avantages des deux mécanismes précités. Ce taux d'inaptitude sera déterminé et notifié à l'assuré par l'organisme assureur, après intervention d'une « commission des rentes », où seront présents la Mutualité sociale agricole et les organismes assureurs. Nous avons repris, dans cet amendement n° 10 rectifié, l'idée avancée par le Gouvernement dans son amendement n° 106.
Le taux d'inaptitude prendra en compte à la fois la situation médicale et la profession exercée par la victime : ce sera ainsi un taux « pragmatique ».
A ce stade de la discussion, je ne doute pas de la capacité novatrice du Parlement.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Bernard Seillier, rapporteur. Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s 55 rectifié et 106.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 106 et pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 55 rectifié et 10 rectifié.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Cet amendement n° 106 a un titre : c'est l'amendement « allergie au bois ». Il vise en effet à répondre à une préoccupation fort légitime, exprimée par M. Seillier dans son rapport.
Le Gouvernement se propose donc d'étendre la procédure qui est en place actuellement pour les salariés agricoles aux non-salariés agricoles afin d'introduire une marge d'appréciation dans la fixation des taux d'incapacité.
Un décret prévoira que la commission est composée de représentants à la fois de la Mutualité sociale agricole et du groupement des assureurs.
C'est grâce à ce mécanisme que les très rares cas où le barème d'invalidité prend insuffisamment en compte le préjudice réel - c'est le cas des allergies au bois cité par M. le rapporteur - pourront donner lieu à l'attribution d'une rente.
Par ailleurs, il est inutile de rappeler le rôle du service du contrôle médical de la Mutualité sociale agricole qui est défini à l'article L. 752-11-A par référence au code de la sécurité sociale.
Avec cet amendement, le Gouvernement veut répondre à la préoccupation légitime que M. le rapporteur a exprimée à plusieurs reprises.
J'ajoute que le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n°s 55 rectifié et 10 rectifié.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que l'adoption de l'amendement n° 55 rectifié rendrait sans objet l'amendement n° 10 rectifié de la commission et l'amendement n° 106 du Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 10 rectifié et 106 n'ont plus d'objet.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 96, MM. Vasselle, Murat, Cazalet, Flandre, Ostermann, Leclerc, Hugot, Descours, Vial, François, César, Souvet, Eckenspieller, Doublet et de Richemont, proposent de rédier ainsi le cinquième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 752-6 du code rural :
« La rente due à la victime, en cas d'inaptitude partielle ou totale à l'exercice de la profession agricole, est fixée et revalorisée dans des conditions fixées par décret. Les conditions spécifiques, en cas d'accidents successifs, sont également fixées par décret. »
Par amendement n° 54 rectifié, MM. Pelletier, Paul Girod, Joly, Mouly, Demilly, Vallet et Guichard proposent de rédiger ainsi le cinquième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 752-6 du code rural :
« La rente due à la victime, en cas d'inaptitude partielle ou totale à l'exercice de la profession agricole, est fixée et revalorisée dans les conditions fixées par décret. »
Par amendement n° 11, M. Seillier, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit la première phrase du cinquième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 752-6 du code rural :
« La rente due à la victime atteinte d'une inaptitude partielle ou totale à l'exercice de la profession agricole est au moins égale au gain forfaitaire annuel mentionné à l'article L. 752-5 du présent code, multiplié par le taux d'inaptitude qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci. »
La parole est à M. Vasselle, pour présenter l'amendement n° 96.
M. Alain Vasselle. C'est un amendement de conséquence du sous-amendement n° 93 à l'amendement n° 8, présenté par la commission. A partir du moment où nous avons retiré le sous-amendement n° 93, l'amendement n° 96 n'a plus de raison d'être maintenu. Je le retire donc, toujours compte tenu de l'engagement de M. le rapporteur à faire évoluer le texte dans le sens que nous souhaitons.
M. le président. L'amendement n° 96 est retiré.
La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° 54 rectifié.
M. Bernard Joly. Les pensions d'inaptitude partielle et totale devront être fixées et revalorisées suivant des modalités précisées par décret. Il conviendrait que la pension d'inaptitude totale s'établisse à 70 000 francs et la pension d'inaptitude partielle à 50 000 francs, soit un triplement du montant des rentes par rapport à leur niveau actuel.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 11 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 54 rectifié.
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'amendement n° 11 est un amendement de conséquence, qui tend à remplacer la notion d'incapacité par celle d'inaptitude.
Quant à l'amendement n° 54 rectifié, il prévoit de préciser par décret les modalités de fixation et de revalorisation des pensions d'inaptitude partielle ou totale. Le texte de la proposition de loi, tel qu'il a été amendé par la commission, me paraît plus protecteur pour les assurés. Le système médiant proposé par la commission repose sur un équilibre, les prestations définies assez largement par la loi avec des cotisations ou des primes relevant de mécanismes concurrentiels. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 54 rectifié.
Je souligne que l'adoption de l'amendement n° 54 rectifié rendrait sans objet l'amendement n° 11.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 54 rectifié et 11 ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Tout ce qui se réfère à l'inaptitude est pour moi restrictif. Prenons le cas de M. Jacques Pelletier, ici présent, qui éprouve actuellement des difficultés à se déplacer : il souffre d'incapacité et non d'inaptitude, puisqu'il a toute sa tête. Son cas serait donc rejeté par les assureurs.
Je suis donc systématiquement défavorable à toute référence à l'inaptitude.
M. le président. Monsieur Joly, l'amendement n° 54 rectifié est-il maintenu ?
M. Bernard Joly. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 54 rectifié est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. A ce stade de l'examen des amendements, nous sommes plusieurs à considérer que la notion d'inaptitude est beaucoup moins restrictive que celle d'incapacité, qui renvoie à des taux la fixation du niveau d'indemnisation. La notion d'inaptitude, par le biais de la commission proposée par M. le rapporteur, permet une approche beaucoup plus globale et plus réelle de la situation dans laquelle se trouve l'exploitant.
Ainsi, pour reprendre l'exemple de notre ami Jacques Pelletier, on ne peut comparer sa situation en qualité de sénateur et la situation dans laquelle il se trouverait s'il reprenait sa casquette d'agriculteur, qu'il n'est plus, sauf peut-être encore de temps en temps, en tant que retraité, pour aider ses enfants. Dans ce dernier cas, on pourrait en effet considérer qu'il est aujourd'hui dans un état d'inaptitude pour exercer la profession d'agriculteur. Aussi, monsieur le ministre, la situation de M. Jacques Pelletier dément complètement les affirmations que vous venez de faire !
J'observe que, en ayant adopté l'amendement n° 55 rectifié de notre collègue M. Joly, nous avons donné un coup de canif sérieux à l'ensemble du dispositif,...
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est clair !
M. Alain Vasselle. ... notamment à la référence à la commission qui permettait justement de donner toute son efficacité à la notion d'inaptitude telle que nous l'avions imaginée en commission des affaires sociales.
Je me permets de le souligner à ce stade du débat, car il faudra bien, lors de la navette, que nous essayions de nous coordonner afin de redonner une certaine cohérence à notre texte.
M. le président. C'est bien pourquoi, monsieur Vasselle, je m'efforce, à chaque vote d'amendement, de rappeler que, compte tenu de l'ordre qui a été fixé, l'adoption du premier amendement rend sans objet les suivants.
Effectivement, en l'occurrence, le Sénat a fait preuve d'incohérence.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 12, M. Seillier, au nom de la commission, propose, dans la première phrase du sixième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 752-6 du code rural, de remplacer les mots : « l'incapacité permanente » par les mots : « l'inaptitude à l'exercice de la profession agricole ».
Par amendement n° 56 rectifié, MM. Pelletier, Paul Girod, Joly, Mouly, Demilly, Vallet et Guichard proposent, dans la première phrase de l'antépénultième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 752-6 du code rural, de remplacer les mots : « l'incapacité permanente » par les mots : « l'inaptitude à la profession agricole ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 12.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président. La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° 56 rectifié.
M. Bernard Joly. Cet amendement est presque identique à celui de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 12 et 56 rectifié ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Toujours défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 56 rectifié n'a plus d'objet.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 57 rectifié est présenté par MM. Pelletier, Paul Girod, Joly, Mouly, Demilly, Vallet et Guichard.
L'amendement n° 97 est déposé par MM. Vasselle, Murat, Cazalet, Flandre, Ostermann, Leclerc, Hugot, Descours, Vial, François, César, Souvet, Eckenspieller, Doublet et de Richemont.
Tous deux tendent à supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 752-6 du code rural.
Par amendement n° 13, M. Seillier, au nom de la commission, propose, dans l'avant-dernier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 752-6 du code rural, de remplacer les mots : « d'incapacité permanente » par les mots : « d'inaptitude à l'exercice de la profession agricole ».
La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° 57 rectifié.
M. Bernard Joly. Cet amendement a pour objet de supprimer les dispositions relatives à la détermination du taux d'incapacité pour le calcul des rentes d'incapacité.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour défendre l'amendement n° 97.
M. Alain Vasselle. C'est un amendement de conséquence au sous-amendement n° 93 et à l'amendement n° 96. Etant donné que j'ai accepté de retirer ce sous-amendement et cet amendement, celui dont nous discutons à présent n'a plus de raison d'être si je veux rester cohérent avec la démarche de la commission, que j'ai accepté de suivre.
Je retire donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 97 est retiré.
Monsieur Joly, l'amendement identique n° 57 rectifié est-il maintenu ?
M. Bernard Joly. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 57 rectifié est retiré.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 13.
M. Bernard Seillier, rapporteur. C'est aussi un amendement de conséquence se situant dans la logique qui a été enclenchée par la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 752-6 du code rural.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 752-7 DU CODE RURAL