SEANCE DU 20 JUIN 2001


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Machet, pour explication de vote.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Haute Assemblée parvient à la fin de l'examen de la proposition de loi sur la couverture du risque accidents du travail et maladies professionnelles des non-salariés agricoles.
Ce texte concerne le monde agricole et rural, auquel j'appartiens, et dont la couverture accidents du travail est encore récente : elle est régie, en effet, par la loi du 22 décembre 1966, qui institue le principe de l'assurance obligatoire, et par celle du 25 octobre 1972, qui instaure un régime complémentaire facultatif.
Aujourd'hui, plus que jamais, au vu des agriculteurs soumis aux épreuves de la fièvre aphteuse, de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, ou encore de la fièvre de Malte - et c'est un problème que je connais, car le berger qui gardait mes moutons a contracté la fièvre de Malte -, il me semble également indispensable de mettre en place une politique de prévention, afin de diminuer les accidents du travail.
Monsieur le ministre, je regrette une fois encore que le Gouvernement auquel vous appartenez ait déclaré l'urgence sur un texte qui eût nécessité une réflexion approfondie. C'est chose faite grâce au travail de la commission des affaires sociales, et particulièrement à celui de son rapporteur, Bernard Seillier : au nom du groupe de l'Union centriste, je rends hommage au dynamisme et à la justesse des propositions de notre collègue.
Le contrôle de l'obligation d'assurance, l'animation de la prévention et le contrôle médical doivent relever de la MSA sans pour autant diminuer la participation active de l'assurance privée. Il est nécessaire de maintenir un système concurrentiel, et cela dans l'intérêt des agricultrices et des agriculteurs, afin de leur proposer une offre compétitive et diversifiée, accompagnée d'un niveau de charge modéré. C'est pourquoi M. le rapporteur a justement prévu que les cotisations correspondant aux garanties minimales obligatoires ne puissent excéder un plafond arrêté par le ministère de l'agriculture ; ces cotisations seront également modulées en fonction du classement des exploitations, dans des catégories de risques, catégories définies par la caisse centrale de Mutualité sociale agricole.
A la lumière de ces brèves remarques, vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que je vote, avec mon groupe, le texte tel qu'il a été amendé par le Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Mutualité sociale agricole n'aura pas à assumer un rôle de caisse pivot, la gestion décentralisée de l'AAEXA ayant été supprimée par la Haute Assemblée. Cette gestion lui échappera donc. Après avoir vidé de son sens la proposition de loi et retiré le rôle pivot de la MSA, le Sénat, par un véritable contre-projet, crée ce soir - je cite M. le rapporteur - un véritable « service de sécurité sociale privé ».
Au cours de ce débat sans grande surprise, la majorité sénatoriale, suivant les recommandations du rapporteur de la commission des affaires sociales, a tiré les conséquences de son choix de départ de maintenir l'AAEXA dans un cadre assuranciel et concurrentiel. Ainsi, les organismes assureurs pourront continuer à bénéficier d'une liberté tarifaire, de gestion et, par là-même, de fortes marges bénéficiaires.
Pas une disposition ne fait référence à un réel programme de prévention avec obligation pour les assureurs privés de mettre à disposition de la MSA l'ensemble des données statistiques en leur possession.
Les exploitants agricoles en attente d'une couverture de base accidents du travail-maladies professionnelles à parité avec le régime salarié devront se satisfaire non d'une réelle amélioration des prestations, mais d'un régime avec des garanties minimales, les rentes servies aux ayants droit relevant désormais du champ complémentaire.
M. Hilaire Flandre. N'importe quoi !
M. Guy Fischer. Considérant qu'il était nécessaire non pas de retoucher à la marge mais de réformer l'actuel régime de l'AAEXA afin qu'il réponde aux exigences du xxie siècle, nous avons soutenu la nature du choix retenu par la proposition de loi du groupe radical, citoyen et vert, enrichie à la suite de son examen par l'Assemblée nationale, à savoir la constitution d'un véritable régime de sécurité sociale fondé sur la solidarité.
Par conséquent, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre le texte tel qu'il a été modifié par le Sénat.
M. Gérard Le Cam. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Lors de la discussion générale, j'avais dit tout le mal que je pensais de la procédure suivie pour ce texte « Rebillard-Glavany-Jospin », on ne sait plus très bien qui en est le véritable auteur !
Si j'ai bien compris, le plat qui nous est servi ce soir est une résurgence de celui qui a été proposé au Conseil d'Etat, qui l'avait écarté. Au mieux, l'assiette, en carton, est d'origine parlementaire et le plat d'origine gouvernementale.
C'est une mauvaise méthode, tout comme celle qui consiste à nier l'utilité d'un système assuranciel et concurrentiel tel qu'il découle des délibérations de l'Assemblée nationale, avec cette espèce de monopole donné à la MSA, dont la présence est certainement intéressante, mais dont l'omnipotence est assurément dommageable pour une protection efficace et à coût mesuré.
La commission me semble avoir suivi une logique intermédiaire en n'allant pas jusqu'au bout de l'inspiration concurrentielle et assurancielle qui était la nôtre et qui me paraît être, contrairement à ce qu'a dit M. le ministre, très largement approuvée par les organisations représentatives des agriculteurs.
Je voterai le texte, malgré les réticences que j'ai exprimées sur l'article 1er, dont certaines lors de la seconde délibération, mais surtout en dépit des lacunes que j'ai relevées. J'espère que, grâce au talent de M. le rapporteur, du président de la commission des affaires sociales et des membres de la commission mixte paritaire, cette proposition de loi ainsi modifiée trouvera quelque grâce auprès de nos collègues de l'Assemblée nationale.
En effet, si la commission mixte paritaire échoue, - ce qui n'est pas une hypothèse totalement improbable - il n'y aura non pas une deuxième mais une nouvelle lecture et nos apports se feront dans des conditions de pression externe autrement différentes que pour une deuxième lecture, car vous avez ajouté, monsieur le ministre, à la présentation du plat les piments de la déclaration d'urgence.
Je voterai ce texte en espérant que cette ouverture de la commission des affaires sociales à l'égard du texte de l'Assemblée nationale sera saisie. Je le dis très honnêtement : je n'ai aucune illusion, monsieur le rapporteur ! Si une nouvelle lecture devait avoir lieu au Sénat après l'échec de la commission mixte paritaire, je pense que nous reviendrions avec nos soucis et notre volonté de faire apparaître une logique différente du texte.
Ensuite, rendez-vous sera pris devant les agriculteurs et devant les contribuables, qui seront peut-être aussi, à un moment ou à un autre, mis en cause, pour savoir de quelle manière sera réglé définitivement ce problème douloureux des accidents du travail. Car on ne peut pas, je le répète, opérer une distinction entre la vie professionnelle et la vie privée : les agriculteurs sont des gens isolés dans leur exploitation, dont la vie familiale et la vie professionnelle - j'allais dire la vie tout court, dans tous ses aspects - se confondent en permanence. On ne peut pas se livrer à ce genre d'acrobatie !
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite préciser la position du groupe socialiste sur cette proposition de loi portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, ou plus exactement sur le texte tel qu'il est issu des débats du Sénat.
Bien évidemment, nous sommes d'accord avec la création au sein de la protection sociale des exploitants agricoles d'une véritable branche accidents du travail, maladies professionnelles, et nous sommes contre le texte tel qu'il est issu des débats du Sénat.
En adoptant les amendements du rapporteur, la majorité sénatoriale vient en effet de rétablir, sans le dire expressément, le système ancien, fondé sur la concurrence entre assureurs.
M. Alain Vasselle. C'est très bien !
M. Gilbert Chabroux. C'est d'ailleurs une véritable performance que de reconnaître les évidentes carences de ce système, d'admettre qu'il est absolument nécessaire d'y mettre un terme et de proposer, finalement, de ne rien changer vraiment sur le fond.
Nous estimons, pour notre part, que la réforme proposée par l'Assemblée nationale et le Gouvernement forme un tout. Pour remettre vraiment en ordre la couverture sociale des exploitants agricoles et placer leur protection sociale au niveau de celle des salariés, y compris de leurs propres employés, il faut non seulement créer une branche accidents du travail et maladies professionnelles, mais également faire en sorte que le nouveau système fonctionne de manière transparente et efficace.
Tel est le choix qui a été opéré par nos collègues de l'Assemblée nationale. Les cotisations seront fixées en fonction du risque inhérent à l'exploitation, les prestations grandement améliorées et le fonctionnement du régime sera coordonné par la caisse centrale de la MSA.
A notre sens, une autre clarification est nécessaire : les accidents du travail et ceux de la vie privée doivent relever de régimes différents. A cet égard, le monde rural n'a pas à être considéré comme un monde à part. La vision de l'agriculteur travaillant en famille et dont l'épouse élève poules et lapins tandis que les enfants participent aux menus travaux est une vision obsolète.
Les ruraux ne veulent plus être traités différemment et ne pas bénéficier des avancées normales de la protection sociale.
Le Sénat s'est souvent présenté comme le défenseur du monde rural. Il est donc paradoxal de le voir aujourd'hui soutenir le maintien d'un régime concurrentiel, dont il reconnaît par ailleurs les défauts. Il est tout aussi paradoxal de le voir s'inquiéter de la tendance haussière du niveau des prestations qui devront être versées, alors que le régime est calculé pour s'autofinancer.
Au demeurant, chacun ici a le souci de ne pas augmenter les charges publiques, mais la préoccupation de mise à niveau des agriculteurs dans le domaine fondamental de la protection en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles doit être prioritaire.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre le texte tel qu'il est issu des travaux du Sénat.
M. Paul Girod. Vous devriez voir une ferme de près, même une grande !
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en entendant les propos qui viennent d'être tenus par M. Chabroux, j'ai véritablement le sentiment que nos collègues socialistes sont complètement aveuglés par des préoccupations politiciennes à la veille d'échéances électorales importantes. (M. le ministre rit.)
M. Gilbert Chabroux. Pas autant que vous !
M. Alain Vasselle. Pour eux, l'essentiel est de faire de l'affichage politique ! J'ai d'ailleurs relevé dans les propos de M. le ministre qu'à chaque fois que l'occasion a pu lui être donnée de faire référence à la régression sociale au travers de l'initiative du Sénat, il n'a pas manqué de s'y employer, trouvant un relais soit chez le groupe communiste, soit chez le groupe socialiste, encore que ce dernier ait été particulièrement absent des débats : il est un peu facile de venir nous donner des leçons au moment des explications de vote, alors qu'une attention portée à nos discussions aurait peut-être permis d'en tirer quelques enseignements au profit de la profession agricole.
M. Gilbert Chabroux. On savait d'avance ce que vous alliez dire ! On connaît la chanson !
M. Alain Vasselle. Malheureusement, celle-ci n'aura qu'à souffrir du nouveau dispositif qui se met en place, et qui représente un coût non négligeable, au travers des cotisations AMEXA, pour l'ensemble de la profession agricole.
Par conséquent, ne venez pas dire une chose et voter des dispositions qui vont tout à fait à l'encontre des objectifs que vous voulez atteindre !
Après cette observation que j'ai tenu à formuler à la suite de l'explication de vote de notre collègue socialiste, je donnerai le sentiment du groupe RPR sur ce texte.
Issue d'une histoire législative riche en péripéties, cette proposition de loi transforme un régime d'assurance peu satisfaisant en une nouvelle branche de sécurité sociale des non-salariés agricoles.
Si l'objectif d'améliorer un système considéré comme défaillant est louable, les modalités apparaissent non acceptables en l'état.
Notre excellent rapporteur a proposé à notre Haute Assemblée d'améliorer la protection sociale des exploitants agricoles, tout en respectant le cadre concurrentiel du régime actuel, auquel nous étions particulièrement attachés, et en évitant de mettre en place un système qui aboutirait à une hausse future des prélèvements, ce que l'on peut craindre du texte qui nous est parvenu de l'Assemblée nationale.
Les représentants de la profession des exploitants agricoles - je me permets d'insister sur ce point - préoccupés par les insuffisances de la couverture sociale des personnes concernées, sont tout à fait favorables au système que propose de mettre en place notre Haute Assemblée.
Lorsque je parle des représentants de la profession, je vise aussi bien les représentants du syndicalisme agricole que ceux qui sont dans les conseils d'administration des sociétés d'assurance, notamment Groupama. Que l'on ne vienne donc pas ici tenter de mettre en opposition les agriculteurs en faisant valoir que ceux qui gèrent la MSA sont plutôt pour le système MSA et que ceux qui sont à Groupama sont plutôt pour Groupama, et qu'il y aurait une division dans le monde agricole.
C'est entièrement faux ! Le monde agricole est complètement uni sur ce dispositif. Il souhaitait non pas une réforme structurelle du type de celle que vous voulez mettre en oeuvre mais des aménagements.
Notre groupe ne peut donc qu'approuver les initiatives de la commission : le remodelage des modalités de cette nouvelle couverture sociale permettra une amélioration nette des prestations, dans un système où le libre choix de l'organisme assureur est préservé et les spécificités du monde agricole prises en compte, tout en améliorant la politique de prévention animée par la MSA, ainsi que le contrôle de l'obligation d'assurance.
Je note cependant - c'est une position qui m'est personnelle - que, sur deux points, à savoir, d'une part, la distinction entre vie privée et vie professionnelle - Paul Girod y a fait allusion - et, d'autre part, la notion d'inaptitude ou d'incapacité au travail, qui renvoie notamment à des décrets pour la fixation des taux, nombre de nos collègues du groupe du Rassemblement pour la République n'ont pas eu satisfaction. Je ne doute pas que si ce texte vient en nouvelle lecture devant la Haute Assemblée nous aurons l'occasion d'avoir de nouveaux échanges à cet égard. D'autant que M. le rapporteur souhaite - et je crois qu'il va militer dans ce sens - que, dans le cadre de la discussion qui va s'engager avec l'Assemblée nationale, des avancées soient faites pour que ce texte soit aussi consensuel que possible. Mais si je m'en tiens aux déclarations du groupe socialiste, du groupe communiste républicain et citoyen et de M. le ministre tout au long de la discussion, il nous est permis d'en douter.
Cela étant, nous attendrons avec intérêt les résultats de la commission mixte paritaire, qui devraient théoriquement traduire les bonnes intentions de l'Assemblée nationale et du Gouvernement.
Nous voterons donc le texte tel qu'il est issu des travaux de la Haute Assemblée.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission. On a entendu beaucoup de choses à propos de ce texte. Imparfait et insatisfaisant lorsqu'il est arrivé de l'Assemblée nationale, il est peut-être encore imparfait et insatisfaisant au départ du Sénat.
Il s'agit d'un dispositif que l'on ne peut pas assimiler complètement à ce qui est devenu, pour beaucoup, une espèce de droit commun dans le régime général ou même dans un certain nombre de régimes particuliers.
On le sait, l'histoire de la couverture sociale dans l'agriculture remonte bien avant 1945, puisque des dispositifs d'assurance existaient déjà. En revanche, il n'y a pas eu d'intégration des différents dispositifs mis en place, le plus souvent de façon parallèle, en un régime général de couverture sociale unique.
J'ai eu l'occasion, récemment, de rencontrer un responsable de la MSA qui m'a dit que le texte élaboré par l'Assemblée nationale le mettait, lui et ses pairs, dans une position délicate vis-à-vis de ses « cousins » de Groupama, pour reprendre son expression.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Enfin, monsieur le président !...
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je rapporte ce qui m'a été dit !
Ce même responsable ajoutait que ce dispositif était diversement apprécié par les milieux professionnels agricoles.
M. Paul Girod. Quelle litote !
M. Hilaire Flandre. Il est peu apprécié, en effet !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Il m'a dit encore un certain nombre d'autre choses sur le texte que la commission avait concocté.
Il est inévitable que, la situation étant assez disparate, le texte ne réponde pas à toutes les questions. Nous franchissons donc une étape. Mais il ne faut pas croire que le milieu professionnel agricole soit figé dans une opinion totalement monolithique. Monsieur le ministre, vous avez peut-être des correspondants particuliers qui vous font passer un certain message, d'autres ont essayé de nous faire passer des messages différents.
La commission a tenté de trouver une voie de sagesse qui ménage l'avenir et qui permette au moins d'avancer dans un certain nombre de domaines, notamment en ce qui concerne la qualité de la couverture des risques et la prévention. Même s'il reste encore, ici ou là, quelques contradictions, je pense que le travail que nous avons accompli n'est pas à jeter, contrairement à ce que l'on voudrait faire croire, même s'il est certainement perfectible.
Il est vrai aussi que cette discussion aurait pu se dérouler dans de meilleures conditions si on nous avait laissé quelques mois supplémentaires. Pour avoir recueilli le témoignage d'un certain nombre de représentants de la MSA, je sais que, pour eux, ce texte est arrivé très vite, trop vite, et qu'ils n'ont pas eu l'occasion d'en discuter avec leurs partenaires.
Nous savons que le choix du Sénat est approuvé par nombre de professionnels de l'agriculture et qu'il peut être désapprouvé par d'autres. Nous verrons bien comment ces dispositions s'appliqueront une fois que les décrets auront été pris.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, je n'ai pas voulu intervenir avant le vote, car telle n'est pas, me semble-t-il, la tradition, mais je tenais à remercier en particulier le rapporteur, M. Seillier, et le président de la commission, M. Delaneau, du travail accompli.
Si des divergences sont apparues entre nous, nos débats n'ont jamais été discourtois ou agressifs, car nous avions, les uns et les autres, la volonté positive de trouver des solutions constructives. Nous avons eu certes des désaccords, mais pas toujours, puisqu'il m'est arrivé d'émettre des avis favorables sur certains amendements. (Sourires.)
Il reste quelques points en débat.
J'aimerais dire à M. Vasselle que je suis tout de même plus proche de M. Delaneau que de lui. « La profession agricole, unanime, est derrière moi », nous a-t-il dit. Franchement, M. Vasselle devrait tout de même prendre conscience de la réalité démocratique du pays, y compris dans le monde agricole. Que des organisations professionnelles se soient prononcées pour le système assuranciel, j'ai cru le remarquer. (Sourires.) N'oublions pas pour autant que d'autres organisations professionnelles agricoles se sont exprimées pour le dispositif que nous proposons. Qu'est-ce que la MSA, sinon un régime d'agriculteurs, pour des agriculteurs ? Tous ses dirigeants sont élus par des agriculteurs.
M. Hilaire Flandre. Non ! la MSA est gérée de manière étatique !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Pas du tout ! Ses dirigeants sont élus par les agriculteurs. Mme Jeannette Gros, présidente de la MSA, est agricultrice dans le Doubs et toute son équipe est composée d'agriculteurs.
Donc, tout n'est pas aussi univoque.
M. Delaneau a rencontré, dit-il, des représentants de la MSA. Pour ma part, j'ai rencontré des salariés de Groupama qui m'ont dit qu'ils étaient tellement choqués que leur entreprise ait engrangé des milliards de francs ces trente ou quarante dernières années avec les accidents du travail des agriculteurs qu'ils étaient bien contents que la balance bascule de l'autre côté.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Ce n'est pas tout blanc ou tout noir.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, nous sommes d'accord ! C'est la réalité démocratique du pays et du monde rural qui s'exprime à travers ces débats.
Vous estimez qu'il faut absolument instaurer un système concurrentiel et assuranciel qui seul, d'après vous, peut fonctionner. Mais ce système existe déjà depuis des décennies, et il ne marche pas, mesdames, messieurs les sénateurs, ou très mal. Il est source de très graves inégalités devant le risque d'accident du travail et de maladie professionnelle, et le taux de couverture du risque est tout à fait insatisfaisant. Quant aux profits qu'il génère - M. le rapporteur lui-même l'a reconnu dans son rapport - ils ne sont pas négligeables et ils ont été engrangés par des assurances privées, sur le dos des agriculteurs.
Encore une fois, ce système-là existe, c'est vrai, mais il ne fonctionne pas.
Vous nous dites que le système que nous proposons ne peut pas marcher. Pourtant, il fonctionne déjà avec l'AMEXA pour ce qui est de la couverture du risque maladie, et c'est exactement de ce type de système que nous nous sommes inspirés pour donner à la MSA un rôle pivot.
Mais, si l'on peut débattre d'une manière aussi détendue que possible, il ne faut pas pour autant négliger l'aspect politique du débat. Il y a ici des représentants de forces politiques favorables à un système libéral, concurrentiel et assuranciel et d'autres qui appellent de leurs voeux un vrai régime de sécurité sociale nouveau.
C'est ce choix-là que nous avons fait, avec la majorité de l'Assemblée nationale. Vous le contestez, et c'est votre droit, mais je souligne qu'il a sa cohérence et que, de ce point de vue, notre débat était profondément politique et, à ce titre, particulièrement intéressant.
Maintenant, attendons l'issue de la commission mixte paritaire. Mais, honnêtement, si elle aboutit à un accord, ce sera un miracle ! (Rires.) Et, bien qu'élu du département de Lourdes, je ne crois pas aux miracles. D'ailleurs, même à Lourdes, et surtout à Lourdes, on n'y croit pas.
C'est que les thèses en présence sont tellement contraires - soit un système assuranciel fondé sur la concurrence des assurances privées, soit un système de sécurité sociale - que nous nous retrouverons sans doute pour une deuxième lecture.
M. Paul Girod. Une nouvelle lecture !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Vous avez raison de me reprendre. Nous verrons donc, en nouvelle lecture, comment le texte évoluera.
Pour l'heure, je vous remercie de la qualité de vos travaux, qui, de toute façon, éclaireront utilement la suite.

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