SEANCE DU 28 JUIN 2001


M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'occasion d'une question relative au textile, permettez-moi d'avoir une pensée pour les salariés de Philips et Alcatel, victimes d'une nouvelle vague de licenciements. Ce sont toujours les mêmes qui voient leur dignité bafouée, alors qu'ils sont à l'origine de la prospérité de notre pays !
Depuis plusieurs années, dans le textile, ce sont chaque mois 2 000 emplois qui disparaissent. Aujourd'hui, on ne dénombre pas moins d'une trentaine de plans de restructuration. Je pense particulièrement aux entreprises du Nord - Pas-de-Calais naturellement : Négatex, Mosseley, Virolois, Dim, ECCE, Tissavel, Tiltex, Maquer et JCL. Je n'oublie pas non plus, monsieur le président, les entreprises des Vosges. (Sourires.)
M. le président. Je vous remercie.
M. Ivan Renar. Comment comptez-vous agir, madame la ministre, pour contourner les manoeuvres dilatoires visant à reporter le débat sur les licenciements au 9 octobre prochain ? Les salariés ont besoin de cette loi, mes chers collègues de droite. Il faut agir vite !
M. Philippe Nogrix. Cela ne sert à rien !
M. Ivan Renar. Le désengagement des grands groupes du textile, tels Chargeurs, Devanlay, DMC et Dim, entamé voilà environ une vingtaine d'années, s'accélère aujourd'hui. Ces mêmes groupes refusent d'assumer leur responsabilité et, en conséquence, les salariés se voient exclus des dispositions sociales qu'ils sont en droit d'exiger : des indemnités correctes et des plans de formation-reclassement dignes de ce nom.
Pour cette main-d'oeuvre, la plupart du temps payée au SMIC, qui a consenti d'énormes efforts de productivité pour préserver son outil de travail, la rhétorique de la fatalité n'est plus crédible. Chez Cellatex, sur 180 salariés licenciés, 22 ont retrouvé un contrat à durée indéterminée. Ce n'est pas une exception qui confirmerait la règle. Chez Dim, le plan actuel de restructuration du site de Bourbon-Lancy prévoit de reclasser certaines ouvrières sur le site d'Autun, situé à 70 kilomètres, et à la condition qu'elles acceptent le travail posté en deux-huit et éventuellement du travail de nuit.
Cette concentration d'activités vise à atteindre le taux de rendement de 15 % qu'exigent aujourd'hui les marchés financiers !
Ces industries sont pourtant innovantes et potentiellement riches en débouchés nouveaux. Elles dégagent, sur certains segments, des taux de rentabilité confortables de l'ordre de 9 %.
M. le président. Ce n'est pas parce que vous avez évoqué les Vosges qu'il ne faut pas poser votre question, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. Ivan Renar. Je vois le terrain d'atterrissage, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)
Madame la ministre, ne laissons pas à la seule initiative privée la responsabilité de la restructuration d'un secteur qui représente, encore aujourd'hui, 250 000 emplois.
Ne faut-il pas veiller à ce que les fonds publics - plus d'une vingtaine de milliards de francs en vingt ans - soient réellement destinés à développer la production ? Ne faut-il pas, au vu des profits que certains engrangent, réfléchir à la mise en place d'un régime de cessation anticipée d'activités afin d'éviter aux salariés, qui ont souvent plusieurs années de métier, d'entrer dans la précarité ?
Madame la ministre, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour décourager les actionnaires qui délocalisent et pour atténuer les drames humains que vivent les salariés et leur famille ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
M. Philippe Marini. Le PC n'a pas obtenu grand chose !
M. le président. Mme le ministre a seule la parole.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous venez de rappeler que, depuis de nombreuses années déjà, les entreprises françaises du secteur textile éprouvent de très grandes difficultés. Nous connaissons l'inquiétude des salariés de ces entreprises quant à leur avenir.
Je peux vous dire que tous les mécanismes existants d'accompagnement et de solidarité à la disposition du ministère de l'emploi et de la solidarité ont été mis en oeuvre lorsque des salariés d'une entreprise textile se sont trouvé confrontés à des difficultés. Cela a été fait pour les anciens salariés de Cellatex, dont vous venez de rappeler le drame ou pour ceux de la Lainière de Roubaix, qui bénéficient encore, vous le savez, de mesures d'appui au reclassement, dans un contexte économique local qui demeure difficile.
Nous savons que, pour revitaliser l'emploi et réindustrialiser des sites qui sont touchés, il est indispensable de mobiliser tous les acteurs concernés, à savoir les entreprises, les salariés, les partenaires sociaux, l'Etat et les collectivités locales. Vous avez mis en place un plan régional pour le textile et l'habillement, qui, grâce à un financement de l'Etat, apermis de mener les actions pour la formation et l'emploi proposées par les partenaires sociaux.
Les décisions du dernier comité interministériel pour l'aménagement du territoire, le CIADT, sur le versant Nord-Est ont permis également la mobilisation de moyens accrus pour dynamiser le bassin d'emplois du secteur textile dans la région Nord - Pas-de-Calais et dans la région voisine, mais aussi pour lutter contre la précarité et les exclusions.
Evidemment, ces mesures spécifiques conduites par l'Etat, en partenariat avec les acteurs de terrain, n'évacuent pas la responsabilité sociale des entreprises de ce secteur, notamment à l'égard des aides publiques qu'elles reçoivent.
Vous savez que les décrets d'application de la loi dite « loi Robert Hue » ont été publiés voilà un mois. (Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je pense profondément que cette loi va responsabiliser les chefs d'entreprise.
Et puis, il y a les dispositions de protection des salariés destinées à combattre les licenciements abusifs et à garantir les meilleures conditions possibles de reclassement, lorsque les licenciements sont malheureusement devenus inéluctables, qui figurent dans le projet de loi de modernisation sociale. J'ai eu l'occasion de dire mardi dernier à quel point le Gouvernement regrettait que le Sénat n'ait pas voulu débattre de ces dispositions... (Vives protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Oui, que le Sénat n'ait pas voulu débattre de ces dispositions...
M. Ivan Renar. Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... lors de la présente session. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Alain Vasselle. Le Gouvernement nous impose des conditions déplorables. C'est inadmissible !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. En tout cas, je peux vous assurer, monsieur le sénateur, que ce projet de loi sera adopté en novembre...
M. Jean Chérioux. On ne travaille pas à la cravache !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... et que nous le ferons entrer en application avec détermination. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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