SEANCE DU 18 OCTOBRE 2001


M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Ma question s'adresse à M. Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
Le dépôt de bilan du groupe Moulinex-Brandt, le 7 septembre dernier, constitue un séisme industriel pour la Basse-Normandie, et plus particulièrement pour les 2 300 personnes travaillant dans les quatre usines du Calvados.
A l'heure où je vous parle, le tribunal de commerce de Nanterre vient de reporter à lundi prochain la décision de reprise. Or tout laisse penser qu'il s'agira de la reprise très partielle de Moulinex par le groupe SEB, ce qui entraîne la fermeture des quatre usines du Calvados et la plus grande incertitude quant à l'avenir, à moyen terme, des autres sites bas-normands.
Votre responsabilité dans cette décision, monsieur le secrétaire d'Etat, comme celle du Gouvernement, est totale : tous les salariés savent que, dès le départ, vous avez privilégié la solution SEB, considérant, selon vos propres mots du 29 septembre, que cette solution était « française, industrielle et durable ».
Dès l'annonce du dépôt de bilan, chacun pressentait que les dés étaient pipés, la rapidité de la procédure mise en oeuvre ne permettant pas l'examen sérieux des propositions d'autres repreneurs.
En fait de solution industrielle française, je constate que la reprise par SEB a pour conséquence de casser des usines performantes et profitables ; je pense notamment à l'usine Moulinex de Bayeux, qui fabrique 1 500 000 friteuses par an, ce qui représente 30 % du marché européen.
On connaissait des usines qui ferment parce qu'elles perdent de l'argent. On va en connaître qui ferment parce qu'elles en gagnent !
M. Roland Muzeau. Il fallait voter la loi de modernisation sociale !
M. Jean-Léonce Dupont. En fait de solution durable, on en reparlera ! J'espère que les vingt-huit plans sociaux successifs de l'entreprise SEB ne seront pas suivis d'un vingt-neuvième.
Dès le 29 septembre, vous déclariez : « J'ai la mission de regarder toutes les possibilités de réindustrialisation des sites touchés par les fermetures et les suppressions d'emplois. Le Gouvernement mobilise tous les moyens financiers et humains nécessaires pour compenser tous les emplois perdus. »
J'aimerais vous croire, mais je ne peux que douter, me souvenant de la fermeture de la Société métallurgique de Normandie, qui s'est soldée par la suppression de plus de 5 000 emplois, une issue dans laquelle vos amis qui étaient à l'époque au Gouvernement ont une grande part de responsabilité. Dix ans plus tard, le site n'est pas un espace réindustrialisé ; c'est simplement une belle pelouse très bien entretenue !
Nombre de salariés de l'usine de Bayeux venant d'usines Moulinex qui ont déjà fermé - Granville ou Argentan - avaient déjà dû, une ou plusieurs fois, reconstruire leur vie professionnelle et personnelle.
Pour atténuer ce drame humain et collectif, et tenter de donner une lueur d'espoir à ces ouvrières qui ont vu en quelques semaines leur avenir s'écrouler, leur vie passer de la lumière de l'usine à l'obscurité des files d'attente de chercheuses d'emploi, nous vous demandons, monsieur le secrétaire d'Etat, un effort tout à fait exceptionnel. Et nous souhaitons que, très rapidement, des mesures concrètes soient proposées pour laisser le moins longtemps possible dans l'angoisse les personnes touchées par ce drame.
Sachez que nous ne vous jugerons ni aux paroles ni aux intentions mais aux actes. Je vous demande donc de nous informer des décisions que vous comptez prendre. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste et ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, le tribunal de commerce vient en effet de reporter sa décision à lundi prochain, quinze heures.
Mais je voudrais, tout en vous remerciant de votre question, vous inviter à ne pas inverser les rôles. (Marques d'approbation sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Le Gouvernement tente de limiter les conséquences humaines, sociales et économiques d'une défaillance d'une entreprise privée. Il déploie le maximum d'efforts, dans le bon sens, me semble-t-il, et il ne faut pas le rendre responsable a priori de cet incident industriel dramatique : ce n'est tout de même pas le Gouvernement qui dirige l'entreprise Moulinex ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Notre volonté est totale d'éviter la liquidation, qui serait un gâchis humain, un gâchis social et un gâchis économique.
Mes services et moi-même, au cours des dernières semaines, n'avons pas ménagé nos efforts auprès de repreneurs potentiels. Une dizaine d'offres de reprise ont été déposées ; la plupart sont d'ailleurs limitées à la reprise de l'une des filiales du groupe : Krups.
Les banques soulèvent aujourd'hui deux problèmes : d'une part, celui de la cession des titres de l'entreprise, Krups et, d'autre part, celui de la cession des stocks de l'entreprise Moulinex.
Le Gouvernement veut ici, par ma voix, réaffirmer son souhait profond - et actif - de voir les enjeux sociaux et industriels liés à la reprise du groupe Moulinex être véritablement pris en compte par l'ensemble des intervenants dans ce dossier.
Dès que la décision du tribunal de commerce sera connue, le Gouvernement prendra toutes les initiatives nécessaires pour que soient garantis aux salariés de Moulinex les moyens d'un reclassement effectif.
Deux mesures concernant plus particulièrement le secrétariat d'Etat à l'industrie peuvent être annoncées dès aujourd'hui.
Il s'agit d'abord de notre volonté de mobiliser sans limite les outils de mon département ministériel au service de la création d'activités nouvelles et de la reconversion des sites et des territoires frappés par ce sinistre industriel et social.
Nous avons, en outre, lancé une expertise tout à fait sérieuse et approfondie des potentiels de développement des bassins d'emploi. Nous sélectionnons actuellement des organismes compétents en matière de développement économique local pour que, avant la fin de l'année, je m'y engage, les organismes retenus soient au travail dans les bassins d'emploi concernés.
En tout état de cause, comme je l'ai affirmé à plusieurs reprises, nous ne laisserons tomber ni les sites, ni les territoires, ni les salariés de Moulinex. Nous nous battrons à leurs côtés pour trouver les meilleures solutions économiques, sociales et humaines, soyez-en assurés. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Qu'en pense le président du Sénat ? (Sourires sur les mêmes travées.)

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