SEANCE DU 30 OCTOBRE 2001


M. le président. « Art. 31 D. - I. - L'article L. 131-2 du code des juridictions financières est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'action en déclaration de gestion de fait est prescrite pour les actes constitutifs de gestion de fait commis plus de douze ans avant la date à laquelle la Cour des comptes en est saisie ou s'en saisit d'office.
« II. - L'article L. 231-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'action en déclaration de gestion de fait est prescrite pour les actes constitutifs de gestion de fait commis plus de douze ans avant la date à laquelle la chambre régionale des comptes en est saisie ou s'en saisit d'office. »
« III. - Les articles L. 262-33 et L. 272-35 du même code sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« L'action en déclaration de gestion de fait est prescrite pour les actes constitutifs de gestion de fait commis plus de douze ans avant la date à laquelle la chambre territoriale des comptes en est saisie ou s'en saisit d'office. »
L'amendement n° 11, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 31 D :
« I. - L'article L. 131-2 du code des juridictions financières est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'action en déclaration de gestion de fait est prescrite pour les actes constitutifs de gestion de fait commis plus de dix ans avant la date à laquelle la Cour des comptes en est saisie ou s'en saisit d'office.
« Une déclaration de gestion de fait ne peut pas être prononcée sur les exercices ayant déjà fait l'objet d'un apurement définitif de la Cour des comptes avec décharge donnée au comptable. »
« II. - L'article L. 231-3 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'action en déclaration de gestion de fait est prescrite pour les actes constitutifs de gestion de fait commis plus de dix ans avant la date à laquelle la chambre régionale des comptes en est saisie ou s'en saisit d'office.
« Une déclaration de gestion de fait ne peut pas être prononcée sur les exercices ayant déjà fait l'objet d'un apurement définitif de la chambre régionale des comptes avec décharge donnée au comptable. »
« III. - Les articles L. 262-33 et L. 272-35 du même code sont complétés par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'action en déclaration de gestion de fait est prescrite pour les actes constitutifs de gestion de fait commis plus de dix ans avant la date à laquelle la chambre territoriale des comptes en est saisie ou s'en saisit d'office.
« Une déclaration de gestion de fait ne peut pas être prononcée sur les exercices ayant déjà fait l'objet d'un apurement définitif de la chambre territoriale des comptes avec décharge donnée au comptable. »
Le sous-amendement n° 26, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 11 pour compléter l'article L. 131-2 du code des juridictions financières. »
Le sous-amendement n° 21, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa des I, II et III du texte proposé par l'amendement n° 11 pour l'article 31 D, remplacer les mots : "dix ans", par les mots : "cinq ans". »
Le sous-amendement n° 22, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa des I, II et III du texte proposé par l'amendement n° 11 pour l'article 31 D, après le mot : "définitif", insérer les mots : "et sans réserve". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 11.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement tend à ramener à dix ans la durée de la prescription en matière de gestion de fait.
Il tend, par ailleurs, à rétablir l'interdiction faite aux juridictions financières de prononcer une déclaration de gestion de fait sur les exercices qui ont déjà fait l'objet d'un apurement définitif.
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre le sous-amendement n° 26.
Mme Nicole Borvo. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous estimons que le rétablissement par la commission des lois de cet alinéa qui a été supprimé par l'Assemblée nationale institue une prescription « rampante » en matière de gestion de fait.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre les sous-amendements n°s 21 et 22.
M. Michel Charasse. C'est au Sénat que revient le mérite d'avoir, à l'occasion du rapport de M. Oudin, soulevé le problème de la durée de la prescription.
En matière de comptabilité et de gestion locales, le Conseil d'Etat, considérant que la loi n'avait rien précisé, avait, dans sa jurisprudence, fixé la durée de la prescription en se conformant au droit commun : trente ans. Il ne pouvait pas faire autrement.
Risquer d'être recherché jusqu'à trente ans après les faits, pour 2 000 ou 3 000 francs, cela a un côté dérisoire et c'est une contrainte particulièrement lourde pour les bénévoles que sont les élus locaux. Après navette, nous en arrivons, avec la solution que nous propose la commission des lois, à une prescription décénale. Mais, je le dis à nos amis de la commission des lois, je trouve ce délai trop long, même s'il est inférieur à celui que l'Assemblée nationale a proposé, à savoir douze ans.
La prescription pour un crime, c'est dix ans ! Cela signifie-t-il qu'il est aussi grave de commettre une irrégularité sur 2 000 ou 3 000 francs que de tuer quelqu'un ?
Va-t-on enfin sortir de ce système qui consiste, au fond, à libérer à n'importe quelles conditions des assassins pour consacrer l'essentiel de son temps et de son énergie à poursuivre des hommes politiques pour 3 000 francs ? (M. Lebos applaudit.) Cela suffit ! Je désapprouve donc totalement le délai de prescription de douze ans.
La prescription, mes chers collègues, ce n'est pas le pardon ! C'est le fait que plus le temps passe, plus les souvenirs s'estompent. Les témoins ont oublié ou ne sont plus là, la moitié des participants sont morts.
Par conséquent, je suis favorable à un délai de cinq ans. Cela dit, je serais prêt à faire un geste jusqu'à sept ans, parce que c'est le délai raisonnable fixé par la Cour européenne pour un procès. On ne va tout de même pas aller plus loin que la Cour européenne !
J'ajoute que je me réjouis du rétablissement, par la commission des lois, du deuxième alinéa de chacun des trois articles qui font l'objet de l'amendement n° 11 parce que considérer qu'une chambre des comptes peut revenir sur un exercice déjà jugé et apuré, c'est ramener à rien du tout l'autorité de la chose jugée, qui est un principe constitutionnel. On peut avoir toutes ambitions quand on est une jeune juridiction ! Mais il faut tout de même respecter les règles et les principes de la République française, règles et principes sans lesquels les juridictions libres n'existeraient pas.
Si la commission prévoit dix ans et l'Assemblée nationale douze ans, c'est, en fait, parce que les chambres régionales des comptes n'arrivent pas à examiner toutes les affaires. Bref, elles sont trop lentes. Mais la lenteur des chambres ne peut pas devenir un boulet que traîneraient les élus.
Je le répète je me réjouis du rétablissement de l'alinéa qui prévoit l'interdiction de la déclaration de gestion de fait une fois que l'exercice a été apuré et que les comptes ont été approuvés. On peut cependant, éventuellement, considérant qu'une chambre des comptes peut juger trop vite, préciser que, si ce compte est approuvé avec des réserves, cela signifie que la chambre se propose de revoir prochainement les comptes de façon plus approfondie. C'est la raison pour laquelle je propose d'ajouter les termes : « et sans réserve ».
Quoi qu'il en soit, je dois dire que j'attache plus d'importance à la durée de la prescription, donc au sous-amendement n° 21, qu'au sous-amendement n° 22.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 26, 21 et 22 ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Le sous-amendement n° 26 va à l'encontre de la position que la commission des lois a retenue en matière de gestion de fait. Je ne puis donc que donner un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 21 de notre collègue M. Charasse est, lui aussi, contraire à la position de la commission des lois. Mais j'ai écouté avec attention son argumentaire sur le délai et je suis sûr que, au terme de la discussion, nous arriverons à fixer un délai qui sera plus proche de ce qui lui paraît souhaitable.
Aussi, j'ai le grand espoir que, dans la perspective de cette ultime étape de négociation, il acceptera de nous laisser le minimum de souplesse requis.
M. Michel Charasse. Je retire le sous-amendement n° 21, ainsi que le sous-amendement n° 22. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Pourtant, le débat méritait d'avoir lieu !
M. le président. Les sous-amendements n°s 21 et 22 sont retirés.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 11 et le sous-amendement n° 26 ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Lorsque la chambre des comptes juge les comptes des comptables patents, elle ne se prononce que sur les opérations qui sont par définition tracées par les comptes.
Or la gestion de fait concerne soit des recettes perçues en dehors de la caisse, soit des sommes irrégulièrement extraites de cette caisse, en dissimulant la véritable destination au comptable public. Par conséquent, celles-ci ne peuvent être découvertes à l'occasion du jugement des comptes qui est tenu par le comptable de la collectivité.
Dès lors, la décharge qui est accordée au comptable patent ne saurait interdire au juge des comptes de déclarer des gestions de fait dont il aurait connaissance postérieurement, sauf à supprimer toute réalité à la procédure de gestion de fait.
Pour cette raison, je suis défavorable à l'amendement n° 11, ainsi qu'au sous-amendement n° 26.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 26, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 31 D est ainsi rédigé.

Article 31 E