SEANCE DU 6 NOVEMBRE 2001


M. le président. La parole est à M. Leclerc, auteur de la question n° 1158, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur les craintes et les attentes exprimées par les entreprises du commerce et de l'artisanat qui vont être tenues, entre le 1er janvier et le 17 février 2002, de mettre en circulation les euros et d'assurer en même temps le retrait des francs.
Chacun en conviendra, ce rôle de retrait et de mise en circulation d'une monnaie fiduciaire relève normalement plus du métier de banquier que de celui de commerçant ou d'artisan.
Et pourtant, en France, l'Etat a choisi de se tourner vers ce réseau de proximité, mais sans lui accorder aucune compensation financière. Cela est difficile à accepter pour ces professionnels car le choix de cette méthode va leur poser de nombreux problèmes concrets.
Je pense, en premier lieu, à la gestion d'une double caisse et du rendu de monnaie qui ne manquera pas, notamment en allongeant la durée des transactions, de décourager la clientèle, et peut-être d'entraîner une perte de chiffre d'affaires, mais aussi de poser un certain nombre de problèmes de gestion.
Je songe aussi au risque de pénurie de monnaie fiduciaire. En effet, la disponibilité de la monnaie en euro, mais également de la monnaie en franc, s'annonce très aléatoire durant cette période de double circulation, surtout pendant les quinze premiers jours lorsque les francs seront retirés sans que l'approvisionnement en euros soit vraiment assuré. Ce risque, si vous en doutiez encore, est évidemment lié au calendrier : le 1er janvier est un mardi ; les banques seront fermées le samedi 29 sauf exception, le dimanche 30, le lundi 31, pour nombre d'entre elles, et, bien sûr, le mardi 1er janvier.
Enfin, les commerçants et les artisans craignent aussi pour leur sécurité. Leurs fonds de caisse en francs et en euros seront alors importants et attireront, chacun en conviendra, la convoitise d'une certaine délinquance.
Les difficultés qui s'annoncent sont donc bien réelles. Aussi serait-il légitime d'accorder des compensations à ces entreprises qui vont remplir, peut-être à leur détriment, une mission de service public.
Que demandent-elles ?
Tout d'abord, elles souhaitent la création, dans le projet de loi de finances pour 2002, d'un crédit d'impôt exceptionnel pour le passage à l'euro afin de compenser le surplus de travail occasionné par cette mission qui ne relève pas de leur champ de compétence habituel. Ce crédit d'impôt pourrait s'appuyer sur les remises en francs effectuées par les professionnels auprès des banques du 1er janvier au 17 février 2002.
La deuxième demande de ces entreprises concerne la garantie des chèques, qu'elles souhaitent voir portée à 30 euros. A l'heure actuelle, la garantie de paiement des petits chèques par les banques demeure, depuis 1975, à 100 francs. Or, compte tenu du coefficient d'érosion monétaire, 100 francs de 1975 correspondent à 358,50 francs actuels, ou 54,65 euros. Cette correspondance rend tout de suite cette demande raisonnable.
Enfin, il leur semblerait judicieux, pendant la période de double circulation, de supprimer la commission des banques pour les paiements par carte inférieurs à 30 euros. Cela permettrait d'accélérer les petits paiements et les ventes dans les magasins de proximité. Cela permettrait également d'atténuer les conséquences de la pénurie prévisible de monnaie fiduciaire.
Monsieur le ministre, ces propositions me paraissant tout à fait justifiées, je souhaiterais savoir ce que vous envisagez de reprendre à votre compte.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, d'abord vous avez mis en avant une forte opposition entre l'esprit de banquier et l'esprit d'artisan. Je vous laisse la responsabilité de votre propos.
M. Patriat, qui n'a pu se libérer ce matin, m'a demandé de vous communiquer les éléments qu'il a préparés à votre intention, ce que je fais volontiers.
Les commerçants de proximité joueront bien sûr un rôle important lors de l'introduction de l'euro fiduciaire, car ils sont en relation quotidienne avec les consommateurs. C'est la proximité totale.
Néanmoins, l'Etat ne veut nullement faire assumer une mission de service public par les commerçants ou leur demander de se substituer aux établissements bancaires pour assurer la diffusion de l'euro. En effet, l'essentiel de l'alimentation des particuliers en billets et en pièces sera assuré par les agences bancaires et postales ainsi que par les distributeurs de billets. Les commerçants, comme les autres acteurs de l'économie, devront cependant utiliser pendant quelques semaines deux monnaies, car, pour des raisons facilement compréhensibles, on ne peut faire disparaître en un jour des milliards de pièces et de billets. La situation de la France n'est pas différente de celle d'autres pays où, en dépit de l'affichage d'un principe d'échange instantané, la pratique consistera également à retirer la devise nationale en quelques semaines au fur et à mesure que l'euro se diffusera.
Le rendu de monnaie en euros par les commerçants, s'il est fortement recommandé, ne sera pas une obligation. Il est toutefois de l'intérêt commercial des professionnels de pouvoir rendre la monnaie en euros à leurs clients, qui, bien légitimement, souhaiteront ne plus détenir de francs. L'intérêt des commerçants sera également de n'avoir plus à gérer de double caisse.
D'autres dispositions ont été prises pour faciliter la fluidité des transactions et éviter l'apparition de files d'attente. Ainsi, l'économie va être massivement pré-alimentée en pièces et en billets, y compris en petites coupures, de manière à faciliter l'appoint et le rendu de monnaie. Afin d'éviter tout risque de pénurie, 53 millions de « sachets premiers euros » seront vendus aux particuliers dès le 14 décembre 2001.
Les forces de police, de gendarmerie et de l'armée seront massivement mobilisées pendant cette période afin d'assurer une surveillance de proximité, encore renforcée après les actes de terrorisme du 11 septembre.
Le passage à l'euro est l'affaire de tous et chacun doit assumer sa part. L'Etat supporte des charges considérables au titre du remplacement de la monnaie fiduciaire, de la sécurité, de l'adaptation à l'euro de ses propres services et de l'organisation d'ensemble de ce grand événement.
L'Etat a déjà pris plusieurs mesures pour faciliter l'équipement des professionnels. Le prix d'acquisition des matériels et logiciels d'une valeur unitaire inférieure à 2 500 francs - vous convertirez ! (Sourire) - peuvent passer en charge déductible des bénéfices. C'est un point positif. Le projet de loi MURCEF, portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, qui est en cours d'examen par le Parlement, prévoit un amortissement accéléré sur douze mois des matériels destinés à permettre l'encaissement en euros, y compris le matériel de pesage. Une mesure supplémentaire de crédit d'impôt ne me paraît donc pas appropriée.
L'allégement des commissions pour les paiements par carte bancaire inférieurs à 30 euros, souhaité par la Confédération générale de l'alimentation de détail, est légitime. Dans l'immédiat, il est préférable d'aboutir par une négociation commerciale avec les banques. L'augmentation de la garantie de paiement des chèques à 30 euros est de nature à diminuer la vigilance à l'égard des chèques, ce qui paraît contre-productif pour les commerçants.
Les pouvoirs publics feront tout ce qui est en leur pouvoir pour alléger les contraintes dues au passage à l'euro fiduciaire. Je suis sûr que les commerçants prendront toute leur part à la mise en place de l'euro.
M. Emmanuel Hamel. Maintenez le franc !
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le ministre, ce matin, je voulais appeler votre attention sur les inquiétudes qu'éprouvent les uns et les autres à quelques semaines de l'arrivée de l'euro.
Ainsi, comme vous le savez, les particuliers nourrissent des craintes quant au niveau des prix, et l'on peut s'interroger sur les moyens dont disposent les services départementaux de la concurrence et des prix.
Les professionnels s'inquiètent également, comme je vous l'ai indiqué voilà quelques instants, d'une situation qui ne sera pas simple. Déjà, hier, exerçant mon activité professionnelle, j'ai dû encaisser différemment des chèques en euros et en francs.
Et, après le stade des professionnels, interviennent le système et le réseau bancaires : or, on observe déjà des confusions entre francs et euros dans les relevés bancaires, alors que, pourtant, l'informatique règne sur la pratique professionnelle.
Par ailleurs, comme représentant d'une collectivité locale, je dois, comme mes collègues, transférer de francs en euros des contrats d'emprunt : or, quelle n'a pas été ma surprise de constater le caractère non négligeable en faveur du système bancaire des différences résultant des conversions effectuées entre francs et euros !
Je demande donc instamment au Gouvernement d'accroître la vigilance à tous ces stades et de mettre en place certains moyens afin que nous réussissions ce passage du franc à l'euro, alors même que la juxtaposition des deux monnaies entre le 1er janvier et le 17 février ne sera pas exempte de problèmes.

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