SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2001


M. le président. « Art. 24. - Le compte de réserves affectées au financement du Fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance créé par l'article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000) est abondé de 228,67 millions d'euros.
« Ce montant est prélevé sur l'excédent de l'exercice 2000 de la branche famille du régime général de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Le fonds d'investissement pour les crèches est une bonne initiative. Il faut toutefois souhaiter que les difficultés qu'il a connues dans l'attribution des crédits soient résolues en 2002 pour qu'il fonctionne effectivement.
On peut s'inquiéter en outre de la pression exercée sur les collectivités locales, qui supportent seules le coût de fonctionnement des structures d'accueil, coût dont on sait qu'il est loin d'être négligeable.
A ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous parliez tout à l'heure des accueils et des crèches innovantes, vous devriez vous intéresser au département des Yvelines ! Peut-être le cocher est-il déjà en route, mais nous n'avons toujours pas reçu d'aide, alors qu'il y a dans ma ville une crèche, ouverte entre sept heures et vingt heures, qui est tout à fait innovante.
Il est regrettable que le Gouvernement, fidèle en cela à sa vision socialisante de la famille, s'estime quitte avec cette simple mesure.
Que prévoit-il pour les familles qui résident dans des localités où la pénurie de structures d'accueil est telle que l'accès à celles-ci ne se fait que par recommandation ?
Que prévoit le Gouvernement pour les parents dont les horaires de travail sont incompatibles avec ces structures d'accueil ?
Qu'en est-il des familles qui estiment que ce mode d'accueil n'est pas la panacée, que s'il offre des conditions de sécurité et de socialisation d'une qualité reconnue, il est, en particulier, très fatigant ?
Qu'en est-il des familles dont les enfants, plus fragiles que les autres, multiplient les ennuis de santé et ne peuvent être, en conséquence, acceptés dans les crèches ?
Rien n'est fait pour ces familles-là !
Nous, au RPR, nous souhaitons que les familles, toutes les familles, puissent avoir le choix entre les différents mode de garde : à domicile, par des nourrices, etc., et non pas uniquement dans des structures telles que les crèches ou les haltes-garderies. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Aussi conviendrait-il d'instituer une allocation qui compenserait le surcoût financier entraîné par le mode de garde choisi par rapport au prix de revient de la crèche. Cette mesure marquerait une véritable avancée sociale en faveur des familles, notamment des plus modestes d'entre elles.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par MM. Lorrain et Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Supprimer le second alinéa de l'article 24. »
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement propose d'affecter les excédents d'exercices passés dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Une telle pratique nuit considérablement à la clarté et à la lisibilité de celui-ci.
En effet, en 2002, 6,5 milliards de francs provenant de la branche famille seront affectés, sans que cela ait une quelconque incidence sur l'objectif de dépenses. En l'occurrence, ces crédits serviront notamment, comme en 2001, à verser des subventions pour la construction de crèches. Les 1,5 milliard de francs votés à cette fin l'an dernier ont été entièrement dépensés, et, sur les 1,5 milliard de francs prévus cette année, 500 millions de francs ont déjà été engagés.
Pour éviter la mise en place d'un circuit parallèle et pour restaurer la sincérité et l'objectivité de la dépense de la branche famille, dont la loi organique impose le vote, le présent amendement prévoit l'inscription dans l'objectif de dépenses des crédits affectés au fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je voudrais tout d'abord répondre brièvement à M. Gournac, car je ne peux pas laisser dire que n'interviendrions que pour favoriser tel ou tel type de structure.
On sait que, pour certains modes de garde, les coûts de fonctionnement sont moitié moindres que pour d'autres. A cet égard, des enseignements empiriques peuvent sans doute être tirés des statistiques et d'expériences qui sont menées depuis plusieurs années.
Cela étant, au-delà des 3 milliards de francs d'investissements et des mesures de fonctionnement prévues dans le plan pluriannuel qui vient d'être signé, nous avons accru de manière directe l'aide à l'emploi d'une assistante maternelle pour les familles modestes. L'AGED, que je sache, n'a pas été supprimée.
M. Alain Gournac. Elle a été réduite !
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Non, ce qui a été réduit, c'est l'avantage fiscal accordé au regard de certaines situations de ressources, afin d'éviter les effets d'aubaine.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Dans l'effort que nous consentons, nous ne privilégions pas telle ou telle formule ; nous laissons le choix aux familles. On ne peut pas tenir un double discours, vouloir une politique familiale conséquente, souhaiter que des couples d'actifs élèvent des enfants et, en même temps, ne pas élaborer les solutions qui leur permettront d'assumer au quotidien toutes les dimensions de leur vie.
M. Jean-Jacques Hyest. D'où l'AGED !
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Une politique est donc conduite, et elle se diversifie.
J'ajoute d'ailleurs - c'est l'un des éléments qui est pris en compte cette année - que l'accueil des enfants handicapés est aussi un critère de sélection des dossiers qui nous sont adressés au titre des engagements liés au FIPE.
Cela étant précisé, que puis-je dire de l'amendement n° 24 ? Il vise peut-être à traiter la forme là où ses auteurs ne savent comment aborder les questions de fond... Le Gouvernement ne peut pas être favorable à un tel amendement.
M. Jean Chérioux. Comment pourrait-il en être autrement !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 24.
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. L'article 24 a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Nous regrettons qu'il n'en aille pas de même dans cet hémicycle.
Vous dites, chers collègues de la majorité sénatoriale, qu'il convient d'encourager le développement des structures d'accueil pour la petite enfance, mais je vous rappelle que seulement 9 % des enfants âgés de trois ans et moins sont accueillis dans des structures collectives. Un effort important doit en effet être accompli, mais celui-ci ne doit pas porter que sur l'AGED, que vous évoquez continuellement : il faut aussi accroître le nombre de places de crèche.
Je veux donc souligner le rôle positif joué par le fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance, destiné à aider les communes à concrétiser leurs projets en complétant leur effort et celui des caisses d'allocations familiales.
En ce qui concerne l'amendement n° 24, il ne nous a pas véritablement étonnés, mais nous nous interrogeons tout de même sur sa portée.
Vous souhaitez que le fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 soit abondé à hauteur de 228,67 millions d'euros, soit 1,5 milliard de francs, mais vous proposez en même temps de supprimer le second alinéa de l'article 24, qui précisait quelle serait la source de financement, sans prévoir aucune solution de rechange. Il ne s'agit même pas d'un financement à crédit, comme pour la loi de 1994...
M. Jean Chérioux. Ce n'était pas à crédit ! C'était une loi programme sur cinq ans !
M. Gilbert Chabroux. Vous prenez acte de la reconduction des crédits pour 2001, ce qui permettra de créer 20 000 places de crèche supplémentaires, mais il est impossible de savoir d'où proviendront, selon vous, les 1,5 milliard de francs correspondants.
Comme nous ne pouvons pas accepter que la question de l'accueil des enfants soit traitée d'une manière aussi désinvolte, nous voterons contre l'amendement n° 24.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. On ne peut pas toujours taxer ses adversaires d'incompétence et de désinvolture, monsieur Chabroux. Je crois qu'il faut parfois savoir leur concéder quelques qualités, que pour notre part nous vous reconnaissons bien volontiers.
La démarche que la commission a adoptée vise au débranchement de l'ensemble des perfusions de toute nature qui permettaient de financer les 35 heures. Je suis de ceux qui ont fait un bilan de l'utilisation des crédits du FIPE, et je peux simplement dire que, dans la logique qui est la nôtre, la branche famille doit pouvoir remplir véritablement sa mission et disposer des moyens nécessaires. Il n'y a là aucune ambiguïté à nos yeux.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le secrétaire d'Etat, l'une de vos affirmations m'a intéressé et je voudrais vous en donner acte.
Dans la politique que défend le Gouvernement, avez-vous indiqué, il n'est pas question de privilégier tel ou tel mode de garde, notre objectif à tous étant d'offrir aux mères de famille, qui travaillent de plus en plus souvent, dont les activités professionnelles sont de plus en plus absorbantes, des possibilités variées pour la garde des enfants.
Je me réjouis de cette déclaration, parce que certains propos auraient pu donner à penser que le Gouvernement n'envisageait qu'une seule modalité de garde, à savoir la crèche collective.
Or les maires de grandes villes que nous sommes, M. Chabroux et moi, savent que les crèches collectives sont l'un des éléments de la solution, mais pas l'élément essentiel. En effet, il y a parfois des grèves dans les crèches collectives, comme ce fut le cas hier dans ma commune, et les familles sont alors confrontées à des difficultés considérables.
Monsieur le secrétaire d'Etat, puisque l'on nous affirme que le Gouvernement a une grande capacité d'innovation, permettez-moi de vous suggérer deux mesures nouvelles.
En premier lieu, le passage aux 35 heures entraîne des modifications des horaires de travail pour de nombreuses femmes. Si l'on s'intéressait davantage aux haltes-garderies, au financement des crèches d'entreprise ou aux systèmes mixtes associant collectivités locales et entreprises, je suis persuadé que l'on rendrait service à la plupart de ces femmes dont la charge et les horaires de travail ont plus ou moins varié. En effet, notre politique familiale n'a pas encore pris en compte la question de la mobilité du travail et de la modification des horaires.
M. Claude Domeizel. Mme Ségolène Royal a déjà répondu à cette question !
M. Jean-Pierre Fourcade. Oui, mais rien n'a été fait !
M. Jean-Jacques Hyest. Ce sont des mots !
M. Jean-Pierre Fourcade. Enfin, la ministre a répondu ! (Rires.)
En second lieu, nous savons que toutes les mères se heurtent à un problème qui devient de plus en plus ardu et qui tient à l'existence d'un décalage de six mois à un an entre la sortie de la crèche et l'entrée à l'école maternelle.
Au cours de cette période, il est très difficile de faire garder les enfants. Une augmentation du montant de l'AGED serait de nature, me semble-t-il, à permettre de remédier en partie à ce problème.
A cet égard, devons-nous vraiment concentrer nos efforts sur les crèches collectives de soixante places, avec toutes les lourdeurs qui s'attachent au respect des normes concernant de telles structures ? J'ai connu autrefois une directrice d'un service de la protection maternelle et infantile qui exigeait du maire que j'étais que toutes les crèches soient orientées vers le nord, de façon que les enfants ne soient pas gênés, dans leur sommeil, par des ondes lumineuses provenant des autres points cardinaux ! (Sourires.) Les normes sont ce qu'elles sont, certes, mais elles sont interprétées par des hommes et des femmes.
Si l'on faisait du jardin d'enfants une transition entre le départ de la crèche et l'entrée à l'école maternelle, les parents ne seraient pas obligés d'envoyer leurs enfants à l'école maternelle dès l'âge de deux ans, ce qui pose tout de même un certain nombre de problèmes. Nous pourrions alors mettre en place un système complet de garde d'enfants comprenant la crèche, le jardin d'enfants et l'école maternelle, et rendre ainsi service à l'ensemble de la population féminine de notre pays.
A l'heure où nous nous disputons la paternité des différentes allocations, voilà, monsieur le sécrétaire d'Etat, deux suggestions que vous pourriez demander aux services compétents d'étudier. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par la Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 24, modifié.

(L'article 24 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 24