SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2001


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Joyandet pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après ce marathon, je voudrais me réjouir de la qualité de nos débats, même si, à certains moments, ils ont pu paraître un peu trop polémiques ; c'est la loi du genre.
Je tiens simplement à insister sur quelques points.
Tout d'abord, le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui contribue très largement à éclairer la représentation nationale, est un véritable acquis démocratique irréversible. On n'imaginerait pas aujourd'hui que le Parlement ne débatte pas des comptes de la sécurité sociale. Cela montre bien qu'il s'agit d'une avancée très importante.
La commission des affaires sociales a réalisé une oeuvre d'intérêt général, par une démarche responsable et sincère, dans un souci de transparence, sans remettre en cause l'effet des différentes politiques en faveur de la sécurité sociale à laquelle nos concitoyens sont attachés.
Cette démarche a eu l'immense mérite d'éclairer notre assemblée et nos concitoyens sur la réalité de la situation. Cependant, je regrette qu'il soit nécessaire de se livrer à un tel travail de décryptage. Nous ne devrions pas passer notre temps à évoquer toutes ces tuyauteries et ces vases communicants que l'on vide ou que l'on remplit en fonction des opportunités, au mépris de l'indépendance des branches qui fonde l'organisation de la sécurité sociale.
Ce travail fastidieux s'imposait. En effet, à y regarder d'un peu plus près, on constate que les excédents si souvent évoqués ne sont pas aussi importants et que, dans certains cas, ils ont été tout simplement transformés en déficit. Si on tient compte de la dette sociale et des prévisions sur lesquelles sont fondés les espoirs de recettes pour l'années prochaine, on voit bien que la situation financière de la sécurité sociale reste encore très préoccupante pour l'avenir.
Le débat que nous venons d'avoir me renforce dans l'idée qu'il faudra bien un jour revoir le texte fondateur. En effet, nous ne pourrons pas toujours passer notre temps à décrypter les nombreuses opérations douteuses, qui jettent un trouble réel.
Chacun a pu le constater, les décisions hasardeuses ont été encore amplifiées cette année. Sur les six années de projets de loi de financement de la sécurité sociale, c'est un constat relativement inquiétant.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, j'interprète la décision de rejet de l'ONDAM comme une demande de remise à plat d'un certain nombre de mécanismes.
Plusieurs orateurs ont salué certaines avancées et l'accord que le Gouvernement a donné, notamment pour venir en aide à l'hospitalisation publique et aux cliniques privées. A cet instant, je tiens personnellement à souligner le travail très important accompli par la commission des affaires sociales, qui n'a pas tout nié, qui a consolidé ces avancées, tout en tentant d'y introduire un peu de transparence, de vérité, avec un courage que je salue à nouveau. Nous devons nous montrer vigilants. Autant nous sommes attachés à la sécurité sociale, autant nous devons veiller à ne pas accepter un certain nombre de méthodes. C'est ce qu'a fait la commission. En effet, ces méthodes qui rendent totalement illisibles les comptes de la sécurité sociale, hypothèquent, de surcroît, gravement l'avenir des régimes sociaux.
C'est pourquoi je voterai avec confiance le texte tel qu'il résulte de nos travaux, auxquels la commission des finances a apporté sa contribution. Ces travaux et le texte final que nous allons approuver honorent le Sénat. (M. Caldaguès applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la majorité de mon groupe votera le texte tel qu'il ressort de nos travaux.
Je me réjouis de l'accord qui a été trouvé avec le Gouvernement sur le financement des traitements pour les pathologies résultant d'actes bioterroristes.
Dans la discussion générale, j'ai indiqué les points majeurs qui constituent les quatre défauts de ce texte. Il s'agit, en premier lieu, de l'incapacité chronique à respecter les objectifs de dépenses en matière de santé. Il s'agit, en deuxième lieu, de la tendance irrépressible à réaliser l'équilibre en prélevant les excédents et de la branche famille et de la branche accidents du travail. Il s'agit, en troisième lieu, du renvoi sine die de toute réforme profonde du régime des retraites, comme si le fonds de réserve pour les retraites était la solution. Il n'est, hélas ! qu'un expédient, même s'il arrive à un certain montant. Il s'agit, en quatrième lieu, et c'est le point qui m'a le plus inquiété, de la frontière beaucoup trop fluctuante entre le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale. Cette année, dans cette fluctuation, le point le plus grave, que je ne saurais accepter, et que toute personne de bon sens ne peut accepter, c'est l'étranglement de la CADES.
La CADES a été créée pour rembourser la dette sociale. Avoir utilisé ses recettes pour boucher un « trou » du budget de l'Etat et interdire à cet organisme, qui a pourtant été créé à cet effet, de pouvoir rembourser le capital de la dette est une manoeuvre qui me scandalise. Jamais un responsable des finances publiques de notre pays ne s'était permis de détourner ainsi une somme provenant d'une taxe payée par l'ensemble des contribuables français, puisque la CRDS a l'assiette la plus large en matière de prélèvement ! Décider que, pendant quatre ans, on ne remboursera pas le capital de la dette et que l'on renvoie cela à plus tard, c'est, à mon avis, une faute inexcusable. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point au cours de la discussion du projet de loi de finances pour 2002.
Cela étant dit, j'ai un regret, qui concerne l'ONDAM. Je constate que je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. Joyandet et M. le rapporteur de la commission des affaires sociales. Je crois, comme vous, messieurs, qu'il faudra non pas revoir les textes mais obliger les gouvernements futurs à bien préciser le contenu des objectifs et les moyens de les mettre en oeuvre, notamment pour faire apparaître plus clairement, pour une meilleure information du contribuable et des usagers, la différence entre ce qui est remboursé ou ce qui est versé à titre de prestation et ce qui est consacré aux frais généraux des différents organismes. Certes, il existe des conventions d'objectifs et de moyens, mais la transparence n'est pas suffisante. Tout le monde doit être informé du coût de l'ensemble du système auquel nous donnons notre accord.
Voilà, monsieur le président, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire à cet instant.
Je salue le travail très approfondi de la commission, de ses rapporteurs et de son président.
Le texte qui résulte des travaux du Sénat présente l'avantage de permettre de bien distinguer ce qui appartient à la sécurité sociale et ce qui relève de la responsabilité du budget de l'Etat. Puissent nos collègues de l'Assemblée nationale respecter cette frontière ! En effet, si on continue à passer de l'un à l'autre, par des transferts complexes et incompréhensibles, un jour, nous n'aurons plus à discuter ici du financement de la sécurité sociale. Ce sera très dangereux et ce sera la négation d'une évolution de plus de cinquante ans au cours de laquelle nous aurons essayé de clarifier les comptes, fixer des objectifs, contrôler les frais généraux et déterminer le champ d'application des prestations et de l'ensemble des services qui sont rendus à nos concitoyens.
Nous avons débattu d'une masse financière de près de 2 000 milliards de francs. Aujourd'hui, les prélèvements de la sécurité sociale et du fisc sur le PIB étant supérieurs à ceux de l'Etat et cinq ou six fois plus importants que ceux des collectivités territoriales, nous devons, pour l'ensemble des Français qui les paient, mener une opération de rigueur et de transparence afin de déterminer les meilleurs critères d'efficacité. (Applaudissement sur plusieurs travées du RPR et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. A mon tour, je voudrais féliciter les rapporteurs et le président de la commission des affaires sociales. Un travail important a été réalisé.
Je vais maintenant expliquer la position de mon groupe.
L'examen par le Parlement des lois de financement de la sécurité sociale constitue un progrès démocratique indéniable. Force est de reconnaître cependant que, cette année, les méandres du financement de la sécurité sociale sont de plus en plus obscurs en raison de la complexité croissante de l'affectation des recettes et des charges à chacune de ses branches.
La réforme de 1996 avait toutefois une tout autre ambition. Le Parlement devait se prononcer sur la politique qu'il entendait voir menée en matière de santé, d'accident du travail, de vieillesse et d'aide à la famille.
Or, les débats sur la politique de prévention en matière de santé et d'amélioration des soins, sur l'avenir de nos régimes de retraite, sur l'élan nécessaire à donner à notre politique familiale et sur l'amélioration de la réparation des accidents du travail, ces débats de société qui intéressent nos concitoyens, sont bien peu abordés dans le projet de loi, monsieur le secrétaire d'Etat.
Le groupe du RPR considère que l'attitude du Gouvernement est très décevante.
L'impréparation de l'avenir qui caractérise votre démarche concerne notamment la branche famille.
Vous organisez un mécanisme pérenne de confiscation des excédents de cette branche, excédents obtenus, une fois n'est pas coutume, par une gestion excessivement sévère des dépenses en faveur des familles, par des recettes gonflées par la croissance, mais également par le transfert imposé de deux charges indues et iniques : la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, qui incombait jusque-là au budget de l'Etat, et le supplément de retraite pour ceux qui ont élevé plus de trois enfants.
Les mesures que vous nous avez présentées sont bien modestes en comparaison des efforts nécessaires pour relancer une véritable politique familiale. Pour cette raison, notre groupe approuve le mécanisme de préservation des excédents de la branche famille proposé par la commission des affaires sociales, excédents qui doivent être consacrés exclusivement aux familles.
Rien n'est fait non plus pour l'avenir de nos régimes de retraites, le Gouvernement se contentant de repousser l'échéance d'année en année. Hormis la création d'un fonds de ressources très faibles au regard des enjeux, il n'a rien fait.
Sans céder au catastrophisme, il faut exposer les faits tels qu'ils sont. Les besoins en financement de nos différents régimes de retraite vont exploser. Tous les experts sérieux considèrent que ces régimes ne pourront plus financer les prestations à partir de 2005.
Le gouvernement auquel vous appartenez devra assumer, devant les retraités et les générations qui suivent, la responsabilité de son immobilisme.
Le groupe du RPR propose de conforter la retraite par répartition, de créer une caisse de retraite des fonctionnaires d'Etat, gérée paritairement, d'harmoniser progressivement les différents régimes - ce que veulent avant tout les Français, c'est plus d'équité -, enfin, de mettre en place une véritable épargne retraite.
Aussi approuvons-nous les amendements proposés par M. Alain Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, et adoptés par le Sénat.
Rien n'est fait non plus en ce qui concerne la politique de santé. Dans ce domaine, comme dans les autres secteurs, le projet gouvernemental ne prépare pas l'avenir.
Il n'y a rien pour la prévention et l'éducation à la santé, rien pour résoudre les problèmes de démographie médicale, rien pour l'organisation et la prise en charge des urgences, rien pour les restructurations des hôpitaux, rien pour la tarification à la pathologie, rien pour la fongibilité des enveloppes, rien non plus pour les cliniques !
En revanche, le Gouvernement pérennise le mécanisme inacceptable des sanctions collectives, par le biais de lettres clés flottantes. Notre groupe ne les accepte pas. En effet, elles n'encouragent pas l'adaptation permanente des dépenses de santé en fonction de l'évolution des pratiques, des techniques médicales et des véritables besoins, notamment ceux qui sont liés au vieillissement.
Croyez-vous que cette politique soit incitative pour les professionnels de santé, surtout ceux qui ont le sentiment de faire des efforts et que vous sanctionnez aveuglément ?
Notre groupe vote contre les sanctions collectives, préférant une responsabilité individuelle fondée sur les bonnes pratiques médicales.
En ce qui concerne les comptes de l'assurance maladie, on ne peut que déplorer de voir les dépenses de santé continuer de déraper à cause de l'incapacité du Gouvernement à mettre en place les instruments d'une maîtrise médicalisée créés en 1996.
M. Claude Estier. Vous avez la mémoire courte, quand même !
M. Alain Gournac. S'agissant des recettes, la CSG était simple et compréhensible : elle reposait sur la totalité des revenus. Le Gouvernement a choisi de porter atteinte à l'universalité de ce prélèvement. Notre groupe s'y oppose et préfère l'instauration d'un crédit d'impôt comme celui qui est proposé par les deux commissions saisies sur ce texte.
Notre collègue M. Alain Vasselle a élaboré, avec les deux autres rapporteurs de la commission des affaires sociales, MM. Dominique Leclerc et Jean-Louis Lorrain, et avec le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Alain Joyandet, d'excellents rapports qui, étant donné la complexité des dispositifs proposés, ont permis d'éclairer et de faciliter les travaux de la Haute Assemblée. Je tenais à les en remercier au nom de notre groupe. Grâce à leurs propositions, le texte a retrouvé un peu de cohérence et de transparence.
C'est pourquoi le groupe du RPR votera le projet de loi amendé par la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Claude Estier. Fermez le ban !
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Les dépêches de presse que j'ai lues au cours de ces soixante-douze heures résument bien non seulement le climat dans lequel nous avons examiné le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature - climat houleux parfois, mais surtout tendu - mais également les objectifs de la commission des affaires sociales qui, encore une fois, s'est livrée à un véritable travail de démolition.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quelle déception !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Non, elle s'est livrée à un travail de reconstruction !
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Guy Fischer. Nous souhaitons rappeler notre exigence d'un débat préalable qui aurait lieu au mois de juin et qui porterait sur la définition des objectifs et des priorités de santé publique. Voilà qui donnerait du corps à un texte qui, de toute évidence, est très technique et que nous ne parvenons à modifier qu'à la marge.
Mais, le moins que l'on puisse dire, c'est que la majorité sénatoriale n'a convaincu personne.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah bon ?
M. Guy Fischer. S'agissant de votre opération vérité des comptes, monsieur le rapporteur, peu de Français en prendront à mon avis connaissance !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est dommage !
M. Guy Fischer. Et, à vouloir trop convaincre, on convainc peu !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ça, c'est votre sentiment !
M. Guy Fischer. J'en suis convaincu ! (Rires sur les travées du RPR.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui, mais il n'y a que vous !
M. Guy Fischer. Votre attitude, en fait, se résume à un parti pris contre les 35 heures ; vous êtes contre les 35 heures !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous n'avons jamais dit cela !
M. Guy Fischer. Peu soucieux de développer l'emploi stable, correctement rémunéré, vous avez voté - et c'est là aussi que nous affirmons notre identité - la pérennisation des exonérations de charges lors de l'embauche d'un premier salarié, disposition dont les effets d'aubaine sont certains. Par ailleurs, vous êtes allés beaucoup plus loin que l'Assemblée nationale, en étendant le contrat vendanges à d'autres activités saisonnières,...
M. Jean-Pierre Fourcade. La cueillette des pommes !
M. Guy Fischer. ... au mépris du code du travail et d'une véritable démarche favorisant l'emploi.
Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen se sont attachés à formuler et à défendre des propositions constructives et des positions de principe en matière de financement de la protection sociale.
J'en viens à nos demandes particulières sur les différentes branches. Ma seule satisfaction - nous avons débattu de ce point, et ce fut intéressant - porte sur les améliorations obtenues dans l'attente de la réparation intégrale des risques professionnels.
Sur l'initiative notamment du groupe communiste républicain et citoyen - je voudrais souligner à ce propos le travail qui a été fait par notre collègue Mme Beaudeau -, des amendements importants pour les victimes de l'amiante et leurs familles ont pu être adoptés. Ils concernent le cumul d'une pension d'invalidité avec l'allocation de cessation anticipée d'activité, la possibilité pour les victimes de se faire assister par un représentant d'association devant la cour d'appel lorsque la décision du fonds d'indemnisation est contestée, et la réouverture des droits des victimes à agir en faute inexcusable contre l'employeur.
Par ailleurs, dans ce seul domaine, le Gouvernement a pris un certain nombre d'engagements dont nous nous réjouissons. Le seuil d'accès au système complémentaire de reconnaissance de la maladie d'origine professionnelle devrait être abaissé à 25 %, le taux de la rente allouée aux veuves devrait être rehaussé, et le barème de capitalisation, réactualisé.
Mon appréciation est beaucoup moins positive s'agissant de réponses que nous attendions pour l'hôpital public, de la réouverture des négociations, notamment pour éviter aux syndicats majoritaires de subir l'oukase d'une négociation minoritaire, de l'utilisation et de la répartition des crédits débloqués, des besoins forts en formation des personnels.
Lorsque nous avons abordé l'examen des amendements du Gouvernement et de la commission des affaires sociales destiné à alimenter le fonds de modernisation des cliniques privées, nos prises de position ont été taxées d'« archaïques ». Il ne faut pas, comme M. Mercier l'a fait, caricaturer. Nous n'avons pas dit que les deux secteurs public et privé devaient s'opposer. De fait, au terme des restructurations, ils se complètent pour l'offre de soins. Nous avons simplement voulu pointer - et nous souhaitons avoir eu tort dans nos affirmations - les dangers qu'il y avait à vouloir les mettre sur le même plan. Nous avons fait part de nos craintes quant au peu de garanties et au ciblage des aides.
Notre souci est que l'argent public profite bien aux personnels concernés, aux infirmières, et qu'il n'aille pas grossir les finances des groupes de santé cotés en bourse. Et nos craintes sont grandes qu'il n'en soit pas ainsi ! Mais nous verrons comment les choses se passeront dans les semaines et les mois à venir.
Considérant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 était bien trop timide et pas assez volontariste pour les retraités, les familles et l'assurance maladie, les députés communistes s'étaient abstenus, prenant en compte les évolutions pour l'hôpital, notamment.
Le texte, tel qu'il a été amendé par la majorité sénatoriale, est à notre sens complètement dépecé. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'y opposeront donc résolument en votant contre.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est décevant !
M. le président. La parole est à M. Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. Le débat qui s'achève a été particulièrement difficile et tendu. Jamais, tout au long de ce débat, nous n'avons eu, mes collègues socialistes et moi-même, l'outrecuidance de vouloir vous convaincre tant est grand l'écart entre la majorité sénatoriale et nous. Nous n'avons pas les mêmes idéaux ; nous n'avons pas les mêmes préoccupations ; nous n'avons pas les mêmes analyses.
Si j'ai forcé le ton, monsieur Vasselle, c'est que vous m'avez poussé à le faire. Je regrette vos propos excessifs et souvent outranciers, votre absence d'objectivité, votre ironie débordante, votre hargne qui sont mis au service de causes que l'on ne peut admettre : la privatisation de la santé et de la retraite, une politique familiale rétrograde, et, enfin, une politique sociale étriquée, figée sur les privilèges des privilégiés.
Si vous êtes contre les 35 heures, dites-le, mais, de grâce, ne nous accusez pas d'alléger les cotisations patronales ; pas vous ! Si vous êtes contre la préservation du système de retraites, dites-le, mais ne vous cachez pas derrière des transferts de branche ! Si vous êtes contre une politique familiale innovante qui prend en compte l'évolution des mentalités et de la société, dites-le, mais ne vous cachez pas sous la couverture nostalgique de l'AGED. Si vous êtes contre les dépenses de maladie, dites-le, mais ne faites pas le choix, là encore, de servir les intérêts de ceux qui nous font dépenser plus.
Notre choix est affiché, connu de tous : nous avons sans cesse cherché à atteindre l'objectif d'une solidarité accrue entre les générations, entre les malades et les personnes bien portantes, entre ceux qui sont bien protégés et ceux qui l'étaient moins et en faveur de toutes les familles sans distinction, quel que soit leur statut juridique ou social.
Cet effort a été accompli parce que nous avons su faire le choix d'une politique économique qui - ne vous en déplaise ! - a restauré puis amplifié le retour à l'excédent de nos comptes sociaux.
Le projet de loi tel qu'il nous était transmis par l'Assemblée nationale traduisait un objectif national des dépenses d'assurance maladie prenant en compte l'effort consenti en direction de l'hôpital et des cliniques.
En contribuant au financement des 35 heures, le projet de loi initial visait à donner un peu plus de qualité de vie à tous ceux de nos concitoyens qui en ont besoin. Il favorisait l'accès aux soins ; il attestait d'un effort continu en direction des familles.
Vous n'en voulez pas ! C'est donc faire oeuvre d'irresponsabilité que de manifester un tel acharnement.
Oui, les comptes de la sécurité sociale se sont redressés. Oui, ils se sont redressés malgré vous et sans vous !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il n'y a que vous pour le croire !
M. Gilbert Chabroux. Les fruits de la croissance n'ont pas été gâchés. La preuve est là. Nous le dirons aux Français et, quand vous tenterez de leur faire croire le contraire, ils seront en droit de vous demander ce que vous comptez faire et ce que, au demeurant, pendant cinq ans, vous avez été incapables de faire.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ils auront du mal à vous croire !
M. Gilbert Chabroux. Nous voterons contre la politique que vous proposez, qui est exactement à l'opposé de celle qui est menée par le Gouvernement, laquelle, quant à elle, donne des résultats probants. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de ce débat, je veux, moi aussi, remercier MM. les rapporteurs de la commission des affaires sociales et M. About, son président, ainsi que M. le rapporteur pour avis pour la qualité de leurs travaux et la richesse de leurs interventions.
Ont été évoqués divers sujets d'une brûlante actualité : l'équilibre des régimes de retraite à moyen et à long terme, la situation des établissements de soins, qui sont dans l'impossibilité, d'une part, de surmonter les conséquences d'un manque de personnel, bientôt aggravés par la réduction du temps de travail, et, d'autre part, de disposer d'équipements suffisants en imagerie médicale et en radiothérapie bronchologique. J'en profite pour rappeler la nécessité de poursuivre la lutte prioritaire contre le cancer, y compris par la voie de la prévention et de la recherche.
La Haute Assemblée a adopté des amendements très significatifs, à l'égard tant de la complexité du système de financement, qualifié ici de « tuyauterie », que de l'anomalie qui consiste à affecter à la couverture du coût des 35 heures des ressources destinées à la sécurité sociale.
Au sujet du régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, je tiens à confirmer l'attention que nous avons portée aux remarques formulées par la Cour des comptes quant à la complexité et au caractère inéquitable de ce dispositif, dont il nous est recommandé d'entreprendre la réforme dans les meilleurs délais.
Les mesures adoptées, notamment celles qui concernent les victimes d'affections consécutives à l'inhalation de l'amiante, ont été accueillies avec satisfaction.
En revanche, nous avons pris acte avec regret de l'attitude du Gouvernement, qui a invoqué systématiquement l'article 40 pour faire échec à l'adoption de mesures en faveur des familles.
Compte tenu de ces considérations, le groupe de l'Union centriste votera le projet de loi tel qu'il a été amendé par la Haute Assemblée.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, bien entendu, en cet instant du débat, je ne répondrai pas aux propos excessifs prononcés par M. Chabroux. Mais je ne voudrais pas que nous concluions nos débats sans remercier très chaleureusement les quatre présidents de séance, qui ont fait que nos débats se déroulent d'une manière tout à fait agréable. Même si M. Chabroux et M. Fischer ont considéré que la discussion avait été difficile, tendue, voire houleuse, j'ai le sentiment d'avoir travaillé dans une ambiance conviviale, et je tiens à vous remercier, mes chers collègues, d'y avoir contribué.
Je tiens à remercier également les cinq ministres qui se sont succédé au banc du Gouvernement. Même si j'ai pu échanger avec Mme Guigou quelques propos polémiques un peu durs, je dois dire que les ministres qui lui ont succédé ont manifesté une grande compréhension à notre égard. Ils ont admis que ce débat nous amenait les uns et les autres à confronter nos idées et à défendre nos conceptions.
Nous avons tenté, chacun de notre côté, de faire valoir que la voie dans laquelle il fallait s'engager en matière de gestion des comptes de la sécurité sociale était celle que nous considérions comme la meilleure. Les Français jugeront, le moment venu, quelle était celle qui devait être suivie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Au moment où va se clore cette première lecture, et au-delà des divergences qui se sont exprimées, de manière parfois vive mais toujours franche, entre la majorité sénatoriale, d'une part, et le Gouvernement et ceux qui le soutiennent, d'autre part, je veux remercier MM. les rapporteurs, le président de la commission des affaires sociales, ainsi que tous ceux qui ont pris part à ce débat.
Vous comprendrez que je me tourne tout particulièrement vers M. Guy Fischer et M. Gilbert Chabroux et, plus globalement, vers les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste, qui ont témoigné, avec leur identité et leurs exigences propres, d'une vision de la protection sociale que le Gouvernement partage.
Je veux également remercier nos collaborateurs, ceux des groupes parlementaires, des cabinets ministériels, des administrations et, bien entendu, tous les agents des services du Sénat, qui ont permis à ce débat de se tenir, une fois de plus, dans d'excellentes conditions.
Par votre vote, mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous apprêtez donc à modifier profondément le projet de loi de financement de la sécurité sociale tel qu'il avait été adopté par l'Assemblée nationale. Le texte qui vous avait été transmis était un très bon texte, dont je rappellerai brièvement les principaux apports.
Il proposait de développer la protection des assurés sociaux contre la maladie, avec un objectif national de dépenses d'assurance maladie porté pour 2002 à 3,9 %.
Ce texte visait également à améliorer notre dispositif de couverture maladie universelle, en dispensant de l'avance de frais les personnes sortant du dispositif pour cause de dépassement, même léger, du seuil.
L'Assemblée nationale avait adopté des mesures permettant de mieux réguler les dépenses d'assurance maladie ainsi que d'instaurer un nouveau cadre de dialogue avec les professionnels des soins de ville.
Nous avions également introduit des dispositions en faveur des familles en développant l'accueil de la petite enfance, en réformant l'allocation d'éducation spéciale et l'allocation de présence parentale, et en créant le congé de paternité.
La majorité de l'Assemblée nationale avait voté de nombreuses mesures visant à permettre de mieux venir en aide aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles ainsi qu'à leurs ayants droit.
Le texte qui vous était proposé donnait aussi un « coup de pouce » en faveur des pensions de retraite pour continuer à assurer l'amélioration constante du pouvoir d'achat des retraités depuis 1997.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale a également été l'occasion, pour le Gouvernement, de répondre à l'interpellation de nombreux partenaires de la gauche plurielle quant à la situation particulière de certains de nos concitoyens qui ont cotisé plus de 160 trimestres tout en n'ayant pas atteint l'âge de 60 ans, mais qui souhaitent pouvoir bénéficier de leur retraite.
Je rappelle que, suivant la proposition du député Alfred Recours, nous avons décidé de traiter dès maintenant la situation particulière des chômeurs ou inactifs qui ont cotisé 40 ans par la création d'une garantie de ressources permettant aux personnes les plus fragilisées d'être sûres de percevoir une allocation d'un montant compris entre 5 000 et 5 750 francs par mois.
Enfin, je rappelle que le texte issu de l'Assemblée nationale comportait d'importantes mesures en faveur de l'hôpital public, constituant un « plan de soutien aux hôpitaux » et témoignant de la continuité de l'effort sans précédent que nous avons réalisé pour l'hôpital public depuis 1997. Ainsi, au total, nous consacrerons 11,7 milliards de francs supplémentaires pour 2001 et 2002 au service hospitalier.
M. Fischer ayant évoqué ce point, je lui rappelle que l'Assemblée nationale a voté le principe de l'organisation d'un débat au printemps, débat qui, souhaitons-le, permettra d'éclairer les enjeux financiers qui sous-tendent le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La lecture de ce texte par le Sénat a été, pour la majorité sénatoriale, l'occasion d'accepter de nouveaux progrès, et il n'y a pas de raison de ne pas s'en féliciter. Je pense notamment aux mesures nouvelles et ciblées destinées à revaloriser les salaires des employés des cliniques privées. Ces mesures, qui font suite à l'accord du 8 novembre 2001, portent sur un montant de 1,7 milliard de francs et s'ajoutent aux dispositions acquises dans le cadre du projet initial, l'effort financier global s'établissant ainsi à 3,1 milliards de francs. Ces mesures financières feront l'objet d'un contrôle et d'un suivi permanent pour vérifier qu'elles respectent bien les objectifs de l'accord.
Il y a quelques minutes, vous avez accepté de revenir sur votre première appréciation relative aux mesures du plan Biotox. Je m'en félicite et je puis vous assurer que le Gouvernement reprendra la concertation avec la CNAM.
Cependant, je retiens globalement que vous vous êtes obstinés à défaire ce que vos collègues députés avaient fait dans de nombreux domaines, à tel point que, naturellement, le Gouvernement ne se reconnaît plus dans le texte qui sera soumis à votre vote dans quelques instants.
Notre débat a montré une fois de plus que, dès qu'il s'agit de redistribution des richesses, de solidarité ou de droits sociaux, il existe des clivages majeurs entre les deux parties de l'hémicycle.
Parce qu'il s'agit de la dernière loi de financement de la législature, notre débat a aussi permis à chacun de porter son appréciation sur l'effort accompli depuis 1997 par le gouvernement de Lionel Jospin, avec le soutien de sa majorité, pour conforter les acquis de notre protection sociale et développer de nouveaux droits pour les assurés sociaux. Tant sur l'avenir que sur le bilan, nous ne sommes manifestement pas d'accord.
Nous avons pu développer la protection sociale des Français parce que nous avons su faire le choix d'une politique économique qui a restauré, puis amplifié le retour à l'excédent de nos comptes sociaux.
Je regrette à nouveau l'obstination de la majorité sénatoriale à mettre en doute la réalité du redressement des comptes de la sécurité sociale au cours de la présente législature. Pourtant, les excédents que nous avons rendus possibles devraient réunir tous les Français - et pourquoi pas ici aussi ? - dans un même sentiment de satisfaction.
Nous déplorons, par ailleurs, que cette obstination ne s'accompagne pas de perspectives alternatives claires : sur d'autres sujets, la majorité sénatoriale nous avait habitués à davantage d'imagination et d'audace.
De ce point de vue, le débat sur les 35 heures a été particulièrement symptomatique. Voilà une réforme plébiscitée par les salariés, créatrice de centaines de milliers d'emplois et de richesses, s'accompagnant d'un allégement de charges et relançant la négociation collective dans les entreprises : bref, une grande réforme où tout le monde est gagnant. Mais vous vous entêtez à en disséquer l'un des aspects, de manière très polémique et totalement inaudible pour nos concitoyens, sans jamais nous dire ce que vous feriez des 35 heures si les Français vous confiaient une majorité à l'Assemblée nationale ni nous expliquer comment vous auriez pu faire mieux que nous : 370 000 emplois créés, du temps libéré, des charges allégées.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous, nous ne l'aurions pas promis !
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Qu'il s'agisse des 35 heures, de la qualité de notre gestion des comptes sociaux ou de la politique de protection sociale menée depuis 1997, il y aura au moins un point sur lequel le Gouvernement rejoint le point de vue de M. Vasselle : ce sont les Français qui jugeront. A cet égard, je peux vous l'assurer, nous sommes pleinement confiants. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Vasselle rapporteur. Nous aussi !
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 17:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 207
Contre 112

M. Emmanuel Hamel. Les Français jugeront !

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