SEANCE DU 6 DECEMBRE 2001


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'emploi et la solidarité : III. - Ville.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Eric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la ville pour 2002 est, si l'on en juge aux chiffres, nettement moins dynamique que le précédent, puisqu'il croît seulement de 1,3 %. Ce ralentissement s'explique par la croissance exceptionnelle de 70 % constatée l'année dernière. Cette forte croissance résultait du fait que ce budget intégrait pour la première fois en année pleine certains dispositifs tels que les grands projets de ville, les opérations de renouvellement urbain et le fonds pour la revitalisation économique.
Les montants soumis à notre vote restent très modestes au regard des défis à relever compte tenu de l'échec des politiques structurelles. Ce budget se situant dans le peloton de queue des budgets civils, je rappellerai que les crédits pour la ville s'élèvent à un peu moins de 400 millions d'euros. Afin de fixer les idées, et si l'on en croit le « jaune », je signale que l'ensemble des dépenses de l'Etat relatives à la politique de la ville s'élèveraient à plus de 4 milliards d'euros, et l'ensemble des dépenses publiques relatives à la politique de la ville, à environ 7 milliards d'euros. Au total, le budget de la ville ne correspondrait donc qu'à environ 6 % des dépenses concacrées à la ville !
Depuis déjà plusieurs années, le Gouvernement s'évertue à démontrer le caractère prioritaire de la politique de la ville. Il ne s'agit malheureusement, selon moi, que d'une politique en trompe-l'oeil, d'un discours qui tend à pallier les lacunes structurelles et budgétaires de cette politique.
Les articles rattachés au présent budget me semblent illustrer deux des principaux défauts de cette politique : le manque d'évaluation et l'absence de traitement des problèmes à la base. Deux d'entre eux, les articles 71 et 71 bis, tendent à instaurer, pour les exonérations de charges sociales, un mécanisme de sortie progressive du dispositif des zones franches urbaines.
Les zones franches urbaines, permettez-moi de vous le rappeler, font partie des zones de redynamisation urbaine, ou ZRU. Ces zones bénéficient d'exonérations fiscales et sociales, plus favorables encore dans le cas des zones franches urbaines.
Le Gouvernement propose de mettre fin au dispositif des zones franches urbaines, pour le remplacer par un régime unique, correspondant à des zones de redynamisation urbaine, à peine renforcées. Pour ma part, je m'interroge sur le bien-fondé de cette décision.
Comme c'est fréquemment le cas pour les instruments de la politique de la ville, l'évaluation disponible sur les zones franches urbaines est lacunaire. La principale information publiée, conclurait à un doublement de l'emploi, depuis 1997, dans les zones concernées, pour un coût annuel de 300 millions d'euros, c'est-à-dire 2 milliards de francs. Quels sont les emplois que l'on doit à ce dispositif ? Le rapport au Parlement ne l'indique pas, soulignant, notamment, l'absence d'obligations déclaratives nouvelles pour les entreprises bénéficiant du dispositif.
Ma première question, monsieur le ministre, est la suivante : disposez-vous d'évaluations du nombre d'emplois créés du fait des zones franches urbaines, tant parmi les résidents que parmi les non-résidents ? Si tel n'était pas le cas, et bien que nous soyons parvenus au terme du dispositif, n'eût-il pas été préférable de le proroger dans l'attente d'une évaluation fiable de son efficacité ?
L'autre article rattaché au budget de la ville, l'article 72, est relatif à l'extension du dispositif des adultes-relais.
Les adultes-relais, mes chers collègues, sont des ex-chômeurs, recrutés pour, aux termes de l'article 72, « améliorer, dans les zones urbaines sensibles et les autres territoires prioritaires des contrats de ville, les relations entre les habitants de ces quartiers et les services publics ainsi que les rapports sociaux dans les espaces publics ou collectifs ». La politique de la ville est donc amenée, en ce cas comme en d'autres, à traiter de manière purement symptomatique, voire « cosmétique », un problème né de l'échec des politiques menées par ailleurs.
Je suis donc conduit, monsieur le ministre, à vous poser deux nouvelles questions. Ne craignez-vous pas qu'il soit difficile de concilier les deux objectifs de ce dispositif : d'un côté, satisfaire des besoins non satisfaits et, de l'autre, réduire les statistiques du chômage ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer ce qu'il va advenir de ces personnes quand elles sortiront du dispositif, ces contrats n'étant prévus que pour une durée de trois ans ?
J'en viens maintenant à mes observations générales sur le budget de la ville, remarques, qui, je le concède, reviennent chaque année, et que faisait déjà mon prédécesseur avant moi - je le salue ce soir dans notre hémicycle.
La question de la sortie du dispositif des zones franches urbaines me conduit tout naturellement à évoquer la question de l'évaluation de la politique de la ville. C'est peu de chose que de dire que celle-ci est lacunaire.
Si le ministère de la ville impose aux collectivités la réalisation de nombreuses études, il ne remplit pas les obligations qui devraient être les siennes concernant l'évaluation des actions qu'il engage. Il est donc absolument nécessaire de mettre en oeuvre, d'une part, un suivi de la consommation des crédits et, d'autre part, une évaluation qualitative des résultats obtenus par les différentes politiques menées. Monsieur le ministre, quels sont les efforts actuellement en cours, au ministère de la ville, pour améliorer l'évaluation des politiques menées ?
Ensuite, je souhaiterais souligner les difficultés résultant de la complexité des modes de financement de la politique de la ville. Ce n'est pas une spécialité de la ville, d'ailleurs ; dans bien des politiques, les financements sont, en général, complexes.
En dépit des réformes introduites au cours des deux dernières années, avec la création du fonds d'intervention pour la ville, le FIV, notamment, la situation demeure insatisfaisante.
D'une part, la complexité et la lenteur des procédures de demande de subvention demeurent un obstacle, notamment pour les associations qui participent à la réalisation des objectifs de la politique de la ville. La délégation des crédits déconcentrés, souvent tardive, empêche toute visibilité quant aux montants des crédits disponibles dans les départements.
D'autre part, le financement des opérations plus importantes demeure complexe, compte tenu de la dispersion des sources de financement.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, vous poser une dernière série de questions : le financement de la politique de la ville ne vous semblerait-il pas devoir être simplifié ? En ce cas, quels sont les moyens qui devraient, selon vous, être mis en oeuvre ?
Enfin, plus fondamentalement, je m'interroge sur la nature même de la politique de la ville. On le voit dans le cas des adultes-relais, la politique de la ville se développe en grande partie en raison des échecs des politiques structurelles qui devraient être menées par ailleurs. Dans ces conditions, on peut se demander s'il y a lieu de se réjouir de la multiplication par cinq des crédits de la politique de la ville depuis 1998 !
Je me permets donc de souligner que la nécessité de développer un budget pour la politique de la ville n'est que la traduction des échecs criants des politiques de l'emploi, de la sécurité, de l'éducation et de la famille dans certains quartiers.
Ne pas vouloir prendre les mesures nécessaires pour restaurer l'autorité, qu'elle soit au sein de la famille ou de l'école, vis-à-vis de la police ou de la justice, conduit et conduira toujours, hélas !, à voter plus de crédits pour acheter la tranquillité des banlieues.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques observations qui m'ont été inspirées par ce budget. En raison, notamment, de son manque de transparence, du fait de l'absence d'évaluation et de l'opacité de ses financements, je vous proposerai, mes chers collègues, d'en rejeter les crédits.
Monsieur le ministre, récemment, dans un département que je connais bien, le préfet, qui avait reçu délégation de crédits du ministère de la ville, n'en a pas informé la ville chef-lieu de canton, si bien que ces crédits sont retombés, si j'ose dire, dans le giron du ministère sans que le maire en soit même informé. L'incident n'a été découvert que quelque temps après. Cet exemple montre bien le manque de transparence qui prévaut en la matière. Mais je me permettrai de vous adresser une petite note sur ce dossier précis ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. André, rapporteur pour avis.
M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'actualité le montre chaque jour, nous vivons au quotidien une dégradation de la situation générale dans nos villes et dans nos quartiers. Malheureusement, ce phénomène fait tache d'huile dans les communes périurbaines et même dans nos petites communes.
Au-delà des rapports, des chiffres, des conclusions d'experts, des déclarations des uns et des autres, si la politique de la ville était une réussite, nous le saurions !
La politique de la ville revêt, par nature, un caractère interministériel. Elle est aussi directement liée à la politique économique et à celle de l'emploi, qui ont une incidence directe sur les conditions de vie des habitants des quartiers en difficulté.
Or, depuis plusieurs années, le Gouvernement ne cesse de négliger le volet économique de la politique de la ville. J'en donnerai deux exemples avec les zones franches urbaines, les ZFU, et l'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l'EPARECA.
Nous vous le disons de nouveau, monsieur le ministre, c'est la mixité économique qui favorisera la mixité sociale dans nos villes et nos quartiers.
Dans ce sens, votre budget ne répond pas aux attentes de nos villes, c'est-à-dire de 75 % de la population de notre pays !
Les crédits budgétaires d'Etat s'élèvent à 3,57 milliards d'euros et sont en stagnation en euros constants.
Dans le budget total de 7 milliards d'euros, nous trouvons des fonds européens, des prêts de la Caisse des dépôts et consignations que les collectivités locales auront à rembourser, puis 167 millions d'euros de fonds provenant des caisses d'allocations familiales, alors que ce sont des organismes privés qui ne reçoivent aucune subvention de l'Etat.
A tout cela s'ajoutent 1,1 milliard d'euros provenant des collectivités territoriales.
Compte tenu de ce qui précède, la commission des affaires économiques s'interroge sur l'équilibre entre les transferts de compétences et les transferts de charges opérés par l'Etat.
Une de nos craintes, monsieur le ministre, est qu'au nom de « l'effet levier » de vos crédits, comme vous le déclarez régulièrement et comme on aime dire à la FIV, vous ne favorisiez les communes les plus riches au détriment des plus défavorisées, c'est-à-dire celles qui rencontrent le plus de difficultés.
Le 31 décembre 2001, le dispositif « zones franches urbaines » aura vécu. Rarement un gouvernement aura mis un tel acharnement à critiquer un outil particulièrement efficace, mais qui semblait vraiment le gêner.
L'objectif fixé en 1996 par les auteurs du dispositif était de créer en cinq ans 5 000 emplois et 10 000 entreprises et obtenir que les quartiers bénéficient de 20 % de ces emplois.
Votre ministère annonce la création de 23 000 à 26 000 emplois et de 7 000 entreprises. L'Association nationale des zones franches urbaines, de son côté, tire le bilan suivant : 50 000 emplois ont été créés, c'est-à-dire dix fois plus que ce qui était prévu ; entre 20 000 et 25 000 entreprises ont été créées, 50 % à 55 % d'entre elles étant des créations pures ; le taux d'embauche dans les quartiers varie entre 30 % et 35 %. Cela montre bien que les premiers bénéficiaires sont bel et bien ceux qui vivent dans ces zones.
La réussite des zones franches urbaines s'explique par leur simplicité : un territoire, des exonérations d'impôts.
En revanche, le système de remplacement des zones de redynamisation urbaine, les ZRU, que vous nous proposez, est voué à l'échec, car il est trop complexe. Il mélange subventions et défiscalisation dans des conditions confuses et peu attractives pour les entreprises.
Mais, en marge de la réussite des zones franches urbaines, nous tirons quelques enseignements.
Il est inadmissible qu'en 2001 aucune administration française ne soit en mesure de nous communiquer deux chiffres simples portant sur une période de cinq ans : le nombre d'emplois et le nombre d'entreprises créés.
Il serait souhaitable, cela a déjà été dit, que le Gouvernement mette en place une procédure d'évaluation de toutes ses politiques qui soit aussi rigoureuse que celle qu'il applique aux zones franches urbaines.
Monsieur le ministre, il est également inadmissible que certaines administrations ou certains organismes, par exemple l'URSSAF, refusent d'appliquer la loi, les réglementations ou les directives du Gouvernement.
Permettez-moi de vous demander quelles sanctions vous prendrez à l'encontre des organismes qui entravent ou ont entravé sciemment l'application de la loi relative aux exonérations fiscales et sociales. (M. Larcher approuve.)
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Il ne se passe pas un jour sans qu'un maire soit menacé ou traduit devant les tribunaux civils ou administratifs,...
M. Gérard Larcher. C'est exact !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. ... alors que certains, eux, restent à l'abri.
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Gérard Larcher. C'est du vécu !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Pour la politique de restructuration des quartiers en difficulté, une enveloppe de 500 millions de francs est ouverte pour la démolition de 150 000 logements. La commission des affaires économiques souhaiterait que le Gouvernement rende public un échéancier des démolitions envisagées dans les années à venir, ainsi qu'une évaluation du coût des opérations.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Pierre André, rapporteur pour avis. A propos du commerce en restructuration dans les quartiers en difficulté, nous nous interrogeons sur l'efficacité de l'EPARECA. Nous souhaiterions connaître les raisons pour lesquelles cet établissement n'est pas en mesure de remplir les missions qui lui ont été confiées.
La seule qualité de votre budget, monsieur le ministre, est d'être le reflet de votre politique. Ce budget n'est pas clair, il ne dégage pas de ligne de force capable d'apporter une ébauche de solution à la situation actuelle de nos villes.
Par conséquent, la commission des affaires économiques demande au Sénat de rejeter les crédits consacrés à la ville. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Olin, rapporteur pour avis.
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le temps qui m'est imparti pour présenter ce soir l'avis de la commission des affaires sociales, je m'attacherai à formuler trois préoccupations, car je crois faire partie des maires qui parlent de la politique de la ville parce qu'ils la conjuguent au quotidien.
M. Gérard Larcher. Eh oui !
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. En 2001, le Gouvernement a conforté les orientations prises en faveur du renouvellement urbain par le comité interministériel des villes du 14 décembre 1999. Je reviendrai d'ailleurs sur le Conseil national des villes et du développement urbain, le CNV, où je souhaiterais que l'on travaille en amont plutôt qu'en aval.
Le comité interministériel avait annoncé la mise en place de deux outils : les grands projets de ville et les opérations de renouvellement urbain.
Le comité interministériel des villes du 1er octobre dernier propose un programme en quatre points pour, selon le Gouvernement, « tourner la page des cités-dortoirs » : l'accélération du programme des démolitions-reconstructions d'immeubles, la sélection de nouveaux quartiers pour des opérations de renouvellement urbain, des grands travaux de ville pour le désenclavement des quartiers, enfin, un programme de rénovation des copropriétés dégradées, qui répond à un besoin réel.
Des moyens sont annoncés, budgétaires pour une petite part, extrabudgétaires pour une large part, grâce tant à des prêts qu'à l'intervention du 1 % logement.
La commission des affaires sociales juge intéressantes les propositions du Gouvernement, mais elle assortit son jugement de deux réserves fortes.
La volonté politique de consacrer des moyens financiers à ces programmes devra être soutenue avec constance. La stabilité des crédits consacrés aux grands projets de ville en 2002, soit deux ans après la création de cet outil important, augure mal d'une mobilisation à long terme en faveur du renouvellement urbain. Telle est ma première réserve.
Par ailleurs, la commission estime qu'il n'est possible de mettre fin aux cités-dortoirs qu'en brisant la logique qui s'est installée depuis plusieurs décennies, celle de la ségrégation entre les zones d'habitat et les zones d'emploi. Cet objectif ne sera atteint que si l'on implante l'activité économique dans les quartiers défavorisés : la zone franche en est une preuve concrète.
Or, et c'est ma seconde réserve, le développement économique de ces quartiers reste incertain.
Le pacte de relance pour la ville avait proposé un instrument qui a, depuis, prouvé son efficacité : les zones franches urbaines.
Vous savez, monsieur le ministre - nous en avons souvent discuté ensemble -, combien j'y suis attachée. Je les ai largement défendues, et je reconnais avoir été, dans une certaine mesure au moins, écoutée.
Les entreprises ont été incitées à s'installer dans des quartiers sinistrés et, cinq ans plus tard, le bilan de ces zones est plus que positif.
Dans le dernier rapport qu'il a remis au Parlement, en juillet dernier, le Gouvernement admet, tardivement peut-être, la réussite de cette politique. Après les conclusions aussi assassines qu'infondées d'un rapport rédigé en 1998 par l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, je me félicite que le Gouvernement ait trouvé son chemin de Damas.
Le dispositif des zones franches arrive à échéance ; sans doute ne pouvait-il pas être reconduit éternellement. Les acquis en termes d'activité et d'emploi devraient être préservés grâce au mécanisme de sortie graduelle contenu dans le projet de loi de finances.
En remplacement, le Gouvernement propose trois outils, dont les deux premiers n'ont pas encore rempli leurs promesses.
Le fonds de revitalisation économique, d'abord, reste inopérant en raison de sa complexité, dissuasive pour les petits entrepreneurs. Les annulations de crédits dont il est victime - près de 15 millions d'euros en 2001 en moyens de paiement - témoignent de cette inefficacité. Il est temps de revoir ce mécanisme.
Le dispositif des adultes-relais, pour sa part, reste une mesure de traitement social du chômage que le Gouvernement élargit aujourd'hui, puisqu'en 2001 les recrutements n'atteignaient pas un tiers des objectifs annoncés.
Sans doute le nouveau régime unique d'exonération permettra-t-il d'atteindre de meilleurs résultats s'il évite l'écueil d'une dispersion des moyens entre les zones ciblées.
Le dernier point de mon intervention sera consacré à la montée de la violence. Chaque élu - et vous êtes comme moi, monsieur le ministre, l'élu d'une ville qui n'est guère facile - est conscient de ce phénomène alarmant.
A titre d'exemple, je rappellerai que les dégradations et les destructions de biens, qui constituaient une part modeste des délits et des crimes dans les années quatre-vingt, en représentent aujourd'hui 14 %.
Les professionnels de santé, que ce soit dans les cabinets médicaux, en visite à domicile ou à l'hôpital, sont de plus en plus souvent victimes de ces agressions.
Certes, le Gouvernement a proposé de sécuriser les cabinets médicaux en rassemblant les médecins dans des « maisons médicales », d'élargir la vocation initiale du fonds de revitalisation économique pour permettre aux officines de s'équiper en rideaux de fer, vidéosurveillance ou sas de sécurité, et de favoriser le recrutement de « médiateurs de santé » pour accompagner les médecins. C'est une solution, mais nous ne devons pas reculer devant la violence.
Sans doute était-ce là une première réponse nécessaire, mais elle augure d'une démission assumée face au phénomène de la violence. Le plan anti-violence mis en oeuvre par certains services publics, notamment par les caisses d'allocations familiales, témoigne de cette évolution préoccupante, qui voit des îlots de sécurité se créer en même temps que la violence s'installe autour.
Assurément, le budget consacré à la politique de la ville n'est pas celui du ministère de l'intérieur ; mais les efforts menés au nom de cette politique ne peuvent qu'être vains si, par ailleurs, la sécurité n'est pas restaurée.
Monsieur le ministre, je crois avoir toujours été très claire et très franche. En tant que rapporteur de la commission des affaires sociales, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat pour le vote des crédits de la ville. Mais cette position n'est pas, loin de là, un blanc-seing donné au Gouvernement ; elle traduit simplement le fait que nous prenons acte de vos propositions, et elle s'assortit d'une mise en garde solennelle : il ne peut y avoir de politique de la ville si la violence dans les quartiers n'est pas jugulée et si la politique de la ville, au travers de ses financements, n'est pas davantage simplifiée. ( Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Mme Printz applaudit également. )
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion des dispositions du projet de loi de finances concernant la politique de la ville pour 2002 nous place en face de plusieurs questions essentielles du débat public ; il s'agit des problèmes de logement, de sécurité, de scolarisation, d'emploi ou encore d'environnement.
Aujourd'hui, 80 % des Français vivent en milieu urbain, soit 44 millions de personnes, dont un grand nombre est quotidiennement confronté aux difficultés engendrées par la délinquance, la dégradation de l'habitat ou les problèmes de transport.
Or, face à cette masse de difficultés à gérer, les crédits inscrits en faveur du ministère de la ville marquent un piétinement certain dans le projet de loi de finances pour 2002.
Avec 372 millions d'euros, soit une croissance de 1,3 %, ce budget n'est pas à la hauteur des défis qu'il a la prétention de relever.
La vérité, c'est que, comme dans plusieurs autres domaines essentiels de la vie des Français - la sécurité ou l'emploi, par exemple - le gouvernement Jospin a engagé vis-à-vis de la ville une politique en totale inadéquation avec les réalités du terrain.
La plupart des mesures de solidarité urbaine n'ont pas été suffisantes pour permettre une réelle émergence des zones dites sensibles. Les situations sociales se sont même souvent détériorées.
Le pourcentage de diplômés supérieurs reste deux fois inférieur à la moyenne nationale. Le nombre de titulaires d'un baccalauréat représente à peine 24 %, contre 37 % ailleurs. Le taux d'activité dans ces quartiers a régressé, passant de 69,5 % en 1990 à 68 % en 1999, soit cinq points en dessous de la moyenne nationale. Le taux de chômage, quant à lui, est resté en 1999 deux fois plus élevé que la moyenne nationale, soit 25,4 % contre 12,8 %.
Ce que le Gouvernement nous a présenté comme sa grande réforme pour la ville, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui devait, entre autres choses, réformer le code de l'urbanisme et les règles applicables à la copropriété, s'est réduit à un cortège de taxations supplémentaires et de mesures coercitives imposées aux collectivités locales sans aucune concertation.
De même, en matière de lutte contre l'insécurité, les débats qui ont eu lieu dans notre assemblée ont déjà mis en évidence les graves lacunes de la politique gouvernementale depuis 1997, lacunes qui se traduisent par une augmentation galopante de la délinquance au cours des dernières années : hausse inquiétante de 5,72 % au cours de la seule année 2000 et de près de 10 % pour le premier semestre 2001 ; augmentation sensible des vols avec violence et des dégradations de biens publics et privés ; surtout, explosion des violences contre les personnes.
A quoi sert de concevoir une politique ambitieuse dès lors que le sentiment d'insécurité devient largement dominant dans les catégories de la population française les plus directement concernées, catégories qui sont bien souvent aussi les plus fragiles ?
Comment espérer que de vagues mesures d'accompagnement, comme les contrats locaux de sécurité - les recrutements se sont avérés difficiles et les formations incomplètes - puissent constituer une réponse adéquate aux problèmes endémiques d'insécurité urbaine ?
Les excellents rapports de nos collègues Eric Doligé, Pierre André et Nelly Olin ont clairement mis en évidence les nouvelles dérives dans les zones sensibles, où même les médecins sont empêchés d'accomplir leur devoir d'assistance médicale tant les menaces qui s'exercent sur eux sont fortes.
Comme pour les contrats locaux de sécurité, il est peu probable que la création conjointe par les caisses nationales d'assurance maladie et le ministère de la ville de « maisons médicales » dans les quartiers difficiles puisse apporter une solution durable, et rapide, à ce qu'il faut bien qualifier d'actes antirépublicains.
A chaque fois qu'une zone sensible est qualifiée ou ressentie par ses habitants comme une zone de « non-droit », c'est tout un pan de la politique de la ville qui s'effondre, et je vous rappelle que le nombre de ces quartiers qui font honte à notre démocratie est passé en cinq ans de 145 à 750.
Nous ne saurions, bien entendu, monsieur le ministre, vous en tenir pour seul responsable. Dans ce dramatique délabrement de l'ensemble de la politique de sécurité du Gouvernement, les responsabilités sont partagées entre plusieurs ministères.
Le ministère de la justice d'abord, dont l'ambition réformatrice en matière de présomption d'innocence n'a finalement conduit qu'à compliquer inutilement les procédures et les missions des forces de l'ordre et des tribunaux.
M. Roland Muzeau. Vous avez voté la loi !
M. Christian Demuynck. Je n'insisterai pas ici sur l'incidence que peut avoir sur la vie de ces quartiers la présence de délinquants connus de tous et arrêtés à de nombreuses reprises, mais qui continuent, malgré tout, à sévir en toute impunité.
Le ministère de l'intérieur, ensuite, a prouvé qu'il n'avait pas pris la mesure réelle de l'enjeu représenté par la sécurité en réduisant la part relative à l'agrégat de la politique nationale de 55,5 % à 52,02 %. La forte mobilisation syndicale de ces dernières semaines révèle pourtant le cruel manque de moyens et d'effectifs auquel sont confrontées les forces de police et de gendarmerie.
Daniel Vaillant n'est cependant pas le seul qui doive être incriminé. Il a dû assumer le lourd passif laissé par son prédécesseur, M. Jean-Pierre Chevènement : manque de formation des agents de police de proximité, faiblesses de la politique d'affectation des forces de l'ordre sur le territoire, absence de prise en compte des demandes formulées par les syndicats de police ainsi que par les élus locaux, etc.
Votre ministère enfin : les crédits en faveur des grands projets de ville, pourtant directement voués à prévenir la délinquance stagnent à 10,6 millions d'euros, soit 210 000 euros par projet. Cette dotation insuffisante contraste avec les annonces du Gouvernement et n'apporte pas de réponse satisfaisante aux problèmes soulevés.
De même, les crédits du fonds d'intervention pour la ville concernant la prévention de la délinquance, de la récidive et les aides aux victimes d'infractions pénales n'étaient que de 3,31 millions d'euros en septembre 2001, alors qu'ils avaient atteint 15,23 millions d'euros en 2000. Une telle dégradation est incompréhensible dans le contexte actuel.
Ainsi, la politique de la ville que nous propose le Gouvernement n'a pas les moyens de ses ambitions et elle pâtit des importantes erreurs de gestion commises depuis 1997, erreurs dont la collectivité continue à payer le prix.
Enfin, je souhaite attirer l'attention de notre assemblée sur la discordance de la politique gouvernementale : le Gouvernement prétend à la fois développer la politique d'intégration urbaine, à grand renfort d'effets d'annonce d'ailleurs, mais, dans le même temps, il se désengage progressivement du financement de ces mesures.
Alors que la part des financements de l'Etat reste constante, les collectivités territoriales, par le biais des contrats de ville et des contrats Etat-régions, ont en effet dû quadrupler leurs contributions depuis 1998, passant de 357 millions d'euros à 1,11 milliard d'euros : savante opération de passe-passe qui permet à l'Etat de se décharger à bon compte sur des collectivités de plus en plus exsangues !
On voit mal comment, dans de telles conditions, le Gouvernement pourrait encore justifier ses réticences à accorder aux maires des moyens suffisants pour traiter au plus près les problèmes de sécurité, d'urbanisme et d'environnement.
Ce projet de loi de finances est, en fait, le révélateur des incohérences de la politique socialiste depuis 1997 : le Gouvernement a conçu la politique de la ville comme une politique de traitement de la crise des quartiers, de la même façon qu'il a conçu la politique de réduction du temps de travail comme une politique de traitement de la crise du chômage, c'est-à-dire sans réelle vision d'avenir, sans consultation, et au mépris de l'intérêt de la collectivité à long terme.
Les Français, monsieur le ministre, sauront s'en souvenir lorsque viendra, bientôt, le temps de faire les comptes.
Bien sûr, je ne voterai pas ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque l'on examine tant les crédits de la ville dans le projet de loi de finances pour 2002 que les conclusions du comité interministériel de la ville du 1er octobre dernier, les moyens et outils proposés tant en matière d'habitat et de requalification urbaine que d'accompagnement des populations en difficulté paraissent, à première vue - et malgré le ralentissement de l'effort budgétaire consenti depuis 1998 - intéressants.
Par ailleurs, l'excellente analyse faite par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, Mme Olin, a parfaitement mis en évidence non seulement les atouts, mais aussi les lacunes et les faiblesses de ce projet de budget.
Pour ma part, je me permettrai d'émettre quelques réserves, voire des craintes, sur la mise en oeuvre de la politique de la ville sur le terrain, laquelle ne transparaît pas directement dans le document budgétaire.
Deux exemples me semblent particulièrement significatifs de la difficulté de passer de la théorie à la pratique.
Le premier est celui de l'accompagnement des populations en difficulté assuré par les associations dans le cadre des contrats de ville. Bien que leur mission soit largement reconnue et que des financements leur soient en principe alloués, l'accès à ces crédits relève pour bien des associations d'un véritable défi. Elles doivent d'abord comprendre les mécanismes de financement et définir les financeurs susceptibles de retenir leur dossier. Or les services instructeurs eux-mêmes ne sont pas toujours en mesure de leur indiquer si une action relève de la politique de la ville ou du droit commun, voire des deux.
Depuis le transfert des crédits de l'ancien fonds interministériel pour la ville au fonds d'intervention pour la ville, le FIV, les nouvelles règles de financement peuvent poser quelques problèmes aux associations dont le rayonnement est intercommunal. En effet, contrairement à l'ancien FIV, le contrat de ville impose une contrepartie locale en complément des financements de l'Etat et de la région. Lorsqu'une association intervient sur un territoire important, il lui est donc désormais nécessaire d'obtenir l'accord de toutes les collectivités concernées, ce qui, dans la réalité, se révèle souvent difficile.
La précarité de fonctionnement des associations induite par la reconduction annuelle et toujours hypothétique des projets limite encore davantage la possibilité de conduire une action qualitative inscrite dans la durée. La pluriannualité des financements peut permettre une amélioration de la qualification des intervenants et du contenu des actions. Pourtant, à ce jour, selon l'enquête réalisée dans le cadre du rapport « Associations et politique de la ville », seules 17 % des préfectures interrogées recourent à la procédure des conventions pluriannuelles. Or n'oublions jamais que les associations sont pratiquement nos seuls intervenants de proximité. Ce sont elles qui, au quotidien, sont « envoyées au feu » dans les quartiers en difficulté, mais elles interviennent dans des conditions bien trop précaires pour que leur efficacité auprès des habitants soit optimale.
Deuxième sujet très important que je souhaite évoquer : les programmes de requalification urbaine dans lesquels se sont engagées les communes et agglomérations éligibles aux grands projets de ville, les GPV, pour la période 2000-2006.
Là encore, on se heurte à la lourdeur excessive des procédures, chaque échelon des services déconcentrés de l'Etat ajoutant des contraintes à celles de l'échelon précédent.
Dans le Valenciennois, par exemple, deux années de négociations avec les différents partenaires signataires des conventions « contrat ville » auront été nécessaires pour parvenir à un accord.
Depuis le mois de septembre 2001, le GPV est entré dans sa phase opérationnelle. A ce stade, l'Etat a demandé des études sociales et urbaines complémentaires avant d'envisager le début de l'instruction des dossiers. Les études ont été lancées à l'automne 2001. Leurs résultats seront connus à la fin de 2002. Les premiers projets verront donc le jour à la fin de 2003 ou au début de 2004 puisque l'on estime à vingt-trois mois au minimum la phase d'instruction d'un dossier d'investissement pour un GPV. Cela signifie que les opérations lourdes, qui sont par là même les plus importantes pour changer la physionomie des quartiers et surtout des logements, seront concentrées sur 2004-2006, soit une période très brève.
Le risque est réel que les communes et l'intercommunalité ne puissent assumer financièrement un grand nombre d'opérations dans un délai aussi court. Comment réaliser en trois ans ce qui aurait dû être fait en six ans ? Comment ne pas comprendre l'impatience et l'incompréhension des habitants des quartiers qui voudraient enfin « voir les choses bouger » ?
A la lenteur des opérations, il convient d'ajouter le manque de lisibilité des modalités de mise en oeuvre des GPV. A l'origine, leur objet était de subventionner des opérations de requalification urbaine à un taux largement supérieur au droit commun - 80 %, voire 90 % - afin de permettre à des communes à faible potentiel fiscal de lancer des opérations qu'elles n'auraient jamais pu financer seules. En pratique, dans mon département, les premières notes communiquées aux élus par les services de l'Etat sur la marche à suivre énuméraient les dépenses subventionnables de manière très restrictive, ce qui en réduisait d'autant l'impact. Cette pratique a soulevé un vif mécontentement.
Aujourd'hui, on nous annonce, lors des réunions techniques entre services de l'Etat et collectivités, que les voiries et réseaux divers ne seront probablement financés qu'à hauteur de 20 % de la dépense subventionnable, alors que les élus pensaient obtenir une aide équivalente à 80 % ou à 90 % du montant de l'opération. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que, à l'heure d'élaborer des budgets communaux déjà difficiles à équilibrer, de telles incertitudes accentuent les appréhensions des élus, qui, dès lors, hésitent à s'engager dans une démarche aussi lourde.
Dans ces conditions, il ne serait pas étonnant que les crédits disponibles pour les investissements au titre des GPV soient sous-consommés. Ne serait-il pas plus logique, une fois le cadre du contrat établi, de laisser un peu plus de souplesse et d'autonomie aux élus dans l'élaboration des programmations annuelles ?
Permettez-moi de reprendre les propos d'un de mes collègues, maire de la ville de Hem, qui rappelait que l'objectif n'est pas d'avoir une procédure « carrée, mais des quartiers rénovés, des populations intégrées, des commerces et des entreprises installées et des emplois créés ».
Telle doit être en effet notre ambition. Or, actuellement, on semble perdre de vue cet objectif très simple. Aussi je voudrais conclure, monsieur le ministre, en vous alertant sur la façon dont la politique de la ville est vécue dans nos territoires. Si l'approche technocratique qui prévaut aujourd'hui n'est pas rapidement corrigée, je crains que les efforts entrepris ne soient toujours en décalage par rapport aux attentes des populations en difficulté. (Applaudisements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps qui m'est imparti étant particulièrement bref, j'irai directement à l'essentiel.
Les chiffres sont clairs : plus 15,6 % par rapport au budget 2001, qui avait lui-même déjà augmenté de 47 % ; 538,16 millions d'euros pour les crédits spécifiques « ville » en 2002, somme comprenant les dépenses ordinaires et les autorisations de paiement, contre 144 millions d'euros en 1997, soit une progression de 274 %.
L'effort public total, qui comprend l'effort des collectivités locales, s'élève à 6,2 milliards d'euros pour la politique de la ville, auxquels s'ajoutent 1,1 milliard d'euros de prêts de la Caisse des dépôts et consignations.
Du strict point de vue budgétaire, l'effort est notable et la cécité qui frappe la droite - hormis Mme Olin - est étonnante.
Mme Nelly Olin. Un peu de décence, mon cher collègue !
M. Roland Muzeau. J'ai dit : « hormis Mme Olin » !
Ce projet de budget marque - comme la loi SRU et l'accélération des programmes de démolition-reconstruction - la volonté du Gouvernement de changer d'échelle. Le groupe communiste républicain et citoyen s'en félicite.
Les problèmes de la ville concernent 43 millions de nos concitoyens, près de huit personnes sur dix. Pour faire face à cet enjeu de société, aux mutations considérables des activités humaines concentrées dans les secteurs urbains, aux exigences de la population des villes, c'est l'ensemble de la politique de la nation qui doit être mis en mouvement.
Dans cet esprit, à titre d'exemple, nous désapprouvons la volonté des services de l'Etat qui, comme dans le département des Hauts-de-Seine, veulent transférer la charge des antennes de justice dans les GPV, les grands projets de ville donc aussi à la charge des communes, alors que cela dépend exclusivement du ministère concerné.
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Nous sommes d'accord !
M. Roland Muzeau. Nous vivrons encore longtemps les conséquences d'une planification urbaine en crise profonde, comme de la politique de zonage affectant des territoires selon leurs fonctions - activité, habitat, loisirs, chalandise - et entraînant un perpétuel allongement des temps de transports.
Dans les évolutions lourdes des vingt dernières années, la montée d'un chômage massif et d'une précarisation des populations les plus démunies s'est concentrée dans certaines villes, dans certains quartiers, au sein de zones déjà fragilisées par la conception même de l'organisation urbaine dominante.
M. Hilaire Flandre. C'est votre fonds de commerce !
M. Roland Muzeau. Il faut bien l'admettre, les différentes politiques de la ville menées n'ont pas réglé au fond les problèmes, ni même eu tous les effets attendus : les exclus de la croissance sont massivement restés des exclus.
Le renouvellement urbain ne prendra véritablement son essor que si l'on s'attaque aux conditions économiques de revitalisation des villes. Or le volet de l'emploi, qui ne dépend pas de votre budget, monsieur le ministre, repose encore essentiellement sur une logique de traitement social du chômage.
Force est de constater que ce sont toujours les mêmes qui souffrent. Certains cèdent au découragement. D'autres fuient les zones urbaines, dès qu'ils le peuvent.
Force est aussi de constater que ce sont toujours les communes les plus en difficulté qui supportent les charges les plus lourdes, et les solidarités entre collectivités restent encore à construire.
M. Eric Doligé, rapporteur spécial. Il répète tout ce que l'on a dit !
M. Roland Muzeau. Lorsque nous le disions, vous ne l'entendiez pas !
Ce sont ces communes qui courent après l'ouverture d'un guichet de poste dans les quartiers dits sensibles, qui s'opposent à la décision insensée, incompréhensible et brutale d'un chef d'entreprise de fermer un site - vous ne le dites pas ! - qui cherchent les moyens d'exercice du droit pour chacun de vivre en sécurité dans les lieux de son choix, les moyens d'une éducation qui ne laisse personne sur le bas-côté.
M. Christian Demuynck. Pourtant, ils soutiennent le Gouvernement !
M. Roland Muzeau. Par ailleurs, travailler et bénéficier d'un habitat digne de ce nom sont les deux grandes questions qu'il convient de résoudre.
Selon certaines sociétés anonymes d'HLM, la politique de la ville signe vingt ans d'échec.
« Nous avons trop longtemps été négligés dans l'élaboration de la politique de la ville », estime pour sa part M. Michel Ceyrac, président du groupe 3F, premier groupe d'habitat social en France.
Peut-être, mais nombre de bailleurs n'ont-ils pas depuis longtemps négligé la ville et leur propre implication dans la mise en oeuvre du renouvellement ? La réponse me semble aller de soi.
Il importe également que l'Etat se fasse entendre auprès des sociétés anonymes d'HLM, les SA HLM, et notamment les plus puissantes d'entre elles, et auprès de grands collecteurs comme l'Office central interprofessionnel du logement, l'OCIL, qui utilisent trop souvent les actions de la politique de la ville pour améliorer leurs comptes et leurs bilans financiers.
Il ne s'agit plus seulement de parer au plus pressé, il s'agit de changer de mode de vie pour bien vivre ensemble en ville. Il faut donc aider fortement les différents acteurs, collectivités locales, associations qui, avec les services de l'Etat, rejettent ghettos et zonages, et recherchent le moyen de retisser du lien, de récréer de la solidarité.
Enfin, préoccupation lancinante, les collectivités locales et les associations se heurtent toujours à l'excessive complexité des circuits, au manque de souplesse des procédures,...
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Voilà !
M. Hilaire Flandre. On est tous d'accord !
M. Roland Muzeau. Cela m'étonnerait !
Elles se heurtent toujours, disais-je, à l'insuffisante coordination des sources de financement et à la lenteur des mécanismes de délégation des crédits.
Arriverons-nous un jour à simplifier cela ? Nous l'espérons vivement !
Je note avec intérêt que le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales a émis un avis de sagesse sur les crédits de la ville pour 2002.
Compte tenu de ces observations constructives, le groupe communiste républicain et citoyen votera donc ce budget, tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Hilaire Flandre. La solidarité gouvernementale !
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Je pensais que vous émettriez un avis de sagesse !
M. le président. La parole est à Mme Printz.
M. Eric Doligé, rapporteur spécial. Pas trop de louanges ! (Sourires.)
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Un peu tout de même ! (Nouveaux sourires.)
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année encore, l'honneur me revient de défendre le budget de la ville au nom du groupe socialiste et, comme je le fais depuis quatre ans, je me félicite de l'augmentation de ses crédits. Il s'agit non pas d'un manque d'originalité de ma part ou d'un manque de volonté de varier le contenu de mes interventions, mais du constat de l'augmentation d'un budget qui traduit la volonté d'un gouvernement de faire de la politique de la ville une priorité et d'inscrire celle-ci dans la durée.
Depuis quatre ans, le Gouvernement a en effet entrepris une importante revalorisation des moyens destinés à la politique de la ville. Cette mobilisation s'est concrétisée dès la loi de finances pour 1999, qui a augmenté de plus d'un quart les crédits concourant au développement social urbain. Le budget pour 2000 a poursuivi cette évolution de l'effort public en faveur de la ville, de même que le budget pour 2001, soit une augmentation de 65 % en seulement trois ans.
Les crédits pour 2002 poursuivent cette progression puisque le budget de la ville, qui ne s'élevait qu'à 944 millions de francs en 1997, mobilisera 2,5 milliards de francs. Il permettra de financer la montée en puissance des dispositifs de renouvellement urbain et de revitalisation économique mis en place depuis trois ans. Sachant qu'un franc investi par le ministère de la ville suscite au moins sept francs d'autres crédits ministériels, l'estimation de l'effort public en faveur de la ville dépasse ainsi 40 milliards de francs.
Aucun gouvernement n'a jamais mobilisé des moyens aussi importants pour la ville.
Au-delà de l'aspect financier, c'est toute une façon de penser et d'appréhender la ville qui a changé, et nous savons, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas étranger à cette nouvelle approche. Depuis votre nomination, vous n'avez pas hésité à vous rendre sur le terrain, dans les villes et les banlieues de tout le pays...
M. Hilaire Flandre. C'est la moindre des choses !
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Même à Garges-lès-Gonesse !
Mme Gisèle Printz. ... afin de vous rendre compte au plus près d'une réalité que vivent six millions de nos concitoyens. En outre, vous êtes en permanence à l'écoute des acteurs qui appliquent et font la politique de la ville au quotidien.
M. Alain Joyandet. C'est la brosse à reluire !
Mme Gisèle Printz. Vous avez su mobiliser les énergies au coeur des quartiers et réussi à faire de la politique de la ville une réalité ancrée dans la durée.
Elle s'affiche désormais comme un véritable outil de développement social et d'intégration des quartiers à la ville. Les cinquante grands projets de ville et les soixante opérations de renouvellement urbain se fondent tout à fait sur cette logique. L'entrée en application des 247 contrats de ville 2000-2006, sous la responsabilité des sous-préfets à la ville, a également consacré ce changement d'échelle puisqu'ils constituent une réponse adaptée à la lutte contre les processus de ségrégation urbaine et sociale.
En 2002, 90 % des crédits seront toujours consacrés au financement de ces contrats, avec des priorités d'intervention correspondant aux attentes des habitants en matière d'éducation, de prévention et de sécurité, d'environnement, de culture et d'accès à l'emploi et aux services publics.
Je souhaite insister sur ces deux derniers points, qui me semblent particulièrement importants.
Les problèmes d'accès à l'emploi doivent être mieux pris en considération ; le renforcement du programme « adulte relais » est en cela très important. Il faut cependant aller plus loin, car les discriminations raciales à l'embauche sont bien réelles et elles nuisent depuis des années à l'intégration des populations issues de l'immigration. En outre, elles nourrissent un sentiment d'injustice de plus en plus mal ressenti par des jeunes souvent réduits à des caricatures, assimilés aux agissements répréhensibles d'une minorité.
Trois sites pilotes, dont celui de Thionville, en Moselle, ont été choisis dans le pays pour mettre en oeuvre un diagnostic et des formations dans ce cadre. J'ai ainsi pu me rendre compte de la motivation de l'ensemble des partenaires qui se sont tous engagés à faire du contrat de ville le lieu privilégié de construction d'une politique publique d'intégration.
Monsieur le ministre, vous connaissez bien ce problème et, le mois dernier dans la presse, vous avez fort justement déclaré : « Les jeunes issus de l'immigration doivent avoir d'autres choix que d'être voyous, être intégristes ou être Zidane. C'est à nous, les politiques, de rendre ces choix enfin accessibles. »
Nous soutenons donc cette excellente initiative, qui devra être généralisée à l'ensemble des contrats de ville, pour favoriser l'embauche et l'insertion professionnelle de ces jeunes qui font beaucoup d'efforts et qui méritent de s'en sortir.
Pour ce qui est de l'accès aux services publics, il est essentiel, pour atteindre pleinement l'objectif, d'intégrer les quartiers à la ville. La présence de services publics au sein des quartiers se développe. C'est une très bonne chose. Toutefois, attention ! Nous connaissons les réticences de certaines professions à se délocaliser - je pense, par exemple, à la justice ou même aux personnels des préfectures et sous-préfectures. Les intentions sont là, mais je crains que nous ne nous heurtions encore à des mentalités qui doivent évoluer pour que soit mis fin au sentiment d'exclusion omniprésent dans les quartiers.
Le comité interministériel de la ville qui a eu lieu le 1er octobre dernier a démontré une volonté commune d'enrichir et d'amplifier les actions menées, pour favoriser le développement d'une ville équilibrée et solidaire. Les efforts seront ainsi intensifiés dans trois directions.
Tout d'abord, il faut tourner définitivement la page des cités-dortoirs, en redonnant vie aux quartiers les plus en difficulté, en élargissant à trente sites supplémentaires les crédits exceptionnels de renouvellement urbain, en accélérant les démolitions de logements obsolètes ou encore en améliorant l'accessibilité de ces quartiers. Sur ce point, le programme d'accession à la propriété lancé dans les quartiers populaires est une très bonne chose, car il attirera des personnes extérieures qui n'auraient jamais souhaité être locataires, permettant ainsi une mixité très importante. Un programme similaire mené dans mon département a abouti à ce qu'un collège qui était classé en zone sensible depuis dix ans ne le soit plus aujourd'hui.
Ensuite, les efforts seront intensifiés pour favoriser la réussite scolaire et sociale des jeunes, afin qu'ils trouvent une place dans notre société.
Enfin, les efforts seront intensifiés pour améliorer le cadre de vie et sécuriser la ville, notamment par un renforcement de la présence humaine. La sécurité est en effet la première des libertés, et une présence humaine massive y contribue efficacement. Toutefois, il convient de donner un vrai statut à ces personnels. Si l'on prend l'exemple des agents locaux de médiation sociale, il s'agit d'un travail à temps partiel, mal rémunéré, souvent perçu comme un job d'appoint, alors que c'est un vrai travail à fortes responsabilités. Il ne faut pas hésiter à former et à rémunérer les personnes à proportion du travail demandé. Ce point pourrait faire l'objet d'une réflexion.
Je souhaite maintenant vous alerter, monsieur le ministre, sur le dispositif du fonds de revitalisation économique, le FRE, destiné à stimuler les activités économiques dans les quartiers sensibles.
Ainsi, depuis juin dernier, les entreprises de moins de onze salariés se voient proposer des avantages financiers si elles souhaitent se développer ou s'installer en zone urbaine sensible. Malheureusement, à ce jour, cette mesure n'a pas obtenu le succès escompté.
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Voilà un point sur lequel nous sommes d'accord !
Mme Gisèle Printz. Il s'agit pourtant d'une initiative très intéressante, et nous pensons qu'elle doit être maintenue en y apportant des améliorations.
Je souhaiterais à présent dire quelques mots sur les associations, et plus particulièrement sur leur financement. Comme vous le savez, monsieur le ministre, les associations occupent une place fondamentale dans la mise en oeuvre de la politique de la ville. L'augmentation des moyens budgétaires doit aller de pair avec les subventions attribuées au monde associatif. Aussi, nous ne pouvons que saluer l'effort réalisé dans ce budget en leur faveur. Le dossier et le guichet unique ont été de réelles avancées. Mais, attention ! ces réformes doivent être correctement appliquées par les administrations. Il n'est en effet pas rare de voir des associations contraintes de remplir leur dossier de demande de subventions en plusieurs exemplaires.
Il convient donc de veiller à l'application des règles de simplification. Pourquoi ne pas aller encore plus loin dans ce sens ? Je pense notamment à l'avance de fonds, pour les petites structures de quartiers et les associations communales, qui n'ont ni les moyens ni la logistique des grands réseaux associatifs nationaux. Les premiers versements sont parfois tardifs. Ne serait-il pas possible, par exemple, de créer un groupement d'intérêt public qui permettrait cette avance de fonds ?
Monsieur le ministre, ces quelques réflexions m'ont été suggérées par les acteurs de terrain que j'ai rencontrés, qui croient en votre détermination et veulent la réussite de votre politique.
Avant de conclure, je souhaite rendre hommage aux animateurs des équipes intervenant dans le cadre des maîtrises d'oeuvre urbaines et sociales. Ces chargés de mission accomplissent un travail considérable et leur implication dans la politique de la ville contribue à sa réussite. Au-delà des mots, je pense qu'il faut se pencher sur la question de leur statut, car ces personnes restent confinées dans la précarité de leur poste.
En conclusion, monsieur le ministre, je ne serai pas plus originale que l'année dernière ou les années précédentes en déclarant que votre budget est un bon budget et que vos orientations sont excellentes. Nous vous faisons confiance, ainsi qu'au gouvernement de Lionel Jospin, pour poursuivre et coordonner cette politique ambitieuse. Le groupe socialiste votera ce budget sans hésiter. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Ça c'est un scoop, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique de la ville, c'est d'abord une grande ambition, une grande exigence, mais elle implique de la modestie, de l'impartialité et surtout de la persévérance.
Je serai bref, car les excellents rapports de MM. Doligé, André et de Mme Olin m'amèneront à me concentrer essentiellement sur le volet économique.
Votre budget, monsieur le ministre, a atteint un volume jamais atteint auparavant, je vous en donne acte. De même, je vous donne acte du fait que vous avez su écouter le terrain. A l'occasion d'un certain nombre de colloques, notamment à Nantes, Montpellier, Vaulx-en-Velin, des orientations concrètes ont pu être dégagées. Elles ont immédiatement été traduites dans les faits à travers des contrats de ville, des grands projets de ville ou des ORU, les opérations de renouvellement urbain.
Je vous donne acte également de ce que la loi Chevènement a donné une impulsion à l'intercommunalité. Elle a permis de doter le territoire de communautés urbaines, de communautés d'agglomérations ayant la compétence politique de la ville, mais favorisant une vision plus globale, et donc une action plus concrète dans le domaine de la politique de la ville.
Cela étant, monsieur le ministre, vous me permettrez d'être déjà beaucoup plus critique à propos de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui, à mon avis, aura des effets exactement contraires à son exposé des motifs. Elle gèle les terrains, elle crée la rente foncière et favorise donc la ségrégation sociale.
Permettez-moi également d'émettre un avis très critique - c'est aussi de la politique de la ville qu'il s'agit - sur la loi, pour l'aménagement et le développement du territoire, qui, normalement, aurait du accélérer la mise en oeuvre des fameux contrats d'agglomération, lesquels devaient mettre en mouvement les contrats de ville. Ces derniers sont, en quelque sorte, le volet lutte contre l'exclusion, lutte pour l'intégration sociale desdits contrats d'agglomération, qui en fait se déclinent au futur incertain.
Je ne parlerai pas des contrats locaux de sécurité, car cela prendrait beaucoup de temps. Mme Nelly Olin, rapporteur spécial. Alors là, c'est la peau de chagrin !
M. Jean-Paul Alduy. Je dirai simplement qu'il n'ont rien à voir avec un contrat et qu'ils provoquent souvent un véritable désespoir chez celles et ceux qui avaient cru en une démarche partenariale.
Je n'aborderai pas la sécurité, je n'aborderai pas le cadre de vie, je n'aborderai pas non plus les dimensions nouvelles de démolition ou de remodelage de nos cités. Je concentrerai mon propos, comme je l'ai dit, sur le volet économique.
Lors de la réunion du comité interministériel des villes et du développement social urbain, le CIV, qui s'est tenue au mois de décembre 1999, vous avez annoncé un certain nombre de mesures, qui ont été évoquées tout à l'heure.
Force est de constater - et cela a déjà été dit par les orateurs précédents - que le Fonds de revitalisation économique n'a pas donné les résultats escomptés. L'information sur le terrain reste totalement insuffisante. La mobilisation n'est pas au rendez-vous. Quant aux 150 équipes emploi-insertion qu'ont-elle donné ? Quelle a été leur mobilisation ? On aurait aussi bien pu prendre appui sur un certain nombre d'expériences qui avaient déjà porté leurs fruits ; je pense notamment aux régies de quartiers, qui mobilisaient l'ensemble des acteurs sociaux des quartiers en difficulté.
S'agissant des 10 000 adultes-relais, vous serez obligé, si cela n'a pas déjà été fait, de faire appel aux collectivités locales si vous voulez atteindre vos objectifs.
Le dispositif qui va démarrer le 1er janvier 2002 est ambigu. Il se répartit sur l'ensemble des zones de redynamisation urbaine, les ZRU, une partie des mesures portant sur l'artisanat et le commerce correspondant à peu près à celles qui existaient dans les zones franches urbaines.
Quant aux autres mesures, qui prévoient des choses très compliquées, à mon avis, elles ne porteront pas leurs fruits.
Je pense que vous me voyez venir avec les zones franches urbaines ! Je sais que, peu à peu, vous avez évolué sur ce sujet, mais j'ai envie de vous inciter à faire encore un petit effort.
De toute façon, si l'on avait procédé à une évaluation honnête, à la fois quantitative et qualitative, en allant au contact des équipes de terrain et des maires, on aurait compris que c'est l'exclusion économique qui engendre l'exclusion sociale, et non l'inverse. Tant que l'on ne s'attaquera pas au problème de l'exclusion économique de ces territoires, l'ensemble des autres mesures ne donneront que des résultats précaires et très fragiles. Il faut donc, prioritairement, mettre l'accent sur ce que l'on a appelé la discrimination positive d'un certain nombre de territoires pour leur donner une rente économique et, à partir de là, mettre en mouvement une dynamique de l'emploi dans ces quartiers.
Venez dans ces zones franches, discutez avec leurs habitants ! Ils ont revu des commerces, ils ont revu des gens cravatés, venant au bureau dans leur quartier. Ils ont revu des services publics, ils ont revu des entreprises citoyennes devant recruter sur place et se posant le problème des trajectoires professionnelles de ces jeunes en difficulté ou de ces chômeurs de longue durée qui allaient de guichet en guichet, de prime en prime.
Une voie est tracée. Certes, elle l'a été par le Gouvernement précédent et donc, immédiatement, elle suscite la réticence. Mais je crois que si l'on s'intéresse vraiment à la politique de la ville, on n'a pas le droit d'avoir un regard partisan sur les politiques menées. Je ne l'ai pas pour la vôtre. Je vous demande de ne pas l'avoir pour celle de vos prédécesseurs et de prendre appui sur les orientations qui existent déjà pour aller plus loin et redonner à cette politique de la ville les bases dont elle a besoin, à savoir une politique du développement économique des quartiers concernés. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai le plaisir de vous présenter pour la quatrième année le budget de mon ministère.
Permettez-moi d'insister brièvement, en introduction, sur la continuité et la cohérence des orientations de la politique de la ville menée par le Gouvernement.
Il est très important en effet que cette politique mobilise dans la continuité les efforts des gouvernements successifs si l'on veut qu'elle produise tous ses effets sur le moyen terme. Nous sommes nombreux à partager cette vision si j'en juge par l'avis de sagesse qu'a émis la commission des affaires sociales, sur proposition de son rapporteur, et par le ton constructif du rapport général et du rapport de la commission des affaires économiques.
Reconnaissons ensemble que, sans la croissance et tant que ses moyens étaient limités, cette politique innovante ne pouvait qu'amortir les effets les plus dramatiques de la crise dans nos quartiers populaires.
Les rapporteurs ont pu constater, malgré leurs réserves sur certaines modalités, que la politique de la ville a radicalement changé de dimension depuis 1998.
Dans le contexte nouveau de croissance, le CIV du 30 juin 1998 a recentré cette politique sur les priorités que sont l'emploi, la sécurité et l'éducation. Le CIV du 2 décembre 1998 lui a conféré une dimension intercommunale et lui a permis de rallier de nouveaux partenaires, en particulier les départements. Ce CIV s'est également attaché à simplifier des procédures de financement trop lourdes pour les collectivités locales et les associations de quartier.
Les 247 nouveaux contrats de ville 2000-2006 ont été dotés par l'Etat de 2,4 milliards d'euros, alors que le XIe plan n'avait engagé l'Etat que pour 1,8 milliard d'euros. Le budget de mon ministère est ainsi passé de 115,10 millions d'euros, en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, en 1998, à 372,20 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2002, soit 223 % d'augmentation, plus qu'un triplement.
Au-delà du seul budget du ministère de la ville, l'effort public global en faveur de la politique de la ville, tel qu'il est récapitulé chaque année de manière plus rigoureuse dans le « jaune », dépassera 6 milliards d'euros en 2002, soit un doublement par rapport à 1998.
Mon budget a tout d'abord donné priorité à une remise à niveau des moyens des contrats de ville dans les budgets 1999 et 2000. La quasi-totalité des contributions éparpillées des différents ministères a également été regroupée sur mon budget ; la nomenclature budgétaire a été simplifiée et la mise à disposition des crédits au niveau local accélérée.
Le CIV du 14 décembre 1999 a permis de franchir un nouveau palier important, au-delà des interventions traditionnelles de la politique de la ville désormais confortées. Il a, en particulier, engagé un vaste programme de renouvellement urbain centré autour de cinquante grands projets de ville et trente opérations de renouvellement urbain.
Ce programme a été doté de 763 millions d'euros - soit 5 milliards de francs - de crédits budgétaires sur la période 2001-2006 et de prêts de la Caisse des dépôts dont la bonification permet de bénéficier de taux à 3 %. Il a été complété par la création d'un Fonds de renouvellement urbain doté de 458 millions d'euros, soit 3 milliards de francs, alimenté par les fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations.
Le CIV de 1999 donne également une priorité nouvelle à la revitalisation économique des quartiers, et je sais que ce sujet vous paraît, à juste titre, déterminant pour la réussite de la politique de la ville.
Le Gouvernement a statué sur le devenir de l'expérience de quarante-quatre zones franches urbaines, dont le coût important et l'absence de dispositif d'évaluation suscitaient l'interrogation.
Sur la base de plusieurs rapports d'inspection et d'évaluation, qui en soulignaient les résultats mitigés, et selon les atouts naturels des zones d'activités concernées et le dynamisme des politiques locales, j'ai tranché en faveur d'un maintien et d'une moralisation du dispositif pour qu'il profite encore davantage aux habitants des quartiers. J'observe au passage que d'autres grands observateurs, comme François Bayrou, mettent l'accent sur la nécessité de renforcer les incitations à l'emploi dans les zones franches. J'ai pu constater, dans un journal du soir, qu'il avait une approche pour le moins critique du dispositif que je viens d'évoquer.
En outre, j'ai souhaité prolonger les exonérations de manière dégressive pendant trois ans, pour éviter une fuite des entreprises au moment de la fin programmée des zones franches. L'effort budgétaire supplémentaire que cela va occasionner est important et me paraît devoir être souligné. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne souhaite pas renforcer la dégressivité, comme la commission des affaires économiques l'a proposé.
Il souhaite d'autant moins la renforcer que je propose d'étendre à d'autres quartiers des exonérations plus ciblées, de manière à rendre les 416 zones de redynamisation plus attractives pour l'activité économique. Ces mesures font l'objet de l'article 71 du présent projet de loi de finances, et je suis heureux de constater qu'elles vous paraissent aller dans le bon sens.
Pour répondre à une interrogation de Mme le rapporteur pour avis et d'autres élus sur l'interprétation de la loi en ce qui concerne la période d'embauche qui ouvre droit aux exonérations dans les zones franches urbaines, je vous propose d'apporter les précisions nécessaires dans cet article 71.
Il ne sert à rien d'entretenir des illusions sur le dispositif des zones franches. Il est tout de même paradoxal que les tenants de l'économie libérale veuillent maintenir sous perfusion, pour des périodes très longues, plusieurs centaines d'entreprises, de commerçants ou d'artisans ! En outre, vous savez tous très bien que nous devons respecter la réglementation européenne, qui ne nous autorise ni à prolonger indéfiniment ce dispositif ni à l'étendre à d'autres quartiers ou bassins de population.
C'est d'ailleurs un problème que j'ai découvert lors de ma prise de fonctions dans ce ministère, car des engagements précis avaient été pris par le prédécent gouvernement s'agissant du nombre d'habitants et de la superficie des territoires concernés par ce dispositif. Heureusement, la Commission européenne n'a pas été trop regardante sur ce dispositif-là - elle en avait critiqué d'autres très sévèrement - et je m'en félicite. Je n'en dirai pas plus sur ce point.
M. Alain Joyandet. Nous sommes des libéraux interventionnistes !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. C'est aussi en pensant à ces autres quartiers que le Gouvernement a prévu l'intervention, dans toute la géographie de la politique de la ville, d'un Fonds de revitalisation économique, créé par la loi SRU et doté de 500 millions de francs, qui permettra de soutenir le tissu commercial existant et d'inciter à la création ou à l'installation de nouvelles activités.
Cette priorité donnée à la revitalisation économique se veut aussi un signal de retour à la société du travail, que viendront relayer les efforts des 150 équipes emploi-insertion en cours d'installation dans les quartiers pour favoriser le retour à l'emploi de ceux qui en sont le plus éloignés.
Les décisions du CIV de 1999, dont la mise en oeuvre a été amorcée en 2000, se sont traduites pleinement dans la loi de finances pour 2001, qui a connu une augmentation sans précédent de 70 %, dépenses ordinaires et crédits de paiement confondus ; cette augmentation a concerné l'ensemble des lignes budgétaires d'intervention - fonctionnement et investissement - de mon ministère.
Ces nouveaux outils et les moyens supplémentaires de la politique de la ville répondaient à une attente forte des acteurs, celle de « changer de braquet ». De nombreuses réussites commencent à se faire jour, ce qui constitue un encouragement à continuer.
Le comité interministériel des villes du 1er octobre dernier constituait donc logiquement une nouvelle étape pour prolonger les efforts entrepris dans trois directions.
Première direction : en finir avec les cités-dortoirs. Il s'agit d'élargir à quarante sites supplémentaires les crédits exceptionnels de renouvellement urbain, d'accélérer le rythme de démolition de logements sociaux obsolètes, jusqu'à 30 000 par an, d'intensifier les efforts de remise à niveau du bâti et de construction d'une nouvelle offre de logements sociaux dans le cadre de la loi SRU ; il s'agit aussi d'apporter des aides au traitement des copropriétés en difficulté ou encore de lancer de grands travaux de desserte de certains quartiers et de réduction des coupures urbaines qui les maintiennent en marge des agglomérations.
Deuxième direction : améliorer la qualité de vie dans des villes apaisées. Les organismes d'HLM bénéficieront d'une augmentation de crédits de 150 millions d'euros pour améliorer l'environnement des quartiers, tandis que la présence humaine sera renforcée - avec des gardiens d'immeuble ainsi qu'avec des adultes-relais dont les salaires seront financés à 80 % par le ministère de la ville - dans les lieux publics, les écoles et les HLM. Les professionnels de santé seront également aidés dans leurs projets de sécurisation ou de regroupement.
Je ne sais pas si cela donnera des résultats à long terme, mais, à court terme, il fallait que ces professionnels se sentent soutenus pour rester auprès de cette population qui a tant besoin d'eux.
Troisième direction : donner toute leur chance aux jeunes. Le Gouvernement renouvellera ses aides pour la réfection des écoles dans les communes pauvres et aidera à l'émergence de projets éducatifs impliquant école, parents, associations et ville, pour favoriser la réussite scolaire et sociale des enfants. Le Gouvernement accordera également des aides à la création de nouveaux lieux d'accueil des jeunes, notamment en soirée. Les initiatives des jeunes seront encouragées, par exemple lorsqu'ils veulent créer des entreprises ou mettre en oeuvre des projets culturels. Leur mobilité sera stimulée, afin qu'ils découvrent d'autres villes ou d'autres pays. Enfin, des plans locaux de lutte contre les discriminations seront mis en oeuvre, comme le souhaite Gisèle Printz.
Ces différentes mesures du dernier CIV mobiliseront de nouveaux moyens financiers, inscrits, pour ce qui concerne l'Etat, principalement sur les budgets du ministère de la ville et du ministère du logement, de l'équipement et des transports, et cela pour partie dès 2002, je le souligne.
Je me permets de corriger à cette occasion l'affirmation de Gilles Carrez, reprise dans le rapport de la commission des affaires sociales, selon laquelle l'engagement des partenaires du 1 % dans la politique de renouvellement urbain viendrait en lieu et place du budget de l'Etat. Il viendra bien en sus des 10 milliards de francs de crédits budgétaires que le Gouvernement consacrera à ces nouvelles mesures.
Le projet de budget de la ville pour 2002 connaît donc à nouveau une progression, pour consolider et accompagner la montée en puissance de ces différents programmes.
Ainsi, par rapport à l'année 2001, le budget pour 2002 qui vous est soumis est en augmentation globale de 15 % en dépenses ordinaires et autorisations de programme ou de 1,5 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement. En volume, le budget du ministère dépasse 530 millions d'euros. Au total, le budget augmentera de près de 21 millions d'euros en dépenses ordinaires et de près de 52 millions d'euros en autorisations de programme.
Vous aurez noté que, dans un souci d'économie, les moyens de fonctionnement propres à la délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain - nouvel article 37-60-10 - qui étaient restés stables depuis trois ans, sont en légère réduction pour 2002.
La quasi-totalité des crédits est donc destinée à des actions de terrain, et déléguée à plus de 90 % aux préfets.
L'augmentation des subventions de fonctionnement pour 2002 permettra d'intensifier les actions menées dans le cadre des grands projets de ville et de prendre en compte le démarrage des nouvelles actions issues du CIV du 1er octobre, comme le renforcement des contrats éducatifs locaux ou les bourses de mobilité pour les jeunes, par exemple. Ces efforts viendront compléter l'abondement, décidé en 2001, des contrats locaux de sécurité.
Je précise à l'attention de Mme Nelly Olin que le programme « ville-vie-vacances » a également bénéficié d'une rallonge budgétaire de 8 millions d'euros en cours d'année.
Pour l'investissement, l'augmentation significative, de 30 %, des moyens d'engagement permettra de répondre à la montée en puissance du programme national de renouvellement urbain et à son extension récente.
En réponse à vos interrogations sur la baisse des moyens de paiement, qui sont effectivement en légère diminution pour l'exercice 2002, je vous précise que leur montant permettra de répondre largement aux besoins compte tenu des crédits dont disposent déjà les préfets ainsi que de la budgétisation du fonds d'aménagement de la région Ile-de-France - le FARIF - et du transfert sur mon budget des crédits correspondants. Les informations dont je dispose à ce jour témoignent d'un niveau raisonnable de consommation des crédits d'investissement et même d'un rattrapage des reports accumulés.
Je voudrais ici souligner que les communes concernées par la politique de la ville sont souvent les plus pauvres. Elles rencontrent parfois des difficultés pour mobiliser les contreparties nécessaires ou pour assumer le coût de fonctionnement induit par de grands travaux. Mon budget prévoit une aide spécifique pour ces communes - article 46-60-40 - et la dotation de solidarité urbaine, la DSU, a été augmentée.
Je crois toutefois qu'il faudra, à l'avenir, se résoudre à réformer en profondeur les finances locales pour permettre aux communes pauvres confrontées à ces enjeux urbains de disposer des moyens nécessaires pour offrir à leurs habitants l'égalité devant le service public et le cadre de vie qu'ils méritent. Je sais que M. Fourcade y est sensible.
La consommation des crédits reste très importante sur les lignes d'intervention en fonctionnement des contrats de ville. Les reports que vous pouvez observer concernent donc essentiellement deux dispositifs nouveaux, les adultes-relais - article 46-60-80 - et le Fonds de revitalisation économique - article 46-60-60 - dont l'application a pris plus de temps que prévu ; ils sont aujourd'hui pleinement opérationnels.
La mise en oeuvre de ce budget sera encore facilitée, cette année, par une simplification et un resserrement de la nomenclature, qui feront de mon ministère l'un de ceux présentant le plus de souplesse et la meilleure adaptation à la mise en oeuvre de l'interministérialité et de partenariats locaux.
Ces partenariats sont nécessaires à la réussite de cette politique, même s'ils restent difficiles à mobiliser sur le terrain et occasionnent souvent des délais trop longs dans la mise en oeuvre des actions ; Valérie Létard l'a souligné pour les grands projets de ville. Je m'attache donc à poursuivre la simplification des procédures engagée depuis mon arrivée, notamment par la mutualisation des fonds et la généralisation des avances ou des conventions pluriannuelles.
Cela étant, cette complexité est aussi peut-être le fruit d'une réussite. Depuis deux ans, les conseils généraux, en particulier, sont pleinement devenus des acteurs de cette politique de la ville, alors qu'ils l'étaient d'une manière très modeste au cours du contrat de plan précédent, et les conseils régionaux ont considérablement augmenté les moyens consacrés à cette politique. Ils sont en train d'apprendre à travailler en partenariat avec les collectivités locales concernées, et je suis sûr que, année après année, la confiance venue, une certaine volonté de conserver le mérite de l'annonce ou de l'inauguration s'estompera.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Bravo !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Je suis également sensible à vos observations sur le nécessaire renforcement des services déconcentrés de l'Etat, qui passe notamment par la création de délégations inter-services, comme en Seine-Saint-Denis, par exemple, et la mise en place de délégués de l'Etat dans les quartiers. Tout cela est en cours.
J'ai par ailleurs demandé un renforcement des procédures de contrôle de gestion et d'évaluation, dont vous avez souligné la nécessité. L'évaluation de la politique de la ville sera coordonnée par le travail du nouveau Comité national d'évaluation de la politique de la ville, que j'ai installé le 3 juillet dernier et qui réunit des élus et des experts.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la plupart des élus locaux sont aujourd'hui convaincus de la nécessité de s'impliquer dans cette politique, et la loi SRU achèvera de convaincre les plus réticents de la nécessité de participer à l'effort de mixité sociale nécessaire à la sauvegarde du pacte républicain dans nos villes et nos agglomérations.
Permettez-moi de finir par quelques observations concernant les réponses nouvelles que nous pouvons apporter à la violence.
Je crois que ces réponses seront d'autant plus efficaces qu'elles sauront mobiliser l'ensemble du corps social, pour lutter contre les peurs et les injustices dont notre société urbaine est le théâtre. Chacun y a sa part : voisin, parent, bénévole, élève, éducateur, élu ou policier.
C'est pourquoi j'ai la conviction que le développement de la médiation sociale constitue une véritable « troisième voie » pour lutter contre l'insécurité, entre la prévention et la répression. Elle permet en effet à la fois d'intervenir très tôt, pour éviter que les conflits ne s'enveniment, et d'intervenir de manière systématique, pour éviter que les premiers actes de délinquance ne restent sans réponse. Des résultats encourageants valident cette approche nouvelle, comme à Vénissieux, avec la création de l'office de la tranquillité publique.
J'ai donc souhaité développer et conforter ces formes nouvelles d'intervention. C'est l'objet principal du programme de recrutement en trois ans de 10 000 adultes-relais qui doivent renforcer le travail de lien social et la médiation des conflits de la vie quotidienne.
Le lancement tardif, en fin d'année, de ce projet n'a pas permis de l'engager dès le début de l'année 2000, les crédits nécessaires ayant été votés en loi de finances rectificatives en juillet 2000. La mise en oeuvre de ce programme n'a donc concerné que les derniers mois de l'année 2000 et, surtout, l'année 2001. A ce jour, 1 100 recrutements sont effectifs et la montée en puissance du programme s'effectue désormais rapidement.
Il vous est proposé, dans l'article 72 de la présente loi de finances, de lever l'obstacle important que constitue, pour les collectivités locales et leurs établissements publics, l'impossibilité de créer de tels emplois. L'ouverture de cette possibilité donnera toute sa dimension aux décisions prises lors du Conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001, c'est-à-dire le recrutement de 4 000 adultes-relais pour les contrats locaux de sécurité, ainsi que la décision, en liaison avec le ministre de l'éducation nationale, de créer 1 000 postes dans le cadre de la lutte contre la violence à l'école, ou encore, avec le ministère du logement, le recrutement de 1 500 adultes-relais dans les HLM.
Au-delà de ce seul programme, j'ai encouragé d'autres formes de médiation grâce, par exemple, aux 300 nouveaux délégués du Médiateur de la République, dont la création a été décidée lors de ce comité interministériel des villes et qui sont en cours d'installation dans les quartiers.
Le déploiement de 15 000 emplois-jeunes dans les quartiers a largement contribué à l'émergence de la médiation sociale, ce qui justifie l'aide particulière que nous accorderons à leur formation et à leur pérennisation.
Cette priorité nouvelle m'a également conduit à renforcer la présence et l'accessibilité des services publics. A cet effet, j'ai ouvert le recrutement et fait évoluer les modes d'intervention pour éviter que ce nouveau dispositif n'engendre de véritables violences institutionnelles. Il faudra continuer dans cette voie, en encourageant, par exemple, les prérecrutements dans la fonction publique et, pourquoi pas, dans l'éducation nationale.
J'ai également décidé d'encourager toutes les villes à mettre en place des cellules de veille éducative pour prévenir les phénomènes de décrochage scolaire et, partant, le gâchis énorme que représente pour un pays le sacrifice d'une partie de sa jeunesse.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de la ville est une entreprise de longue haleine. Elle a maintenant les moyens de son ambition. Aux hommes et aux femmes de bonne volonté de la faire vivre sur le terrain, pour que nos villes ne ressemblent pas demain à des villes de l' apartheid social et pour qu'on y retrouve le goût de vivre ensemble !
Mesdames, messieurs les sénateurs, un certain nombre d'entre vous ont insisté sur le rôle des associations dans cette action collective. Pour rendre hommage à tous ces bénévoles, à ces femmes et à ces hommes qui travaillent et militent dans le secteur associatif, j'ai voulu réserver pour la fin quelques informations sur ce sujet.
Tout d'abord, puisque M. le rapporteur spécial, en particulier, a évoqué ce problème, j'insisterai sur le renforcement massif du soutien public aux initiatives associatives.
En 1997, 301 millions de francs de crédits spécifiques pour la ville ont été consacrés aux associations.
En 2000, les crédits de mon ministère affectés aux associations ont été triplés pour atteindre 920 millions de francs.
Pour ce qui est de la simplification de la vie des associations, je rappelle, d'abord, les décisions prises au cours du comité interministériel du 2 décembre 1998. Nous avons généralisé le dossier unique et institué l'engagement simplifié, utilisé par 70 % des préfectures, pour les subventions inférieures à 50 000 francs.
Je rappelle ensuite la décision prise au cours du comité interministériel du 1er octobre 2001 de créer des centres locaux de soutien à la vie associative et, en particulier, d'octroyer des aides à l'équipement informatique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à vous apporter ces informations sur la vie des associations parce que vous savez comme moi que peu de choses seraient possibles aujourd'hui pour rendre au quotidien l'espoir aux habitants des quartiers populaires sans l'intervention de ces associations. Je voulais à la fois les en remercier et leur rendre hommage. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Alduy applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'emploi et la solidarité : III. - Ville.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : moins 7 041 620 euros. »