SEANCE DU 6 DECEMBRE 2001


M. le président. « Art. 71. - Le V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« A l'issue de cette période, le bénéfice de l'exonération prévue au I est maintenu de manière dégressive pendant les trois années suivantes au taux de 60 % du montant des cotisations, contributions et versements précités la première année, de 40 % la deuxième année et de 20 % la troisième année.
« Lorsque le taux de l'exonération prévue au I est fixé à 50 % du montant des cotisations, contributions et versements précités conformément aux dispositions du dernier alinéa du III, les taux de 60 %, 40 % et 20 % sont respectivement remplacés par des taux de 30 %, 20 % et 10 %.
« Au cours de cette période de trois années, les entreprises mentionnées aux II, III et III bis qui remplissent les conditions prévues aux articles 19 et 21 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail peuvent opter soit pour le bénéfice des dispositions prévues ci-dessus, soit pour le bénéfice de l'allégement prévu à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale.
« L'envoi de la déclaration mentionnée au XI de l'article 19 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 précitée vaut option pour l'allégement prévu au même article L. 241-13-1 pour l'ensemble des salariés de l'entreprise ou de l'établissement y ouvrant droit. Cette option est irrévocable.
« A défaut d'envoi de cette déclaration, l'employeur est réputé avoir opté pour l'application de l'exonération à taux réduit pour la période de trois ans mentionnée ci-dessus. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-83, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 71 :
« I. - Le V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les cas visés aux III et III bis , l'exonération prévue au I est applicable aux embauches réalisées à compter du 1er janvier 2002 par les établissements implantés dans une zone franche urbaine avant cette date, dès lors que l'embauche intervient dans les cinq années suivant la date de cette implantation ou de cette création. »
« II. - Après le V du même article, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - A l'issue des cinq années de l'exonération prévue au I, le bénéfice de l'exonération est maintenu de manière dégressive pendant les trois années suivantes au taux de 60 % du montant des cotisations, contributions et versements précités la première année, de 40 % la deuxième année et de 20 % la troisième année.
« Lorsque le taux de l'exonération prévue au I est fixé à 50 % du montant des cotisations, contributions et versements précités conformément aux dispositions du dernier alinéa du III, les taux de 60 %, 40 % et 20 % sont respectivement remplacés par les taux de 30 %, 20 % et 10 %.
« Les entreprises mentionnées aux II, III et III bis qui remplissent les conditions prévues aux articles 19 et 21 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail optent, pour l'ensemble des salariés qui ouvrent ou ouvriront droit à l'exonération dégressive prévue aux deux premiers alinéas, soit pour le bénéfice de ces dispositions, soit pour le bénéfice de l'allégement prévu à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale pour ceux des salariés y ouvrant droit.
« Pour l'application de l'alinéa précédent, l'envoi de la déclaration mentionnée au XI de l'article 19 de la loi du 19 janvier 2000 précitée vaut option pour l'allégement susvisé. Toutefois, lorsque cette déclaration a été envoyée avant le 1er janvier 2002, l'application de cet allégement à un ou plusieurs salariés ouvrant droit à l'exonération dégressive prévue aux deux premiers alinéas vaut option pour cet allégement et renonciation à cette exonération dégressive pour l'ensemble des salariés de l'entreprise ou de l'établissement y ouvrant droit. Cette option est irrévocable.
« A défaut d'envoi de cette déclaration, l'employeur est réputé avoir opté pour l'application de l'exonération dégressive définie aux deux premiers alinéas. »
L'amendement n° II-28, présenté par M. Doligé, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« A. - Dans les premier et deuxième alinéas du texte proposé par l'article 71 pour compléter le V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, remplacer (deux fois) les taux : "60 %, 40 % et 20 %" par les taux : "75 %, 50 % et 25 %".
« B. - A la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour compléter le V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, remplacer les taux : "30 %, 20 % et 10 %" par les taux : "37,5 %, 25 % et 12,5 %".
« C. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du A et du B ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du dispositif de suppression progressive des exonérations de cotisations patronales prévues au V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
« D.- En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I. -". »
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° II-83.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. L'article 71 traite de l'instauration d'une période de sortie des exonérations sociales dans les zones franches urbaines sous un régime dégressif. La modification apportée par le Gouvernement vise deux choses.
Dans son paragraphe I, l'amendement précise la loi relative au pacte de relance pour la ville du 14 novembre 1996, modifiée par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000, en ce qui concerne la période pendant laquelle s'appliquent les exonérations sociales en cas d'embauche. Elle vise ainsi à exonérer les embauches réalisées au-delà du 31 décembre 2001 par des entreprises installées avant le 1er janvier 2002 en zone franche urbaine et qui ont donc, à ce titre, des droits ouverts.
Ces dispositions devraient répondre aux inquiétudes exprimées par plusieurs élus, dont Mme Olin et M. Alduy, quant à des interprétations différentes des URSSAF.
Dans son paragraphe II, l'amendement présenté par le Gouvernement vise à simplifier les déclarations administratives pour les entreprises. En effet, la loi relative à la réduction du temps de travail amène les entreprises, lorsqu'elles passent aux trente-cinq heures, à opter soit pour l'allégement RTT, soit pour une autre forme d'exonération, en l'espèce celle des zones franches urbaines, cette option étant irrévocable.
En instaurant un système de prolongation dégressive des exonérations en zone franche urbaine, nous ouvrons un nouvel allégement, donc une nouvelle obligation d'option lorsque les entreprises passent aux trente-cinq heures. L'amendement précise, en outre, que le droit d'option vaut pour tous les salariés concernés.
En revanche, je vous propose de ne pas soumettre à nouveau les entreprises qui ont exercé leur droit d'option avant le 31 décembre 2001 à cette obligation, leur option antérieure valant pour l'avenir.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-28 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° II-83.
M. Eric Doligé, rapporteur spécial. Monsieur le président, l'explication que je vais apporter sur cet amendement n° II-28 vaudra également pour l'amendement n° II-29, à l'article 71 bis, qui a le même objet.
Il s'agit d'amendements de coordination qui relèvent de la même logique que celui qui a été présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, à l'article 8.
Ces amendements tendent à rendre moins brutale l'extinction progressive des exonérations fiscales dans les zones franches urbaines. Il s'agit plus précisément d'aligner ce régime sur celui qui a été retenu pour la zone franche de Corse. Nous proposons donc de faire passer les taux fixés à 60 %, 40 % et 20 %, à 75 %, 50 % et 25 %.
Les amendements n°s II-28 et II-29 tendent à instaurer une mesure analogue d'exonération de charges sociales, pour les salariés, à l'article 71, et pour les commerçants et artisans, à l'article 71 bis.
Par ailleurs, la commission vous propose, mes chers collègues, d'adopter l'amendement n° II-83, proposé par le Gouvernement, dans la mesure où ce texte représente une avancée par rapport au texte initial. Il permet en effet des exonérations pour des embauches nouvelles, s'agissant d'entreprises existant déjà au 31 décembre 2001. Toutefois, en fonction de l'avis du Gouvernement sur nos amendements, je déposerai, éventuellement, un sous-amendement à l'amendement n° II-83.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-28 ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement, qui vise à augmenter substantiellement le niveau d'exonération que nous avons proposé dans le cadre d'une sortie progressive du régime exorbitant des zones franches urbaines.
Cette sortie progressive constitue un effort important pour le budget de l'Etat, qui rembourse les exonérations de charges au budget de la sécurité sociale. En prolongeant de trois ans le régime des exonérations, il me semble que nous avons atteint un point d'équilibre.
Vous savez, les uns et les autres, tout le bien que le ministre de la ville ou le Gouvernement pensent des zones franches urbaines ! (Sourires.) Vous avez néanmoins constaté que, malgré les critiques que je maintiens, nous avons été d'un pragmatisme qui parfois m'étonne. (Nouveaux sourires.) Nous n'avons pas voulu décourager le tiers de ces villes qui, je le reconnais, ont obtenu des résultats.
Des villes ont obtenu des résultats, certes. Mais était-ce grâce au dispositif des zones franches ? Selon moi, elles ont su utiliser non seulement les exonérations liées aux zones franches urbaines, mais aussi appliquer la loi relative au renouvellement et au développement urbains. Elles ont su également améliorer la sécurité et la qualité de vie. Elles ont su enfin, utiliser les emplacements stratégiques en termes de transport ou de voirie autoroutière.
Pour ma part, je considère que la croissance des emplois tient plus au retour de la croissance qu'aux exonérations liées à la zone franche urbaine !
Malgré cela, malgré la publicité quelque fois mensongère orchestrée par une association que vous connaissez, les uns et les autres, et dont les élus de gauche ont eu la sagesse de se retirer en raison des excès verbaux de son président, le Gouvernement a décidé de prolonger de trois ans le régime des exonérations, avec des taux qui, me semble-t-il permettent d'atteindre un point d'équilibre.
Par ailleurs, je vous rappelle que nous avons mis en place, depuis cette année, le fonds de revitalisation économique, doté de 500 millions de francs, qui apporte une aide importante non seulement au tissu économique existant, mais aussi à toute entreprise qui souhaite s'installer dans nos quartiers ou moderniser ses équipements.
Nous ne sommes pas insensibles aux projets de développement des entreprises, bien au contraire ; nous ne souhaitons pas, non plus, le limiter à quarante-quatre territoires. C'est pourquoi le fonds de revitalisation économique touche l'ensemble des zones urbaines sensibles ainsi que les territoires prioritaires des contrats de ville. C'est aussi pourquoi nous créons un régime plus favorable pour 416 zones de redynamisation urbaine, à compter du 1er janvier, ce qui rétablira un minimum d'équité.
Je vous rappelle aux uns et aux autres que n'ont pas forcément été retenus les quarante-quatre sites qui avaient été considérés comme étant les plus en difficulté, cela en fonction d'indices de difficultés sociales. Il est important d'offrir à des sites qui ont autant de difficultés, si ce n'est plus, que les quarante-quatre qui ont été retenus dans le cadre d'un choix équilibré au niveau politique, la possibilité d'utiliser le dispositif du fonds de revitalisation économique.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l'amendement.
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. C'est bien dommage !
M. Eric Doligé, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Eric Doligé, rapporteur spécial. Je m'attendais un peu à l'avis du Gouvernement. Monsieur le ministre, à mon tour, je ne vais pas vous étonner en vous disant que je vais transformer mon amendement en sous-amendement.
Vous avez déjà dû vous faire violence, en quelque sorte, pour amender l'article 71 dans le sens que nous souhaitions. Ce sous-amendement que je propose va vous obliger à aller encore un peu plus loin !
Monsieur le président, ce texte reprend, bien entendu, les éléments de mon amendement concernant une sortie en sifflet plus favorable et une modification des taux de l'exonération.
M. le ministre se fera une nouvelle fois violence, je l'espère, pour accepter ce sous-amendement afin que nous puissions émettre un vote positif sur l'amendement du Gouvernement.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° II-28 rectifié, présenté par M. Doligé, au nom de la commission des finances, et qui est ainsi libellé :
« A. - Dans les premier et deuxième alinéas du texte proposé par le II de l'amendement n° II-83 pour compléter le V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, remplacer (deux fois) les taux de : "60 %, 40 % et 20 % " par les taux : "75 %, 50 % et 25 %".
« B. - A la fin du deuxième alinéa du texte proposé par le II de l'amendement n° II-83 pour compléter le V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, remplacer les taux de : "30 %, 20 % et 10 %" par les taux : "37,5 %, 25 % et 12,5 %".
« C. - Pour compenser la perte de recettes résultants des dispositions du A et du B ci-dessus, compléter le texte de l'amendement n° II-83 par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du dispositif de suppression progressive des exonérations de cotisations patronales prévues au V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Je maintiens mon avis défavorable, monsieur le président.
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. André, rapporteur pour avis.
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Une avancée ayant eu lieu sur les zones franches urbaines, nous émettrons un avis favorable. En revanche, nous n'avons obtenu aucune réponse aux questions que la commission des affaires économiques se posait.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Oh oui !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Puisque M. le ministre vient de nous donner une leçon sur les zones franches et qu'il y aurait, si j'ai bien compris, des bons et des mauvais maires, je souhaite qu'il nous communique la liste du tiers des zones franches qui ont bien marché, celles où il y a de bons maires !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Très bien ! C'est cela qu'il faut savoir !
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° II-28 rectifié.
M. Jean-Paul Alduy. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Ce sous-amendement comporte deux parties.
La première, en précisant la loi, va permettre d'éviter des contentieux juridiques émanant d'entreprises s'étant installées dans des zones franches et, ayant créé des emplois après le 1er janvier 2002, penseraient être exonérées, ce que contestent des URSSAF de certains départements à la suite de la fameuse circulaire.
Monsieur le ministre, j'approuve donc totalement cette première partie. Pour une fois que nous avons un texte précis et clair qu'aucune URSSAF ne pourra plus interpréter sur le terrain, vous me voyez totalement satisfait. J'avais d'ailleurs posé une question orale sur ce sujet voilà quelques semaines.
En revanche, votre réponse sur la seconde partie du sous-amendement repose sur une logique de méfiance à l'égard d'un dispositif fondamental qui a pourtant été une réussite.
Je prendrai l'exemple de la ville de Perpignan, qui avait un taux de chômage de 23 %, 17 % de RMIstes et 8 000 gitans. Dans un secteur en pleine décomposition, grâce, précisément, à ce dispositif de discrimination positive à l'emploi...
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Et à un bon maire !
M. Jean-Paul Alduy. Cela n'a rien à voir ! Grâce à ce dispositif, dis-je, ce sont 1 000 emplois qui ont été créés, et je ne parle pas d'emplois transférés. Il s'agit bien de créations nettes.
Un tel dispositif était donc bon ! Il est vrai que lorsqu'on utilise un marteau, il est préférable de ne pas se taper sur les doigts. En l'occurrence, on disposait d'un bon outil, et on l'a bien utilisé. Mais là n'est pas le sujet.
Je comprends que, parmi les quarante-quatre zones franches en question, certaines pourraient être progressivement sorties du dispositif et qu'au contraire d'autres secteurs oubliés devraient y entrer. Mais, alors, que l'on procède d'abord à une évaluation réelle avant de porter des jugements définitifs sur des résultats qui, à l'évidence, sont liés non pas au fait que les maires sont bons ou mauvais dans certaines villes, mais au contexte, à savoir des partenaires rassemblés au bon moment, qui savent utiliser l'outil, etc. !
Monsieur le ministre, je ne comprends pas votre attitude sur la seconde partie du sous-amendement, qui dénote l'envie d'en terminer au plus vite avec les zones franches.
Personnellement, je milite, au contraire, pour la relance après évaluation, d'une seconde vague de création de zones franches...
M. Roland Muzeau. Ben voyons !
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Vous voulez des emplois, oui ou non ?
M. Roland Muzeau. Je vais en parler !
M. Jean-Paul Alduy. ... précisément dans les secteurs où il est nécessaire de combattre l'exclusion économique.
Je voterai, par conséquent, ce sous-amendement, qui permet, dans les trois ans qui viennent, de poursuivre la politique des zones franches.
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Olin, rapporteur pour avis.
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Il est évident qu'au nom de la commission des affaires sociales je voterai le sous-amendement.
Monsieur le ministre, je vous ai dit que vous aviez fait votre chemin de Damas. Il vous reste une petite marche à monter. Si vous acceptiez ce sous-amendement ce soir, vous en seriez honoré par tous et grandi. En effet, les zones franches devaient, à l'origine, entraîner la création de 7 000 emplois. Ce chiffre est largement dépassé si vous prenez en compte ceux qui ont été créés à Roubaix, Perpignan et Garges-Sarcelles. Venez sur le terrain ! Si vraiment vous voulez faire revivre les quartiers, condamner les cités-dortoirs et redonner l'espoir aux habitants, vous devez nous suivre sur ce point. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. M. le ministre a peut-être fait son chemin de Damas, mais il ne veut pas aller à Canossa. (Sourires.) Nous non plus, d'ailleurs !
Les propos tenus par M. Alduy et quelques-uns de nos collègues sur les mérites des zones franches me laissent perplexe. Je ne les vois guère...
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Il faut aller chez Afflelou et vous acheter deux paires de lunettes pour le prix d'une !
M. Roland Muzeau. Ils laisssent aussi perplexes les meilleurs observateurs de la politique de la ville et de la situation de l'emploi, en tout cas ceux qui sont objectifs.
Il est toujours étonnant, dans cette enceinte, d'entendre les tenants d'un libéralisme à tout crin...
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Ah !
M. Roland Muzeau. ... demander toujours plus de subventions publiques pour faire fonctionner des entreprises privées. C'est tout à fait extraordinaire !
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Elles n'ont pas touché un sou !
M. Roland Muzeau. N'oubliez pas, tout de même, que les exonérations n'ont jamais été aussi élevées, et c'est un gouvernement de gauche, madame Olin ! Dans le projet de loi de finances, il y a, par ailleurs, la suppression de la surtaxe Juppé : 10 milliards de francs, ce n'est pas rien ! Elle n'est quand même pas passée inaperçue à vos yeux ! Votre boulimie d'exonérations ajoutées aux exonérations doit prendre fin, parce qu'il est anormal de faire vivre des emplois sur des fonds publics. L'économie dont vous vous réclamez, avec le libéralisme qui va avec,...
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. C'est faux !
M. Roland Muzeau. ... mériterait au moins que vous refusiez ces subventions.
Je me souviens, madame Olin, au cours d'une audition de la commission des affaires sociales à laquelle vous étiez peut-être présente, de l'expression de M. le baron Seillière, président du MEDEF,...
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Ah ! Heureusement que vous l'avez pour parler !
M. Roland Muzeau. Ecoutez, c'est l'un de vos amis ! Il nous a dit : « Je ne veux plus de subventions pour les entreprises françaises. Elles veulent vivre normalement ».
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Ce ne sont pas des subventions !
M. Roland Muzeau. Alors laissez-les vivre normalement, laissez-les payer des impôts, créer des emplois et non les détruire !
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. C'est faux !
M. Roland Muzeau. On ira faire un tour ensemble !
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Je vous invite à Garges-lès-Gonesse. Les entreprises n'ont pas touché un sou !
M. Alain Joyandet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. Je ne crois pas qu'il y ait ici beaucoup de tenants de l'ultralibéralisme. Je crois plutôt que nous sommes, les uns et les autres, très attachés à ce que la puissance publique rectifie les choses dans un certain nombre de situations. La Haute Assemblée le montre à longueur d'année.
S'agissant du sujet qui nous préoccupe, monsieur le ministre, certes, je n'ai pas fait le chemin de Damas, je ne suis pas non plus allé à Canossa, mais je vais sur le terrain, que ce soit à Garges-lès-Gonesse, à Roubaix ou dans d'autres villes. J'y ai constaté que le dispositif des zones franches a véritablement permis de relancer l'emploi, que ce n'était pas une fable.
Tout à l'heure, vous avez dit, monsieur le ministre, que l'on ne pouvait pas soutenir éternellement des activités. C'est comme cela qu'un certain nombre d'entre elles ont quasiment disparu en France, sur le plan industriel - je pense notamment au textile - pour cause de compétitivité internationale. Eh oui, mon cher collègue du groupe communiste républicain et citoyen !
Voilà quelques jours, M. Fabius nous disait qu'à chaque fois que l'on fait quelque chose contre les entreprises cela se retourne contre leurs salariés. Ce n'est pas nous qui le disons !
Précisément, grâce aux zones franches, et à quelques dispositions pour favoriser la réimplantation d'un certain nombre d'entreprises, on a vu ressurgir des activités disparues. On a vu, dans des quartiers qui n'en avaient plus, se créer des emplois qui profitaient à 20 % au moins des habitants de ces quartiers. En plus, ce sont des emplois qui correspondent au niveau de formation de ces personnes qui, auparavant, étaient en marge de la société. La réussite des zones franches est donc très importante, il ne faut pas nier l'évidence.
Quand bien même il y aurait eu un effet d'aubaine, voire un peu d'exagération, monsieur le ministre, faut-il pour autant mettre fin à un tel dispositif ?
Croyez-vous très franchement que tous ceux qui perçoivent les indemnités de chômage devraient les percevoir ?
Croyez-vous vraiment, s'agissant des politiques sociales mises en place par le Gouvernement, que certaines des personnes physiques ou des communautés qui reçoivent des fonds publics devraient les recevoir si les textes étaient appliqués et si des enquêtes étaient menées ? Allez-vous pour autant supprimer les indemnités versées par les ASSEDIC ou les multiples allocations offertes par les pouvoirs publics ?
Les effets d'aubaine et les effets de seuil existent, ils sont connus. On sait très bien que certaines personnes touchent des aides qu'elles ne devraient pas toucher. Alors, pourquoi supprimerait-on le dispositif des zones franches, qui a véritablement montré son utilité, pour quelques effets d'aubaine ou quelques petites choses qui ne vont pas ?
Je crois, au contraire, qu'il faut maintenir ce dispositif d'intérêt général. La commission des finances, suivie par la commission des affaires économiques et par la commission des affaires sociales, a raison, monsieur le ministre, de vous suggérer de faire un pas supplémentaire pour que ce dispositif soit reconnu et qu'il continue à porter ses fruits. Ce n'est pas pour la droite libérale ou républicaine que vous le ferez, c'est simplement pour des zones qui ont connu beaucoup de drames dans les décennies passées, qui commencent à voir une lueur d'espoir et que nous nous devons tous d'encourager, sans faire de politique politicienne.
Il faut que ce qui a été tenté, y compris sous d'autres gouvernements, soit poursuivi aujourd'hui, et ce dans l'intérêt général ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commision des affaires économiques.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. Or, ce soir, j'entends sonner le glas d'une réflexion et d'une approche qui ont fait de la dimension économique l'un des éléments d'une politique de la ville réussie. Naturellement, ce n'est qu'un élément parmi d'autres, et il faut tenir compte également de l'urbanisme, de la mixité sociale, de l'éducation et de la prévention. Mais comment nier que l'élément économique, qui a été la vraie nouveauté du pacte de relance pour la ville, a joué un rôle tout à fait essentiel ?
Je dois dire, d'ailleurs, que j'avais déjà entendu sonner le glas en août 1997, quand nous avions appris, par une dépêche de l'AFP, que Mme Aubry avait cru bon d'effacer cette dimension sous prétexte d'un changement de gouvernement.
Monsieur le ministre, acceptez la proposition que vous fait la commission des finances, suivez les rapports de mes collègues Pierre André et Nelly Olin.
Avec Alain Joyandet, nous sommes allés à Roubaix. Sénateur des Yvelines, je suis moi-même l'élu de Mantes-la-Jolie, du quartier du Val-Fourré, et, je peux en témoigner, si les zones franches n'ont pas, naturellement, apporté toute la solution au problème, elles ont redonné de l'espérance. Briser cette espérance, c'est sonner le glas de tant d'espoirs ! Je préférerais que l'on sonne plutôt matines, non pas simplement pour les zones franches, mais, au-delà, pour la politique de la ville ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, quitte à vous retenir encore quelques minutes, je souhaite que nous allions au bout de ce dossier.
Tout d'abord, je voudrais rappeler à M. Larcher, qui était rapporteur de la loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance, que c'est compte tenu des observations du rapporteur, à l'époque, que j'ai demandé, dès mon arrivée au ministère, des rapports aux trois inspections.
Au vu de ces trois rapports d'inspection, qui insistaient largement sur les défaillances, les difficultés et les problèmes liés à ces zones franches urbaines, nous avons pris la décision d'essayer de modifier le dispositif.
De surcroît, si le glas résonne aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, songez que la fin du dispositif était déjà contenue dans le pacte de relance pour la ville. Conformément à la demande de la Commission européenne, en effet, ce dispositif, de type extraordinaire, ne devait durer que cinq ans et ne concerner que quarante-quatre quartiers.
Or le Gouvernement propose aujourd'hui, non seulement de tenir compte des réussites qui ont pu être constatées dans un certain nombre de ces zones franches - précisément pour ne désespérer ni les élus ni les entreprises qui ont cru en lui - et ce malgré toutes les critiques dont les zones franches font l'objet et qui me semblent toujours aussi fondées, mais encore d'éviter l'effet couperet du dispositif.
Je trouve tout de même paradoxal d'entendre parler ce soir de glas, puisque, finalement, ce glas ne sonnera que dans trois ans, alors que, théoriquement, dans la loi que vous aviez votée, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, le dispositif n'était prévu que pour cinq ans.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Il y avait une clause de rendez-vous !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Je tiens à souligner que nous tenons compte du changement d'époque, dans le cadre du fonds de revitalisation économique. Les quarante-quatre zones franches urbaines ont été mises en place, en effet, à une époque où il y avait de plus grandes difficultés économiques et où, d'une certaine manière, il fallait maintenir coûte que coûte les entreprises pour qu'elles ne disparaissent pas, quitte à mobiliser des sommes financières importantes compte tenu du chômage ambiant.
Aujourd'hui, nous avons changé d'époque. Il nous faut à la fois soutenir les entreprises qui se créent et faire revenir vers l'emploi ces femmes, ces hommes, ces jeunes qui vivent dans les quartiers, compte tenu de la pénurie de salariés que connaîssent un certain nombre d'entreprises et, au-delà, de branches.
En résumé, pour nous, le dispositif des zones franches urbaines n'est pas bon ; il permet trop d'effets d'aubaine et il présente trop de difficultés, notamment en ce qu'il est très inégal.
Les zones franches urbaines accusaient, en effet, des inégalités dues, notamment, à la différence de taille entre elles. Comment voulez-vous que celle de la rive droite de la Garonne, à Bordeaux, ne connaisse pas le développement économique qu'elle connaît avec le retour de l'activité économique et de l'emploi, alors qu'elle représente près de huit cents hectares, par rapport à la zone franche urbaine de Bondy, qui doit en compter une trentaine ?
Comment voulez-vous que la zone franche urbaine de Marseille, où j'étais voilà quelques jours, ne connaisse pas le développement économique qu'elle connaît, avec sa superficie et, surtout, sa situation dans un territoire qui vit heureusement aujourd'hui un développement économique et de l'emploi ? Et ce n'est pas simplement grâce à la zone franche urbaine !
Nous émettions des critiques. Malgré toutes ces critiques, et pour tenir compte du travail accompli par un certain nombre d'élus et d'entreprises, nous prolongeons la règle du jeu sur trois années pour permettre une sortie du dispositif dégressive.
Dans le même temps, nous tenons compte de ces élus qui se trouvent à la tête des huit cents quartiers en difficulté et qui ne pouvaient pas ne pas se voir, à un moment donné, proposer un outil de revitalisation économique, eux qui, jusqu'à présent, avaient été écartés, faute de figurer sur la liste des quarante-quatre zones franches urbaines.
En bref, nous sommes pragmatiques, nous tenons compte des difficultés nées du dispositif des zones franches urbaines, nous tenons compte des effets d'aubaine qu'il autorise et des insuffisances qu'il a révélées, et nous permettons à l'ensemble des élus mobilisés sur la problématique de la ville de se saisir du fonds de revitalisation économique pour aider à la création d'entreprises et pour aider à la création d'emplois.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-28 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-83 ainsi modifié ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Défavorable !
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° II-83, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 71 est ainsi rédigé.

Article 71 bis