SEANCE DU 18 DECEMBRE 2001


M. le président. « Art. 32 bis. - 1. - A. - Le i du I de l'article 65 du code des douanes devient le j.
« B. - Il est rétabli dans le 1 du même article un i ainsi rédigé :
« i Chez les opérateurs de télécommunications et les prestataires mentionnés aux articles 43-7 et 43-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, pour les données conservées et traitées par ces derniers, dans le cadre de l'article L. 32-3-1 du code des postes et télécommunications ; ».
« II. - L'article L. 83 du livre des procédures fiscales est complété par les mots : ", y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications dans le cadre de l'article L. 32-3-1 du code des postes et télécommunications et les prestataires mentionnés aux articles 43-7 et 43-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication".
« III. - Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 621-10 du code monétaire et financier, après les mots : "quel qu'en soit le support," sont insérés les mots : "y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications dans le cadre de l'article L. 32-3-1 du code des postes et télécommunications et les prestataires mentionnés aux articles 43-7 et 43-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication," ».
L'amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Compléter in fine l'article 32 bis par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. - L'article L. 32-3-1 du code des postes et télécommunications est complété par un V ainsi rédigé :
« V. - Pour les besoins de la recherche, de la constatation ou de la sanction d'infractions aux dispositions du code des douanes, du code général des impôts ou du code monétaire et financier, les opérateurs de télécommunication et les prestataires mentionnés aux articles 43-7 et 43-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, doivent communiquer, dans les limites fixées par le II et le IV et dans des conditions précisées par des décrets en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les données qui leur sont demandées par les agents, habilités à cet effet, de l'administration des douanes et des services chargés du recouvrement des impôts, droits et taxes, ainsi que par les enquêteurs de la Commission des opérations de bourse. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'article 32 bis nouveau porte extension à certains services accessibles en ligne des droits de communication particuliers aux administrations des douanes et du fisc ainsi qu'aux enquêteurs agissant pour le compte de la Commission des opérations de bourse, la COB.
Comme vous le savez, mes chers collègues, les agents des douanes et des impôts ainsi que les enquêteurs mis à la disposition de la Commission des opérations de bourse disposent actuellement de droits de communications très étendus, dont les définitions sont données par le code général des impôts, le code des douanes et le code monétaire et financier. Ces droits paraissent inclure la communication d'informations relatives à l'utilisation des réseaux de télécommunications et à l'accès à certaines bases de données.
Tout récemment, un article de la loi relative à la sécurité quotidienne a donné lieu à une interprétation quelque peu sujette à caution. Il pourrait en effet, pour ce qui est des réseaux, être interprété comme limitant les pouvoirs de communication de l'administration aux seuls cas de poursuites judiciaires d'infractions pénales. Une telle interprétation serait, à notre sens, un malentendu qu'il convient de lever pour des raisons évidentes de sécurité juridique des procédures. Tel est l'objet du présent article du collectif budgétaire, qui vise simplement à confirmer les droits actuels de l'administration.
Toutefois, si la commission est en accord avec l'objectif ainsi poursuivi, elle estime que la rédaction proposée ne fait pas complètement disparaître le malentendu. En effet, d'un côté, le présent article semble se limiter à confirmer les pouvoirs existants, mais, de l'autre, il procède à une certaine extension de ces pouvoirs. Si nous ne sommes pas hostiles à une telle extension, nous estimons toutefois que quelques précautions doivent être prises.
En effet, la loi relative à la sécurité quotidienne conduit les opérateurs et les fournisseurs d'accès à conserver certaines données dans l'éventualité de poursuites judiciaires, alors qu'ils n'y étaient pas contraints jusque-là. Les services des impôts, les services douaniers, les enquêteurs de la Commission des opérations de bourse vont, en quelque sorte, profiter de cette faculté à d'autres fins que celles pour lesquelles elle a été créée.
De plus, l'article examiné vise aussi les hébergeurs, dont il n'est question ni dans la loi relative à la sécurité quotidienne ni dans l'article L. 32-3-1 du code des postes et télécommunications. Il n'est pas prévu de dédommagement des charges supplémentaires qu'ils pourraient avoir à supporter de ce fait.
Les obligations de ces opérateurs en matière de conservation et de communication de données doivent être précisées par un décret d'application. Or, mes chers collègues, à ce jour, le décret d'application de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication n'est toujours pas paru ; il semble avoir été oublié. Cette loi réserve aux seules autorités judiciaires le pouvoir de requérir la communication des données conservées.
C'est pourquoi l'amendement n° 19 rectifié tend à encadrer juridiquement, par des décrets pris en Conseil d'Etat, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les droits de communication des impôts, des douanes et de la Commission des opérations de bourse.
La lutte contre l'utilisation des réseaux à des fins illicites ne doit pas se limiter à la seule poursuite judiciaire d'infractions pénales, la commission des finances en convient, mais un tel impératif doit être concilié avec le respect des libertés publiques, en l'occurrence le droit à l'anonymat et à la confidentialité de l'utilisation des moyens de communication.
Le dispositif qui serait issu de l'article proposé par le Gouvernement et de l'amendement de la commission nous semblerait équilibré : il tiendrait compte à la fois des besoins des enquêtes, voire de la répression, et de la protection des libertés individuelles.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Sur cette question, monsieur le rapporteur général, je ne voudrais pas laisser croire qu'il y ait dans cet article des extensions, car ce n'est pas le cas. La loi confère déjà à ces services un droit d'accès à ces données de communication parmi bien d'autres. L'objet de ce texte est effectivement de lever un malentendu et je vous remercie d'avoir formulé l'analyse que vous venez de nous soumettre.
Le complément que vous vous proposez d'apporter à ce texte soulève néanmoins quelques difficultés techniques. Pour les résumer, je dirai, en premier lieu, que l'établissement d'une norme distincte dans le code des postes et télécommunications n'est pas un facteur de clarté. En second lieu, l'invocation du pouvoir réglementaire ne me paraît pas indispensable alors que la loi relative à la sécurité quotidienne prévoit déjà des décrets en Conseil d'Etat sur le même sujet.
Par conséquent, je ne suis pas favorable à cet amendement. Ce n'est pas une divergence de fond ; je me félicite que la commission des finances l'ait compris et partage les objectifs fixés dans ce texte dans la mesure où celui-ci ne vise qu'à confirmer ce qui existe. La divergence porte sur le calage et sur l'adéquation de l'ajout qui est proposé par l'amendement n° 19 rectifié.
Par conséquent je souhaite, monsieur le rapporteur général, que vous retiriez votre amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette question juridique qui résulte d'une combinaison de textes est effectivement assez complexe et la commission ne prétend pas s'être livrée à une analyse exhaustive et parfaite.
Toutefois, nous avons relevé que l'article ferait apparaître pour la première fois dans le livre des procédures fiscales et dans le code des douanes le mot « opérateurs ». Cette adjonction nous semble signifier - nous ne sommes pas opposés sur le fond, je le répète - une certaine extension et non une simple confirmation des droits de communication de l'administration.
Il est clair que, si l'on voulait traiter ces problèmes de façon satisfaisante, il faudrait se livrer à une réforme législative plus large et réexaminer l'ensemble des dispositions relatives à la communication des données afférentes à l'utilisation des réseaux, ce que l'on n'a pas été en mesure de faire dans l'immédiat.
Madame le secrétaire d'Etat, à ce stade de la discussion, la commission va maintenir l'amendement pour permettre à nos collègues de l'Assemblée nationale de confronter leur expertise avec la nôtre. Bien entendu, nous restons en relation avec vos propres services, de telle sorte que, dans le peu de temps qui reste pour la navette, nous puissions élucider ce point. Je vous donne acte bien volontiers que le désaccord porte non pas sur le fond, mais sur l'analyse des textes et sur leur cohérence. Il s'agit donc d'un point purement technique.
C'est dans cet esprit mes chers collègues, que la commission maintient l'amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 32 bis , modifié.

(L'article 32 bis est adopté.)

Article 32 ter