SEANCE DU 18 DECEMBRE 2001


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Grignon pour explication de vote.
M. Francis Grignon. Le groupe de l'Union centriste votera le projet de collectif tel qu'il a été amendé par le Sénat. Notre assemblée a en effet apporté des améliorations sensibles au texte.
Nous avons ainsi supprimé certaines dispositions contestables sur le plan budgétaire comme le prélèvement sur les réserves de l'Institut national de la propriété intellectuelle, l'INPI : cette ponction est inopportune à l'heure où notre pays connaît un déficit important en matière de dépôt de brevets et où l'INPI doit contribuer au financement du brevet européen.
Le Sénat a par ailleurs adopté, tout en l'améliorant, sur l'initiative de notre collègue Jean Faure et de la commission des affaires étrangères et de la défense, une mesure qui va dans le sens d'un renforcement de la compétitivité d'un secteur industriel stratégique - je pense à la transformation de la direction des constructions navales en entreprise nationale.
Quant à la résiliation des concessions de transport de gaz naturel, même si la mesure est incomplète au regard de la directive de 1998, elle est positive pour l'ensemble du secteur gazier et pour l'approvisionnement de notre pays.
En ce qui concerne la fiscalité locale, les débats que nous avons eus s'agissant de l'impact de la réforme de la taxe professionnelle sur le potentiel fiscal des collectivités ou la solidarité financière entre groupements intercommunaux et communes démontrent que nous devons en finir avec cette politique de Gribouille qui consiste à ponctionner régulièrement certaines collectivités pour en gratifier d'autres. Une remise à plat s'impose dans les plus brefs délais.
Enfin, le Sénat a le grand mérite de proposer une solution au problème récurrent de la compensation de la charge financière que représente le passage à l'euro pour les commerçants. L'amendement voté cette nuit constitue une base solide en vue d'éventuelles négociations complémentaires entre les établissements bancaires et les représentants du secteur du commerce.
Il me reste à saluer l'excellent travail effectué par la commission des finances, son président, Alain Lambert, et son rapporteur général, Philippe Marini.

(M. Daniel Hoeffel remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous achevons la discussion d'un projet qui traduit tout simplement la volonté de la gauche d'assurer plus de justice sociale et fiscale, selon une démarche responsable : malgré tout ce que peut en dire la majorité sénatoriale, nous avons en effet tenu compte des modifications de la conjoncture internationale intervenues en 2001.
C'est, en outre, par des redéploiements que le Gouvernement a proposé le financement des dépenses prioritaires qu'il a décidées et assumées.
Dans le domaine social, il s'agit du secteur des hôpitaux, des contrats aidés, de l'indemnisation des victimes de l'amiante, de l'indemnisation des victimes de l'antisémitisme.
Dans le domaine de la sécurité, il s'agit de la lutte contre le terrorisme et de l'équipement de la police.
Dans le domaine de la défense, il s'agit des équipements et des moyens de fonctionnement des armées et de la gendarmerie.
Parallèlement, au contraire de la droite, le Gouvernement a su préserver l'objectif de baisse des déficits publics et de maîtrise des dépenses sans casser le moral des ménages par des politiques restrictives. Et la norme de progression des dépenses fixée dans le cadre du programme pluriannuel de finances publiques, de 1 % en volume sur trois ans, sera respectée.
Si les recettes fiscales diminuent, c'est parce que les impôts baissent ! Quant à la pause en matière de réduction du déficit de l'Etat, elle est rendue nécessaire par le ralentissement de l'économie.
Oui, messieurs de la majorité sénatoriale, ce collectif est volontariste, car il contient des mesures fortes, notamment dans le plan de consolidation de la croissance. Il s'agit en effet de poursuivre dans la voie empruntée avec succès depuis 1997 et de mener une politique de redistribution en faveur des personnes les plus modestes et du soutien à la consommation des ménages.
Parce que, d'une façon générale, ce sont les orientations prises à partir de 1997 qui nous ont permis de réaliser une meilleure performance de croissance que nos partenaires, nous ne pouvons vous suivre, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous qui ne faites que nous proposer, comme par réflexe, de procéder à des corrections budgétaires pour le moins discutables puisqu'elles ne permettent pas d'atteindre les objectifs que nous visons à travers ce collectif.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Heureusement !
M. Gérard Miquel. Vous êtes contre la hausse de la dépense publique, qui permet à l'Etat de rendre service aux citoyens, et vous préférez une fiscalité avantageuse pour ceux qui ont déjà beaucoup.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour ceux qui paient des impôts !
M. Gérard Miquel. Nous, nous restons dans la ligne que nous nous sommes fixée, celle pour laquelle les Français nous approuvent.
C'est pourquoi, monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe socialiste votera contre ce projet de loi de finances rectificative dénaturé par la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre pays est-il passé à côté d'une occasion historique ?
Plutôt que de reprendre les arguments excellemment exposés par notre rapporteur général, je souhaiterais imaginer les réflexions d'un observateur candide, tel le Persan du philosophe, Usbek ou Rustan, arrivant l'esprit libre dans la France du XXIe siècle.
Considérant la croissance internationale, et donc française, de ces dernières années, à l'instar de beaucoup de nos concitoyens, il se demande : mais comment en sont-ils arrivés là ?
Du plus prestigieux organisme international à la plus obscure des gazettes, en passant par les talentueux instituts de conjoncture, chacun sait qu'entre 1998 et le début de 2001 la création de richesses dans notre pays a été considérable, atteignant un niveau inégalé depuis la première crise pétrolière.
Or qu'a-t-on fait de cette richesse ?
Avons-nous été exemplaires dans le paysage international ? Personne n'ose le prétendre.
Le chômage et le dénuement ont-ils plus reculé chez nous qu'ailleurs ? Pas vraiment : il y a toujours, hélas ! 9 % de chômeurs en France, et jamais les dépenses de minima sociaux n'ont été aussi grandes.
Les taux d'imposition ont-ils diminué à raison de la croissance et des rentrées budgétaires ? Fort peu. D'ailleurs, les prélèvements n'ont cessé d'augmenter, et cela malgré des plans de baisses d'impôts présentés comme ambitieux mais, en réalité, bien modestes au regard de ce qui se fait ailleurs.
La dette, c'est-à-dire notre legs aux générations futures, a-t-elle été réduite par affectation des ressources exceptionnelles à un remboursement anticipé ? Bien au contraire, l'Etat a continué à emprunter : 1 000 milliards de francs !
Le train de vie de l'Etat s'est-il stabilisé ? Eh bien non, le nombre de fonctionnaires a poursuivi sa hausse, et les dépenses publiques n'ont pas cessé de croître.
Les faits sont là. Le Persan, à qui l'on avait inculqué une autre idée de la France, ne doit rien y comprendre !
Alors, bien entendu, vous lui direz que le système de santé français est l'un des meilleurs au monde, que les plus démunis sont, en France, parmi les mieux protégés, que les impôts ont commencé à diminuer, que le service public à la française fait la preuve de son excellence.
Mais la plupart de ces éléments sont bien antérieurs à 1997 et, sur tous les autres sujets, vous n'avez pas su saisir une occasion unique.
Et aujourd'hui, si tant est que ce collectif budgétaire l'intéresse, mon observateur voit que le déficit budgétaire augmente de 26 milliards de francs, que les prélèvements les plus divers pullulent, que la dépense n'est pas maîtrisée et que les nuages s'amoncellent. Mon Persan se dit : puisque quand tout allait bien, l'Etat n'a fait que dépenser, alors, quand tout risque d'aller moins bien, le Français paiera.
Faute d'avoir préservé l'avenir, le Gouvernement se retrouve face à la quadrature du cercle. Il devra faire face aux dépenses dispendieuses d'hier et financer les dépenses de demain avec les ressources d'une économie déjà à la peine.
Comment en est-on arrivé là ? Notre observateur ne voit qu'une explication : les 35 heures. Bien-être individuel et coût collectif, tel est le verdict de tous les observateurs internationaux. Concrètement, cela signifie surtout des salaires en moins, une activité en baisse, des prélèvements en plus, des réformes laissées de côté, pour une seule et même politique : les 35 heures. Elles obligent l'Etat aux pires contorsions, jusqu'à l'absurdité, comme le prouve dans ce collectif l'affectation, à l'article 3, de la taxe sur les conventions d'assurance, dont l'article 32 ter organise la diminution du produit.
Les 35 heures désorganisent les entreprises, pèsent sur l'activité du secteur public, mettent les comptes publics dans le rouge et seront in fine payées par nos enfants.
Oui, notre pays est passé à côté d'une occasion historique !
M. Paul Loridant. Il faut supprimer les 35 heures ! Chiche !
M. Aymeri de Montesquiou. Oui, nous aurions pu le réformer, le moderniser, baisser les impôts, devenir plus compétitifs, en un mot préparer l'avenir. Au contraire, à la lecture de ce testament budgétaire, nous devinons que l'héritage, quel qu'en soit le destinataire, sera lourd à gérer.
C'est pourquoi, avec la majorité du groupe du RDSE, je suivrai les recommandations du président et du rapporteur général de la commission des finances en votant le texte tel que l'a modifié le Sénat. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. La discussion de ce projet de loi de finances rectificative offrait le choix entre deux attitudes : ou bien proposer des mesures éventuellement susceptibles d'inverser la tendance au ralentissement de la croissance et préconiser des solutions mieux adaptées aux problèmes posés - c'est ce que nous avons tenté de faire - ou bien profiter du débat pour proposer de nouveau tout un panel de mesures fiscales ou budgétaires circonstanciées et, pour l'essentiel, destinées au seul fonds de commerce électoral.
C'est à ce dernier jeu, au demeurant pas très évident dans son application, que s'est livré notre rapporteur général, faisant comme si le ralentissement de la croissance permettait de dispenser encore quelques cadeaux fiscaux plus ou moins bienvenus.
Après avoir bouleversé l'équilibre des recettes tirées de la première partie du projet de loi, notre rapporteur général et ses amis ont ensuite mis en cause la réalité des ouvertures de crédits prévues et ont enfin inséré dans la seconde partie un ensemble de dispositions discutables. Nous ne pensons pas que tel soit forcément le meilleur choix dans les circonstances qui nous préoccupent actuellement.
Nous avons en effet autre chose à faire que revenir sans arrêt sur une dépense publique rendue nécessaire, pour l'essentiel, par l'évolution de la situation économique et sociale.
Les quelques articles sur lesquels nous sommes parvenus à une plus large convergence ne peuvent masquer l'essentiel de nos désaccords. Le texte de ce collectif budgétaire ressort des travaux de notre Haute Assemblée, avec une orientation libérale renforcée. Nous le rejetons donc sans la moindre ambiguïté.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, je dirai, pour faire suite à la comparaison historique de notre collègue Aymeri de Montesquiou, que le Persan serait sans doute surpris par une autre réalité. Il comparerait en effet la discussion générale, où les points de vue sur la politique des finances publiques s'opposent complètement, et la discussion des articles, où l'on trouve, en définitive, sur des questions concrètes des solutions de bon sens, des solutions propices à une bonne gestion de l'Etat.
Notre Persan serait peut-être un peu surpris de nos habitudes, mais peut-être aussi favorablement impressionné par la bonne tonalité générale des débats dans notre hémicycle. Il nous considèrerait, je pense, malgré la situation de plus en plus difficile de nos finances publiques, comme des gens civilisés. Le Persan relèverait donc cette contradiction et en retirerait, en fin de compte, un sentiment assez positif, du moins je l'espère.
Madame le secrétaire d'Etat, je redeviens sérieux pour vous redire, ainsi qu'à vos collaborateurs, que, malgré la difficulté de l'exercice, nous sommes parvenus à quelques avancées tout à fait significatives sur un certain nombre de points. Nous espérons que la navette permettra de les confirmer.
Je voudrais vous adresser, madame le secrétaire d'Etat, des remerciements techniques, si j'ose dire, très sincères de la commission des finances du Sénat. Si j'ai utilisé, lors de la discussion générale, des mots qui ont pu vous blesser, sachez que je les regrette vivement.
Nos travaux devraient être, dans l'ensemble, utiles. Pour la commission des finances, le collectif budgétaire est finalement un exercice d'autant plus intéressant qu'il se réalise dans l'urgence et qu'il faut traiter de tous les sujets. C'est en quelque sorte une remise en cause. J'espère que nous l'avons assumée dans des conditions aussi bonnes que possible.
Je voudrais remercier également nos collègues qui ont été nombreux à participer à la discussion des différents articles de ce collectif budgétaire.
Je n'aurai garde d'oublier dans ces remerciements la présidence, qui a veillé au bon déroulement des débats.
Je salue, enfin, la dernière première lecture des textes financiers de l'année 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je voudrais, à mon tour, remercier la commission des finances, car nous travaillons les uns et les autres, je le sais, dans des conditions quelque peu acrobatiques.
Pourtant, le travail effectué a été somme toute fructueux, puisque le Gouvernement a accepté dix-neuf amendements du Sénat, dont dix émanaient de la commission des finances. J'y vois la preuve de la qualité du travail réalisé. Cette qualité, nous la devons pour une grand part, à nos collaborateurs respectifs.
Je voudrais, enfin, remercier le service de la séance du Sénat qui, en acceptant de se prêter pour la première fois à la mise en ligne des amendements, nous a largement facilité le travail. (Applaudissements.)
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 38:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 207
Contre 112

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