SEANCE DU 5 FEVRIER 2002


M. le président. « Art. 36. - I. - Il est inséré, dans le titre II du livre III de la sixième partie du code de la santé publique, un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Chirurgie esthétique

« Art. L. 6322-1 . - Une intervention de chirurgie esthétique, y compris dans les établissements de santé mentionnés au livre Ier, ne peut être pratiquée que dans des installations satisfaisant à des conditions techniques de fonctionnement. Celles-ci font l'objet d'une accréditation dans les conditions prévues à l'article L. 6113-3.
« La création de ces installations est soumise à l'autorisation de l'autorité administrative territorialement compétente. L'autorisation, qui entraîne la possibilité de fonctionner, est accordée pour une durée limitée renouvelable. Elle est subordonnée au résultat d'une visite de conformité sollicitée par la personne autorisée et menée par l'autorité administrative compétente.
« Elle est réputée caduque si l'installation n'a pas commencé à fonctionner dans un délai de trois ans. De même, sauf accord préalable de l'autorité administrative sur demande justifiée du titulaire de l'autorisation, l'arrêt du fonctionnement de l'installation pendant une durée supérieure à six mois entraîne la caducité de l'autorisation. La caducité est constatée par l'autorité administrative compétente.
« L'autorisation est retirée si une publicité directe ou indirecte sous quelque forme que ce soit est effectuée en faveur de l'établissement titulaire de ladite autorisation.
« L'autorisation peut être suspendue totalement ou partiellement, ou peut être retirée par l'autorité administrative compétente pour les motifs et dans les conditions prévues à l'article L. 6122-13. Toutefois, l'avis de la section compétente du conseil régional de santé n'est pas exigé.
« L'activité, objet de l'autorisation, n'entre pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie au sens de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale.
« Art. L. 6322-2 . - Pour toute prestation de chirurgie esthétique, la personne concernée et, s'il y a lieu, son représentant légal, doivent être informés par le praticien responsable des conditions de l'intervention, des risques et des éventuelles conséquences et complications. Cette information est accompagnée de la remise d'un devis détaillé. Un délai minimum doit être respecté par le praticien entre la remise de ce devis et l'intervention éventuelle. Pendant cette période, il ne peut être exigé ou obtenu de la personne concernée une contrepartie quelconque ni aucun engagement à l'exception des honoraires afférents aux consultations préalables à l'intervention.
« Art. L. 6322-3 . - Les conditions d'autorisation des installations mentionnées à l'article L. 6322-1 sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Les conditions techniques de leur fonctionnement et la durée du délai prévu à l'article L. 6322-2 sont fixées par décret.
« II. - Dans un délai de six mois à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 6322-3 du code de la santé publique, les responsables des installations de chirurgie esthétique existant à cette même date doivent déposer une demande d'autorisation. Ils peuvent poursuivre leur activité jusqu'à ce qu'il soit statué sur leur demande par l'autorité administrative compétente dans les conditions prévues à l'article L. 6322-3 du même code. »
L'amendement n° 310, présenté par MM. Gournac, Vasselle, Paul Blanc, Leclerc et Vial, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'intitulé du texte proposé par le I de l'article 36 pour le chapitre II du titre II du livre III de la sixième partie du code de la santé publique : "Actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique". »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. L'amendement n° 310, comme le sous-amendement n° 311 que je présenterai dans un instant, a pour objet de prévoir que les nouvelles dispositions du code de la santé publique encadreront l'ensemble des actes à visée esthétique, qu'ils soient médicaux ou chirurgicaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. La commission comprend parfaitement la préoccupation qui a animé les auteurs de l'amendement n° 310. Toutefois, elle leur demande de le retirer dans la mesure où il est largement satisfait par l'amendement n° 94 de la commission, que nous examinerons tout à l'heure.
Qui plus est, cet amendement ne fait qu'obscurcir un peu plus la distinction entre les actes médicaux et les actes chirurgicaux à visée esthétique, qui n'est certes pas très claire.
M. Alain Gournac. Ce n'est pas gentil !
M. Gérard Dériot, rapporteur. La commission, pour sa part, a déposé un amendement qui lui semble plus clair : si les actes relèvent de la chirurgie, ils seront pris en compte s'ils relèvent de la médecine et il n'y a pas lieu de prévoir un encadrement spécifique tel que l'envisage l'article 36, qui vise les interventions lourdes.
L'amendement n° 310, lui, ne permettrait plus aux dermatologues, par exemple, de pratiquer dans leur cabinet certains actes courants à visée esthétique et qui ne sont pas concernés par le présent article.
M. le président. Monsieur Gournac, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur ?
M. Alain Gournac. Je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je suis, moi aussi, défavorable à cet amendement, et je vais expliquer pourquoi.
Au demeurant, avant de donner l'avis du Gouvernement sur les différents amendements, je souhaite présenter rapidement les principaux objectifs des dispositions relatives à la chirurgie esthétique.
L'objet des articles 36 à 39 est d'encadrer la pratique pour assurer la sécurité sanitaire, et pas autre chose. C'est pourquoi j'ai apprécié ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur.
Dans cet esprit, je souhaite que les structures où s'exerce la chirurgie esthétique soient soumises à autorisation afin de contrôler les conditions techniques de fonctionnement, ce qui paraît assez simple.
Ces conditions techniques doivent en effet être adaptées à la nature des interventions. C'est ainsi que les installations où se pratiquent des interventions lourdes, nécessitant des anesthésies générales, devront disposer d'un plateau technique adéquat, correspondant aux moyens techniques que l'on trouve dans les services de chirurgie, les blocs opératoires et les services d'anesthésie.
Les conditions techniques imposées aux structures ne réalisant que des interventions sous anesthésie locale seront évidemment de nature différente, adaptées à des interventions moins lourdes. Tout cela sera précisé par décret.
Cependant, la qualification des personnels, en particulier celle des médecins, n'est pas directement visée par ces dispositions, qui concernent avant tout les installations. Cela étant, une clarification des compétences des médecins est sans doute devenue nécessaire.
La pratique de la chirurgie esthétique par des médecins qualifiés en chirurgie ne pose pas de difficultés. De même, la pratique de certains actes à visée esthétique par les dermatologues entre dans le champ de leur formation ; dès lors, il ne paraît pas justifié de soumettre les dermatologues, qui pratiquent peu ou prou des interventions de ce type, à une autorisation.
En revanche, la pratique de la médecine esthétique par des généralistes formés dans des conditions non contrôlées nécessite aujourd'hui un examen approfondi et, probablement, à terme, l'adoption d'une qualification spécifique, passant par une formation complémentaire de ces généralistes.
M. le président. Monsieur Gournac, je vous interroge à nouveau : l'amendement n° 310 est-il maintenu ?
M. Alain Gournac. Monsieur le président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention notre rapporteur et M. le ministre. Pour nous, l'objectif était essentiellement d'obtenir une clarification, car cette affaire de chirurgie esthétique ou de médecine esthétique se caractérise par une certaine confusion. Si notre amendement ajoute encore de l'obscurité, bien entendu, nous ne pouvons que le retirer. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 310 est retiré.
L'amendement n° 94, présenté par M. Dériot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Compléter l'article 36 par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du conseil national de l'ordre des médecins, fixe les conditions dans lesquelles les médecins pratiquant des interventions de chirurgie esthétique sont qualifiés à ce titre et sont autorisés à exercer dans les conditions prévues à l'article L. 6322-1 du code de la santé publique. »
Le sous-amendement n° 311 présenté par MM. Gournac, Vasselle, Paul Blanc, Leclerc et Vial, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 94, remplacer les mots : "interventions de chirurgie" par les mots : "actes médicaux et chirurgicaux à visée". »
La parole est à M. Dériot, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 94.
M. Gérard Dériot, rapporteur. Cet amendement tend à préciser la situation des médecins non qualifiés en chirurgie esthétique mais pratiquant des interventions à visée esthétique. On peut actuellement estimer leur nombre à 3 500, contre environ 500 chirurgiens spécialisés, ce qui traduit un déséquilibre évident.
Dans le souci de garantir la sécurité des patients, il importe que ces médecins répondent aux exigences posées par le projet de loi.
Cela étant, il importe aussi de permettre à ces praticiens de pouvoir poursuivre leur activité dès lors qu'ils remplissent des exigences de qualité suffisante et satisfont aux conditions fixées par l'article 36.
C'est pourquoi nous proposons de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du conseil national de l'ordre des médecins, le soin de définir les conditions de poursuite de leur activité.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour présenter le sous-amendement n° 311.
M. Paul Blanc. Il s'agit d'un sous-amendement de conséquence.
Si j'ai bien compris, monsieur le ministre, vous envisagez la création d'un véritable diplôme de médecine esthétique. Quel sera, au juste, le contenu du cursus dont ce diplôme sera l'aboutissement ?
M. Alain Gournac. Bonne question !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 311 ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. Je ne peux que formuler les mêmes objections que celles que j'ai émises sur l'amendement n° 310.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 94 ainsi que sur le sous-amendement n° 311 ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Bien que je comprenne parfaitement les arguments qu'a exposés M. le rapporteur, j'estime qu'il n'y a pas lieu, dans le cadre de ce projet de loi, de traiter des conditions dans lesquelles les qualifications sont obtenues puisque l'article 60 de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale vient de modifier les dispositions du code de l'éducation relatives au troisième cycle des études médicales. Le quatrième alinéa de l'article L. 632-12 de ce code renvoie à des décrets en Conseil d'Etat la détermination des « conditions dans lesquelles les personnes autorisées à exercer la médecine en France peuvent obtenir la qualification de spécialiste ».
Dans ces conditions, il me paraît prématuré de modifier les principes de la réforme qui a été votée tout récemment pour traiter du seul domaine de la chirurgie esthétique.
Je précise que la loi du 17 janvier 2002 prévoit, dans ses articles 66 et 67, que les médecins issus de l'ancien régime des études médicales et titulaires d'une compétence ordinale en chirurgie plastique reconstructrice et esthétique peuvent solliciter leur inscription avant le 1er janvier 2003 comme spécialistes en chirurgie plastique reconstructrice et esthétique.
Pour ces raisons, je souhaite le retrait de l'amendement n° 94.
A M. Paul Blanc je répondrai qu'une concertation me paraît nécessaire avant toute décision. Pour le moment, je n'ai pas pris de décision qu'en ce qui concerne la gynécologie médicale et les urgentistes. Je n'ai pas décidé de la création d'un certificat complémentaire de médecine esthétique. Mais pourquoi pas ? Il faut que nous en parlions avec les intéressés. Après, nous prendrons une décision, dans un sens ou dans un autre.
M. le président. Monsieur Gournac, maintenez-vous votre sous-amendement n° 311 ?
M. Alain Gournac. Il me paraît logique de le retirer, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 311 est retiré.
Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 94 est-il maintenu ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. Reconnaissons, les uns et les autres, que rien n'est très clair dans ce domaine, y compris pour nous ! (Sourires.)
Dans ces conditions, il me paraît sage, pour l'heure, de retirer cet amendement.
Je souhaite toutefois vous interroger, monsieur le ministre, sur le sens exact d'une disposition qui a été introduite par l'Assemblée nationale, concernant la publicité. Le retrait de l'autorisation peut se concevoir lorsqu'il s'agit d'une publicité stricto sensu. Mais une clinique de chirurgie esthétique a tout de même besoin de se faire connaître, comme n'importe quelle clinique.
M. le président. L'amendement n° 94 est retiré.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Il va de soi, monsieur le rapporteur, qu'une clinique a parfaitement le droit de faire apparaître ses coordonnées et sa spécialité dans les « pages jaunes » de l'annuaire. Là, il ne s'agit pas de publicité au sens où l'on parlait autrefois de « réclame ».
M. Gérard Dériot, rapporteur. Merci de cette précision, monsieur le ministre.
M. le président. Je mets aux voix l'article 36.

(L'article 36 est adopté.)

Article 37