SEANCE DU 21 FEVRIER 2002


M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Gélard au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 257 du code civil, il est inséré un paragraphe 4 ainsi rédigé :
« Paragraphe 4. - De l'introduction de l'instance en divorce. »
« Art. 257-1. - Après l'ordonnance de non-conciliation, chaque époux peut prendre l'initiative de la demande en divorce. Cette demande, formée par assignation ou par requête conjointe, doit préciser le cas de divorce invoqué.
« A peine d'irrecevabilité, elle doit comporter des propositions de règlement des intérêts pécuniaires des époux.
« En cas d'assignation, l'époux demandeur doit, le cas échéant, justifier s'être conformé aux mesures prises par le juge en application des 1° et 2° de l'article 255.
« 257-2. - Si l'autre époux n'a pas lui-même reconnu l'altération irrémédiable des relations conjugales et accepté le principe d'un divorce fondé sur l'article 237, une demande fondée sur ce même article ne peut être effectuée par un époux moins de dix-huit mois après l'ordonnance de non-conciliation.
« Art. 257-3. - Le délai prévu à l'article précédent ne s'applique pas lorsque :
« - le demandeur établit une rupture de la vie commune en raison d'une séparation de fait des époux pendant deux ans avant la requête initiale de divorce ;
« - le demandeur établit que les facultés mentales du conjoint se trouvent si gravement altérées depuis deux ans avant la requête initiale de divorce qu'aucune communauté de vie ne subsiste plus entre les époux et ne pourra, selon les prévisions les plus raisonnables, se reconstituer dans l'avenir.
« Art. 257-4. - Chaque époux peut former une demande reconventionnelle fondée sur l'un des cas visés à l'article 233.
« Lorsqu'à une demande initiale fondée sur l'article 237, il est répondu par une demande reconventionnelle fondée sur l'article 242, le demandeur initial peut invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet article rédige tout un paragraphe relatif à l'introduction de la demande de divorce contentieux.
L'article 257-1 prévoit que la demande de divorce peut être présentée soit par assignation, soit par requête conjointe des deux époux. La demande est irrecevable si elle ne comporte pas de proposition de règlement des intérêts pécuniaires des époux. Si la demande est présentée par un seul époux, celui-ci doit avoir satisfait aux mesures de médiation ordonnées par le juge.
L'article 257-2 prévoit que, si les deux époux ne sont pas d'accord sur le principe du divorce, une demande de divorce pour altération irrémédiable des relations conjugales ne peut être présentée moins de dix-huit mois après l'ordonnance de non-conciliation.
L'article 257-3 prévoit que ce délai ne joue pas si un époux peut établir, depuis deux ans avant l'introduction de la requête initiale, une rupture de la vie commune ou une altération des facultés mentales du conjoint.
L'article 257-4 permet à chaque époux de former une demande reconventionnelle fondée sur l'un des deux cas de divorce et prévoit que, en cas de demande reconventionnelle pour faute, un époux qui a effectué une demande de divorce pour altération irrémédiable des relations conjugales peut modifier le fondement de sa demande.
Ainsi est reconnu un droit au divorce unilatéral à l'issue d'un certain délai de réflexion : dix-huit mois, à partir du moment où l'on dépose la requête, ou immédiatement, si la séparation est effective depuis en fait deux ans.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je suis dubitative devant un délai aussi rigide. Pourquoi prévoir un délai de dix-huit mois après l'ordonnance de non-conciliation ? Certes, ce dispositif s'appliquerait sauf si les époux sont séparés depuis deux ans, mais vous verrez que, comme par miracle, toutes les personnes auront été séparées depuis deux ans !
Je ne peux souscrire à un tel dispositif qui instaure un délai rigide s'imposant autant aux juges qu'aux parties. Je le trouve inadapté aux circonstances ou à la volonté même du défendeur.
Un tel délai risque, par ailleurs, d'être dépourvu de tout intérêt en l'absence de mesure de médiation. A quoi sert ce délai ? Que fait-on des dix-huit mois ? On va simplement allonger la procédure.
De toute façon, je ne pourrais pas vous suivre à cause du divorce pour faute. Mais, honnêtement, je suis choquée par ce délai de dix-huit mois. Je ne vois pas pourquoi on veut allonger la procédure envers et contre tout.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Madame le ministre, nous n'allongeons pas la procédure. Je rappelle que, dans le rapport de Mme Dekeuwer-Défossez, le délai prévu était de trois ans et que, dans la situation actuelle, il est de six ans. C'est pour répondre au souhait de l'ensemble de nos interlocuteurs, magistrats, avocats, divorcés - hommes et femmes - que nous avons imaginé ce délai de réflexion.
Nous nous situons dans l'hypothèse où le divorce n'est demandé que par l'un des conjoints et où l'autre est, en fin de compte, hostile au divorce. Mais ce délai peut être à tout moment interrompu. Il suffit que l'autre accepte le divorce et, à partir de là, il n'y a plus de problème : on en revient aux délais normaux qui s'appliquent au divorce par consentement mutuel ou pour faute.
Si l'un des deux époux s'oppose au divorce, on ne peut accepter que le divorce puisse être prononcé immédiatement. Ou alors, on entre dans le système de la répudiation. Dans le dispositif que nous proposons, le délai de réflexion permet l'apaisement ou, comme nos interlocuteurs l'ont formulé, le temps nécessaire au deuil, après ce véritable coup de tonnerre que représente la demande de divorce introduite par le conjoint.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.
Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 6.

Article 7