SEANCE DU 17 JUILLET 2002


M. le président. « Art. 2. - Une convention ou un accord collectif de branche pourra prévoir les conditions dans lesquelles les acquis de l'expérience des jeunes mentionnés à l'article L. 322-4-6 du code du travail sont validés.
« L'employeur met en place les conditions nécessaires à la participation effective des intéressés aux actions prévues dans le cadre du plan de formation de l'entreprise. »
L'amendement n° 37, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :
« Au premier alinéa de l'article 2, remplacer le mot : "pourra" par le mot : "devra". »
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Toujours dans le droit-fil de la préoccupation qui est la nôtre depuis le début de cette discussion, nous souhaitons que les jeunes entrent dans un dispositif de formation. Cela n'a pas été jugé possible par le Sénat - je ne veux pas dire « utile », car le mot ne serait pas adéquat.
Nous abordons maintenant la validation des acquis. Le projet de loi donne aux partenaires sociaux la possibilité d'organiser cette validation, mais sans aucune obligation.
Or il est indispensable, selon nous, que les jeunes peu ou pas diplômés puissent bénéficier de la validation des acquis de l'expérience, surtout si le volet formation n'est pas partie intégrante du contrat à durée indéterminée.
L'obligation, et non la faculté, pour les partenaires sociaux d'organiser cette validation est donc fondamentale, pour que les jeunes puissent progresser dans leur parcours professionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 37.
M. Jacques Legendre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Si j'étais tout à l'heure en désaccord avec notre collègue M. Delfau, je regrette quelque peu que nous ne marquions pas, d'une manière plus importante, l'intérêt qui s'attache à faire bénéficier, au bout de trois ans, ces jeunes de ce dispositif.
A titre personnel, je voterai cet amendement.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je veux rassurer M. Legendre et lui dire que, bien entendu, le Gouvernement est tout à fait soucieux de voir les partenaires sociaux se mettre d'accord dans les meilleurs délais sur cette question de la validation des acquis, et pas seulement pour les jeunes. Nous prendrons d'ailleurs toutes les initiatives nécessaires pour que les partenaires sociaux reprennent les discussions sur ce point, qui est fondamental.
Mais il serait, je crois, très maladroit d'introduire, dans un texte spécifique, une telle contrainte pour les partenaires sociaux.
Je confirme donc l'objectif général du Gouvernement, qui est bien d'arriver rapidement à un accord sur la validation des acquis de l'expérience.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa de l'article 2, remplacer le mot : "jeunes" par le mot : "salariés". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 22, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Compléter le premier alinéa par les mots : "et dans lesquelles ces salariés participent aux actions de formation prévues dans le cadre du plan de formation de l'entreprise".
« B. - En conséquence, supprimer le second alinéa de l'article 2. »
L'amendement n° 38, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa de l'article 2 :
« Grâce à une convention ou à un accord collectif de branche, les partenaires sociaux fixent les orientations de cette formation. »
L'amendement n° 29, présenté par MM. Domeizel, Chabroux, Cazeau et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 2, après les mots : "met en place", insérer les mots : "un dispositif de tutorat ainsi que". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 22.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à préciser les conditions d'accès du jeune à la formation.
Dans sa rédaction actuelle, le second alinéa de l'article 2 n'apporte rien. Il n'a pas de portée normative, car il se contente de rappeler le droit commun. Aussi, la commission considère qu'il est sans doute préférable de renvoyer à la négociation entre partenaires sociaux la fixation des conditions d'accès à la formation, à l'image de ce que prévoit le projet de loi en matière de validation des acquis de l'expérience.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour présenter l'amendement n° 38.
M. Gérard Delfau. J'ai été, moi aussi - pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre - frappé par la vacuité de cet alinéa.
Pour le nourrir quelque peu, je propose au Sénat - toujours dans le même esprit pédagogique - de le rédiger ainsi : « Grâce à une convention ou à un accord collectif de branche, les partenaires sociaux fixent les orientations de cette formation. »
Les jeunes ne doivent pas, je le répète, être voués à longueur d'années, voire de décennies, à des emplois faiblement qualifiés, sous-payés. Il faut par conséquent qu'à un moment donné une intervention - si elle n'émane pas des pouvoirs publics, elle doit venir des partenaires sociaux - facilite cette étape de validation des acquis dans le parcours de formation.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 29.
M. Claude Domeizel. L'amendement n° 29 vise à instaurer et à valoriser le tutorat en vue de favoriser à la fois une meilleure intégration dans l'entreprise et, sur le long terme, une insertion professionnelle durable et de qualité.
Je suis en effet convaincu, tout comme mes collègues, que la bonne intégration du nouveau venu dans l'entreprise se fera d'autant plus aisément que les salariés de cette dernière y seront impliqués.
En outre, le tutorat permet, non seulement de favoriser une transmission des savoirs plus humaine et adaptée, mais également de guider et d'aider le jeune tout au long de son parcours de formation ainsi que dans sa progression.
En conséquence, je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 38 et 29 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements n°s 38 et 29. Du reste, si l'amendement n° 22 était adopté, ce que j'espère, ceux-ci n'auraient plus d'objet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 22. Comme l'a dit M. le rapporteur, si cet amendement est adopté, les deux autres amendements n'auront plus d'objet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 22.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je me réjouis de la souplesse adoptée dans le dispositif de formation. Vous vous êtes plu à le souligner, monsieur le ministre, à l'occasion d'un amendement précédent et vous avez émis un avis de sagesse compte tenu de la faculté qui était donnée aux entreprises d'organiser ou non un plan de formation, ce qui est important compte tenu du public visé ; je rejoins, de ce point de vue, les préoccupations de M. Legendre. Compte tenu de sa spécificité et de son parcours, ce public jeune, pourra ainsi être intégré plus facilement, d'une manière durable dans l'entreprise.
Apprécier la qualification et les compétences au travers de l'expérience acquise et de la production effective apportée à l'entreprise me paraît plus judicieux que d'exiger un engagement dans une formation professionnelle, qui a un caractère quelque peu théorique. C'est avec une telle approche que nous pourrons rendre notre démarche efficace. Beaucoup de chefs d'entreprise, notamment de petites et de moyennes entreprises, sont en effet à même d'apprécier très rapidement les capacités du jeune à réussir dans son métier à partir de l'expérience acquise plutôt que par la connaissance théorique liée au métier qu'il exercera dans l'entreprise.
Cette souplesse est de nature à me rassurer. C'est la raison pour laquelle je voterai sans aucune difficulté l'amendement proposé par la commission.
Je souhaite que nous restions dans cet esprit. En effet, la réussite de ce dispositif dépend de la mobilisation des chefs d'entreprise. C'est uniquement sur ce point que nous pourrions avoir un doute, plutôt qu'à propos de la charge financière qui pourrait en résulter pour notre pays.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement de la commission est intéressant, non pas qu'il garantisse aux jeunes une formation en plus de la procédure de validation des acquis et de l'expérience, qui, à notre sens, ne saurait suffire, surtout pour les jeunes ciblés, qui sont très faiblement qualifiés ou pas du tout, ou qu'il empêche les contrats-jeunes de phagocyter les contrats de travail en alternance, mais parce que M. Louis Souvet abonde dans notre sens lorsque nous reprochons au texte d'être, en l'état, trop peu normatif.
On ne peut, monsieur le ministre, se contenter d'inciter les entreprises ou les branches professionnelles en matière de formation professionnelle. Sans une vraie qualification en rapport avec les grilles actuelles de classification - d'ailleurs, les branches professionnelles ont institué, au travers de leurs centres de formation, des grilles parfaitement identifiées -, il ne peut y avoir d'insertion durable.
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Je vais faire évoluer ce que je voulais dire. Ce texte serait trop peu normatif. On en a « soupé » de tout mettre dans les textes de loi ! Pendant cinq ans, on n'a fait que cela, et les textes n'étaient plus lisibles ! (Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Michelle Demessine. Arrêtez !
M. Alain Gournac. Ne nous donnez pas de leçons, mes chers collègues, ...
Mme Michelle Demessine. Vous non plus !
M. Alain Gournac. ... restez modestes !
Mme Michelle Demessine. Vous aussi !
M. Alain Gournac. Ce que je souhaite, c'est que le texte soit efficace et permette à beaucoup de jeunes de s'en sortir. Nous reviendrons plus tard sur le caractère peu normatif de ce texte !
Par ailleurs, j'apprécie le changement d'attitude du Gouvernement. Ce soir, je suis un homme heureux ; je l'ai dit tout à l'heure à la tribune, je le redis maintenant : on peut discuter avec le Gouvernement, qui ne nous envoie pas sur les roses systématiquement. (M. Gilbert Chabroux s'exclame.) Je partage ce qu'a dit Alain Vasselle sur ce point. Tout à l'heure, lors de l'examen de l'amendement n° 24 rectifié, j'ai beaucoup apprécié la position du Gouvernement : il s'en est remis à la sagesse du Sénat. Et nous avons été sages, car nous avons retiré cet amendement. Nous voulons défendre les handicapés... (M. Gilbert Chabroux s'exclame.) C'est un état d'esprit global ! Cela vous change ! Il faut voir comment les débats se déroulaient dans cet hémicycle !
Je salue donc une attitude tout à fait nouvelle du Gouvernement, en particulier du ministre qui est devant nous. (M. Alain Vasselle applaudit.)
Mme Michelle Demessine. Un monde parfait ! On en reparlera !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 38 et 29 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 30, présenté par MM. Chabroux, Cazeau, Domeizel et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Compléter in fine l'article 2 par un alinéa ainsi rédigé :
« En contrepartie de l'exonération de charges, l'entreprise doit mettre en oeuvre un véritable parcours de formation dès l'embauche. Ce parcours, pour être adapté à chaque personne, devra s'appuyer sur un bilan de compétences. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. J'ai déjà dit beaucoup de choses à propos de la formation. Je n'ai donc rien à ajouter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Comme M. Chabroux, je n'ai rien à ajouter, mais dans l'autre sens ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai expliqué tout à l'heure pourquoi le Gouvernement était défavorable à cette série d'amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 2