SEANCE DU 26 JUILLET 2002


M. le président. « Art. 31. - I. - L'article 138 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« a) Il est inséré, après le 16° , un alinéa ainsi rédigé :
« L'obligation prévue au 2° peut être exécutée, avec l'accord de l'intéressé recueilli en présence de son avocat, sous le régime du placement sous surveillance électronique, à l'aide du procédé prévu par l'article 723-8. Les articles 723-9 et 723-12 sont applicables, le juge d'instruction exerçant les compétences attribuées au juge de l'application des peines. »
« b) Dans le dernier alinéa, il est inséré, après le mot : "judiciaire", les mots : "et au placement sous surveillance électronique".
« II. - L'article 144-2 du même code est abrogé.
« III. - Le dernier alinéa de l'article 723-7 du même code est complété par la phrase suivante : " Le placement sous surveillance électronique emporte également pour le condamné l'obligation de répondre aux convocations de toute autorité publique désignée par le juge de l'application des peines."
« IV. - L'article 723-9 du même code est ainsi modifié :
« a) Il est inséré, après le deuxième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« La mise en oeuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance peut être confiée à une personne de droit privé habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ».
« b) Le troisième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« Dans la limite des périodes fixées dans la décision de placement sous surveillance électronique, les agents de l'administration pénitentiaire chargés du contrôle peuvent se rendre sur le lieu de l'assignation pour demander à rencontrer le condamné. Ils ne peuvent toutefois pénétrer au domicile de la personne chez qui le contrôle est pratiqué sans l'accord de celle-ci. Ces agents font aussitôt rapport au juge de l'application des peines de leurs diligences. »
« V. - Au premier alinéa de l'article 723-13 du même code, les mots : "d'inobservation des conditions d'exécution constatée au cours d'un contrôle au lieu d'assignation" sont remplacés par les mots : "d'inobservation des interdictions ou obligations prévues au dernier alinéa de l'article 723-7, d'inconduite notoire ".
L'amendement n° 212, présenté par M. Estier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le II de l'article 31. »
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. La proposition du groupe socialiste vise à supprimer le II de l'article 31. Ainsi, le juge pourrait autoriser la personne mise en examen à effectuer la détention provisoire sous surveillance électronique.
Mes chers collègues, si le II était maintenu, cela constituerait un très important retour en arrière. Vous le savez, la mesure est récente et il faut se laisser la possibilité de l'expérimenter et d'en connaître vraiment les résultats. La surveillance électronique a été mise en place pour désengorger les prisons mais aussi pour favoriser le lien social, affectif et familial ainsi que pour faciliter la réinsertion du condamné. Aujourd'hui plus qu'hier, les prisons étant pleines, cette mesure est une formule de bon sens.
Les personnes mises en examen devraient pouvoir effectuer leur détention provisoire sous surveillance électronique. Il ne serait ni juste ni opportun de les priver de cette possibilité. Ce serait, je l'ai dit, un vrai retour en arrière.
Monsieur Schosteck, dans votre rapport, vous faites état de difficultés pratiques et de difficultés de principe. Pouvez-vous nous faire connaître la réalité et le nombre de ces difficultés ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. En effet, la disposition en question a posé des problèmes complexes et n'est pas utilisée. On n'en voit pas bien l'utilité, mais je pense que le Gouvernement pourra fournir un avis encore plus circonstancié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comment peut-on savoir si elle pose des difficultés ou non ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. On sait que cela n'a pas fonctionné !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat. Cette mesure a effectivement été adoptée dans la loi du 15 juin 2000, mais, depuis, elle n'a jamais été expérimentée tant sa mise en oeuvre posait un certain nombre de problèmes.
Comment, en effet, concilier les objectifs de la détention provisoire - éviter la fuite ou le renouvellement des faits commis, notamment - avec le bracelet électronique, qui permet simplement d'être alerté en temps réel si une personne quitte, pendant la nuit, le domicile où elle est assignée ?
Par ailleurs, la détention provisoire étant par définition provisoire et devant être renouvelée à échéances régulières, il faudrait, tous les quatre mois, un débat contradictoire pour savoir si le port du bracelet électronique est ou non prolongé.
L'amendement n° 212 ne semble pas judicieux au Gouvernement, qui émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 212.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit d'un recul considérable ! On nous a dit peu de choses : on nous a affirmé qu'il y avait des difficultés. A notre question concernant la nature des difficultés, on nous répond : « On ne sait pas, on n'a jamais essayé. » Cette attitude est incroyable !
Vous nous dites que la personne pourrait ne pas se présenter.
Je vous rappelle le texte de l'article 144-2 du code de procédure pénale : « Lorsqu'elle est prononcée, la détention provisoire peut être effectuée, sur décision du juge des libertés et de la détention d'office ou sur demande de l'intéressé ou du juge d'instruction, avec l'accord de l'intéressé, selon les modalités prévues aux articles 723-7 et suivants. Le juge des libertés et de la détention prend en considération la situation familiale de l'intéressé, notamment lorsque celui-ci exerce l'autorité parentale à l'égard d'un enfant ayant sa résidence habituelle chez lui et dont l'âge est inférieur à dix ans. Pour l'exécuton de cette mesure, le juge des libertés et de la détention exerce les compétences attribuées au juge de l'application des peines. » Faisons l'expérience ! Si le juge des libertés estime que, compte tenu de l'intéressé et de sa situation familiale, on peut essayer de faire exécuter la peine sous forme de la surveillance électronique, quel risque prend-on vraiment ? Il est évident que celui qui prend le risque ne va pas le faire pour une personne poursuivie pour des faits condamnés lourdement, pour des faits criminels. Cela va de soi !
Il n'est donc pas compréhensible de vouloir supprimer cette possibilité, qui est d'autant plus avantageuse que nos prisons sont, vous le savez, une honte, une humiliation pour la République. Si l'on ne s'en sert pas, cela ne fait de mal à personne, et si l'on s'en sert, cela peut être utile.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Je voudrais rappeler à nos collègues que cette disposition est le fruit d'un très grand travail du Sénat,...
M. Jean Chérioux. C'est certain !
M. Robert Badinter. ... dont notre collègue Guy-Pierre Cabanel a été l'initiateur et le moteur. Je me rappelle également combien le président Larché y était attaché.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Robert Badinter. Lorsque nous abordions les problèmes de la détention provisoire, nous évoquions toujours le recours au bracelet électronique. Cela a été pendant des années une revendication de la Haute Assemblée.
Et d'un seul coup maintenant, alors que je suis pour ma part convaincu que l'on n'a fait aucun effort parce que cette surveillance électronique est, en effet, un peu complexe à mettre en oeuvre - mais cela vaut mieux que mettre les gens en prison ! -, on nous dit que ce n'est pas possible, que c'est compliqué, que l'on n'a certes pas essayé mais que ce serait trop compliqué d'essayer !
On parle de la volonté parlementaire : voilà bien le moment de l'exercer, puisque c'est la Haute Assemblée qui a voulu cette disposition, et plus particulièrement, je le rappelle, le président Larché et M. Cabanel. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 212.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 195, présenté par M. Estier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le second alinéa du a du IV de l'article 31 par un membre de phrase ainsi rédigé : ", le contrôle est effectué exclusivement par des personnels de l'administration pénitentiaire". »
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Cet amendement s'inscrit dans la logique de l'amendement précédent. Il tend à préciser que, en matière de placement sous surveillance électronique, le contrôle est exclusivement effectué par des personnels relevant de l'administration pénitentiaire.
Ce type de fonction implique en effet des contacts personnalisés. Il est donc absolument indispensable que le statut des personnels concernés prévoie toutes les garanties nécessaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Le projet de loi précise déjà clairement que les personnes privées habilitées ne pourront se voir confier que le dispositif technique de contrôle à distance. Elles ne pourront évidemment pas intervenir physiquement chez le condamné, comme l'indique explicitement le projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat. J'approuve tout à fait la remarque de M. le rapporteur. J'ajouterai même que l'adoption de cet amendement aboutirait à interdire à la police et à la gendarmerie de procéder à des contrôles, ce qui, en l'espèce, ne serait pas très opérationnel.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 195.

(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme Nicole Borvo. Vous enterrez vos propres textes !
M. le président. L'amendement n° 196, présenté par M. Estier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« A la fin du V de l'article 31, supprimer les mots : ", d'inconduite notoire". »
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Cet amendement tend à supprimer la notion floue d'« inconduite notoire ».
Mme Nicole Borvo. Ah oui ! Il y a plusieurs conceptions de l'inconduite notoire !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement vise à écarter la possibilité de révoquer le placement sous surveillance électronique en cas d'inconduite notoire au motif que la notion serait floue. Mais elle ne l'est pas autant que ça puisqu'elle est déjà employée pour la révocation de la libération conditionnelle - elle figure donc dans le code pénal - et que son application ne semble pas susciter de difficultés particulières.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat. Comme la commission, et pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
J'ajoute que le retrait de ce bracelet électronique, s'il devait être prononcé, serait soumis à un débat contradictoire et que des possibilités d'appel existent.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 196.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai eu l'occasion de rappeler en commission des lois que l'article 340 du code civil - les vieux juristes s'en souviennent - empêchait le recours en reconnaissance de paternité en cas d'inconduite notoire. Là, on savait ce que ça voulait dire ! Mais en l'espèce, on ne voit pas vraiment la raison de l'emploi de ces termes !
La loi autorise la suppression de la surveillance électronique et la remise en prison d'une personne qui ne respecte pas les obligations qui sont les siennes. C'est normal : il y a alors un débat contradictoire, et des possibilités d'appel.
En revanche, qui est gêné par une éventuelle inconduite notoire ? Il n'est pas imposé à la personne sous surveillance électronique d'avoir une conduite parfaite ! Ce n'est donc pas une cause ! Alors, pourquoi l'ajouter ?
Nous aimerions avoir des exemples concrets pour comprendre le sens exact de cette expression. Même si nous imaginons ce qu'elle recouvre - mais peut-être imaginons-nous mal et avons-nous tous l'esprit mal placé ! - ...
M. Roger Karoutchi. Cela dépend qui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... il n'y a pas d'obligation à avoir une conduite parfaite.
C'est pourquoi nous proposons de ne pas retenir ces mots, dont personne ne nous explique la signification précise. Il n'y a en effet aucune raison de maintenir cette expression floue dans la loi.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 196.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est l'ordre moral !
M. le président. Je mets aux voix l'article 31.

(L'article 31 est adopté.)

Chapitre IV

Dispositions relatives à la répartition des détenus