SEANCE DU 30 JUILLET 2002


M. le président. « Art. 1er. - Les orientations de la politique de sécurité intérieure figurant à l'annexe I sont approuvées. »
Je donne lecture de l'annexe I :

« ANNEXE I

« Rapport sur les orientations de la politique
de sécurité intérieure

« La sécurité est un droit fondamental et l'une des conditions de l'exercice des libertés individuelles et collectives.
« L'Etat a le devoir d'assurer la sécurité en veillant sur l'ensemble du territoire de la République à la défense des institutions et des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l'ordre public, à la protection des personnes et des biens.
« Or, de 1981 à 2001, l'ensemble des faits constatés par la police nationale et la gendarmerie nationale ont augmenté de 40 % et, pour la première fois, la barre des quatre millions de crimes et de délits a été franchie en 2001.
« Deux tendances se dégagent de cette période de vingt ans :
« - l'une quantitative, l'augmentation exponentielle de la délinquance, que les chiffres illustrent de manière éloquente ;
« - l'autre qualitative, l'importance prise par les violences contre les personnes, qui ne sont pas seulement liées à la classique délinquance d'appropriation mais qui prennent de plus en plus la forme de violences gratuites, voire de violences d'humiliation.
« Cette situation qui frappe particulièrement les personnes les plus faibles porte atteinte aux principes fondamentaux de liberté, d'égalité et de fraternité et constitue une menace pour la cohésion nationale.
« Ce constat de la réalité quotidienne doit conduire à la définition de priorités opérationnelles s'agissant notamment de :
« - la montée de l'insécurité hors des grandes agglomérations. C'est l'indication nette que certains malfaiteurs n'hésitent pas à frapper loin de leurs bases en tirant profit de l'amélioration des réseaux de transport. C'est surtout le signe que de nouvelles catégories de la population ont basculé dans la délinquance et que des comportements délictuels qui se manifestaient presque exclusivement en milieu très urbanisé ont gagné les petites villes, voire les zones rurales. Ceci constitue une situation nouvelle à laquelle notre pays est confronté. Elle impose de revoir la répartition des zones de compétences entre les forces de sécurité intérieure et d'adapter l'organisation ainsi que les modes de fonctionnement des services ;
« - la multiplication des zones où l'Etat n'exerce plus de façon suffisante la protection à laquelle nos concitoyens ont droit. L'éradication des zones de non droit livrées à l'économie souterraine et à la loi des bandes constitue un devoir prioritaire ;
« - la montée de la délinquance des mineurs, dont la part dans la délinquance de voie publique est passée de 28 % en 1995 à 36 % en 2001. Cette délinquance dont les auteurs sont de plus en plus jeunes et de plus en plus violents est encouragée par la relative impunité dont ils bénéficient. Il importe de donner aux services enquêteurs les moyens nécessaires pour mettre un terme à cette situation inacceptable ;
« - le développement du trafic de drogues qui génère, en amont comme en aval, de multiples formes de délinquance et constitue un fléau sanitaire qui frappe en priorité les jeunes. Dans ce contexte, la nocivité de toutes les drogues doit être reconnue et la dépénalisation de l'usage de certains produits stupéfiants doit être rejetée.
« Derrière les faits constatés de criminalité et de délinquance, il y a d'abord des victimes. Lorsqu'on indique que les faits constatés ont globalement progressé de 13,92 % entre 1998 et 2001, cela signifie qu'il y a eu 487 267 victimes supplémentaires, soit plus que la population de la ville de Lyon. La prise en compte par l'Etat de cette dimension humaine de la délinquance, à tous les stades de la procédure, est aussi un devoir. L'accueil, l'information et l'aide aux victimes sont donc pour les services de sécurité intérieure une priorité. Le rôle de l'Etat étant de restituer la justice et non de prodiguer la consolation, il convient de reconnaître à la victime un véritable statut lui garantissant une réponse systématique et homogène, une réponse rapide, adaptée et lisible non seulement de la part de la justice mais également des forces de sécurité qui, parce qu'elles sont souvent les premières averties, doivent s'acquitter de leur devoir de conseil en adressant les victimes à l'organisme approprié ou à la maison de justice et du droit la plus proche ; ils doivent en outre être en mesure de recueillir avec soin à tout moment les plaintes des victimes. Une "charte de qualité" en fixant les modalités sera établie pour la police nationale et pour la gendarmerie nationale.
« La loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 a, pour la première fois, posé les principes et les orientations permanents de la politique de sécurité.
« Ces principes et ces orientations constituent des acquis, sur le fondement desquels une nouvelle étape doit être franchie.
« En effet, la création, voulue par le Président de la République, d'un ministère en charge de la sécurité intérieure donne à l'Etat des moyens d'action nouveaux dont il importe de tirer les conséquences.
« Pour exercer sa mission de sécurité intérieure, l'Etat dispose, à titre principal, d'une part de la police nationale et d'autre part de la gendarmerie nationale dont les personnels ont le statut militaire et qui conserve son rattachement organique au ministère de la défense.
« Cette spécificité permet à la gendarmerie nationale de constituer, au sein des forces de sécurité intérieure, un élément de continuité de l'action de l'Etat avec le domaine de la défense.
« Le ministre en charge de la sécurité intérieure bénéficie du concours d'autres services de l'Etat, notamment de la direction générale des douanes et droits indirects, de la direction générale des impôts et de la direction générale de la concurrence et de la consommation.
« Les orientations qui sont présentées ci après constituent le programme d'action en matière de sécurité intérieure que le Gouvernement se propose, avec le concours du Parlement, de mettre en oeuvre dans les cinq prochaines années.
« Il s'articule autour de deux objectifs principaux :
« - celui de fixer la nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure et d'en tirer les conséquences sur les missions et l'organisation des forces de sécurité intérieure et le rôle des autres acteurs publics ou privés ;
« - celui de donner aux services de sécurité intérieure un cadre juridique rénové leur permettant de lutter plus efficacement contre certaines formes de criminalité et de délinquance. Certaines des dispositions correspondant à cet objectif figurent dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice.
« Un code de la sécurité intérieure regroupant l'ensemble des textes qui intéressent la sécurité publique et la sécurité civile sera préparé.

« PREMIÈRE PARTIE

« PRINCIPES GÉNÉRAUX

« I. - Fixer la nouvelle architecture institutionnelle
de la sécurité intérieure

« Les orientations présentées ci après fixent la nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure.
« Au niveau national, le Conseil de sécurité intérieure, présidé par le Président de la République, détermine les orientations générales de la politique menée dans le domaine de la sécurité intérieure et fixe les grandes priorités.
« Les objectifs nationaux, approuvés par le Gouvernement, sont définis et mis en oeuvre par le ministre en charge de la sécurité intérieure.
« Cette organisation nationale est transposée au niveau départemental où le préfet assure la coordination de l'ensemble du dispositif de sécurité intérieure, sans préjudice des compétences de l'autorité judiciaire.
« Les objectifs nationaux sont déclinés par les conférences départementales de sécurité coprésidées par le préfet et le procureur de la République, en tenant compte des caractéristiques de chaque département.
« Ces conférences publient une fois par an un rapport faisant état de la situation de la sécurité dans le département. Ce rapport est communiqué, pour information, aux parlementaires, au président du conseil général et aux maires du département.
« Une politique de gestion par objectifs sera instaurée. Les résultats obtenus en matière de lutte contre l'insécurité seront régulièrement évalués et comparés aux objectifs fixés. Les responsables locaux de la police et de la gendarmerie rendront compte de ces résultats, chacun pour ce qui les concerne, et il en sera tenu compte dans leur progression de carrière.
« Enfin, l'ancrage des forces de sécurité intérieure dans la démocratie locale sera assuré grâce à la mise en place de conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance qui constituent l'instance de concertation sur les priorités de la lutte contre l'insécurité. Informés régulièrement des indicateurs de la délinquance et de l'ensemble des moyens mis en oeuvre par les services de police et les unités de gendarmerie, ils seront en mesure d'exprimer les attentes de la population en matière de sécurité de proximité. En matière de prévention de la délinquance, cette action de proximité sera conduite en coordination avec le conseil départemental de prévention.
« Les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présidés par les maires, auront pour mission de répertorier les actions de prévention existantes, de dégager une stratégie s'appuyant sur des objectifs déterminés et d'animer une politique cohérente en fonction de ces objectifs.
« Ils s'appuieront sur toutes les compétences utiles, notamment celles des services concernés de l'Etat et des collectivités locales, des acteurs sociaux, du monde associatif, des bailleurs et des sociétés de transport collectif.
« Les résultats de cette politique seront appréciés à travers la publication d'indicateurs, qui donneront lieu à un rapport annuel, soumis au conseil départemental de prévention.
« Les conditions dans lesquelles les compétences des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance pourront être étendues seront examinées. Une mission de réflexion sera confiée à cet effet à un élu.
« Sur le plan opérationnel, l'accent sera mis sur les formes d'action permettant d'associer tous les services de l'Etat concernés :
« - d'une part, au niveau national, par le renforcement des offices centraux de police judiciaire déjà existants, chargés de lutter contre les formes spécialisées de délinquance, et par la création d'un nouvel office central chargé de la recherche des malfaiteurs en fuite, ainsi que la transformation de la cellule interministérielle de lutte contre la délinquance itinérante (CILDI) en office central ;
« - d'autre part, au niveau local, grâce aux groupes d'intervention régionaux (GIR), destinés à lutter contre la délinquance violente, les trafics illicites et l'économie souterraine, en particulier dans les zones sensibles. Ces groupes seront associés à la lutte intérieure contre les réseaux d'immigration clandestine. Ils permettront de conjuguer l'action des services de police et de gendarmerie avec celle des douanes, des services fiscaux et des services de la concurrence et de la répression des fraudes ainsi que des directions du travail et de l'emploi. Les groupes d'intervention régionaux prendront en charge les délits commis par les gens du voyage lorsqu'ils présenteront les caractéristiques justifiant l'intervention de plusieurs administrations, notamment fiscale.
« Par ailleurs, il appartient aussi à l'Etat de veiller à ce que les maires et leurs services exercent leurs fonctions dans un cadre qui organise la complémentarité avec les services de l'Etat. Les maires pourront prendre l'initiative de faire des suggestions au préfet ou au procureur de la République qui coprésident la conférence départementale de sécurité et qui déterminent également les priorités d'action des GIR.
« La conclusion de conventions de coopération entre le représentant de l'Etat et le maire au sujet des rapports entre les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale, d'une part, et les polices municipales et les gardes champêtres, d'autre part, sera encouragée.
« En Polynésie française, les agents de la police municipale feront l'objet d'un agrément conjoint du haut commissaire et du procureur de la République et seront assermentés pour exercer leurs fonctions d'agent de police judiciaire.
« De manière plus générale, les moyens de renforcer l'action des polices municipales seront recherchés.
« Enfin, l'Etat veillera à ce que les autres acteurs de la sécurité que sont les professions de sécurité exercent leurs activités dans des conditions qui permettent les complémentarités. C'est ainsi que la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds sera étendue à la collectivité départementale de Mayotte.
« Il incombe également à l'Etat de veiller à ce que les différentes réglementations en vigueur incluent la dimension relative à la sécurité. Dans ce domaine, seront proposées notamment, dans le respect des normes européennes, des dispositions prévoyant la neutralisation des téléphones portables volés ainsi que l'immobilisation automatique des véhicules pour faire obstacle aux vols.

« II. - Utiliser de manière plus cohérente et efficace les forces de sécurité intérieure pour faire face aux nouvelles exigences de la sécurité

« Le présent programme d'action gouvernementale vise à mieux garantir le droit des citoyens à la sécurité en faisant reculer la délinquance. Tous les moyens humains et matériels nécessaires seront mis en oeuvre pour faire disparaître les zones de non droit du territoire français.

« A. - Définir la nouvelle doctrine d'emploi
des forces mobiles

« Les forces mobiles ont été créées dans un contexte historique particulier marqué par des périodes d'émeutes et de troubles collectifs.
« La démocratie apaisée que notre pays connaît depuis de nombreuses années permet aujourd'hui un changement radical de la doctrine d'emploi des forces mobiles.
« Cette politique systématique rompant avec la priorité de l'ordre public permet de mettre les 30 000 hommes qui constituent aujourd'hui les forces mobiles au service de la sécurité quotidienne.
« Les orientations présentées prévoient que, sans rien perdre de leur identité, ni de leur spécialisation dans le maintien de l'ordre, la plus grande partie des forces mobiles, compagnies républicaines de sécurité (CRS) et escadrons de gendarmerie mobile (EGM), sera employée en appui des missions de la direction centrale de la sécurité publique et de la gendarmerie départementale, dans leurs régions d'implantation. Les CRS et EGM seront prioritairement déployés dans les zones de compétence respective des deux forces.
« Ces forces supplémentaires seront mises à la disposition des services locaux, pendant toute la durée nécessaire, afin de leur permettre d'effectuer les opérations de sécurisation que la situation impose.
« La vocation de ces forces à intervenir pour les besoins de l'ordre public, ainsi que le régime indemnitaire spécifique lié à cette spécialisation, seront naturellement préservés sous réserve des ajustements éventuellement nécessaires.

« B. - Parvenir à un redéploiement rationnel et équilibré, d'une part, entre les zones de compétence de la police nationale et de la gendarmerie nationale, d'autre part, au sein même de celles-ci

« Une répartition plus rationnelle sera recherchée entre les zones de compétence de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Il conviendra ainsi de corriger, par le biais d'échanges compensés, les situations qui présentent au plan local un manque de logique opérationnelle. Chaque force devra s'organiser pour prendre effectivement en charge les missions de sécurité publique dans l'ensemble de la zone de responsabilité qui lui est confiée.
« Au sein même des zones attribuées à chaque force, la répartition des effectifs devra tenir compte de la réalité des besoins de sécurité. Dans la zone de gendarmerie, le maillage territorial, confirmé dans son principe, pourra toutefois faire l'objet d'adaptations locales afin d'optimiser l'offre de sécurité au regard de l'évolution de la démographie et de la délinquance. Afin de mieux mutualiser les moyens, l'organisation du service sera développée autour du concept de communauté de brigades.
« Cet effort de rationalisation aura pour objectifs d'assurer une meilleure qualité du service offert à la population et d'améliorer les performances des deux forces, notamment s'agissant du taux d'élucidation des crimes et délits.

« C. - Mettre un terme à l'emploi des policiers et des gendarmes dans des fonctions qui ne sont pas strictement liées à la sécurité

« L'efficacité des forces de gendarmerie et de police impose qu'elles se consacrent à leurs métiers et ne soient pas immobilisées par des tâches administratives. Les dispositions nécessaires seront prises pour que les tâches administratives et techniques actuellement remplies par des policiers et des gendarmes soient confiées à des agents relevant d'autres statuts. Certaines de ces tâches techniques, telles que l'entretien du parc automobile, seront, à chaque fois que possible, transférées au secteur privé.
« Dans le même esprit, les gardes statiques confiées aux policiers et gendarmes seront réduites au strict minimum. Il sera plus largement fait appel à l'externalisation de cette mission et aux moyens techniques de surveillance.
« Une réflexion sera lancée sur les moyens de transférer à l'administration pénitentiaire la charge des extractions et transfèrements de détenus ainsi que la surveillance des détenus hospitalisés. Des premières propositions devront être faites dans le délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.

« III. - Mieux équilibrer la police de proximité
et l'action judiciaire des forces de sécurité intérieure
« A. - Consolider la police de proximité

« L'objectif d'instaurer une police de proximité, initialement fixé par la loi d'orientation pour la sécurité du 21 janvier 1995, sera maintenu. Cependant, sa mise en oeuvre ne doit pas se faire au détriment des capacités d'action judiciaire et de la présence nocturne des forces. Ces capacités, affaiblies au cours des dernières années, doivent être remises à niveau.
« De même, la doctrine d'emploi de la gendarmerie nationale restera marquée par l'importance de la proximité mais sera adaptée en tant que de besoin.

« B. - Développer l'action judiciaire

« Une présence accrue sur la voie publique n'a de sens que si elle est prolongée par la recherche active et systématique des auteurs d'infractions afin qu'ils soient, dans les meilleurs délais, interpellés et mis à disposition de l'autorité judiciaire.
« Les capacités d'action de la police nationale et de la gendarmerie nationale dans le domaine judiciaire doivent donc être développées.
« a) Augmenter le nombre des officiers de police judiciaire et revaloriser cette compétence
« Le nombre des agents ayant la qualification d'officier de police judiciaire sera sensiblement augmenté sur la durée de la loi de programmation, notamment dans le corps de maîtrise et d'application de la police nationale. A cet effet, le dispositif de formation à la qualification d'officier de police judiciaire sera rénové. Cette qualification sera mieux prise en compte dans la progression de carrière. Dans les deux corps, les indemnités liées à cette qualification seront revalorisées.
« b) Etendre la compétence territoriale des officiers de police judiciaire
« La compétence territoriale des officiers de police judiciaire sera étendue. Les officiers de police judiciaire en fonction dans les circonscriptions de sécurité publique de la police nationale et les brigades de la gendarmerie nationale verront leurs compétences élargies à l'ensemble du département dans lequel ils exercent leurs attributions.
« Pour certains agents et militaires spécialisés dans des missions de police judiciaire particulières, cette compétence pourra être étendue à la zone de défense.
« L'exercice permanent des attributions d'agent de police judiciaire sera redonné aux gendarmes mobiles et CRS pour valoriser leur emploi dans les missions de sécurisation.
« Les fonctionnaires affectés au service de sécurité des transports de la région d'Ile de France recevront une habilitation correspondant à la compétence géographique de leur service.
« c) Développer les moyens de la police technique et scientifique
« Les moyens de la police technique et scientifique seront renforcés. Le développement d'outils d'investigation performants sera poursuivi afin d'obtenir, par la généralisation de nouveaux modes d'administration de la preuve, une amélioration du taux d'élucidation des faits constatés.
« L'utilisation, l'alimentation et le rapprochement des grands fichiers de police technique et scientifique seront développés.
« L'efficacité du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) sera renforcée par une accélération de la mise en place des équipements des laboratoires, qui conditionne l'extension du champ d'application de la prise d'empreintes à de nouvelles infractions ou à de nouveaux stades de l'enquête judiciaire.
« Le rapprochement des grands fichiers de police criminelle de la police et de la gendarmerie nationale (STIC, JUDEX) sera favorisé, au besoin en conférant une base législative aux échanges d'informations indispensables à l'efficacité des enquêtes judiciaires.
« Les données doivent être inscrites aux fichiers dans un délai très sensiblement réduit.
« Le système de traitement uniformisé des produits stupéfiants (fichier STUP) fera l'objet d'un rapprochement entre les bases de données de la police, de la gendarmerie et des douanes sous la forme d'une mise en réseau des informations détenues par ces trois services.
« Pour faciliter le déroulement des investigations, une architecture intégrée des fichiers informatiques de la sécurité intérieure sera mise en place. Les fichiers de la police nationale et de la gendarmerie nationale seront mis en cohérence. A terme, tous les agents de la sécurité intérieure habilités devront avoir accès à toutes les bases documentaires de recherches criminelles liées à la sécurité intérieure.
« Une meilleure complémentarité des installations de police technique et scientifique, et notamment des laboratoires, des deux forces sera recherchée.
« d) Adapter l'organisation des services de la gendarmerie nationale à l'exigence judiciaire
« Les moyens des sections de recherches seront accrus.
« Des brigades de recherches seront constituées dans chaque compagnie de gendarmerie et des plates formes judiciaires dans chaque groupement. Dans chaque région seront développées des capacités d'appui aux unités de recherches et notamment à la section de recherches, spécialisée dans la lutte contre la moyenne et la grande délinquance.

« IV. - Adapter l'organisation, l'administration
et la gestion aux nouveaux enjeux de la sécurité

« L'organisation administrative des services sera modernisée.
« a) Restructuration des services relevant de la direction centrale de la police judiciaire
« L'adaptation du maillage territorial des services relevant de la direction centrale de la police judiciaire par le regroupement des dix neuf services régionaux de police judiciaire existants autour de neuf directions interrégionales permettra d'élargir la compétence territoriale des enquêteurs, de répondre aux défis de la coopération transfrontalière, et par la mutualisation de certains effectifs et équipements, d'accroître le potentiel opérationnel à la disposition des enquêteurs.
« b) Réorganisation de la gendarmerie en zone périurbaine
« Un renforcement et une réorganisation des unités de gendarmerie situées en zone périphérique des agglomérations seront mis en oeuvre afin de permettre à ces unités d'adapter leurs structures et leurs modes de fonctionnement aux attentes spécifiques de la population ainsi qu'à l'évolution de la délinquance et de l'urbanisation.
« c) Nouvelle organisation de la gendarmerie dans les zones rurales
« La où, du fait des évolutions du territoire, les brigades de gendarmerie ne disposent plus de moyens leur permettant de fonctionner de façon autonome, il sera possible de les regrouper en communautés de brigades dotées d'un commandement unique agissant sur une circonscription cohérente. Comme en zone périurbaine, sans sacrifier la proximité avec la population qui, où qu'elle habite, a droit à une présence active des forces de sécurité, il convient que celles ci disposent d'une véritable capacité opérationnelle à la mesure des besoins.
« d) Mise en commun de moyens
« L'efficacité de la police nationale et de la gendarmerie sera renforcée par des dispositions leur permettant de mettre en commun certains moyens, sous réserve des contraintes liées au déploiement territorial particulier de la gendarmerie nationale et à ses missions militaires : fonctions logistiques (passation de marchés publics, utilisation réciproque des moyens d'entretien automobile) et actions de formation, de recherche et d'information. Les gains d'efficacité qui en résulteront traduiront de manière concrète les avantages qui découlent de la création d'un ministère unique chargé de la sécurité intérieure.
« e) Adaptation et modernisation de la formation des personnels
« La formation, tant initiale que continue, constitue un outil de management indispensable dans toute organisation moderne, d'autant plus que les technologies progressent à une vitesse sans précédent. C'est pourquoi la formation devra constamment évoluer et s'adapter aux nécessités opérationnelles.
« Les règles de déontologie, le perfectionnement des connaissances en matière de droit et de procédure, les techniques d'intervention dans les quartiers sensibles, le renseignement, les technologies nouvelles ainsi que la gestion des ressources humaines et budgétaires constituent les grands axes de cette action de formation.
« f) Déconcentration des pouvoirs de gestion
« Des pouvoirs de gestion accrus seront transférés aux gestionnaires déconcentrés, soit à titre expérimental, soit à titre définitif. Ils s'appuieront, notamment, sur une plus grande globalisation de leurs moyens. Par exemple, pour la police nationale, les achats de véhicules légers pourront être intégrés dans la dotation globale déconcentrée des services et, au moins dans certains départements, l'affectation des effectifs au sein du département pourra être effectuée par le préfet.
« Ces nouveaux pouvoirs de gestion s'accompagneront d'une responsabilisation accrue des gestionnaires : à ce titre, le dialogue de gestion sera rénové entre le niveau central et les niveaux déconcentrés et des outils de contrôle de gestion seront mis en place.
« La déconcentration de gestion déjà entreprise au sein de la gendarmerie nationale sera développée.
« Dans les deux services, l'accent sera mis sur un management des ressources humaines qui engage fortement la hiérarchie, en permettant la participation des agents à la détermination des objectifs comme aux méthodes de travail.
« Seront recherchées les modalités d'une meilleure adéquation du code des marchés publics avec les impératifs de déconcentration de la gestion et d'externalisation de certaines tâches.
« g) Organisation du travail
« Les effectifs de sécurité publique doivent être organisés et répartis de façon à correspondre aux zones et aux heures de délinquance.

« V. - Donner à la France un rôle moteur dans la coopération européenne et internationale en matière de sécurité intérieure

« Dans le cadre des orientations politiques fixées par le Gouvernement et particulièrement le ministre des affaires étrangères, et sous réserve des compétences spécifiques du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le ministre en charge de la sécurité intérieure coordonne les actions de coopération européenne et internationale en matière de sécurité intérieure.
« Il dispose à cette fin d'une ligne budgétaire spécifique et des emplois de policiers et de gendarmes seront créés pour être spécialement dédiés aux actions extérieures de la France en matière de sécurité intérieure.
« Le terrorisme, le crime organisé et le blanchiment, les filières criminelles et les réseaux de proxénétisme qui exploitent les candidats à l'immigration clandestine sont par nature des phénomènes transnationaux contre lesquels on ne peut lutter efficacement que grâce à la coopération entre les Etats.
« La lutte contre ces phénomènes constitue une priorité qui implique le renforcement de la coopération européenne et internationale en matière de sécurité intérieure.
« Le réseau des attachés de sécurité intérieure à l'étranger, formé de policiers et de gendarmes, sera développé.
« La France doit tout particulièrement jouer un rôle moteur dans la création et la mise en place de l'espace européen de sécurité, de liberté et de justice.
« Elle prendra des initiatives pour parvenir à l'adoption de règles communes aux Quinze en matière d'immigration et d'asile et participera activement au développement des autres réalisations de l'Union européenne telles qu'Europol, la composante police de gestion civile des crises, le collège européen de police, la gestion intégrée des frontières extérieures, les accords de coopération transfrontalière créant les centres de coopération policière et douanière et la future police européenne aux frontières.
« Au plan national, les différents canaux de coopération opérationnelle de police (Interpol, Schengen, Europol, officiers de liaison bilatéraux, centres de coopération policière et douanière) seront mis en synergie au profit de l'ensemble des services de sécurité intérieure.

« VI. - Créer une réserve civile de la police

« A l'occasion d'événements exceptionnels ou de situations de crise, l'Etat doit pouvoir faire appel à des réservistes si les forces de sécurité intérieure s'avèrent insuffisantes.
« Ce concept existe déjà dans les forces armées et donc dans la gendarmerie nationale.
« Les orientations présentées ci après serviront de base à la création de la réserve civile de la police nationale qui sera financée sur les moyens dégagés au titre de la présente loi.
« Pendant les cinq années suivant leur départ à la retraite, les fonctionnaires actifs de la police nationale sont susceptibles d'être appelés, si les circonstances l'exigent, pour venir renforcer les forces de sécurité intérieure en activité.
« Ce dispositif de réserve civile de la police nationale constitue l'un des éléments de la défense civile de notre pays.
« Les missions confiées aux réservistes de la police nationale tiennent compte des compétences acquises par les fonctionnaires concernés pendant leur période d'activité. Elles consistent en des tâches de soutien aux forces de sécurité intérieure en activité.
« Pendant le temps de réserve de cinq ans, les fonctionnaires actifs de la police nationale peuvent également participer, sur la base du volontariat, à des missions de solidarité relevant :
« - soit du soutien social de proximité en assurant une permanence dans des services, notamment pour faciliter l'insertion locale de leurs collègues, particulièrement les plus jeunes ;
« - soit de la transmission des connaissances, lorsque les fonctionnaires ont acquis pendant leur activité une technicité particulière ;
« - soit de la médiation, notamment en direction des jeunes en difficulté.
« Un texte réglementaire précisera les modalités d'organisation et de mise en oeuvre de la réserve civile de la police nationale.

« VII. - Développer l'accompagnement social
au sein de la police et la gendarmerie

« Il convient d'assurer aux forces de police et de gendarmerie la reconnaissance et le soutien dont elles ont besoin en tenant compte de la pénibilité des métiers.
« La gestion des ressources humaines sera améliorée par un renforcement de l'accompagnement social, médical et psychologique des personnels.
« Une attention particulière sera portée à l'amélioration des conditions de logement des agents confrontés à des difficultés dans ce domaine. Un plan d'amélioration de la qualité des hébergements sera lancé dans la gendarmerie nationale. Pour la police nationale, les moyens destinés aux réservations de logements, en particulier pour les personnels affectés dans les grandes agglomérations, seront renforcés.
« Des mesures d'accompagnement seront par ailleurs prévues en direction des familles (crèches, aide à l'emploi des conjoints...) pour tenir compte des obligations liées aux contraintes professionnelles.
« L'efficacité des forces de sécurité intérieure exige que les personnels affectés dans les zones sensibles y restent assez longtemps pour acquérir les compétences spécifiques permettant de lutter contre une délinquance particulièrement difficile. Des mesures incitatives seront prévues pour prolonger la durée en poste des agents affectés dans ces zones. De la même façon, des mesures analogues s'appliqueront aux personnels dans les secteurs défavorisés en raison de l'environnement géographique ou humain.
« Au sein de chaque force, les structures chargées de cet accompagnement social seront développées et modernisées.

« VIII. - Mieux lutter contre l'insécurité routière

« Avec près de 8 500 morts et plus 150 000 blessés par an, les accidents de la route constituent un véritable fléau national.
« Si les défaillances des véhicules et les défectuosités des infrastructures routières peuvent être à l'origine de certains accidents, dans la plupart des cas c'est le comportement de l'automobiliste qui est en cause.
« Malgré de multiples campagnes d'information et de prévention, aucune baisse significative du nombre de victimes n'a pu être obtenue durablement dans la période récente.
« Dans ce contexte, le rôle des services de police et de gendarmerie prend toute son importance.
« Dans un souci d'efficacité, le ministère de l'intérieur, dont relève l'ensemble des forces chargées des contrôles et de la constatation des infractions, doit renforcer la politique qui est la sienne dans ce domaine.
« En complément de l'action sur le terrain des agents des forces de sécurité intérieure, des mesures seront prises pour inciter les gestionnaires publics et privés du réseau routier à implanter de manière permanente des équipements de constatation automatique des infractions.

« IX. - Renforcer la prévention et l'insertion sociale

« La politique de sécurité intérieure doit être appréhendée dans sa globalité et ne se limite pas à la seule action des forces de l'ordre.
« Si les forces de sécurité intérieure n'ont pas à se substituer aux services sociaux, en revanche, elles ont la légitimité pour intervenir dans le champ de la prévention en particulier en milieu scolaire.
« Les forces de sécurité interviennent en amont de la commission de l'infraction dans le cadre de l'action préventive. L'augmentation de la délinquance et notamment celle des mineurs, constatée au cours des vingt dernières années, a justifié la mise en place de dispositifs institutionnels adaptés à la prévention des conduites déviantes et à la montée des incivilités.
« La prévention situationnelle qui recouvre l'ensemble des mesures d'urbanisme, d'architecture ou techniques visant à prévenir la commission d'actes délictueux, ou à les rendre moins profitables, a déjà connu une large application pratique dans de nombreux pays européens. Il est, en effet, désormais admis que certains types de réalisations urbaines ou d'activités économiques peuvent se révéler criminogènes et qu'il est possible d'y prévenir ou d'y réduire les sources d'insécurité en agissant sur l'architecture et l'aménagement de l'espace urbain.
« En liaison avec les autorités organisatrices de transports et les entreprises exploitantes, un effort particulier devra être entrepris pour renforcer les dispositifs d'humanisation des réseaux et développer la mise en place d'équipements de sécurité.
« Depuis de nombreuses années, la police nationale comme la gendarmerie nationale ont réalisé de multiples actions de prévention tout particulièrement en direction des jeunes.
« Le dialogue entre les travailleurs sociaux et les forces de l'ordre demeure essentiel dans un souci d'approche globale et cohérente des problèmes de prévention et d'insertion. Aussi est il nécessaire de renforcer au sein des instances locales le partenariat initié au travers des contrats locaux de sécurité.

« DEUXIÈME PARTIE

« MOYENS JURIDIQUES


« I. - Achever la mise en application des dispositions de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995

« Un certain nombre de dispositions de la loi précitée, notamment parmi celles relatives à la prévention de l'insécurité, n'ont toujours pas été mises en oeuvre, faute de textes en précisant les modalités d'application.
« Il s'agit des articles suivants :
« - article 11 relatif aux études préalables à la réalisation des projets d'aménagement des équipements collectifs et des programmes de construction ;
« - articles 14 et 15 relatifs aux dispositifs techniques de prévention et de constatation des infractions au code de la route. S'agissant plus particulièrement de l'article 15, la France prendra une initiative pour faire aboutir ce dossier qui relève désormais de la réglementation européenne.
« Par ailleurs, les articles 1er et 23 1 de la loi du 21 janvier 1995 seront rendus applicables en Nouvelle Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et à Mayotte.

« II. - Donner aux services de sécurité intérieure les moyens juridiques nouveaux dont ils ont besoin pour lutter plus efficacement contre certaines formes de criminalité et de délinquance

« Au cours des dernières années, la délinquance a augmenté d'une manière inacceptable. Elle a également changé de nature en devenant toujours plus violente, plus mobile, plus organisée. C'est ainsi que le droit élémentaire de nos concitoyens à la sûreté est trop souvent bafoué.
« Le trafic de produits stupéfiants, quant à lui, a continué à se développer et s'étendre à de nouvelles substances. Il a contribué à la montée en puissance dans certains quartiers de l'économie souterraine, à l'exaspération de leurs habitants et à un grand nombre de dommages sociaux et sanitaires.
« Enfin, l'implication de mineurs de plus en plus nombreux dans la commission d'infractions graves ne peut qu'inquiéter.
« Sans préjudice des dispositions contenues dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice, les présentes orientations prévoient de mettre à la disposition des forces de sécurité intérieure les nouveaux moyens juridiques nécessaires à l'accomplissement de leur mission, à savoir rétablir et garantir la sécurité des Français dans le respect des lois.
« Pour ce faire, les dispositions nouvelles permettront :
« 1° De rétablir l'autorité des agents de l'Etat dans l'exercice de leurs missions et d'améliorer leur efficacité dans l'identification et l'incrimination des auteurs des faits dont ils ont connaissance ;
« 2° De mieux assurer les devoirs que l'Etat a à l'égard de tous ceux qui souhaitent apporter leur aide au travail des enquêteurs, en protégeant notamment les témoins et victimes de tout risque de représailles ;
« 3° De moderniser notre droit afin de mieux appréhender certaines formes nouvelles de délinquance, causes de graves dommages à notre société et mal supportées par nos concitoyens.
« 1. Mesures tendant à restaurer l'autorité et la capacité des agents de l'Etat à agir
« L'Etat se doit de renforcer la protection et la crédibilité de ceux qui travaillent dans des conditions souvent difficiles au service de la communauté. L'importance de la mission assignée aux forces de sécurité suppose que celles ci ne soient pas distraites de leur mission par d'autres tâches. Elle suppose aussi que la protection de tous les personnels soit assurée plus efficacement et en toute circonstance, notamment lorsque des agents doivent assurer la garde de détenus présentant un caractère particulier de dangerosité.
« De trop nombreux délinquants sont recherchés sans succès dans le cadre d'une enquête, d'une instruction ou pour exécuter une peine. Il paraît évident que la crédibilité de notre système répressif dépend notamment de notre capacité à faire exécuter ses décisions. C'est pourquoi la mission de rechercher activement les criminels et délinquants en fuite sera confiée à un office central. De nouvelles dispositions de procédure pénale seront mises en place afin de lui permettre d'exécuter ses missions. De plus, les moyens consacrés à l'exécution et au suivi des mesures de reconduite à la frontière seront renforcés.
« Par ailleurs, le Gouvernement se fixe pour objectifs de faciliter et de simplifier les modalités des enquêtes judiciaires, d'élargir la compétence territoriale des officiers de police judiciaire et de sanctionner plus sévèrement les violences, menaces et outrages envers les dépositaires de l'autorité publique.
« Enfin, les sanctions pénales pour non respect des arrêtés municipaux seront aggravées.
« 2. Mesures tendant au renforcement de l'efficacité des investigations policières
« L'augmentation de la délinquance comme son changement de nature nécessitent d'alléger un certain nombre de contraintes procédurales. Afin de pouvoir réagir dans les meilleurs délais et sur tout le territoire, face à une délinquance de plus en plus violente et de plus en plus organisée, il convient d'étendre les capacités d'action des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie, de simplifier les procédures et de faciliter le travail des enquêteurs.
« a) Faciliter le travail des enquêteurs
« Les dispositions suivantes seront proposées :
« 1° Afin de faciliter la recherche de preuves en matière de violences urbaines, des dotations de caméras vidéo seront prévues dans les zones sensibles ;
« 2° Un trop grand nombre d'enquêtes judiciaires est paralysé par l'incapacité des institutions publiques ou privées (établissements financiers, opérateurs de téléphonie, administrations...) à répondre dans des délais raisonnables aux réquisitions effectuées par les officiers de police judiciaire à la demande de l'autorité judiciaire. Le plus souvent, la raison invoquée par les personnes requises pour justifier ce retard est la difficulté d'extraire, de traiter et de faire parvenir les renseignements demandés au service de police ou de gendarmerie requérant. C'est pourquoi il sera élaboré un texte permettant aux officiers de police judiciaire, agissant dans le cadre d'une enquête judiciaire, sur autorisation d'un magistrat, d'accéder directement à des fichiers informatiques et de saisir à distance par la voie télématique ou informatique les renseignements qui paraîtraient nécessaires à la manifestation de la vérité ;
« 3° Dans le but d'augmenter les moyens mis à disposition des services d'enquête et d'éviter le gaspillage des deniers de l'Etat, un cadre juridique permettant l'utilisation des biens saisis appartenant directement ou indirectement aux auteurs de certaines infractions sera mis en place sous le contrôle de l'autorité judiciaire qui pourra, en cas de condamnation définitive, attribuer définitivement l'objet saisi à l'administration qui a mené l'enquête ou, en cas de déclaration d'innocence, décider de procéder à la restitution et à l'indemnisation du propriétaire.
« Par ailleurs, le Gouvernement se fixe pour objectif de donner plus d'efficacité aux investigations des officiers de police judiciaire, notamment pendant la phase de flagrant délit et d'enquête préliminaire.
« b) Lutter contre les formes nouvelles de délinquance et améliorer le taux d'élucidation des enquêtes
« Des dispositions seront proposées dans les domaines suivants :
« - les textes nécessaires seront adoptés dans le but d'autoriser sous contrôle judiciaire l'emploi des techniques les plus modernes indispensables à l'interception des messages et à la mise en place de dispositifs de surveillance élaborés rendus nécessaires en raison du recours de plus en plus systématique des délinquants aux possibilités de brouillage de leurs échanges ou au camouflage de leurs rencontres ;
« - le rôle de la police technique et scientifique sera étendu et développé notamment pour permettre de découvrir les responsables des faits de petite et moyenne délinquance. C'est pourquoi, afin d'augmenter l'utilité du fichier automatisé des empreintes digitales dans l'élucidation des enquêtes, celui ci sera étendu aux empreintes palmaires ;
« - afin de favoriser l'échange de renseignements, les possibilités d'accès réciproque des policiers et des gendarmes aux fichiers mis en place de manière spécifique par le ministère de l'intérieur ou le ministère de la défense seront améliorées ;
« - dans chaque département, des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie seront désignés afin de veiller à ce que la sécurité des témoins soit préservée avant et après le jugement des procédures dans lesquelles ils seront intervenus.
« Par ailleurs, le Gouvernement se fixe pour objectif d'étendre le champ d'application des livraisons surveillées et des infiltrations.
« 3. Mesures tendant à mieux prendre en compte les formes nouvelles de criminalité
« Certains types de comportements apparus depuis quelques années dans notre pays sont de moins en moins supportés par nos concitoyens. Le développement de l'utilisation des téléphones portables a entraîné une augmentation très importante des vols dits "à l'arraché". L'ouverture de nos frontières a facilité le vol de véhicules. L'utilisation d'enfants dans le cadre de la mendicité, le racolage en nombre dans des lieux paisibles d'habitation, la commission d'infractions sous l'emprise de la drogue ou de l'alcool se sont malheureusement généralisés.
« La violence routière et ses conséquences dramatiques se développent également à nouveau de manière inacceptable.
« Plusieurs moyens devront être développés afin d'enrayer la progression de ces phénomènes.
« C'est ainsi que :
« - le développement de la téléphonie mobile a été assorti d'une augmentation très importante du vol et du trafic de téléphones portables. Les discussions entamées avec les opérateurs et les constructeurs n'ont pas permis en l'état d'aboutir à la mise en place des dispositifs techniques permettant de bloquer l'usage des téléphones volés. C'est pourquoi il appartiendra au Gouvernement de prendre si besoin est les mesures nécessaires pour obtenir à bref délai ce résultat ;
« - le dispositif permettant la localisation des véhicules volés reste une nécessité du fait de l'augmentation de ce type de délinquance. Sa mise en place sera opérée dans les meilleurs délais en partenariat avec les constructeurs, les compagnies d'assurances ou les opérateurs conventionnés ;
« - les infractions commises avec l'utilisation d'armes se développent. L'usage et la détention d'armes par des personnes malhonnêtes ou qui ne peuvent pour diverses raisons en détenir favorisent le climat d'insécurité. C'est pourquoi la législation actuelle, souvent obscure et ancienne, sera actualisée. Un fichier national automatisé des personnes interdites d'acquisition ou de détention d'armes sera mis en place. Des propositions d'amnistie seront faites aux détenteurs irréguliers d'armes qui les remettront aux autorités. Une obligation d'information sera expressément prévue afin de permettre aux personnels soumis au secret professionnel d'informer les autorités qu'une personne dangereuse pour elle-même ou la société détient une arme ;
« - l'explosion du trafic portant sur les drogues synthétiques demande une adaptation de notre dispositif de lutte contre le trafic de stupéfiants. C'est pourquoi les objectifs de la Mission nationale de contrôle des précurseurs chimiques (MNCPC) seront précisés et étendus à la lutte contre le commerce illicite des produits précurseurs des drogues ;
« - le développement de la violence routière relève d'un traitement insuffisant et trop complexe de ce type de délinquance. L'amélioration du dispositif réglementaire sera entreprise afin d'augmenter le déploiement des moyens automatiques de constatation des infractions et d'accélérer leur traitement pénal ;
« - l'abandon d'une politique dynamique de lutte contre l'usage de certaines drogues a conduit à brouiller le message sur la nocivité de celles -ci. Une politique ambitieuse de prévention sera menée dans ce domaine. Des actions coordonnées avec l'autorité judiciaire seront par ailleurs menées notamment pour enrayer l'usage de stupéfiants chez les mineurs ;
« - la délinquance des mineurs, outre une prise en compte judiciaire que le Gouvernement veut plus rapide et plus effective, demande de nouvelles réponses en termes de prévention et d'action. C'est pourquoi les permanences de nuit des brigades des mineurs et de protection sociale de la police nationale seront étendues dans les quartiers sensibles ;
« - afin de lutter contre l'absentéisme scolaire qui contribue à faciliter le passage à la délinquance, les sanctions encourues par les parents qui ne respectent pas l'obligation scolaire seront aggravées. Il en sera de même pour les responsables de lieux publics qui accueillent les mineurs pendant les horaires scolaires ou pour les personnes qui les emploient ou les rémunèrent illégalement pendant ces mêmes horaires. A cet égard le partenariat entre les services de l'éducation nationale, l'institution judiciaire et les forces dépendant du ministère de la sécurité intérieure sera étendu et développé ;
« - afin de lutter contre la violence, sous toutes ses formes, qui se développe de façon préoccupante en milieu scolaire, des dispositions devront être prises.
« Il s'agira de mettre les établissements à l'abri des actes violents perpétrés en leur sein, notamment par des individus extérieurs.
« A cette fin, lorsqu'il aura été constaté que la réalité ou le risque de violences est avéré, les fonctionnaires de police et les militaires de la gendarmerie recevront instruction d'être particulièrement disponibles aux demandes des proviseurs et des principaux.
« Les maires et les préfets seront tenus informés de ces dispositions dont il sera rendu compte aux autorités académiques.
« D'autre part, des directives précises seront adressées aux chefs d'établissement, définissant le cadre nouveau dans lequel pourront s'inscrire les règlements intérieurs aux fins de mieux prévenir et réprimer les dérives multiquotidiennes du comportement de certains élèves qui nuisent gravement au déroulement serein de la scolarité et à la meilleure réussite de tous les élèves ;
« - afin de mieux protéger les femmes victimes de violences conjugales ainsi que leurs enfants, les centres d'accueil seront développés ;
« - dans le cadre de la lutte contre le développement du proxénétisme, les auteurs de racolage actif ou de racolage passif feront l'objet de mesures systématiques d'éloignement et d'un retrait définitif de tout titre de séjour lorsqu'ils seront de nationalité étrangère ;
« - dans le cadre de la lutte contre l'usage de drogues, les individus coupables d'organiser ou de participer à l'organisation de trafics de drogues feront 1'objet de mesures systématiques d'éloignement et d'un retrait définitif de tout titre de séjour lorsqu'ils seront de nationalité étrangère ;
« - afin de stigmatiser leurs auteurs et d'indiquer clairement que la consommation d'alcool ou de drogue ne peut en aucun cas être présentée comme excuse par l'auteur d'une infraction, il sera proposé par le Gouvernement de créer une circonstance aggravant la sanction pénale encourue chaque fois qu'une infraction sera commise sous l'effet de l'alcool ou de produits stupéfiants.
« Pour faire face notamment aux difficultés liées à l'accueil des gens du voyage et afin de mieux protéger la propriété de chacun, le Gouvernement proposera de sanctionner plus efficacement le refus d'obtempérer aux injonctions formulées à l'encontre de groupes de personnes occupant illégalement la propriété d'autrui, qu'elle soit publique ou privée. Outre des sanctions financières, il pourra être prévu, à titre complémentaire, la confiscation des véhicules ayant servi à commettre l'infraction.
« Par ailleurs, le Gouvernement se fixe pour objectif de mieux réprimer des comportements qui affectent particulièrement la vie quotidienne de nos concitoyens et se sont multipliés au cours des dernières années, tels que la mendicité agressive et les regroupements dans les parties communes des immeubles ainsi que le défaut de permis de conduire et le refus d'obtempérer.
« Enfin, le Gouvernement se fixe pour objectif de prévenir les nuisances liées aux rave parties, en utilisant tous les moyens que lui offre l'arsenal légal, afin que ne se renouvellent pas des comportements qui ont porté préjudice à certaines zones rurales de notre pays.
« Un projet de loi traduisant les orientations mentionnées ci-dessus qui nécessitent des dispositions d'ordre législatif sera déposé dès l'automne 2002. »
La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, jamais l'insécurité, notamment celle des personnes, n'avait progressé dans notre pays autant qu'au cours des cinq dernières années, devenant ainsi, hélas ! la première des préoccupations de nos concitoyens. Il était grand temps que l'Etat se décide enfin à réagir avec vigueur, pour endiguer ce fléau qui sape l'ordre républicain et notre équilibre social.
Le nouveau gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, avez parfaitement compris cette priorité absolue, et c'est bien pourquoi l'urgence a été déclarée sur le présent projet de loi.
Ceux qui contestent cette urgence, notamment dans cet hémicycle, sont évidemment ceux - les mêmes - qui n'ont pas perçu, au cours de la dernière législature, l'impérieuse nécessité de juguler la vertigineuse montée de l'insécurité dont étaient victimes les Français. Il s'agit là d'un aveuglement coupable, et je souhaite que notre pays sache à l'avenir en éviter les désastreuses conséquences.
Le Gouvernement, lui, a parfaitement compris la nécessité de se doter de tous les outils et moyens nécessaires pour engager une lutte sans précédent contre la criminalité et la délinquance. Il nous soumet deux projets de loi qui retracent les orientations et moyens qu'il entend consacrer à la sécurité intérieure et à la justice.
Monsieur le ministre, dans l'exercice de vos lourdes responsabilités, vous incarnez plus particulièrement, grâce à une énergie et à un enthousiasme reconnus par tous, le retour en force de l'autorité de l'Etat et de l'ordre républicain.
Vous redonnez l'espoir aux Français, notamment aux plus faibles et aux plus fragiles d'entre eux, et vous rendez confiance et foi dans leur mission à des forces de sécurité totalement démotivées par le laxisme qui a prévalu au cours des cinq dernières années.
Vous nous invitez à soutenir un renforcement considérable des moyens financiers, humains et matériels qui seront dévolus à la sécurité intérieure - c'est le volet « programmation » du présent projet de loi -, ce que nous ferons bien volontiers.
Mais ce nécessaire renforcement des moyens de la lutte contre l'insécurité ne peut produire son plein effet si ces mêmes moyens ne sont pas coordonnés efficacement et engagés à bon escient. C'est pourquoi l'article 1er, qui concerne le volet « orientation » du projet de loi, est fondamental, car il définit un nouveau cadre d'utilisation des forces de sécurité permettant d'optimiser leur travail.
J'approuve, tout comme notre excellent rapporteur, M. Jean-Patrick Courtois, le souci de pragmatisme et d'efficacité qui a inspiré cette rénovation conçue selon trois grands axes : nouvelle articulation des échelons de responsabilité, nouvelle doctrine d'engagement des forces de sécurité et nouveaux moyens juridiques d'intervention.
Permettez-moi de reprendre chacun de ces trois axes.
La nouvelle articulation des échelons de responsabilité témoigne d'un véritable souci de coordination entre les différents niveaux territoriaux et les différents services de sécurité intérieure.
Ainsi, la nouvelle architecture institutionnelle prévue permettra de mieux appréhender les exigences de la sécurité à chaque échelon territorial, tout en les coordonnant entre eux au plan national avec, enfin, une véritable prise en compte du terrain.
Au plan opérationnel national, la création de nouveaux offices centraux spécialisés et le renforcement de ceux qui existent démontrent une volonté de plus grande efficacité dans la lutte coordonnée contre toutes les formes de délinquance.
Au plan opérationnel régional, les GIR, les groupes d'intervention régionaux ont déjà fait la preuve de leur efficacité contre la délinquance violente, les trafics illicites et l'économie souterraine, en ce qu'ils permettent la coordination, pour la première fois, de tous les services de l'Etat concernés par la sécurité intérieure.
Au plan municipal, enfin, cette même coordination sera organisée entre les maires et les services de l'Etat, mais aussi entre polices municipales, d'une part, et police nationale et gendarmerie, d'autre part.
La nouvelle doctrine d'engagement des forces de sécurité est motivée par un souci d'efficacité pragmatique. Utilisation des forces mobiles en appui, redéploiement des compétences entre la police et la gendarmerie, réduction des tâches administratives, renforcement de la police de proximité ou développement de l'action judiciaire, tout cela ne peut, en effet, que consolider une efficacité fondée sur le bon sens.
Quant aux nouveaux moyens juridiques donnés aux forces de sécurité, il s'agit là d'un véritable souci de pouvoir déférer à la justice des malfaiteurs qui échappaient jusque-là trop souvent aux forces de sécurité ; c'est évidemment, là encore, une initiative nécessaire et bienvenue.
En conclusion, monsieur le ministre, je souhaite rendre hommage au Gouvernement, ainsi qu'à vous-même, pour avoir pris toute la mesure du problème de l'insécurité et pour avoir commencé, en un temps record, à y répondre avec pragmatisme, énergie et détermination.
Cela vous vaut, ce qui est important, notre soutien le plus déterminé mais aussi, ce qui est encore plus important, l'adhésion enthousiaste d'une immense majorité de nos concitoyens. Il faut reconnaître qu'ils attendaient cela depuis si longtemps ! Au-delà des grands discours, c'est ainsi que l'on commence à réconcilier, enfin, les Français avec la République et avec leurs élus.
Il n'en reste pas moins que la lutte contre l'insécurité sera un combat de tous les instants, jamais gagné d'avance, comme le rappelait notre collègue M. Jacques Peyrat, et qui nécessitera la détermination quotidienne des autorités de l'Etat, des forces de sécurité mais aussi, ne l'oublions pas, de l'institution judiciaire.
Pour ce qui relève de votre compétence, monsieur le ministre, nous savons pouvoir compter sur votre énergie et votre volontarisme. Sachez que, en retour, vous pouvez compter sur nous pour vous soutenir totalement dans votre action. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Francis Giraud.
M. Francis Giraud. Monsieur le ministre, depuis cet après-midi, vous répondez avec honnêteté et franchise aux questions de chacun, sans tabou et, surtout, avec précision. Permettez-moi de vous poser une question qui est très préoccupante, concernant la lutte contre la délinquance en milieu hospitalier. Il s'agit en effet d'une nouvelle forme de délinquance qui défraie depuis peu la chronique et remplit les colonnes des faits divers.
A l'annexe I que nous examinons avec l'article 1er, vous proposez de lutter plus intensément contre la délinquance en milieu scolaire, notamment parce que les mineurs sont les premières victimes de l'insécurité quotidienne. Je voudrais attirer l'attention de notre assemblée sur cette autre forme de délinquance qui touche certains de nos concitoyens d'autant plus durement que, du fait même des conditions de leur hospitalisation, ils se sentent démunis face aux actes de délinquance dont ils deviennent en ces circonstances les victimes. Au premier sentiment d'insécurité sanitaire ou médicale s'ajoute la crainte de vols ou de violences au sein même des établissements hospitaliers.
La volonté que vous avez affirmée tout au long de nos débats ne me fait pas douter que vous n'avez pas attendu que la presse se saisisse de ces affaires pour entreprendre d'apporter des réponses adaptées à cette nouvelle forme d'insécurité.
Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quelle mesure vous envisagez de prendre tout à la fois pour rassurer les patients et les personnels de ces établissements et pour tarir à la source ce nouveau fléau.
Voilà les observations que je voulais vous présenter et que je partage avec mon collègue M. Jean-Claude Etienne.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai souhaité consacrer mon propos à l'école, un point particulier qui concerne le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Et, monsieur Gélard, ne me dites pas que nous ne sommes pas dans le sujet !
Dans le discours qu'il a prononcé le 19 février 2002 à Garges-lès-Gonesse, le candidat Chirac, devenu aujourd'hui président, s'exprimait ainsi : « Nul ne peut espérer venir à bout de l'insécurité sans prendre en compte le phénomène dans toutes ses dimensions économique, sociale et éducative (...). La République est d'autant plus légitime dans son exigence de fermeté et de responsabilité qu'elle aura su donner à chacun un avenir. »
Or, dans le premier texte que vous nous présentez, monsieur le ministre, l'éducation n'est pas traitée, vous n'abordez que l'absentéisme scolaire, et sous l'angle de la sanction. D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à vous interpeller à ce sujet. M. Périssol l'a fait, lui aussi, à l'Assemblée nationale. Nous voulons bien évidemment lutter contre l'insécurité et nous donner les moyens en effectifs de police et de gendarmerie ainsi qu'en matériels, comme Mme Nicole Borvo et M. Robert Bret l'ont fort bien démontré.
Monsieur le ministre et vous aussi, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, vous n'avez pas le monopole de la sensibilité devant les actes odieux commis par les délinquants. Vous n'avez pas le monopole du soutien des policiers et des gendarmes dans leur mission. Les policers et leurs syndicats savent bien, tout comme les gendarmes, que nous les défendons et que nous ne cessons de demander à leurs côtés des effectifs supplémentaires. Nous souffrons, comme vous, messieurs, et comme les citoyens de notre pays qu'il ne faut pas oublier, lorsqu'un membre des forces de l'ordre trouve la mort. Les maires, les conseillers généraux, les parlementaires communistes sont alors aux côtés des familles.
Lorsque l'on se réfère, monsieur le ministre, à l'annexe I de votre texte, on constate que, pour vous, absentéisme scolaire égale délinquance. Voilà une formule rapide !
La mienne, celle du groupe communiste républicain et citoyen, est sans doute plus complexe, car elle s'efforce de comprendre les causes de l'absentéisme et de prévenir une éventuelle dérive du mineur vers la délinquance.
De ce point de vue, je m'inscris totalement dans la réflexion engagée par Mme Nicole Prudhomme, présidente de la caisse nationale des allocations familiales, qui, lors d'une audition de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, rappelait la nécessité, pour prévenir la délinquance, de traiter les problèmes en amont, en relation avec l'ensemble des partenaires concernés.
Pourquoi un enfant sombre-t-il dans la délinquance ? Pourquoi des parents ne sont-ils plus en mesure d'assurer leur rôle ? Comment faire pour que parents et enfants se retrouvent enfin ? Comment faire pour que les enfants se réconcilient avec l'école et les enseignants ? Surtout quelles sont les causes de cette délinquance ? La pauvreté ? Sans aucun doute. L'exclusion ? Assurément. Ce ne sont certainement pas les seules causes de la délinquance, mais elles y contribuent pour une large part. C'est pourquoi il faut s'y attaquer, en privilégiant le dialogue avec les parents, qui sont les premiers inquiets. Pour m'occuper de très près des problèmes d'éducation, je le constate chaque jour.
M. le Premier ministre avait demandé au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse de prendre des mesures particulières pour la rentrée. C'était aussi une urgence. Il ne l'a pas fait !
Diderot a écrit qu'une nation qui instruit est une nation qui se civilise ; il faut plus que jamais garder cette formule présente à l'esprit.
M. Dominique Braye. Alors, il ne faut pas d'absentéisme !
Mme Hélène Luc. Il aurait été possible de souscrire aux paroles du Président de la République si, parallèlement au dépôt du présent texte, M. le Premier ministre avait demandé au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche de prendre des mesures particulières pour la rentrée. C'était aussi une urgence. Il ne l'a pas fait ! Il faut, notamment, plus de formations, y compris pour les jeunes sans diplôme. M. Fillon, parlant, ce matin, sur les ondes d'Europe 1, a avoué - sans doute pour se dédouaner d'avoir refusé la formation pour l'emploi que demandait, avec force, mon ami Guy Fischer - que, pour lui, les jeunes ne veulent pas de formation. Comment peut-on l'imaginer un seul instant, monsieur le ministre ? Comment peut-on le dire ?
M. Dominique Braye. Vous n'allez pas dans les quartiers, vous !
M. Jacques Peyrat. Ils ne connaissent pas les banlieues !
Mme Hélène Luc. Dans leur détresse - elle peut se transformer en délinquance -, ce que beaucoup de mineurs réclament, à leur façon, c'est de l'aide, des secours, et non l'enfermement ou l'isolement. Il est donc nécessaire de prendre en compte les modalités d'aide et de prévention existantes, de les évaluer et de voir comment les améliorer, afin de permettre aux mineurs en difficulté ou en rupture totale avec le système scolaire et la société de se réinsérer.
Monsieur le ministre, deux sortes de mesures - elles se rejoignent - doivent être prises.
Premièrement, il faut que l'école permette aux élèves de réussir, et ce dès la maternelle. C'est, en effet, dès la maternelle que se joue l'avenir des enfants. Mais, avec des classes de trente élèves, hors zone d'éducation prioritaire, s'agissant d'enfants de trois ans, c'est très difficile. Pourtant, cette année encore, on s'apprête à fermer des centaines de classes à la rentrée, soixante-dix pour le seul Val-de-Marne !
Deuxièmement, une aide précoce doit être apportée aux enfants en difficulté. Dans les années soixante-dix, les groupes d'aide psychopédagogique, les GAPP, suivaient les enfants de la maternelle à la sortie du collège. Ils détectaient les difficultés précoces de ces enfants, car ils connaissaient toutes les familles. Malheureusement, ces GAPP ont laissé place aux réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, qui ont en charge, écoutez-bien, mes chers collègues, 6 000 élèves ! Quelle aide peut-on apporter aux élèves et aux familles dans de telles conditions ? Les enseignants, les documentalistes, les conseillers d'éducation et tous les personnels doivent certes, assumer leurs responsabilités, mais ils le feront d'autant mieux qu'ils se sentiront soutenus.
Mais je sais, monsieur le ministre, par quelle question vous allez me répondre : qu'a fait l'ancien gouvernement ?
M. Jacques Peyrat. Rien !
Mme Hélène Luc. Eh bien, il a voté d'importants crédits ! (Protestations sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il a pris des mesures en faveur des collèges, mais il ne nous a pas suffisamment entendus sur le problème des effectifs et de l'aide aux élèves en difficulté.
Pour finir, je soulignerai, la réelle contradiction qui existe entre, d'une part, la volonté affichée par le Gouvernement de combattre l'insécurité avec l'aide de l'ensemble des secteurs de la société et, d'autre part, les principes posés par la politique européenne en matière de dépenses publiques, principes que vous soutenez.
Cette contradiction ne saurait perdurer, car il faut aussi financer les mesures nécessaires pour l'école, sans être obsédé par la réduction des déficits publics.
Monsieur le ministre, je vous fais une proposition que, j'en suis sûre, vous vous ferez un plaisir de transmettre à M. le Premier ministre : présentation à la rentrée d'un budget supplémentaire pour l'école, afin que les filles et les garçons de notre pays puissent vivre l'aventure que l'avancée des sciences et des techniques permet au xxie siècle et pour que chaque jeune ait l'avenir auquel il a droit et pour lequel il a le devoir de travailler, car il y a des règles dans la société, et il faut apprendre à les respecter.
M. Dominique Braye. Allez, ça suffit !
M. le président. Veuillez conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Je conclus, monsieur le président.
Claudie Haigneré, une cosmonaute, une femme, une scientifique, fait partie du Gouvernement ; cela doit servir à pousser la jeunesse vers le haut pour donner à chacune et à chacun un avenir. En tout cas, nous, sénateurs communistes, vous le savez, nous oeuvrons en ce sens.
M. Jacques Peyrat. C'est bien !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.
L'amendement n° 26 est présenté par M. Peyronnet, Mmes André, Bergé-Lavigne, Blandin et Cerisier-ben Guiga, MM. Boulaud, Charasse, Debarge, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Gautier, Lagauche, Mahéas, Masseret, Rouvière, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 1er. »
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour défendre l'amendement n° 15.
Mme Josiane Mathon. Nous proposons de supprimer l'article 1er.
Je vais m'attacher ici au fond, c'est-à-dire au contenu même de l'annexe I, ou du moins, étant donné sa longueur, au contenu des alinéas qui, même s'ils sont dépourvus de valeur normative, n'en demeurent pas moins inquiétants.
M. Michel Caldaguès. Belle logique !
Mme Josiane Mathon. Ils nous donnent un avant-goût plutôt amer des futurs débats que nous aurons à l'automne, lors de la présentation au Parlement des « vrais » projets de loi en matière de sécurité.
En traitant en vrac aussi bien des gens du voyage, des prostituées d'origine étrangère, des SDF et des jeunes que de l'immigration clandestine et des trafiquants de stupéfiants, l'annexe opère des amalgames pour le moins dangereux et liberticides.
M. Michel Caldaguès. Pour vous, ce n'est pas la délinquance qui est dangereuse, ce sont les amalgames !
Mme Josiane Mathon. Avec ce genre d'énoncé, il n'y a plus de différence entre les victimes des trafics, leurs auteurs, voire leurs bénéficiaires.
Prenons à titre d'exemple la lutte contre le développement du proxénétisme. Vous proposez de sanctionner les prostituées d'origine étrangère en prévoyant de prendre à leur encontre des mesures systématiques d'expulsion.
Les députés de droite, ne souhaitant pas être en reste, ont cru bon de faire de la surenchère en ajoutant le retrait définitif de tout titre de séjour.
Croyez-vous vraiment que ces mesures vont arrêter le développement du proxénétisme et des réseaux mafieux ?
Il s'agit ici de filles de l'Est et d'Afrique qui sont avant tout victimes de la traite des êtres humains. Vous les considérez comme des délinquantes, alors qu'elles ont derrière elles une histoire trop souvent faite de violence, d'esclavage, de privation de libertés.
M. Dominique Braye. Absolument ! Vous avez raison !
M. Roger Karoutchi. Notamment grâce au régime communiste !
Mme Josiane Mathon. En Afrique ?
M. Louis de Broissia. C'est vrai !
Mme Josiane Mathon. C'est nouveau !
M. Dominique Braye. Elles viennent de l'Est !
Mme Josiane Mathon. Les expulser ou multiplier les arrêtés municipaux à leur encontre ne fera qu'aggraver la situation en conduisant au renforcement de la clandestinité et en rendant donc impossible aux associations qui leur viennent en aide d'assurer tout suivi et toute prévention.
Aucune mesure n'est en revanche prévue pour porter assistance à ces femmes qui ont plus besoin de soins, d'aide à la réinsertion, de papiers d'identité que de sanctions et de rejet.
Il conviendrait de remettre au goût du jour une disposition adoptée par l'Assemblée nationale sous l'ancienne majorité, disposition qui permet aux personnes ayant porté plainte contre leur proxénète d'être mises en sécurité et de bénéficier d'un statut spécifique de séjour.
Ce serait plus efficace, en termes de lutte contre le proxénétisme, que l'expulsion.
Autre bel exemple de stigmatisation et de rejet de ceux qui ont choisi un autre style de vie : les dispositions relatives aux gens du voyage.
M. Pierre Hérisson. On ne les rejette pas du tout !
Mme Josiane Mathon. Ils étaient déjà stigmatisés dans l'annexe I du projet de loi initial, mais les députés de droite en ont encore « rajouté » !
C'est ainsi que, dans la version qui nous est soumise, les groupes d'intervention régionaux, qui sont destinés à lutter contre la délinquance violente, les trafics illicites et l'économie souterraine, notamment dans les zones sensibles, ce qui est déjà fort critiquable, seront associés à la lutte contre les réseaux d'immigration clandestine et prendront également en charge les délits commis par les gens du voyage !
Que d'amalgames et de discriminations dans un seul paragraphe ! Mais nous ne sommes pas au bout de notre consternation. (« Ah ! » sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Une disposition expressément ajoutée à l'intention des gens du voyage prévoit, outre des sanctions financières et une sanction plus forte du refus d'obtempérer, la confiscation des véhicules ayant servi à occuper illégalement la propriété d'autrui.
On le voit, la question - qui soulève de réelles difficultés - de l'accueil des gens du voyage n'est abordée que sous l'angle répressif.
Il n'y a aucune réflexion de fond sur les difficultés d'application de la loi du 15 juillet 2000, laquelle a pour objet, je vous le rappelle, d'inciter les maires à construire des aires d'accueil afin d'éviter les stationnements sauvages.
Commençons donc, mes chers collègues, à faire en sorte que les lois que nous votons soient effectivement appliquées.
M. Pierre Hérisson. Bien sûr qu'elles sont appliquées !
Mme Josiane Mathon. Il y a encore beaucoup à dire sur cette annexe.
M. Jacques Peyrat. Pas vraiment...
Mme Josiane Mathon. Mais, pour le moment, j'en reste là, et je vous demande, mes chers collègues de bien vouloir adopter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 26.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je serai bref, monsieur le président, car, dans la discussion générale, j'ai très largement abordé le sujet en indiquant que l'absence de normes ainsi que le renvoi à une annexe font de ce texte plus un programme électoral, plein de bonnes intentions mais dépourvu de toute valeur juridique immédiate et n'engageant d'ailleurs pas le Gouvernement, qu'un projet de loi d'orientation et de programmation.
M. le ministre a de bonnes intentions mais, tous les ans, il faudra qu'il défende, devant le ministre du budget et devant le Parlement, l'inscription dans la loi de finances des crédits nécessaires à leur concrétisation.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'ai proposé, au nom de mon groupe, cet amendement de suppression.
M. le ministre a répondu à mon intervention et j'ai été surpris par sa réponse. Je suis d'ailleurs surpris de façon générale par sa façon de répondre : il n'écoute pas, contrairement à ce que vous dites les uns et les autres.
M. Jacques Peyrat. Mais si !
M. Jean-Claude Peyronnet. Il a une méthode de « vieux prof » que je connais bien : il suffit de prendre une phrase dans un discours et de la stigmatiser. C'est très malin, et j'ai peut-être eu moi-même recours à cette astuce dans certains cas... (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mais, en réalité, M. le ministre n'écoute pas, il est sûr de lui et son discours est arrogant. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Jacques Peyrat. Il a du talent, voilà tout !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne nie pas votre légitimité, pleine et entière, monsieur le ministre, mais, parlant au nom du peuple français, je vous rappelle que le Président de la République n'a obtenu que 19 % des voix au premier tour de l'élection présidentielle.
M. Jean-Claude Carle. Et M. Jospin ?
M. Jean-Claude Peyronnet. M. Jospin était derrière, c'est vrai, mais pas très loin. Je crois que cela doit inciter les uns et les autres à la modestie et à la prudence quant à la façon d'exprimer leurs certitudes, dans ce domaine-là comme dans bien d'autres.
Nous n'avons pas déposé de motion tendant à opposer la question préalable comme l'a fait le groupe communiste républicain et citoyen.
Cet amendement de suppression y supplée puisque la structure du texte est telle que demander la suppression de cet article 1er revient, en réalité, à supprimer toutes les orientations de ce projet de loi et donc l'essentiel du texte.
Telles sont les raisons qui nous ont conduits à voter, d'une part, avec le groupe communiste républicain et citoyen et, d'autre part, à ne pas déposer nous-mêmes de motion de procédure.
Pour le reste, nous formulons les mêmes critiques : la précipitation et l'urgence.
M. le président Poncelet, critiquant l'ancien gouvernement, dénonçait la « dérive » de l'urgence ; on confine désormais à l'abus puisque cinq textes auront été examinés selon cette procédure au cours de la session extraordinaire !
Le Conseil d'Etat, dans son rapport du 13 mars 2002, écrivait : « Les projets soumis dans la précipitation sont souvent de facture médiocre. » Ce qualificatif peut très bien s'appliquer au texte qui nous est soumis aujourd'hui. Je vous demande donc, mes chers collègues, de voter l'amendement de suppression de l'article 1er.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle. Défavorable, bien entendu !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission a approuvé les orientations qui figurent dans l'annexe I. Elle a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements. (« Très bien ! » sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis défavorable !
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 15 et 26.
M. Jean-Pierre Sueur. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, j'ai été très frappé par l'assurance avec laquelle vous défendiez le texte en général et l'annexe I en particulier.
Bien sûr, figurent dans cette annexe des chiffres très concrets et des mesures précises, mais, et j'en suis surpris, de très grandes imprécisions subsistent.
Je ne prendrai qu'un seul exemple.
Vous avez dit que le rôle principal des maires dans le nouveau dispositif serait la prévention. J'ai essayé de savoir en quoi consistait, d'après le présent texte, leur rôle dans ce domaine.
J'ai lu, à la page 13, qu'ils allaient présider les conseils locaux de la prévention. J'ai essayé de comprendre leur rôle : ils seront informés régulièrement, ils seront en mesure d'exprimer les attentes de la population, ils répertorieront les actions existantes, ils dégageront une stratégie et définiront une politique cohérente...
Certes, tout cela n'est pas mal, mais c'est extrêmement creux, ne serait-ce que parce que c'est en totale contradiction avec le fait qu'aux termes des règles d'attribution des compétences la prévention spécialisée relève exclusivement du département.
« L'éminente responsabilité des maires, c'est la prévention », affirme-t-on ; mais, lorsqu'on cherche à savoir quels sont les pouvoirs des maires en la matière, on ne trouve que des paroles un peu creuses.
Tout le monde le sait, la prévention relève des départements. Pour autant, monsieur le ministre, vous ne prévoyez pas de transfert de compétence. C'est un exemple parmi beaucoup d'autres...
J'ai omis de vous lire une phrase très importante pour définir la compétence des maires, phrase qui est extraite à la page 14 : « Les maires pourront prendre l'initiative de faire des suggestions aux préfets... » (Sourires sur les travées socialistes.)
J'insiste sur ce point : est-il nécessaire de voter un texte de loi, avec une annexe, pour découvrir qu'en vertu de la loi de la République française « les maires pourront prendre l'initiative de faire des suggestions aux préfets » ?
Mme Nicole Borvo. Bravo !
M. Jean-Pierre Sueur. J'ai une seule question à poser à M. le ministre. N'auriez-vous pas pu libeller ainsi cette phrase : « Respectueusement, les maires pourront prendre l'initiative de faire, respectueusement, des suggestions aux préfets... » ?
Si je vous dis tout cela, c'est parce qu'il y a de bonnes choses dans votre texte et je regrette que d'autres soient imprécises ou creuses.
J'aimerais donc savoir si vous avez l'intention de transférer la compétence de la prévention spécialisée des départements aux communes ou aux agglomérations. Cela donnerait au moins un sens concret au texte ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Sueur, je ne suis pas sûr que me solliciter soit une très bonne idée (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) mais, puisque vous m'invitez à vous répondre, je vais le faire.
Vous êtes surpris, dites-vous, que je croie à mon texte. Je suis surpris à mon tour de votre surprise. Si je n'y croyais pas, pourquoi le présenterais-je ?
Deuxième remarque, monsieur Sueur : je revendique les annexes. Je vais même vous donner un conseil.
C'est l'une des premières fois où nous disposons d'un texte que n'importe quel citoyen peut lire et comprendre sans avoir besoin de cinquante codes et sans se référer à quatre autres textes. C'est donc un texte lisible, et je vous conseille de l'afficher dans votre permanence, de le montrer à vos électeurs ou à ceux qui, un jour, pourraient le redevenir.
Chacun peut le comprendre : ce texte définit pour cinq ans les orientations du Gouvernement en matière de sécurité. C'est un texte lisible et compréhensible par tout le monde. Depuis quand les parlementaires devraient-ils être condamnés à rédiger des textes que plus personne ne comprend ? Certes, des hommes et des femmes parfaitement compétents, tel M. Patrice Gélard, siègent sur les travées de cette assemblée. Mais ne vous a-t-on jamais fait le reproche de voter des textes que même nous, nous ne comprenons pas, des textes qui sont devenus illisibles ?
Ce texte est lisible, compréhensible, chacun peut le lire. Dans vos permanences, vous n'aurez pas besoin de le traduire. Il sera là. Demandez à nos compatriotes s'ils le comprennent.
Il me semble que ces annexes, dont vous vous gaussez depuis si longtemps, sont, au contraire, un exemple d'une façon moderne de légiférer.
Monsieur Peyronnet, vous me dites : quelle suffisance ! Alors, si je comprends bien, le jeu entre le Parlement et le Gouvernement devrait être le suivant : je dois subir les interventions, accepter des attaques, courber l'échine devant tant de suffisance de la part de ceux de vos amis qui ont été battus avec une telle certitude,...
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... je dois ne pas répondre et considérer que les convictions ne sont que d'un côté, et, moi, m'excuser d'avoir les convictions qui sont les miennes !
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Peyronnet, je respecte, pardonnez-moi de vous le dire,...
M. Jean-Claude Peyronnet. Vous n'avez pas répondu à la question !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Peyronnet, vous m'écoutez ? Je respecte tous les membres de cette assemblée, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent. Cependant, permettez-moi de vous le dire, je n'accepte pas, quand je réponds avec force sur les convictions de la majorité et du Gouvernement, que vous le preniez comme des attaques personnelles. Je dois supporter d'être accusé de mettre en cause les pauvres, les modestes, les gens du voyage ainsi que les prostituées et d'être responsable de toute la misère du monde, et je dois dire merci ? Vous vous trompez ! Le débat démocratique, ce n'est pas celui-ci !
J'ai apprécié l'intervention de Mme Borvo. Je n'ai pas ses convictions, et je n'aurais pas voté la motion tendant à opposer la question préalable, mais, à aucun moment, elle n'a reproché au Gouvernement de défendre les idées qui sont les siennes. Monsieur Sueur, pourquoi notre démocratie est-elle malade depuis si longtemps ?
M. Jean-Pierre Sueur. J'ai posé une question précise !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'était votre question, c'est ma réponse !
M. Charles Gautier. On a déjà entendu ça !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Votre question, elle était libre, ma réponse l'est aussi. Depuis très longtemps, la démocratie souffre de ne plus avoir de débat, de ne plus oser la confrontation d'idées.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Chacun doit le savoir, monsieur Sueur, et vous aussi, monsieur Peyronnet, qui s'y frotte s'y pique ! Vous parlez gentiment, la réponse sera gentille ! Vous cherchez le Gouvernement, le Gouvernement répond !
M. Jean-Claude Peyronnet. Il n'y a pas de réponse !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous dites : il n'y a pas de précision. Avez-vous vu le décret sur les conseils locaux de sécurité ?
M. Christian Demuynck. Ils ne l'ont pas lu !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous êtes-vous au moins donné la peine, monsieur Sueur, de lire la circulaire qui a été publiée il y a quinze jours et le décret qui est paru voilà huit jours ? Les avez-vous consultés ? Ils sont passés en conseil des ministres. Ils précisent, comme le droit nous le permet, les compétences du conseil local de sécurité. Vous venez de faire une intervention. Vous dites : c'est creux. Vous n'avez lu ni le décret ni la circulaire !
M. Jean-Pierre Sueur. J'ai posé une question sur les compétences ! Ce n'est tout de même pas extraordinaire !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Sueur, ne protestez pas quand ça fait mal, sinon je vais refaire mal ! (Sourires.) Je vous les communiquerai, parce que, quand on se noie, moi je porte toujours secours !
M. Christian Demuynck. Bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. S'agissant des compétences entre les départements et les maires, où est la contradiction, monsieur Sueur ? Il n'y en a aucune ! Les départements jouent le rôle de prévention, M. Louis de Broissia l'a très bien rappelé. Il y a les conseils départementaux de la sécurité. Les départements joueront tout leur rôle. Et puis, il y a les maires, dans le cadre des conseils locaux de sécurité. Où y a-t-il contradiction ? Les maires joueront le rôle de prévention dans le cadre des communes ; les départements apporteront toute leur force dans le cadre des départements. Où est la difficulté ? Où y a-t-il contradiction ? Qui voit qu'il y ait la moindre difficulté à continuer à faire travailler départements et mairies ?
J'en profite pour répondre à M. Francis Giraud, car, après tout, il n'y a pas de raison que je ne réponde pas sur la sécurité dans les hôpitaux. Je formulerai deux propositions.
La première : il faut prévoir des chambres sécurisées,...
M. Jacques Peyrat. C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... car les détenus ont besoin d'être soignés. On ne peut plus mettre le personnel de santé en difficulté.
M. Jacques Peyrat. Effectivement !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je souhaite que tous les centres hospitaliers régionaux aient une ou deux chambres adaptées à cet effet.
Deuxième proposition : il faut que les directeurs des centres hospitaliers fassent ce que les proviseurs ou les directeurs de collège ont fait et aient un autre rapport avec la sécurité pour établir, notamment pour les urgentistes, des processus de sécurisation, en prenant contact avec les commissariats de police. Je signerai une circulaire pour que, systématiquement, les commissaires de police prennent contact avec les directeurs d'hôpitaux, car la situation dans les services des urgences est en tout point exécrable. La question de la sécurité dans nos établissements hospitaliers est essentielle.
Enfin, je dis aux membres du groupe communiste républicain et citoyen : ne m'en veuillez pas ! C'est très bien de dire que vous êtes du côté des policiers. C'est très bien de dire que vous voulez des effectifs pour la police. Aussi, permettez-moi de vous poser une question : pourquoi ne votez-vous ceux-ci ?
M. Christian Demuynck. Effectivement !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous êtes pour une augmentation des effectifs de la police quand ce sont d'autres que le Gouvernement qui la proposent ? Que reprochez-vous aux 13 500 emplois que nous voulons créer ?
M. Jean-Claude Peyronnet. On verra !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Faites un geste de bonne volonté : votez-les ! Est-ce parce que c'est le Gouvernement qui les propose que vous ne les votez pas ? Pourtant, ces effectifs, que ce soit un gouvernement de droite ou un gouvernement de gauche qui les propose, ils seront affectés à la police et à la gendarmerie. Quelle est la position du parti communiste ? Si vous soutenez les policiers et les gendarmes, prouvez-le, en votant le texte qui prévoit de créer des emplois. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo. Nous verrons ce qu'il en sera dans le prochain projet de loi de finances !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 15 et 26.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Le vote sur l'article 1er est réservé jusqu'après l'examen de l'annexe I.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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