SEANCE DU 30 JUILLET 2002


M. le président. Je suis saisi par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade d'une motion n° 9 tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (n° 36, 2001-2002). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo. Vous nous avez tenu, monsieur le ministre, à seize heures, un discours de meeting électoral.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ah bon ?
Mme Nicole Borvo. Votre ton, bien loin de la modestie prônée par le Premier ministre, n'y change rien : votre projet est critiquable, et vous n'avez pas dissuadé les sénateurs communistes de défendre une motion tendant à opposer la question préalable.
Le vote en urgence qui nous est imposé avec un travail parlementaire réduit à sa plus simple expression est bien peu propice à un débat de fond sur les réponses à apporter aux attentes des Français en matière de tranquillité publique.
L'architecture du texte le confirme : il renvoie à un autre texte, au vote d'un projet de loi sur des mesures précises pour l'automne. On nous demande d'approuver dès maintenant les orientations figurant en annexe.
Pourquoi cette précipitation ? Vous n'avez pas donné la réponse. Votre souci, c'est l'affichage, c'est certain. Mais ni l'étendue ni le contenu des annexes ne nous permettent d'expédier la discussion en quatre jours, deux à l'Assemblée nationale et deux au Sénat.
Votre loi de programmation étant la jumelle de celle de la justice - ce n'est pas moi qui l'ai dit -, je me permets de reprendre les mêmes arguments !
Vous légitimez votre projet - et l'urgence - par le vote des Français et leurs attentes en matière de sécurité.
D'emblée, je tiens à préciser que nul ici n'ignore la réalité de notre pays, la mal-vie dans les quartiers difficiles, la violence, l'insécurité.
M. Dominique Braye. Il ne suffit pas de le dire !
Mme Nicole Borvo. Cette remarque est particulièrement fondée pour les élus communistes, élus le plus souvent de quartiers populaires.
M. Dominique Braye. Vous diminuez de jour en jour !
Mme Nicole Borvo. Depuis des décennies, nous sommes aux premières loges de la détérioration du tissu social.
A l'évidence, nos concitoyens aspirent à une vie meilleure, à l'emploi, à de meilleurs salaires, à la tranquillité, au respect. De ce point de vue, gouvernement et majorité précédents ne les ont pas convaincus, c'est un fait. (Exclamations sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye. Vous en faisiez partie !
Mme Nicole Borvo. Mais il n'en est pas moins vrai qu'il n'y eut pas réellement de débat de fond sur les réponses à apporter et sur les choix à faire pour s'attaquer durablement aux phénomènes de violence et d'insécurité au cours de la longue période électorale que nous avons connue.
Le discours sur l'insécurité et la délinquance a envahi...
M. Dominique Braye. La vie des Français !
Mme Nicole Borvo. ... le champ politique et médiatique à partir de l'été 2001. Le Président de la République - alors futur candidat - a donné le « la » le 14 juillet 2001 et la « déferlante » a couvert tout autre débat.
Les médias, notamment la radio et la télévision, ont adopté une attitude qui mérite pour le moins réflexion.
La violence, qui est réelle et qui concerne toute la société, et la détresse des victimes permettaient sans doute de faire de l'Audimat. Les présenter de manière brute, sans analyse ni confrontation d'idées, fut un choix trop facile. Cet étalage médiatique, le martèlement des ténors de la campagne de la future majorité ont dévié le sens de la campagne électorale. Le débat de fond sur le choix de société a été éludé.
Le résultat ne s'est pas fait attendre. Les intentions de vote pour le Front national ont suivi la courbe de l'intonation des discours sécuritaires ; Le Pen dépassa la barre des 16 % le 21 avril dernier et fut présent au second tour des élections présidentielles. Cette réalité fait réfléchir. Il me semble qu'elle fait même réfléchir tout le monde. Pourtant, vous continuez dans la même voie.
Il y a une autre réalité, c'est la réaction aux résultats du 21 avril qui se produisit le 1er mai : un million de personnes dans les rues de Paris, des centaines de milliers dans toute la France. Ce fut un 1er mai de la tolérance, de la République, d'une jeunesse que vous n'écoutez guère, monsieur le ministre. Bien au contraire, vous la montrez souvent du doigt.
Cette vague a porté le Président de la République au pouvoir avec le résultat que l'on connaît, non pas sur un fond de peur ou de haine, mais sur une certaine idée de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.
C'est à cette réalité que vous devriez réfléchir avant de vous empresser de poursuivre dans la même voie. Le candidat Jacques Chirac semblait plus prudent lorsqu'il déclarait, le 19 février 2002 : « Lorsqu'on évoque la sécurité, on pense bien souvent que seuls la police et la justice sont en cause, mais en réalité, la sécurité est l'affaire de tous. L'affaire des familles, de l'école, des communes. [...] La famille qui doit être mieux aidée à assumer sa fonction éducative [...] les municipalités et les associations devront être encouragées à développer l'accueil des enfants avant et après l'école pour leur donner aides aux devoirs et l'accès aux sports et à la culture ».
M. Dominique Braye. C'est du baratin, cela !
Mme Nicole Borvo. C'est du Jacques Chirac ! J'espère que vous ne considérez pas que c'est du baratin !
M. Dominique Braye. On le connaît par coeur !
Mme Nicole Borvo. Bien sûr, mais je vous le rappelle !
Certes, monsieur le ministre, vous ne manquez pas d'évoquer quelques autres objectifs du Gouvernement, notamment la politique de la ville, l'insertion, la formation, l'emploi, ou encore l'intégration. Mais permettez-moi de souligner quelques contradictions.
Pacte de stabilité oblige, choix libéral oblige, vous annoncez la limitation des dépenses publiques. L'effort que vous programmez en matière de sécurité sera payé par des restrictions ailleurs.
Nous sommes favorables - je le souligne - au fait de donner à la police les moyens d'agir, mais nous verrons si le projet de loi de finances le permettra. Il y a surtout un effet d'affichage, comme pour la justice.
Où sont les orientations d'une politique globale ? La prévention est traitée très vaguement en une demi-page. Il en est de même pour le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, qui, ne traitait pas non plus de réinsertion. Vous remettez à plus tard, comme vous nous l'avez dit ce soir, monsieur le ministre. Quel dommage !
Reste la répression, présente dans les deux textes. Les intentions sont en deçà de celles que M. Pasqua, qui, en 1994, alors qu'il présentait la précédente loi d'orientation et de programmation, disait que la police ne pouvait pas être la voiture balai de la société. Il ajoutait : « L'insécurité est pour une large part le reflet des dysfonctionnements de la société, le fruit des difficultés économiques ».
Traiteriez-vous M. Pasqua de laxiste ou d'idéologue ? Vous-même, lorsque vous étiez en charge du budget, souteniez qu'il ne s'agissait pas tant de moyens que d'orientation. D'ailleurs, à ce moment-là, les effectifs de la police étaient en baisse !
Certes, votre texte concerne la police, pas les autres responsabilités de l'Etat. Mais, hélas ! il y a un contenu.
Vous jetez l'opprobre sur les quartiers difficiles, sur les pauvres, les jeunes. (Murmures sur les travées du RPR.) Vous ignorez superbement que, si ces quartiers sont difficiles, c'est le fait d'une crise économique et sociale qui dure depuis maintenant près de trente ans, déstructurant profondément les rapports sociaux et précarisant la vie des habitants de ces lieux où la pauvreté sévit, où l'on constate le délabrement de l'environnement, des services publics, et où tous les maux sont ghettoïsés. Vous êtes si hostile à la mixité sociale !
Quel est l'ordonnancement des préoccupations des Français ? Les études d'opinion très changeantes en la matière peuvent parfois surprendre.
En 1999 - ce n'est pas si loin - un sondage du ministère de la ville montrait la montée du sentiment réel de l'insécurité ressentie. Mais la montée de la violence était due, pour 62 % des sondés, au chômage des jeunes, pour 37 % aux conditions de vie dans les quartiers populaires, pour 28 % au manque de fermeté des propos et pour 25 % seulement à l'insuffisance des effectifs de la police !
Quant aux actions à mener, il fallait, pour 65 % d'entre eux, insérer les jeunes dans le monde du travail, pour 64 % aider les parents en matière éducative et, pour 34 %, renforcer la présence de la police.
Les acteurs les plus importants étaient pour 71 % les parents, pour 50 % les éducateurs, pour 37 % les enseignants et pour 21 % les policiers.
Ces constats sont de bon sens. Et ce n'est pas être laxiste que d'exiger une évolution profonde de notre société pour faire face à l'insécurité.
Une lutte efficace contre la violence exigerait une rupture claire avec des choix qui privilégient la rentabilité financière à l'épanouissement humain.
Alors que tant de moyens sont nécessaires pour développer l'éducation, assurer la santé et les retraites, construire des logements, améliorer le cadre de vie, pourquoi faire à ceux qui n'en ont pas besoin des cadeaux tels que la baisse de l'impôt sur le revenu ? Nous ne reprochons pas à un gouvernement d'agir, mais dans quel sens ?
J'aurais souhaité, monsieur le ministre, vous entendre nous expliquer la réalité de l'insécurité, chiffres à l'appui, sa diversité et ses différents aspects. Cette analyse doit être faite pour déterminer les modalités de traitement de la délinquance.
Vous nous répondez qu'il y a, d'un côté, ceux qui font des discours et, de l'autre, ceux qui agissent. Nos concitoyens veulent que l'Etat agisse, c'est certain, mais dans tous les domaines qui contribuent à leur mal-vie. De ce point de vue, votre discours est éloquent.
En effet, vous affirmez que vous voulez développer une culture du résultat fondée sur des indicateurs précis. Or, pour cela, comme l'a montré la commission Pandraud-Caresche, il faudrait des statistiques plus fiables. Vous avez dit ne pas vouloir la changer maintenant, mais il faudrait pourtant distinguer incivilités, dégradations, injures, vols, agressions, viols et meurtres !
A vous entendre, et certains ici, les meurtriers et les violeurs ne sont pas punis par la loi ni poursuivis par la police ! C'est tout de même incroyable ! Pourtant, tout le monde ici connaît le code pénal. Savez-vous que le nombre de personnes en prison ne cesse d'augmenter ces dernières années ?
Grande et petite délinquance, incivilités, injures, agressions, meurtres et viols ne peuvent se traiter de la même manière. Prenons l'exemple des GIR. Sont-ils vraiment adaptés pour traiter les problèmes de la violence dans le métro ? Pour les professionnels eux-mêmes, cette structure est adaptée pour combattre le crime organisé. Mais là n'est pas la source de l'exaspération populaire ! En revanche, elle s'avère inadaptée pour réagir aux incivilités et aux délits plus modestes. L'opération démesurée dans le quartier Picasso, à Nanterre, l'atteste.
Je regrette au passage, monsieur le ministre, que les quartiers populaires soient les seuls objets de votre attention.
Les grands délinquants, ceux qui vivent du trafic et du blanchiment de l'argent sale, résident, eux, ailleurs que dans les quartiers populaires. Ils résident dans des villes comme la vôtre ou à Paris, et plutôt dans le XVIe que dans le XVIIIe arrondissement ! Ce sont bien eux qui organisent les trafics, et leurs « petites mains » roulent en Mercedes !
Votre action doit porter non seulement sur les biens, mais aussi sur les paradis fiscaux, qui reçoivent le fruit des pratiques illicites !
Sur le projet de loi lui-même, je souhaite, sans revenir sur les propos de mon collègue Robert Bret, m'interroger sur la pratique des annexes.
Le Parlement ne devrait pas, selon moi, accepter de légiférer de la sorte. Les annexes, comme cela a été dit, n'ont aucune valeur normative. Elles constituent de simples déclarations d'intention. Preuve que la précipitation n'est pas bonne conseillère. Certains de la majorité ont ici, en d'autres temps, critiqué cette méthode des annexes.
Les effets d'annonce de votre première annexe n'en sont pas moins inquiétants. Lorsque, dans un seul élan, y sont évoqués pêle-mêle, l'absentéisme scolaire, l'immigration clandestine, la mendicité, les gens du voyage, les prostituées et les trafiquants de stupéfiants, je crains de voir se profiler à nouveau une politique du bouc émissaire et un amalgame dangereux pour les libertés publiques, comme en témoignent la généralisation de la vidéo-surveillance, les fichiers, etc.
Prenons l'exemple des gens du voyage, souvent cités ce soir. Pourquoi confondre les ressortissants français et, par exemple, les citoyens roumains, qui vivent une situation très difficile chez eux et provoquent des désordres du fait de l'absence de coordination et de réflexion de nos autorités ?
Vous allez rencontrer le ministre roumain de l'intérieur. Tant mieux ! Mais alors, pourquoi faire l'amalgame entre tous les gens du voyage ?
L'absentéisme scolaire est, vous le savez, sanctionné par les caisses d'allocations familiales. Pourquoi ne pas se préoccuper de mieux prévenir les caisses et d'entendre les responsables d'associations familiales qui ont engagé une réflexion sur la responsabilité des parents, notamment à partir des exemples de réussite ? Car il y en a dans les quartiers populaires !
Vous indiquez clairement vouloir légaliser les arrêtés municipaux bien connus, comme ceux qui instituent les couvre-feux, qui interdisent la présence des jeunes dans les cages d'escaliers, ou encore les arrêtés anti-mendicité...
Vous voulez même créer une infraction particulière concernant les prostituées étrangères. J'avais pourtant cru comprendre que la nécessité de combattre, sous toutes ses formes, l'esclavage dont sont victimes, quelle que soit leur nationalité, les êtres humains - femmes et enfants - faisait l'objet d'un consensus dans notre pays !
Vos effets d'annonce sont-ils efficaces ? Permettez-moi d'en douter. En tout état de cause, il y a loin de vos annonces au traitement en profondeur des problèmes !
Je me suis laissée dire que nombre d'hommes politiques français avaient rendu visite à l'ancien maire de New York, M. Guiliani, qui a « nettoyé » la ville. La délinquance a-t-elle diminué outre-Atlantique ? La société américaine est-elle moins violente ? Là encore, au vu des faits divers, nous pouvons en douter.
Une vaste concertation avec tous les acteurs sans exception devrait être menée. Il faut tourner le dos aux discours de ces derniers mois qui, en focalisant le débat sur les quartiers les plus pauvres et sur les jeunes, pousse à la confrontation sociale. C'est indispensable pour apporter des réponses durables, susceptibles de mobiliser l'ensemble de la société.
Tel est l'objet de la question préalable que nous vous proposons d'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, contre la motion.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, j'ai été frappé, en écoutant très attentivement notre collègue Mme Borvo, de constater à quel point son discours était sécuritaire !
En effet, elle a regetté que nous ne prenions pas plus de mesures pour mener à bien une politique qui aboutirait à une sécurisation totale.
J'ai eu aussi l'impression qu'elle se trompait de ministre, et qu'elle s'adressait non pas au ministre de l'intérieur, mais à un ministre qui serait en charge, en plus de l'intérieur, des affaires sociales, de l'éducation, de la santé publique et de la ville !
Mme Hélène Luc. Mais la sécurité, c'est tout cela !
M. Patrice Gélard. En réalité, Mme Borvo a répété ce qu'elle avait déjà dit lors du discours de politique générale du Premier ministre, et j'ai cru que, ce soir, elle s'était trompée et qu'elle avait pris Nicolas Sarkozy pour le Premier ministre. (Rires.)
M. Robert Bret. Ne rouvrez pas ce dossier !
Mme Hélène Luc. Pourquoi pas !
M. Patrice Gélard. En effet, dans l'exposé des motifs de la motion tendant à opposer la question préalable, on met en cause l'école, la formation professionnelle, le droit à l'emploi, la lutte contre la précarité, le logement, la restructuration urgente de l'urbanisme. Ce sont effectivement des problèmes importants, dont les autres ministres viendront discuter devant nous. Mais, ce soir, nous parlons simplement de la nécessité d'adopter des mesures pour assurer la première des libertés des citoyens : la sécurité, et rien d'autre ! Il n'y a pas de liberté possible sans sécurité !
Mme Hélène Luc. Vous n'êtes pas d'accord avec ce qu'a dit le Président de la République !
M. Patrice Gélard. Et, pour assurer cette sécurité, le texte qui nous est proposé aujourd'hui comporte six articles, plus deux qui ont été insérés par l'Assemblée nationale. Je ne vois pas, dans ces articles, le « tout répressif » que l'on a mentionné ici ou là.
L'article 1er prévoit des orientations : celles que le Gouvernement, le Premier ministre et le Président de la République ont défendues devant nos concitoyens.
Vous n'avez peut-être pas eu de réunions électorales comme nous en avons tous eu au cours des deux dernières campagnes électorales, madame Borvo. Il fallait écouter nos concitoyens dans ces réunions publiques : leurs questions concernaient presque uniquement la sécurité. Encore maintenant, dans nos comités de quartier, dans nos villes, quels sont les problèmes qui agitent nos concitoyens jour après jour si ce n'est ceux de la sécurité quotidienne ?
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Patrice Gélard. Les comités de quartier sont présents non seulement dans les quartiers bourgeois, mais également dans les quartiers difficiles, madame Borvo, ces quartiers que vous nous accusez de méconnaître ou de mésestimer. Ce sont justement ceux-là qui mobilisent en permanence les maires, les comités de quartier, les conseils généraux. Ce ne sont pas les quartiers bourgeois qui nous posent des problèmes !
M. le ministre nous propose de respecter l'engagement solennel du Gouvernement et de concrétiser les promesses pour lesquelles nous avons été élus. Parmi ces engagements figure l'action. Croyez-vous que les électeurs auraient accepté qu'une fois élus les députés partent en vacances jusqu'au mois de septembre sans légiférer...
Mme Hélène Luc. Le problème n'est pas là ! On est prêts à travailler !
M. Patrice Gélard. ... et que l'on dise que la situaton s'améliorera toute seule simplement parce que l'on a un bon ministre capable de bien gérer les choses ? Non, il fallait d'ores et déjà montrer à quel point nous avions l'intention d'agir. Or, précisément, nous ne pouvions le faire qu'à partir d'orientations. Nous verrons, dans les années à venir, mois après mois, se bâtir l'édifice qui permettra de faire en sorte que la sécurité devienne une réalité pour nos concitoyens.
S'agissant des autres articles du projet de loi, l'article 2 relatif aux crédits, est un bon article. D'ailleurs, nos collègues socialistes en sont convenus. Comment peut-on être contre l'augmentation des crédits de la police, de la gendarmerie et des moyens permettant d'assurer la sécurité de nos concitoyens ?
Attention, la sécurité, ce n'est pas la répression ! Il ne faut pas confondre ! La sécurité consiste à assurer au quotidien la défense des droits et des libertés des citoyens et à faire en sorte que la liberté s'arrête là où commence celle des autres, ce qu'on a trop souvent oublié.
L'article 3 concerne la maîtrise d'ouvrage publique. Personnellement, cet article me donne entière satisfaction : il permettra de construire des gendarmeries et des commissariats en deux ans, contre cinq ans actuellement, quand on arrive à les construire.
Pour ce qui est de l'article 4 relatif à la limite d'âge des gendarmes, augmenter d'un an la possibilité pour un gendarme de rester en exercice constituerait une atteinte répressive indiscutable ; ce serait dramatique...
Et ne parlons pas des articles 4 bis et 4 ter ajoutés par l'Assemblée nationale, qui, en fin de compte, ne représentent que des mesures de détail, mais urgentes, qu'il fallait adopter.
L'article 5 relatif à l'évaluation des résultats obtenus au regard des objectifs fixés serait répressif... Monsieur le ministre, je crains que ces évaluations, qui seront soumises au Parlement, ne soient très « répressives » à votre égard. (M. le ministre sourit.) Mais tant mieux ! Au moins, le Parlement sera associé à votre action, ce dont nul ne pourra se plaindre.
Enfin, l'article 6 concerne l'application de la loi à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Là encore, je me demande où se trouve la répression !
En fait, madame Borvo, vous avez simplement établi un diagnostic, qui est à peu près conforme au nôtre : nous aussi nous estimons que l'insécurité est grandissante. D'ailleurs, vous appelez cela non pas « insécurité », mais « atteinte à la tranquillité publique ». Je crois que l'on a un peu dépassé ce stade ! Le diagnostic a été fait. Dès lors, il faut préciser quels sont les symptômes de la maladie. Or vous refusez de dire là où cela fait mal : la drogue, la prostitution, les émigrés clandestins. C'est tout de même là que se trouvent les causes de l'insécurité ! Il ne faut pas fermer les yeux ! En réalité, vous avez des lunettes déformantes, lesquelles peuvent parfois - et c'est grave - conduire à la cécité.
Mme Nicole Borvo. On voit quand même !
M. Patrice Gélard. Car la thérapeutique que vous nous proposez avec la question préalable est toute simple : elle consiste à renvoyer le problème à plus tard et à ne rien faire ! Voilà ce que vous nous proposez !
Mme Hélène Luc. Ce que vous dites est inexact !
M. Patrice Gélard. En réalité, vous tenez le même discours que celui que nous avons entendu pendant cinq ans : cela va mal, mais il ne faut citer personne, aucune catégorie, parce que l'on aboutirait à des exclusions. Mais une fois le discours prononcé, on n'agit plus. Eh bien ! telle n'est pas notre méthode !
Nous allons donc suivre le ministre et repousser cette motion tendant à opposer la question préalable. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission a considéré que les Françaises et les Français nous avaient adressé deux messages à l'occasion des dernières élections : l'insécurité est leur principale préoccupation ; le Gouvernement doit agir et apporter des réponses à cette insécurité.
Aujourd'hui, vous nous présentez, monsieur le ministre, un texte ambitieux, mais réaliste qui répond en tous points à l'attente des Français. La commission des lois a donc considéré qu'il devait être adopté conforme.
Dès lors, il va sans dire que la commission des lois invite le Sénat à rejeter la motion tendant à opposer la question préalable. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 9, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 70:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 107
Contre 208


Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Article 1er et annexe I