SEANCE DU 10 OCTOBRE 2002


RÈGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET DE 2001


Adoption d'un projet de loi


M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 8, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2001. [Rapport n° 12 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un double et sincère plaisir pour moi d'être avec vous aujourd'hui : le plaisir de retrouver l'assemblée à laquelle je me sens si profondément attaché et celui aussi de vous présenter un texte dont l'examen reste rituel et rassemble encore assez peu de parlementaires mais qui demain, j'en suis sûr, sera le rendez-vous budgétaire important.
Examinons donc le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2001, approuvé le 1er octobre dernier par l'Assemblée nationale.
Ce texte apure les comptes d'un exercice budgétaire conduit par le précédent gouvernement. D'emblée, je veux souligner à quel point toutes les difficultés budgétaires constatées par l'audit des finances publiques pour l'année 2002 étaient déjà en gestation en 2001, difficultés qui ont rendu... difficile la construction du budget pour 2003.
Cette observation l'illustre, le débat parlementaire sur le projet de loi de règlement n'est pas seulement un exercice formel de constatation. Ce doit être aussi un moment de vérité. C'est le moment approprié pour apprécier réellement la qualité d'une gestion et d'une politique des finances publiques. C'est, je le sais, la conception de la commission des finances du Sénat, c'est votre conception, monsieur le rapporteur général, et j'en ai trouvé la traduction dans votre rapport écrit, qui, comme toujours, est d'une très grande qualité.

L'examen du projet de loi de règlement est intéressant aussi à deux autres titres.
D'une part, c'est l'occasion de vérifier la sincérité des évaluations de la loi de finances initiale et des lois de finances rectificatives qui l'ont modifiée : c'est le passage de l'exercice de la prévision à celui de l'exécution, auquel j'attache, vous le savez, un prix tout particulier, comme on me l'a enseigné à la commission des finances du Sénat.

D'autre part, lorsque les indicateurs de performance auront été généralisés, en conformité avec la loi organique relative aux lois de finances, la loi de règlement sera le rendez-vous clé pour apprécier la gestion des ministères ; le Parlement pourra apprécier, ex post , si les indicateurs de résultat affichés dans la loi de finances initiale reflètent ou non une gestion performante.
Certes, la « LOLF », comme on l'appelle désormais, n'est pas encore intégralement applicable. Ses dispositions entrent progressivement en vigueur.
Deux d'entre elles sont cependant d'ores et déjà entrées en application : la première, c'est le dépôt du projet de loi avant le 30 juin de l'année suivante et, selon la seconde, chaque assemblée doit désormais examiner ce texte avant la loi de finances de l'année à venir.
Ces deux dispositions seront respectées : après l'Assemblée nationale, le Sénat débat aujourd'hui du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2001 avant d'avoir entamé l'examen du projet de loi de finances pour 2003. Malgré un ordre du jour parlementaire très chargé pour votre Haute Assemblée, nous avons pu, ensemble, satisfaire aux délais prescrits. Je m'en réjouis.
Cela permettra aux deux chambres du Parlement de statuer de manière plus éclairée sur le budget pour 2003, en prenant en compte les enseignements de la gestion de l'exercice 2001, enseignements que l'on peut trouver, monsieur le rapporteur général, dans votre rapport et que je vais maintenant tenter de résumer.
Optiquement, l'exécution 2001 ne paraît pas exagérément défavorable. Le déficit budgétaire s'est élevé à 32 milliards d'euros et les déficits publics, au sens de Maastricht, ont été de 1,4 % du produit intérieur brut. Ces chiffres sont certes moins mauvais que les chiffres de la gestion 2002 révélés par l'audit : je rappelle que lorsque nous sommes arrivés aux affaires, il y a quelques mois, nous avons trouvé 44,6 milliards d'euros de déficit budgétaire prévisionnel et des déficits représentant 2,6 % du PIB pour l'ensemble de la sphère des administrations publiques.
Mais, déjà, l'exécution de 2001 marque une inflexion de tendance portant en germe les difficultés révélées par l'audit.
Tout d'abord, le déficit des administrations publiques, au sens de Maastricht, s'est dégradé, pour la première fois depuis 1993, en 2001. Certes, la dégradation a été modeste : 1,4 % du PIB en 2001 contre 1,3 % en 2000. Néanmoins, l'inflexion était déjà sensible et, pour la première fois depuis huit ans, le déficit public a cessé de s'améliorer.
Le déficit du budget de l'Etat ensuite s'est, pour sa part, dégradé de 10 % par rapport à celui qui avait été constaté en exécution 2000.
Plus grave encore, l'excédent primaire, c'est-à-dire le solde des dépenses et des recettes avant paiement des charges de la dette, a nettement reculé - la baisse est de 2 milliards d'euros - par rapport à la gestion 2000.
En clair, si le précédent gouvernement n'avait pas bénéficié en 2001, comme d'ailleurs les années précédentes, de l'impact de la baisse des taux d'intérêt, le déficit budgétaire se serait dégradé plus nettement encore en 2001. Cette remarque me permet de souligner que la diffusion de la baisse des taux sur l'ensemble de l'encours de la dette est maintenant derrière nous.
Permettez-moi d'insister un instant sur ce point. En cinq ans, de 1997 à 2001, la charge de la dette n'a augmenté que de 1,1 milliard d'euros. Autant dire qu'elle est restée presque stable chaque année. Dans le projet de loi de finances pour 2003, elle augmente de 1,4 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2002. En d'autres termes, le poids des déficits accumulés et la charge d'intérêts qui en résulte amputent davantage nos marges de manoeuvre en une seule année que lors des cinq gestions consécutives, de 1997 à 2001.
Nous trouvons donc bien en gestation dans l'exécution 2001 l'ensemble des facteurs qui pèseront lourdement sur les déficits publics en 2002, même s'ils n'apparaissent pas encore pleinement dans les comptes 2001, et cela pour deux motifs.
D'abord, le retournement conjoncturel du milieu de l'année, amplifié ensuite par les attentats du 11 septembre, n'a eu qu'un faible impact sur les recettes 2001 : elles ont été davantage influencées par la conjoncture de l'année 2000 que par celle de l'année 2001. J'ai souligné d'ailleurs ce phénomène de décalage devant votre commission des finances à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2003.
Ensuite, les dépenses 2001 n'ont pas été affectées par les engagements de la fin de la législature précédente. C'est sur la gestion 2002 que ces engagements vont massivement peser, comme l'a souligné l'audit des finances publiques.
La progression des crédits reportés sur la gestion suivante, c'est-à-dire sur la gestion 2002, en atteste. Ce phénomène des reports de crédits mérite d'ailleurs que l'on s'y arrête un instant. Sous la précédente législature, les crédits non dépensés en fin d'année et reportés sur l'exercice suivant n'ont cessé de s'accroître. A la fin de l'année 2001, ils ont atteint le montant impressionnant de 14,1 milliards d'euros pour le budget général. Les importantes ouvertures du collectif de fin d'année 2001 auront été un facteur important de dérive pour l'exécution 2002.
Nous devrons progressivement résorber cette masse de crédits, qui menace l'exécution des budgets tels que les vote le Parlement. La LOLF nous y invite d'ailleurs, puisqu'elle limite à 3 % des dotations initiales le montant des crédits reportables d'un exercice à l'autre.
Les dépenses ont, en apparence, été « tenues » en 2001. La norme en volume a été respectée. Remarquons toutefois que, en 2001, pour la première fois depuis trois ans, les dépenses ont progressé de plus de 2 %, de 2,8 % exactement ! Le respect de la norme en volume n'a été acquis que grâce à une hausse des prix supérieure aux prévisions initiales.
Les dépenses de l'Etat connaissent une très forte inertie : la commission des finances du Sénat a dénoncé ce fait à de multiples reprises. Le précédent gouvernement a progressivement mis en place les facteurs qui sont causes de ces dérives, encore embryonnaires en 2001 mais patentes en 2002. Ces facteurs sont bien connus : il s'agit, par exemple, de la vive progression de l'emploi public, de la mise en place des emplois-jeunes, de l'instauration de la couverture maladie universelle ou de la réforme de l'aide médicale d'Etat. Toutes ces dépenses sont graduellement montées en puissance, sans être correctement budgétisées dans la loi de finances pour 2002, et nous avons dû les intégrer dans le collectif de cet été.
A la vérité, les allégements fiscaux décidés par le précédent gouvernement ont été financés par des plus-values conjoncturelles et non par la maîtrise structurelle des dépenses. Entre 1997 et 2002, les baisses d'impôts et de charges ont représenté 2,5 points de PIB, alors que les efforts en matière d'économies ne portaient que sur 1,1 point. L'écart entre les deux engendre cette dégradation structurelle du déficit que nous avons à affronter aujourd'hui. Elle a été temporairement masquée par d'importantes rentrées fiscales spontanées et par des prélèvements croissants opérés au titre des recettes non fiscales. Mais, dès 2001, ces deux facteurs n'empêchent plus la dérive que nous avons aujourd'hui tant de difficulté à stopper.
Comment ne pas déplorer que ces baisses d'impôts et de charges n'aient pas été utiles à l'économie comme elles auraient pu l'être ? En effet, pour une part substantielle, elles ont servi à compenser le passage aux 35 heures, par exemple, qui a lui-même entraîné une amputation de la production nationale.
La gestion au titre de 2001 est donc loin d'être satisfaisante. La continuité de l'Etat requiert, toutefois, que nous apurions les comptes, et c'est ce que je vous proposerai de faire tout à l'heure, en adoptant ce projet de loi.
J'évoquerai rapidement la partie normative de ce texte. Il vous est demandé à la fois de constater des résultats et d'approuver des modifications de crédits. Ces modifications concernent des mesures traditionnelles de régularisation sur des chapitres assortis de crédits évaluatifs. Je vous les présenterai très brièvement, en convertissant systématiquement les montants en euros. Vous voterez en effet, mesdames, messieurs les sénateurs, en fonction de montants exprimés en francs, puisque c'est dans notre ancienne monnaie qu'a été exécuté le budget pour 2001.
S'agissant du budget général, sont proposées des ouvertures de crédits de 1,1 milliard d'euros et des annulations de crédits devenus sans emploi de 1,6 milliard d'euros. En ce qui concerne les comptes spéciaux, des crédits complémentaires sont demandés pour un montant de 5,9 milliards d'euros, dont 5,5 milliards d'euros relatifs aux avances à l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole, au titre des besoins temporaires de préfinancement des dépenses communautaires. En outre, une autorisation de découvert de 9,7 milliards d'euros est demandée pour le compte « Opérations avec le FMI », doté, pour mémoire, en loi de finances initiale.
Ces sommes sont importantes ; toutefois, les opérations ainsi financées sont classiques, et même totalement mécaniques. Pour ce qui concerne, par exemple, les avances aux organismes d'intervention agricole, il s'agit seulement d'une opération temporaire : les fonds en question ont fait l'objet d'un remboursement par l'Union européenne.
Par ailleurs, divers apurements vous sont proposés.
Il s'agit d'abord d'approuver les traditionnelles mesures de remises de dettes aux pays étrangers, pour 0,1 milliard d'euros, conformément aux résolutions de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, la CNUCED, et aux engagements pris par la France lors des sommets internationaux. J'indique, à ce propos, que ces remises de dettes n'ont aucune incidence budgétaire. En revanche, elles pèsent sur notre besoin de financement, au sens de Maastricht, puisqu'elles diminuent le montant de nos créances, et donc notre patrimoine financier.
Le second apurement proposé porte sur la constatation d'une perte en trésorerie sur devises, liée à des fonds que détenait l'ambassade de France sur un compte ouvert dans une banque à Sarajevo, laquelle a fait faillite.
Je conclurai mon propos par quelques mots sur la gestion de fait, qui est l'objet de l'article 13 du projet de loi. Il s'agit de reconnaître l'utilité publique de dépenses, d'un montant de 0,3 million d'euros, comprises dans la gestion de fait de l'Association pour la recherche à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Les fonds attribués à cette association ont été utilisés pour financer des dépenses qui auraient dû incomber au ministère de l'éducation nationale lui-même. La Cour des comptes a donc constaté l'existence d'une gestion de fait. En reconnaissant son utilité publique, vous éviterez aux personnels concernés d'être personnellement redevables des fonds. Cette orientation me paraît tout à fait souhaitable, puisque ces personnels n'ont pas agi dans leur intérêt propre.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes de ce projet de loi de règlement. En vous demandant de les approuver, je ne vous propose naturellement pas d'approuver les objectifs politiques qu'elles sous-tendent, mais tout simplement de prendre acte de la situation comptable qui vous est présentée et de statuer définitivement sur des procédures arrivées maintenant à leur terme. Pour la bonne marche de l'Etat, je vous invite donc à adopter ce projet de loi de règlement, qui deviendrait ainsi définitif, puisqu'il a déjà été approuvé par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Mes chers collègues, j'espère ne pas lasser votre attention, car, en écoutant M. le ministre, je me suis aperçu que son propos recoupait, en de nombreux points, l'intervention que j'avais préparée. Cela représente un certain changement par rapport à la configuration qui prévalait antérieurement, quand je n'avais pas le sentiment de répéter les propos du ministre ! (Sourires.)
On ne m'en voudra cependant pas, je l'espère, de revenir sur un certain nombre d'aspects essentiels de la gestion de l'année 2001.
Nous sommes appelés à délivrer un quitus comptable ; certes, la commission invitera le Sénat à voter le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2001, mais cela ne saurait, bien entendu, valoir approbation, même rétrospective, de la politique qui a été conduite et qui, sur le plan financier et budgétaire, nous apparaît tout à fait désastreuse et porteuse, en germe, des éléments les plus préoccupants de la situation actuelle.
Mes chers collègues, c'est la première fois que le Parlement est appelé à examiner le projet de loi de règlement de l'année n - 1 juste avant d'étudier le projet de loi de finances pour l'année n + 1. Nous nous inscrivons là dans le « chaînage vertueux » - c'est l'expression que nous avions retenue - défini par la loi organique du 1er août 2001 et permettant de replacer les données budgétaires et comptables de l'Etat dans une série logique.
Pour bien apprécier cette évolution, il convient de se féliciter de l'appui que nous a apporté la Cour des comptes dans ses appréciations. Celles-ci sont extrêmement précieuses, et M. le président de la commission des finances est particulièrement attentif à ce que nous puissions, dans l'avenir, poursuivre une collaboration fructueuse avec la Cour des comptes, chacun restant dans son rôle, conformément aux dispositions de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances.
Permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler brièvement le contexte économique dans lequel a été exécuté le budget de 2001. Nous étions partis de prévisions de croissance très flatteuses, puisque l'on estimait que le taux de cette dernière atteindrait 3,3 % ! Il a été en réalité de 1,8 % et, ni en termes de dynamique de la consommation ni en termes de dynamique de l'investissement, l'exécution n'a été à la hauteur des espérances. Cette croissance est l'une des plus faibles de ces dernières années : rappelons, en effet, le bonheur de l'année 1998, où le taux de croissance fut de 3,4 % ; rappelons le bonheur de l'année 1999, où il fut de 3,2 % - c'était l'année de la « cagnotte », avec des recettes fiscales plus élevées que prévu, et comme nous voudrions retrouver cette « cagnotte » (Sourires), même si ce mot suggère une impression de facilité qui ne dépeint pas la réalité du phénomène ; enfin et surtout, rappelons le bonheur de l'année 2000, où le taux de croissance fut de 4,2 % !
Mes chers collègues, cette série d'années fastes aurait pu - aurait dû - permettre de traiter les problèmes fondamentaux qui se posent aux finances publiques, aurait pu - aurait dû - permettre d'opérer plus vite le rééquilibrage des comptes de l'Etat et la résorption de la dette.
Hélas ! c'est la facilité qui a prévalu, et je crois, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous n'insistons pas suffisamment sur cette réalité.
M. Robert Del Picchia. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La question que nous serions fondés à poser à vos prédécesseurs en fonction au cours de la législature 1997-2002, monsieur le ministre, est tout simplement la suivante : « Qu'avez-vous fait de cette croissance,...
MM. Lucien Lanier et Yves Fréville. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... puisque, au jour où la croissance fait défaut, nous retrouvons entiers la dette, les déficits, la lourdeur des dépenses et l'ensemble des problèmes de l'appareil d'Etat ? »
En 2001, l'environnement international, on le sait, s'est beaucoup dégradé : le prix du pétrole a atteint son maximum depuis 1991 ; l'économie américaine était en voie de ralentissement avant même le 11 septembre ; l'activité dans la zone euro a connu une déclaration et l'inflation y a été plus forte qu'attendu.
Eu égard à ce contexte, rappelons en quelques mots quelle fut la politique budgétaire du gouvernement alors en fonctions, s'agissant des recettes, des dépenses et du solde.
Pour ce qui est des recettes, nous avons vu s'opérer en 2001 un mouvement préoccupant de décélération des recettes fiscales, qui traduisait la conjoncture mais aussi les conséquences des mesures prises par le gouvernement d'alors au travers du « plan Fabius » de baisses d'impôts.
En contrepartie, les recettes non fiscales ont connu une progression exceptionnelle, sous l'effet conjugué, d'une part, de l'apport d'une quinzaine de milliards de francs qui auraient dû être comptabilisés dès 1999, mais qui ont été utilisés en 2001, et, d'autre part, de la mobilisation de ressources à caractère exceptionnel, de quasi-expédients budgétaires ayant permis de cacher une partie de la réalité.
L'évolution des recettes fiscales n'a été que de 2 % en 2001. Pour être tout à fait juste, il faut observer qu'elle eût été différente en l'absence de modifications importantes d'assiette fiscale entre l'Etat et la sécurité sociale. Ainsi, 45 milliards de francs de recettes fiscales ont été transférés à la sécurité sociale en 2000, et près de 15 milliards de francs en 2001, soit 60 milliards de francs en l'espace de deux exercices. Je souligne au passage, mes chers collègues, que ce fait renforce l'intérêt du débat consolidé sur les prélèvements obligatoires qui a lieu cet après-midi même, me semble-t-il, à l'Assemblée nationale et qui se tiendra le 7 novembre au Sénat, ce qui nous laisse un peu plus de temps pour le préparer : avoir une vision globale des prélèvements obligatoires est absolument indispensable.
En ce qui concerne les impôts directs, le produit de l'impôt sur le revenu a crû de 0,4 % en 2001, celui de l'impôt sur les sociétés connaissant, quant à lui, une hausse « dynamique » de près de 8 % - mais on sait que cet impôt mesure la réalité économique de l'année précédente. Par ailleurs, le produit de l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune, a progressé de 9,5 %, ce qui traduisait sans doute l'existence de plus-values ou d'une bonne valorisation sur les marchés, ainsi que les résultats du contrôle fiscal.
En ce qui concerne la TVA nette, son produit apparaît presque étale avec une augmentation limitée à 0,4 %, ce qui témoigne à la fois de la conjoncture et des effets de la baisse d'un point du taux normal de TVA au 1er avril 2000. Que l'on me permette d'ailleurs de souligner que l'impact économique de cette mesure est loin d'être certain, bien qu'elle ait coûté chaque année plus d'une vingtaine de milliards de francs au Trésor.
Enfin, les recettes au titre de la TIPP ont progressé de 3,6 % en 2001.
S'agissant maintenant des dépenses, M. le ministre l'a rappelé, la norme de progression de 0,3 %, soi-disant respectée, doit être considérée avec attention. En effet - et là je rappelle simplement les propos de la Cour des comptes - vos prédécesseurs, monsieur le ministre, ont pris quelques libertés avec le principe de la permanence des méthodes comptables. Ils ont exclu du total des dépenses nettes du budget général certaines dépenses qualifiées de « dépenses exceptionnelles à caractère ponctuel ». Or ces dépenses, qui s'élevaient à près de 7 milliards de francs en 2000, ont atteint presque 19 milliards de francs en 2001. Il s'agit peut-être de dépenses exceptionnelles à caractère ponctuel. Cela reste à démontrer pour une partie d'entre elles. En tout cas, le montant de ces dépenses a beaucoup augmenté en 2001, puisqu'il représente quasiment trois fois le montant retenu en 2000. Ce n'est pas négligeable ! A partir de ce constat, la Cour des comptes estime, selon les hypothèses et l'ampleur des correctifs à apporter, que la véritable augmentation de la dépense de l'Etat est comprise entre 0,4 % et 0,7 %. En tout cas, elle ne s'établit pas à 0,3 %.
Ce qui est peut-être encore plus important, c'est la rigidité toujours excessive de la dépense publique. Sur les 266 milliards d'euros de dépenses du budget général, près de 40 % sont consacrés aux personnels, 14 % aux charges de la dette et près de 8 % au fonctionnement courant. Les dépenses passives représentent donc plus de 60 % de l'ensemble des dépenses de l'Etat.
Si l'on examine de manière un peu plus détaillée les rubriques, on constate que, au sein des dépenses civiles ordinaires, les dépenses de pensions représentent le secteur le plus dynamique à l'intérieur des charges de personnels, rémunérations et pensions. En effet les rémunérations augmentent de 3,8 % et les pensions d'un taux sensiblement plus élevé.
Quant aux dépenses civiles en capital, elles semblent croître en 2001. Mais ce n'est qu'une apparence, qui s'explique par la rebudgétisation du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables.
S'agissant des dépenses militaires, l'évolution a été modeste et le décrochage a été net par rapport aux objectifs de la loi de programmation militaire en vigueur.
Au total et parmi les dépenses, M. le ministre l'a d'ailleurs rappelé, un phénomène important apparaît, si l'on considère l'ensemble de ces crédits : c'est le volume anormal des reports. Le total des crédits reportés sur 2002 représente près de 100 milliards de francs. C'est une véritable épée de Damoclès qui pèse sur le rythme futur de la dépense publique. Le Gouvernement est donc parfaitement fondé à mesurer, ministère par ministère, la réalité des besoins, à l'apprécier et à supprimer, autant qu'il le faut, les reports qui ne correspondent pas à un rythme de consommation plausible. C'est ce qui a été fait pour préparer le budget pour 2003. La commission des finances ne peut que s'associer à cet exercice de vérité, même s'il en coûte ou même si cela peut dissiper quelques illusions.
En ce qui concerne le solde, nous observons une donnée fondamentale, un point de retournement crucial : pour la première fois depuis 1997, le déficit budgétaire dérape. Il est à la fois plus important que le déficit de l'année précédente et plus important que celui qui était prévu dans la loi de finances initiale. Cela altère considérablement la capacité de l'Etat à gérer le retour à l'équilibre des finances publiques. Cela n'empêchait pas vos prédécesseurs, monsieur le ministre, voilà à peine un an, d'envoyer à l'Union européenne un programme triennal assurant que le rendez-vous de 2004 serait honoré, alors que la réalité des chiffres montrait le contraire. Manifestement, cela ne les gênait pas. Cela ne gêne pas non plus aujourd'hui l'ancien ministre des finances M. Laurent Fabius : il pousse des cris d'orfraie en observant que la réalité des chiffres conduit ses successeurs à envisager une série un peu plus longue d'années avant de parvenir à l'équilibre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Ce sont des cris de remords ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Peut-être. Faisons-lui ce crédit !
N'oublions pas que ces séries de déficits se traduisent par une augmentation constante de la dette. Et n'oublions pas non plus, mes chers collègues, que, au point où nous sommes arrivés, cela représente pour chaque Française ou chaque Français une dette de 14 000 euros. A sa naissance, chaque petit Français trouve dans son berceau un gros paquet qu'il lui faudra supporter une grande partie de sa vie, une dette de 14 000 euros, avec une charge annuelle de 760 euros.
Si cet endettement supplémentaire avait permis d'enrichir le patrimoine public, ce serait un moindre mal. Or, les données de la comptabilité patrimoniale qui nous sont fournies, et qui sont intéressantes malgré les conventions sur lesquelles elles reposent, montrent que, au contraire, le patrimoine des administrations publiques s'est considérablement appauvri, puisqu'il aurait connu, entre 1996 et 2000, une variation nette négative proche de 86 milliards d'euros. De plus en plus d'endettement donc, et, dans le même temps, un patrimoine public qui n'a cessé de diminuer en valeur de façon préoccupante.
Pour conclure, je terminerai par deux enseignements.
D'abord, en 2001, tous les ingrédients, tous les germes de déséquilibre sont présents pour nous conduire à une situation extrêmement préoccupante en phase de ralentissement de la croissance : des recettes incertaines, des expédients qui, pour avoir déjà été utilisés, vont, dès lors, diminuer les marges de manoeuvre de l'avenir, des dépenses qui dérapent, très peu de volontarisme dans la gestion des crédits publics, et en particulier du personnel, un déficit qui se creuse, une dette qui progresse et un patrimoine public qui ne cesse de se dévaloriser. Tout cela crée un ensemble de conditions qui ne rendent certainement pas facile la tâche aujourd'hui, et qui la rendront probablement encore moins facile demain.
Le second enseignement, c'est la nécessité, pour nous parlementaires, en particulier pour les membres de la commission des finances, d'attacher toute l'importance qui convient au contrôle de l'exécution des budgets. Nous nous sommes efforcés de pratiquer aussi souvent que possible le contrôle sur pièces et sur place. Je me souviens d'un jour de février 2002 où je m'étais rendu à Bercy pour examiner les conditions de clôture de l'exercice 2001 : on m'avait tenu des propos rassurants, qui, hélas ! ont été très vite démentis par la réalité.
Les contrôles sur pièces et sur place et le suivi précis de l'exécution du budget, qui repose à présent sur des prérogatives parlementaires clairement prévues par la loi organique, sont nécessaires et ils représentent une part très significative de nos responsabilités. Monsieur le ministre, vous ne serez donc pas surpris que nous poursuivions dans ce domaine les pratiques antérieures et que nous fassions du contrôle de l'exécution budgétaire une priorité de nos programmes de travail pour les mois à venir.
Au total, mes chers collègues, et au vu de tous ces éléments, même s'ils ne sont pas réjouissants quant au fond, il convient de prendre acte de la gestion passée et des chiffres qui nous ont été communiqués. Je le répète : cela ne saurait être interprété comme un accord donné à une politique dont nous ne partagions pas les principes. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi de règlement, qui porte sur le dernier exercice budgétaire que l'on peut imputer en totalité au précédent gouvernement, ne semble pas devoir souffrir d'incertitude quant au vote qui interviendra au terme de notre débat. En effet, ce texte sera approuvé.
Au-delà de cette observation liminaire, il est évident que ce qui est le plus important dans ce débat, ce sont les perspectives qu'il trace quant aux années à venir et les analyses qu'il permet de dégager.
Dans les faits, les projets de loi de règlement continuent de souffrir d'un caractère formel assez profondément ancré, leurs articles consacrant bien souvent la simple réalité des mouvements financiers qui ont été observés au cours de l'exécution budgétaire.
S'agissant du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2001, force est donc, une fois de plus, de se référer à la discussion du projet de loi de finances initiale.
A ce titre, je formulerai une première observation.
L'année 2001 marque, chacun le mesure désormais, la première année de retournement de la conjoncture économique, retournement qui, je le dis au passage, est encore plus patent dans le cadre de l'exécution budgétaire de 2002 et rend fort hypothétique l'équilibre des finances publiques tel qu'il ressort du projet de loi de finances initiale pour 2003, lequel sera bientôt examiné par les deux assemblées.
Le groupe communiste républicain et citoyen avait eu l'occasion, lors des débats menés dans notre assemblée, de pointer la nécessité d'une démarche plus audacieuse en matière de finances publiques, susceptible de soutenir effectivement la croissance, plus que ne le prévoyait le texte initial.
Monsieur le ministre, je suis persuadée que vous avez encore à l'esprit, puisque vous présidiez alors la commission des finances de notre assemblée, les mesures que nous préconisions, mesures que vous combattiez déjà, et que combattaient aussi - je l'ai beaucoup regretté - les ministres des finances du gouvernement précédent !
Nous disions notamment : « Comment inscrire dans le texte du projet de loi de finances pour 2001 nos choix de justice sociale, de soutien à la croissance solidaire ? »
Dans cette optique, nous avions défendu des propositions comme la baisse du taux normal de TVA, la réduction de l'avoir fiscal, l'amélioration de l'efficacité économique de l'impôt de solidarité sur la fortune ou la baisse de la TVA sur certains produits de consommation populaire et - pourquoi ne pas le dire ? - la baisse de la TVA pour la restauration traditionnelle, mais je pense que nous étions d'accord sur ce dernier point. Toutes ces propositions allaient dans le sens d'une plus grande justice fiscale et permettaient d'accroître l'efficacité de la dépense et des politiques publiques. Nous estimons que c'est toujours le cas.
Ces mesures n'ont pas trouvé place, et on peut le regretter, dans le projet de loi qui a été finalement adopté, ce qui n'enlève d'ailleurs rien à leur pertinence ni à leur actualité.
La seconde observation que je formulerai est liée à l'environnement économique.
Le projet de loi de règlement intègre une progression relative du déficit public, qui atteint, à la fin de l'exercice, 31 605 millions d'euros, soit une augmentation d'environ huit points par rapport à l'exercice précédent, mais cela ne représente pas un dérapage excessif au regard du produit intérieur brut.
La situation de l'exercice 2002 est, on le sait, assez différente, tandis que les prévisions pour 2003 semblent plutôt procéder de l'affichage et que nous risquons de nous voir entraîner, ainsi que l'a annoncé hier M. Francis Mer à l'Assemblée nationale, vers une rigueur budgétaire qui aurait pour conséquence moins de crédits, moins d'équipements pour répondre aux attentes de notre pays.
Nous ne pouvons évidemment pas nous satisfaire d'une progression des déficits quoique nous soyons fondés à poser une fois de plus cette question de fond : est-il véritablement dramatique que l'Etat soit en déficit, dès lors que ce déficit contribue au développement économique et à la satisfaction des besoins collectifs ?
Par ailleurs, on ne peut manquer d'observer que le déficit de l'année 2001 est inférieur, en fin de compte, au poids propre de la dette publique, ce qui n'est pas pas spécialement un signe de mauvaise gestion. Il s'en faut même, sur ce chapitre, d'environ 5 milliards d'euros.
Même si nous n'approuvons pas la politique qui a été menée, nous constatons que l'exécution du budget de 2001 a été conduite en application des règles comptables. Au moment où les choix politiques opérés par le gouvernement actuel conduisent dans le rouge les comptes publics - plus de 10 milliards d'euros de déficit supplémentaires en exécution à la fin du mois d'août 2002 au regard du mois d'août 2001 -, cela mérite d'être noté.
Au terme de ces observations, je ne peux, évidemment, manquer de souligner que nous ne pouvons partager les conclusions de M. le rapporteur général sur ce projet de loi. Notre vote sera une approbation comptable d'une loi de règlement et d'exécution d'un budget. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. « Moment de vérité », avez-vous dit, monsieur le ministre, pour qualifier le débat qui nous occupe aujourd'hui ; il s'agit plutôt, selon moi, d'une oraison funèbre pour les cinq années perdues dans le redressement des finances publiques. En tout cas, cette loi de règlement arrive en temps utile pour que soit éclairée la discussion de la prochaine loi de finances. C'est là la conclusion d'une décennie d'efforts.
Je me souviens avoir, voilà fort longtemps, demandé que le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution du budget soit disjoint de la déclaration de conformité pour être connu avant la discussion budgétaire. Depuis, l'administration des finances a fait d'énormes progrès. Je tiens à cet égard, monsieur le ministre, à souligner la qualité de son rapport de présentation du compte général. J'y ferai allusion ultérieurement, à propos de l'évaluation de la dette implicite des retraites notamment.
Quelles leçons pouvons-nous tirer de l'exécution du budget de 2001 ? Pour répondre à cette question, j'évoquerai tout d'abord l'exécution du pacte de croissance et de solidarité qui nous unit aux autres pays européens, pour ensuite m'attarder sur la persistance de rigidités à long terme, sources de contraintes et dont l'évolution est préoccupante.
En fait, nous devons nous habituer à vivre dans une économie cyclique, sensible à des fluctuations d'origine externe et largement imprévisibles : ce n'est que six mois, voire un an plus tard que l'on s'est rendu compte que le pic de croissance avait été atteint en décembre 2001 et que la croissance prévue à 3,3 % allait dégénérer à 1,8 %.
Nous observons le même phénomène aujourd'hui. Avons-nous atteint, monsieur le ministre, le creux de ce freinage de la croissance ? Vous ne pouvez le savoir. Nous ne le saurons que dans six mois, voire un an.
Mais cette imprévisibilité ne constitue pas, à mon sens, une excuse à l'imprévoyance, et ce qui est en cause, c'est l'imprévoyance du gouvernement de M. Jospin dans la gestion des finances publiques, malgré les conseils qu'avait donnés, en son temps, Joseph à Pharaon. (Sourires.)
Le fameux seuil de 3 points de PIB à ne pas dépasser pour le financement des administrations publiques, voulu par la France, n'avait pas été choisi tout à fait par hasard. J'ai relu à ce propos avec intérêt le rapport économique, social et financier accompagnant le projet de loi de finances de 1999. Qu'y était-il écrit ?
« Il faut conserver un solde structurel, c'est-à-dire corrigé des effets de la conjoncture, durablement proche de l'équilibre en période de conjoncture normale, de manière à pouvoir conduire avec souplesse la politique budgétaire en période de ralentissement. »
Hélas, le gouvernement Jospin n'a pas appliqué ces excellents principes.
Jugez-en à partir des chiffres énoncés par la commission !
Le déficit structurel n'a été réduit que de 0,6 % du PIB sur les cinq années envisagées et est même resté stable à un niveau de 1,6 % de 1999 à 2001.
En 2000, au pic de la croissance, notre marge de sécurité était donc inférieure de moitié à ce qu'elle aurait dû être.
Plus grave encore : si l'on ne tient pas compte des intérêts de la dette, c'est-à-dire de l'héritage des déficits passés, l'excédent primaire moyen, avant paiement des intérêts de la dette de l'ensemble des administrations, est resté inchangé à 1,5 % du PIB sur l'ensemble de la période 1997-2001.
Cela s'est traduit immédiatement dans le budget de l'Etat. En 2001, le déficit s'est élevé à 210 milliards de francs alors que la charge nette de la dette représentait 240 milliards de francs. Autrement dit, pour les quatre cinquièmes, les intérêts de la dette ont été financés par de nouveaux emprunts.
On peut en déduire que la politique affichée par le précédent gouvernement ne permettait pas de respecter les exigences européennes.
Monsieur le ministre, la mise en oeuvre progressive d'une réduction du déficit structurel reste une nécessité à moyen terme pour notre pays. (M. le ministre délégué acquiesce.) Ce n'est pas un diktat imposé par la Commission de Bruxelles, mais il n'est pas logique que, indépendamment des aléas conjoncturels, nous ne soyons pas capables de payer les intérêts de la dette !
Je me réjouis, par conséquent, qu'à partir de 2004 le Gouvernement suive cette politique. S'il est certes contraint de laisser s'aggraver le déficit en période de basse conjoncture, comme c'est le cas aujourd'hui, c'est évidemment parce qu'il utilise cette marge de 3 %, qui aurait dû être réduite à zéro en période favorable.
J'en viens aux facteurs de rigidité.
Vous ne vous étonnerez pas, mes chers collègues, que je prenne mes exemples dans le budget des charges communes et qu'ils portent sur la dette financière, la dette viagère et la dette liée à l'épargne logement.
En fait, on avait fini par oublier la charge de la dette de l'Etat ; elle avait cessé de s'accroître en 1999. Mais cette rémission, comme cela a été excellemment dit par M. le rapporteur général, ne pouvait à l'évidence être que temporaire, la baisse des taux d'intérêt s'atténuant progressivement.
En 2001, les emprunts phares se plaçaient à un taux proche de 5 %, bien loin des 9 % atteints en 1995. Mais cet effet taux s'affaiblit d'année en année. Au demeurant, cet effet a encore été important en 2001 : la dette aurait dû normalement, par l'accroissement de son volume, entraîner une charge d'intérêts supplémentaire de 10 milliards de francs. Or, l'effet taux a permis de la réduire de 5 milliards ; mais, progressivement, cet effet s'évanouira et, à déficit inchangé, la charge de la dette s'accroîtra mécaniquement d'environ 10 milliards de francs, soit 1,5 milliard d'euros, par an.
Le second point, tout aussi préoccupant, est l'augmentation des charges de retraites qui se trouvent pour exécution dans le budget des charges communes, où leur masse apparaît clairement.
Les dépenses nettes de pensions ont frôlé les 200 milliards de francs en 2001, en croissance de près de 4 % par rapport à l'année précédente. Entre 1990 et 2000, elles ont crû en moyenne de 4,5 %, et ce décalage par rapport à la croissance moyenne du budget est principalement dû à la forte augmentation du nombre de pensionnés, qui croît de 1,7 % par an.
Nous savons tous que c'est le contribuable qui supporte l'essentiel de cette charge puisque la contribution de l'Etat représente à elle seule, si l'on exclut les participations de France Télécom et de La Poste ainsi que les retenues sur agents, 70 % de ces pensions.
J'ai constaté avec satisfaction que le rapport annexé au compte général de l'administration des finances contenait une méthodologie permettant de calculer l'ensemble des engagements implicites que représentent ces retraites. Je regrette simplement que cette méthodologie ne soit pas accompagnée de chiffres propres à nourrir le débat qui est absolument nécessaire sur le devenir des pensions des fonctionnaires de l'Etat comme sur celui de l'ensemble des pensions de retraites.
Enfin, monsieur le ministre, j'évoquerai l'évolution des primes d'épargne logement.
Au cours des quatre dernières années, le montant des primes d'épargne logement versées s'est accru de 50 %. D'un certain point de vue, c'est réjouissant, puisque cela signifie que se forme une épargne importante, représentant en dépôts presque l'équivalent du budget de l'Etat et pouvant alimenter l'ensemble de notre construction immobilière. Mais, d'un autre côté, il faut bien constater que cela représente pour l'Etat une dette latente qui a été évaluée à environ 10 milliards d'euros. En contrepartie, le rapport entre les prêts financés et les dépôts a décru en quelques années de 30 % à 10 %.
J'ajouterai, pour atténuer mon propos, que les 90 % de dépôts restants ne seront pas retirés du cycle de la construction et qu'ils permettront d'accorder des taux avantageux aux accédants à la propriété.
Il n'empêche que ce problème mériterait d'être pris en considération.
Si j'ai fait appel à ces exemples, c'est pour montrer à quelles contraintes le Gouvernement allait être confronté. Face à de telles tendances, il serait en tout cas très important que, dans la prochaine procédure budgétaire, apparaissent clairement les objectifs que se fixe le Gouvernement, ainsi que les moyens qu'il entend prendre pour les atteindre.
Voilà quelques exemples des leçons que l'on peut tirer de ce projet de loi de règlement. Ils ne sont pas uniquement conjoncturels ni liés seulement à l'action du précédent gouvernement. Ils montrent que des tendances lourdes existent, tendances qui devront être corrigées. Cela exigera de votre part, monsieur le ministre, un grand courage, mais nous sommes là pour vous aider.
Enfin, mes chers collègues membres de l'ex-majorité plurielle, si le résultat des élections législatives avait été autre, je vous aurais bien entendu laissé le soin d'adopter seuls ce texte. Mais, dans la mesure où M. le ministre nous demande de respecter la continuité de l'Etat et que M. le rapporteur général donne à ce vote le sens d'un simple arrêté des comptes, sans grand enthousiasme, nous émettrons un vote positif sur le présent projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de 2001 est le dernier à avoir été élaboré et entièrement exécuté par le gouvernement de Lionel Jospin. Les socialistes en revendiquent la paternité et en assument complètement la responsabilité.
Notons aussi qu'il s'agit du dernier budget exécuté en francs.
Relevons surtout que, pour la seconde année consécutive, le Parlement a la possibilité d'examiner le projet de loi de règlement du budget de l'année n - 1 avant le projet la loi de finances de l'année n + 1. La mobilisation et l'efficacité des services de Bercy méritent d'être salués. Ainsi, les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances qui prévoient ce « chaînage vertueux », dispositions impératives cette année, sont respectées, comme elles l'avaient été par anticipation l'année dernière.
Nous connaissons bien, mes chers collègues, les limites inhérentes à l'exercice auquel nous allons nous prêter. Fort heureusement, la réforme résultant de la mise en oeuvre de la loi organique apportera une sensible amélioration à l'efficacité du contrôle du Parlement sur l'exécution budgétaire.
Pour autant, dans l'attente de cette « petite révolution », l'examen du présent projet de loi de règlement est l'occasion de porter une appréciation d'ensemble sur la politique budgétaire conduite par le Gouvernement en 2011 mais aussi sur l'orientation générale des finances publiques.
Force est de constater que les prévisions de croissance sur lesquelles était construit le budget de l'année 2001 ne se sont pas réalisées : le PIB a progressé de 1,8 % alors que la loi de finances initiale prévoyait une croissance de 3,3 %.
L'écart est important, mais il serait injuste de jeter la pierre au Gouvernement. Au moment de l'élaboration du budget, le taux de 3,3 % faisait largement consensus parmi les économistes. Par exemple, en juin 2000, l'OCDE prévoyait une croissance de 3 % au sein de sa zone. Pour sa part, l'INSEE n'avait pas anticipé le ralentissement économique et ce n'est que très progressivement, par petites touches, qu'il a revu ses prévisions à la baisse.
Avec le recul, on s'aperçoit que le changement de rythme de l'activité a été important et soudain ; dès lors, il était difficilement prévisible.
En outre, pour l'année 2000, le Gouvernement avait péché par excès de pessimisme. Voulant sans doute rectifier le tir en 2001 pour parer aux critiques, il aura versé dans l'excès inverse.
Les aléas de la conjoncture économique ont évidemment eu un impact sur l'équilibre du budget de l'Etat. Au lieu de diminuer, comme le prévoyait la loi de finances initiale, le déficit se creuse légèrement, s'établissant à 32 milliards d'euros. Toutefois, la dégradation est d'ampleur limitée : moins de 3 milliards d'euros. Surtout, le solde primaire, c'est-à-dire hors charge nette de la dette, reste largement positif, ce qui n'avait jamais été le cas de 1993 à 1996.
Certes, le gouvernement de Lionel Jospin avait obtenu en la matière de meilleurs résultats et même, pour tout dire, des résultats excellents de 1997 à 2000, chaque année voyant le déficit baisser. Il eût, bien sûr, été idéal que cette évolution se poursuivît en 2001.
Cependant, face au fort ralentissement de l'activité en 2001, le Gouvernement s'est montré responsable et réactif. Il a clairement fait le choix du soutien à la croissance et à l'emploi. Pour cela, il a laissé jouer les stabilisateurs automatiques, politique consistant à ne pas compenser les pertes de recettes et les hausses de dépenses résultant mécaniquement du ralentissement économique.
Ainsi, la Cour des comptes estime que 72 % des recettes fiscales liées à la progression du PIB ont été redistribués, politique volontariste s'il en est, mes chers collègues !
Force est de constater que la voie ainsi choisie, appuyée par un plan de consolidation de l'activité intégré à la loi de finances rectificative, a été particulièrement efficace. Une nouvelle fois en 2001, la croissance de la France, qui a atteint 1,8 %, a dépassé celle des pays de la zone euro, qui était de 1,5 %. Jamais, de 1993 à 1996, cela n'avait été le cas, mes chers collègues.
La Cour des comptes, et tous les économistes avec elle, souligne la qualité du pilotage économique du précédent gouvernement. La Cour indique notamment dans son rapport sur le budget de 2001 : « La consommation des ménages reste la principale composante de la croissance : elle est soutenue par les baisses d'impôts. »
Or je crains, mes chers collègues, que la baisse de 6 % de l'impôt sur le revenu ne permette pas de reconduire cette dynamique en 2002 et 2003. L'actuel gouvernement le reconnaît d'ailleurs en indiquant que l'effet positif serait, au mieux, de 0,1 point de PIB la première année et qu'il pourrait même être moindre : « La formule retenue devrait relativement plus bénéficier aux ménages les plus imposés. Or ce sont également ceux dont le taux d'épargne serait le plus élevé en moyenne. L'effet sur l'activité pourrait être surestimé. » Alors, cette baisse de l'impôt sur le revenu relève-t-elle du pragmatisme ou de l'idéologie ? Je vous laisse juges, mes chers collègues !
Quant au déficit public, il passe de 1,3 % du PIB en 2000 à 1,4 % en 2001. La tendance à la réduction du déficit, observée chaque année depuis 1997, prend fin en 2001. Cependant, l'amélioration du solde des administrations publiques depuis 1997, qui représente 1,6 % du PIB, demeure appréciable.
Par ailleurs, la France, au regard de la réalité des chiffres, est trop rapidement qualifiée de « mauvais élève de la classe européenne ». Ainsi, comme l'indique M. le rapporteur général, le déficit public de la France, hors incidence des licences UMTS, représente, en 2001, 1,5 % du PIB, soit exactement le même pourcentage que la moyenne des pays de la zone euro.
La France aurait donc été, sous Jospin, un mauvais élève... dans la moyenne ! La démonstration manque de cohérence pour convaincre !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il vaudrait mieux être un bon élève !
M. Gérard Miquel. Si, aujourd'hui, la France est dans la moyenne, mes chers collègues, il y a fort à craindre qu'elle ne soit, demain, en queue de peloton, compte tenu du refus irresponsable de l'actuel gouvernement de s'engager auprès de ses partenaires européens à réduire son déficit.
Si les recettes fiscales ont sensiblement diminué par rapport aux prévisions sous l'effet de la moins bonne conjoncture économique, la dépense a, quant à elle, été maîtrisée. La Cour des comptes valide en effet la progression de 0,3 % en volume de la dépense, progression conforme aux engagements du Gouvernement devant le Parlement et auprès des instances européennes. Certes, la progression a été plus vive que dans les années passées, mais on reste loin des records enregistrés de 1993 à 1996.
L'exécution du budget de 2001 est caractérisée par la faible ampleur des modifications réglementaires de crédits apportées à l'autorisation parlementaire. Le rapport entre la masse des crédits votés dans la loi de finances initiale et les modifications qui y ont été apportées ultérieurement est même le plus faible depuis 1983. Aussi peut-on conclure que le Gouvernement a été particulièrement respectueux de l'autorisation parlementaire.
Aucune charge n'a été reportée sur l'exercice suivant...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh !
M. Gérard Miquel. ... et les crédits reportés sur l'exercice 2002, soit 92,7 milliards de francs, équivalent à peu près aux crédits reportés en 2000 sur l'exercice 2001, soit 86 milliards de francs. Ces reports résultent en outre, pour une bonne part, de l'extension des contrats de gestion, qui permettent une utilisation dynamique et intelligente des crédits.
La Cour note par ailleurs une sensible amélioration de la transparence à travers la poursuite de la rebudgétisation de nombreux crédits de fonds de concours comme à travers l'inscription au budget de chaque ministère de crédits auparavant regroupés au budget des charges communes.
Enfin la Cour des comptes indique que la « période complémentaire n'a pas été mise à profit pour procéder à des ajustements significatifs du solde d'exécution budgétaire ». Elle ajoute que, « pour l'essentiel, les arbitrages budgétaires ont été définis par le Parlement lors de l'adoption des lois de finances ». Dès lors, j'estime regrettable pour la crédibilité des travaux de la commission des finances la polémique orchestrée au mois de mars autour du déficit d'exécution de la loi de finances rectificative, qualifié ironiquement de « divine surprise » parce qu'il était inférieur au déficit voté.
Je souhaite, pour notre pays, monsieur le ministre, que vous réussissiez autant que vos prédécesseurs. Mais les premières mesures de votre gouvernement me donnent à penser que vous n'êtes pas sur le bon chemin.
Le groupe socialiste assume entièrement la responsabilité de l'exécution du budget de 2001 et de la politique économique et sociale dont il était un instrument essentiel. En conséquence, il votera évidemment le projet de loi de règlement du budget de 2001.
M. le président. La parole est à M. Lucien Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion d'un projet de loi de règlement peut apparaître comme un exercice quelque peu conventionnel. Cet exercice présente cependant un mérite : celui de permettre de faire le point sur une politique encore toute récente, et cela est d'autant plus utile que, par application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, nous examinons ce texte avant de débattre du projet de loi pour 2003.
La parfaite analyse de notre excellent rapporteur général et le travail remarquable de la Cour des comptes rendent inutile, bien entendu, un examen d'ensemble du budget de 2001. J'insisterai seulement ici sur quelques aspects qui prêtent à réflexion. Sans doute serai-je quelque peu redondant avec tout ce qui a été remarquablement dit auparavant, mais il n'est peut-être pas vain de répéter certaines vérités.
Qu'il me soit d'abord permis de relever l'erreur importante d'appréciation qui a été commise quant aux perspectives de croissance de notre économie. En effet, pour l'année 2002, le précédent gouvernement avait prévu une croissance de 2,8 % ; or elle a atteint 3,4 %. L'euphorie suscitée par ce résultat a conduit, non sans imprudence, à tabler pour 2001, c'est-à-dire pour le budget qui nous occupe, sur une croissance de 3 % ; hélas ! elle n'a pas dépassé 1,8 %.
En 2002, nouvelle déconvenue : une croissance de 2,5 % était prévue et nous finirons sans doute, si rien ne vient plus à la traverse, à 1,2 %...
Reconnaissons que l'exercice est délicat. Certes, mais persévérer dans l'erreur est fâcheux, et ce d'autant plus que la conjoncture internationale, notamment le ralentissement de l'économie américaine, laissait prévoir que la croissance française allait à l'évidence marquer le pas.
Le budget de 2001 se caractérise aussi, force m'est de le dire, par un manque certain de transparence. Ainsi, la prime pour l'emploi n'est pas prise en compte comme une dépense publique au prétexte qu'il s'agit d'un dégrèvement. Mais qu'est-ce qu'un dégrèvement, sinon une « diminution de charges fiscales » C'est, en tout cas, la définition qu'en donne le dictionnaire Larousse.
Or une grande partie des bénéficiaires de la prime pour l'emploi ne sont pas, en réalité, assujettis à l'impôt sur le revenu. Je voudrais bien que l'on m'explique comment on peut accorder une diminution d'impôt à celui qui n'y est pas assujetti ! Si l'on estime ne pas pouvoir alléger la charge de ceux qui paient l'impôt sans faire un cadeau à ceux qui ne le paient pas, il faut bien avoir le courage de constater la réalité et d'appeler dépense ce qui, de fait, en est une !
Une autre acrobatie comptable permet d'escamoter les sommes affectées aux fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale : il va de soi que les dépenses du FOREC, qui correspondent à 1,1 % de la dérive des dépenses de l'Etat - ce qui n'est tout de même pas rien ! - auraient dû être budgétisées.
Plus généralement, nous pouvons regretter que les baisses d'impôts ne se soient pas accompagnées d'une diminution des dépenses de l'Etat. Or c'est à une augmentation de ces dépenses que nous avons assisté : elles ont augmenté, en effet, de 2,8 % en 2001, alors qu'elles avaient diminué de 0,8 % en 2000.
L'effet de relance de l'économie qui aurait dû résulter des baisses d'impôts décidées pour 2001 a donc, en fait, été annulé par le dérapage de la dépense publique qu'a entraîné, notamment, l'augmentation de 2,7 % des charges de personnels. Le nombre d'emplois nouveaux de fonctionnaires - 23 789 dans le projet de loi de finances initiale pour 2001 - s'élève à 31 871, je le rappelle, dans le rapport annuel sur la fonction publique de l'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est bon, en effet, de le rappeler !
M. Lucien Lanier. Entre ce que révèle, comme malgré lui, le budget de 2001 et ce qu'il cache, nous cherchons en vain ce dont nous pourrions nous féliciter : absence de financement des 35 heures ou de l'allocation personnalisée d'autonomie, déficit de 2001 supérieur de 3 milliards d'euros à celui de 2000, alourdissement de la dette publique...
Nous ne pouvons, bien évidemment, que déplorer la politique dont le budget de 2001 est le reflet.
Ce projet de loi de règlement porte enfin en lui - et c'est peut-être le plus grave - de nombreux germes de dérapage pour 2002.
Néanmoins, parce que nous sommes conscients, et moi plus que personne, de la continuité de l'Etat - et de son impérieuse nécessité - le groupe du RPR votera ce projet de loi de règlement sans que ce vote constitue en quoi que ce soit une approbation. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'essaierai d'être bref : nous sommes jeudi soir et je sais que vous avez sûrement tous des obligations dans vos départements ; toutefois, je tiens à faire honneur au Sénat et à chacun des intervenants qui viennent de s'exprimer sur ce projet de loi de règlement.
Je vous ai retrouvé, monsieur le rapporteur général, tel qu'en vous-même (Sourires) , c'est-à-dire plein de talent et de qualités pédagogiques. Comme vous l'avez souligné, nos analyses sont si proches qu'il m'est difficile d'intervenir après vous sur les sujets que vous avez évoqués. Je reviendrai cependant sur deux ou trois points.
Vous avez fort bien fait de rappeler les taux de croissance dont le précédent gouvernement a bénéficié. En effet, ils étaient tout à fait exceptionnels et la commission des finances avait, à l'époque, alerté le gouvernement sur le bon usage qu'il convenait de faire des fruits de cette croissance. Nous constatons aujourd'hui à quel point ces fruits nous seraient bien utiles pour faire face aux difficultés qui se présentent à nous !
Vous avez également eu raison de rappeler l'importance des transferts de recettes fiscales effectués au profit des comptes de la sécurité sociale. Là encore, c'est un élément que la commission des finances du Sénat se doit de rappeler en permanence lorsque sont évoqués - cela arrive très souvent - les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Ainsi, ceux qui considèrent que l'Etat n'est pas un bon partenaire de la sécurité sociale doivent se souvenir des nombreux transferts qui ont été effectués au cours des années qui viennent de s'écouler.
Je vous remercie également, monsieur le rapporteur général, d'avoir souligné le danger que représente le stock des reports existant, car, si ceux-ci venaient à être consommés ou exécutés au cours de l'exercice 2002 ou 2003, cela poserait des problèmes insurmontabes. Au demeurant, compte tenu de la qualité du travail effectué par la commission des finances, il ne serait pas inintéressant d'examiner ministère par ministère ce qu'il en est exactement desdits reports, et je suis sûr que les différents ministres se feront un plaisir de vous fournir toutes les explications utiles pour parvenir à ce que vous avez qualifié, dans une formulation délicieuse qui me paraît tout à fait appropriée, de « rythme de consommation plausible ».
Monsieur le rapporteur général, vous avez dit que vous attachiez toute l'importance nécessaire au suivi de l'exécution du budget et vous avez rappelé, à cet égard, les prérogatives du Parlement. Je ne les ai pas oubliées ! Ne les ai-je pas si souvent évoquées à vos côtés à l'endroit du gouvernement précédent ?
Je puis même vous dire - mais cela ne va-t-il pas de soi ? - que je ne serai nullement choqué si le Parlement, la commission des finances et son rapporteur général exercent toutes les prérogatives qui leur ont été confiées, notamment les contrôles sur pièces et sur place. C'est le rôle du Parlement, c'est ce qui lui donne son caractère irremplaçable, pour le bienfait de notre démocratie.
Le Gouvernement, de son côté, essaiera de répondre à vos préoccupations. C'est ainsi que j'ai souhaité que nous ayons un rendez-vous au milieu de l'année pour examiner l'exécution du budget de 2003.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Ce rendez-vous pourrait même devenir trimestriel si - ce que l'on ne peut pas souhaiter - la situation justifiait un suivi au plus près de l'évolution de l'exécution budgétaire.
C'est donc, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, à l'aune de notre pratique quotidienne que je vous demanderai d'apprécier le souci du Gouvernement de répondre à vos préoccupations d'information et de suivi commun de l'exécution des comptes de l'Etat.
Mme Marie-Claude Beaudeau nous a laissé entendre que le déficit pouvait contribuer au développement du pays. S'il en était ainsi, le pays connaîtrait beaucoup de prospérité ! Selon le Gouvernement, le déficit appauvrit le pays. Plus de déficit, c'est plus de dettes ; plus de dettes, c'est plus de charges d'intérêts ; et plus de charges d'intérêts, c'est moins de dépenses utiles, et plus d'impôts pour l'avenir.
Mme Beaudeau s'étonne du dérapage de l'exécution de 2002 par rapport au déficit de 2001. Ce dérapage est, hélas ! cohérent avec les constatations qui ont été faites par MM. Nasse et Bonnet à l'occasion de l'audit, qui a d'ailleurs déjà été traduit dans le collectif.
M. Yves Fréville a félicité le ministère des finances pour la qualité des améliorations qui ont été apportées au compte général de l'administration des finances. Le spécialiste qu'il est sait à quel point nous essayons de progresser en la matière et les félicitations qu'il a exprimées confortent, j'en suis sûr, les fonctionnaires qui ont la responsabilité de ce dossier dans l'objectif de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Vous avez aussi eu raison, cher Yves Fréville, d'opposer imprévisibilité et imprévoyance. C'est bien la raison pour laquelle nous proposerons des recettes fiscales pour 2003 calculées de manière extrêmement prudente - cela ne vous a pas échappé - avec une élasticité de 0,8, donc inférieure à 1. Nous avons voulu par là même marquer notre grande prudence.
S'agissant de la détermination du Gouvernement à réduire le déficit structurel, je vous confirme - je veux éviter toute ambiguïté à cet égard - que l'intérêt du pays passe bien par le retour à l'équilibre.
Ce retour à l'équilibre doit se faire à un rythme qui, bien entendu, ne porte pas atteinte à la croissance, elle-même déjà menacée. Mais n'ayez pas de doutes quant à la détermination du Gouvernement en la matière. Je puis d'ailleurs vous faire remarquer que, en 2003, nous réduisons le déficit structurel, même si cette réduction est masquée par la réduction des prélèvements non fiscaux de plus de 4 milliards d'euros.
S'agissant du débat sur les pensions des agents de l'Etat, il sera, là encore, éclairci dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, par le biais de l'examen du compte spécial des pensions de l'Etat.
En ce qui concerne l'épargne logement, j'ai en mémoire les travaux de la commission des finances du Sénat et je pense que, comme toujours, ils présentent beaucoup d'intérêt. Il pourrait en effet ne pas être inopportun de concentrer l'aide de l'Etat sur des opérations qui débouchent effectivement sur l'achat d'un logement. Ce sujet a souvent été évoqué au sein de la commission des finances, et le ministre du budget ne peut pas considérer cette recommandation du Parlement comme inintéressante, bien au contraire. J'ai en tout cas perçu à travers les propos d'Yves Fréville un encouragement dont je rendrai compte très fidèlement à Francis Mer.
Monsieur Miquel, je commencerai par un commentaire très positif, puisque vous avez souligné les mérites de la loi organique relative aux lois de finances et, sur ce point, nous pouvons nous rejoindre totalement.
Vous vous êtes ensuite félicité des résultats du précédent gouvernement de 1997 à 2000 ; permettez-moi de nuancer mon jugement sur ce point, car, étant donné les conditions exceptionnelles de croissance dont a bénéficié le précédent gouvernement, le déficit aurait dû être beaucoup plus réduit. Or il l'a été moins pendant la période de forte croissance de 1997 à 2000 qu'il ne l'avait été lors de la période de croissance faible de 1994 à 1996. C'est dire l'absence d'efforts pendant cette période !
En revanche, j'ai noté dans votre propos une certaine confiance dans l'avenir lorsque vous avez dit, à propos de l'écart entre la prévision de croissance et l'exécution, qu'il convenait de ne pas jeter la pierre au gouvernement en place. J'ose espérer que vous ferez preuve de la même bienveillance à l'endroit du gouvernement actuel s'il est constaté, au cours de l'exécution 2003, un petit écart entre la prévision et l'exécution. Enfin, vous avez formé des voeux de succès à l'égard du gouvernement actuel et j'espère qu'ils seront exaucés. Quant à la croissance, je vous promets que, s'agissant du déficit, nous essayerons de faire mieux.
J'en viens à M. Lanier, pour lui dire combien il a raison de relever le caractère difficile de la prévision de croissance. Il faut être humble en la matière ! J'ai publié récemment une série d'études sur les douze dernières années concernant la prévision et la réalisation, et cela nous amène tous à faire preuve de beaucoup de relativité. Ceux qui se sont trompés en 2001 et 2002 éviteront par humilité, j'en suis certain, de critiquer la prévision pour 2003... qui, pour l'instant n'est pas démentie ! Sachez en tout cas que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour qu'elle ne le soit pas.
En ce qui concerne le FOREC, sur lequel vous avez insisté, il faut effectivement clarifier la situation. Prendre un engagement paraît quelque peu prématuré au Gouvernement, mais si nous pouvons faire en sorte qu'il soit supprimé dans le projet de loi de finances pour 2004, nous le ferons.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce serait une bonne option !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Ce serait sûrement l'option la plus sage.
En prendre dès maintenant l'engagement et ne pas tenir cet engagement serait naturellement gênant ; cependant, nous allons travailler en ce sens, monsieur le rapporteur général.
Vous avez rappelé, monsieur Lanier, la liste des lourdes dépenses nouvelles qui ont été engagées par le précédent gouvernement. Il s'agit de dépenses récurrentes auxquelles il nous faut aujourd'hui faire face.
A cet égard - je terminerai par là, mesdames, messieurs les sénateurs - je dirai qu'il faut se méfier du mauvais usage des fruits de la croissance car, lorsque celle-ci n'est plus au rendez-vous, les dépenses pérennes, les dépenses récurrentes qui ont été engagées mettent, à terme, les finances publiques dans une situation intenable.
L'examen des lois de règlement, je le disais en introduction, me paraissent être des rendez-vous tout à fait nécessaires, des rendez-vous clés pour éclairer le débat budgétaire de l'année qui suit. Je souhaite donc que ce débat sur la loi de règlement du budget de 2001 soit une sorte de « tour de chauffe » pour le prochain débat sur la loi de règlement du budget de 2002, qui préfigurera ceux que nous aurons à l'occasion de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances.
Je le répète, j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver le Sénat et je me réjouis par avance de venir défendre devant vous le projet de loi de finances pour 2003, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

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