SEANCE DU 22 OCTOBRE 2002


M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert, auteur de la question n° 15, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi d'orientation du commerce et de l'artisanat, adoptée par le Parlement en 1973, dont nous allons bientôt fêter le trentième anniversaire, avait inscrit en lettre d'or l'égalité fiscale et l'égalité sociale en faveur des commerçants et des artisans parmi les principes fondamentaux qui devaient être mis en oeuvre dans les meilleurs délais.
Force est de reconnaître que, malgré les nombreux progrès enregistrés dans ces deux domaines depuis lors, il demeure encore certaines lacunes, s'agissant notamment de l'égalité sociale ou de l'attractivité sociale dans le secteur de l'artisanat.
En effet, sur les 836 000 entreprises que compte le secteur des métiers en France, la très grande majorité d'entre elles sont des entreprises individuelles avec, dans de nombreux cas, une très forte implication du conjoint dans l'activité de l'entreprise. Ainsi, tous les risques financiers pèsent, en réalité, sur la famille, avec une fiscalité plus lourde et surtout une protection sociale qui ne se situe toujours pas au même niveau que celle dont bénéficient les ressortissants au régime général de la sécurité sociale.
Quelles sont les améliorations qui pourraient être apportées au régime social des artisans ? De mon point de vue, quatre pistes de travail pourraient être explorées.
En premier lieu, il faudrait instaurer un mécanisme de cessation anticipée d'activité en faveur des artisans. En effet, certains d'entre eux commencent très tôt leur activité professionnelle et, par ailleurs, de nombreux métiers ont un degré de pénibilité tel qu'un départ anticipé à la retraite peut se justifier. Ajoutons que le secteur des métiers est l'un des rares secteurs professionnels à ne pas bénéficier d'un tel dispositif.
En deuxième lieu, il conviendrait de pérenniser les régimes de retraites et d'assurer l'équité des prestations. Je sais que ce dossier fait partie des préoccupations du nouveau Gouvernement. La réforme des régimes de retraite, outre le fait qu'elle devra leur assurer un financement stable et durable, devrait également placer à égalité, en matière d'accès à l'assurance vieillesse et de prestations, toutes les catégories socio-professionnelles.
En troisième lieu, il importerait d'aligner sur le régime général de sécurité sociale les indemnités journalières des artisans en supprimant, notamment, les délais de carence actuellement appliqués en cas d'hospitalisation, de maladie ou d'accident : il semble normal de faire bénéficier les artisans de la même protection sociale que les salariés face à la maladie ou à l'hospitalisation.
En quatrième lieu, il faudrait améliorer le statut des conjoints d'artisans et limiter, autant que faire se peut, le recours aux cautions solidaires. La loi du 10 juillet 1982 met à la disposition des conjoints d'artisans ou de commerçants trois possibilités de statut : collaborateur, salarié ou associé. Or il semblerait que les deux tiers des conjoints d'artisans ou de commerçants n'en bénéficient pas. De deux choses l'une : ou bien ces dispositions sont mal connues, ce qui serait tout de même étonnant, ou bien elles nécessiteraient quelques améliorations afin de les rendre plus attractives.
Il conviendrait peut-être, premièrement, de permettre d'inclure dans les charges de l'entreprise la totalité du salaire du conjoint, quel que soit son régime matrimonial ; deuxièmement, d'ouvrir le statut de conjoint-collaborateur aux conjoints des gérants non salariés des sociétés anonymes à responsabilité limitée, les SARL, ou des associés uniques des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée, les EURL ; troisièmement, d'accroître la possibilité de cumuler une activité salariée à temps partiel avec le statut de conjoint-collaborateur ; quatrièmement, d'aligner les prestations maternité des conjoints-collaborateurs sur celles des femmes chefs d'entreprise ; enfin, cinquièmement, d'ouvrir le bénéfice de l'allocation parentale d'éducation aux conjoints-collaborateurs.
Telles sont les améliorations qui pourraient être apportées au statut social des artisans, des commerçants ou de leurs conjoints. Je fais confiance au Gouvernement et au secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, notamment, pour prendre en compte ces préoccupations et faire en sorte qu'au cours de la présente législature satisfaction puisse leur être donnée. Nous savons tous le rôle éminent que jouent les entreprises artisanales dans notre pays ; il convient de ne pas les décevoir.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Madame la sénatrice, vous avez appelé l'attention de M. Loos, ministre délégué au commerce extérieur, et de M. Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, sur un secteur tout à fait capital de notre économie, et les propositions que vous avez avancées sont très pertinentes.
En effet, rendre l'artisanat attractif suppose que l'on s'intéresse au statut même de l'artisan, à ses charges sociales, à la protection de son patrimoine, à sa formation et à sa retraite. C'est aussi s'intéresser aux conditions dans lesquelles les artisans peuvent trouver de la main-d'oeuvre qualifiée.
A cet effet, le plan en faveur de la création Enfind'entreprise proposé par M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation comprend des mesures qui vont en ce sens : détermination d'un patrimoine d'affectation, pour sécuriser la situation personnelle du créateur d'entreprise ; différé de paiement des charges sociales la première année ; développement de l'esprit d'entreprendre en faisant mieux connaître l'entreprise dans les programmes scolaires.
La formation professionnelle continue des artisans eux-mêmes est en cours d'examen, et les questions du statut - le statut du conjoint, en particulier, sur lequel vous avez très justement appelé l'attention du Gouvernement - et des retraites vont être étudiées dans les prochains mois.
Le Gouvernement, au-delà d'une réflexion plus large sur la politique de formation des jeunes, en particulier l'apprentissage, a d'ores et déjà entrepris d'agir sur l'embauche en allégeant de façon significative les charges sociales sur les bas salaires grâce à des exonérations sur les charges sociales jusqu'à 1,7 SMIC en 2005.
Les contrats « jeunes en entreprises » que le Gouvernement vient de mettre en place devraient faciliter les recrutements des jeunes les moins qualifiés dans les entreprises artisanales et favoriser leur accès aux dispositifs de validation des acquis de l'expérience professionnelle. J'ajoute que les contrats « jeunes en entreprises » sont exonérés totalement de charges la première année et de manière dégressive les trois années suivantes.
Enfin, le Fonds national de promotion et de communication de l'artisanat, le FNPCA, a été créé pour contribuer au développement de l'artisanat en valorisant son image, et des campagnes de communication telles que celles qui présentent l'artisanat comme la première entreprise de France sont appelées à produire des effets très positifs sur l'attractivité du secteur.
En tout état de cause, le Gouvernement veillera à accompagner, dans le cadre de son domaine d'intervention, les secteurs qui engageront les efforts nécessaires pour accroître l'attractivité des métiers.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert.
Mme Brigitte Luypaert. Je remercie Mme la ministre de sa réponse. Je serai attentive à toute amélioration qui sera apportée dans ce secteur, notamment sur le statut social des conjoints.

PROCÉDURE D'EXTENSION DU PÉRIMÈTRE
DES COMMUNAUTÉS D'AGGLOMÉRATION