SEANCE DU 22 OCTOBRE 2002


M. le président. « Art. 2. - Le code du travail est ainsi modifié :
« I. - A l'article L. 212-5 :
« 1° Les I et II sont remplacés par un I ainsi rédigé :
« I. - Les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire dont le taux est fixé par un accord de branche étendu. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %. A défaut d'accord, chacune des huit premières heures supplémentaires donne lieu à une majoration de 25 % et les heures suivantes à une majoration de 50 %. » ;
« 2° Le III devient le II ;
« 3° Au premier alinéa du II, les mots : "au II" sont supprimés.
« II. - A l'article L. 212-5-1 :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les heures supplémentaires de travail mentionnées à l'article L. 212-5 et effectuées à l'intérieur du contingent conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe, ou, à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % du temps de travail accompli en heures supplémentaires au-delà de quarante et une heures dans les entreprises de plus de vingt salariés. » ;
« 2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe, ou à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % de ces heures supplémentaires, pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés. »
« III. - Le deuxième alinéa de l'article L. 212-6 est ainsi rédigé :
« Le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail peut être fixé, par une convention ou un accord collectif de branche étendu, à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé par le décret prévu au premier alinéa. »
« IV. - A l'article L. 212-8 :
« 1° Au premier alinéa :
« a) Après les mots : "n'excède pas", la fin de la première phrase est ainsi rédigée : "un plafond de 1 600 heures" ;
« b) La deuxième phrase est ainsi rédigée :
« La convention ou l'accord peut fixer un plafond inférieur. » ;
« 2° Au quatrième alinéa, les mots : "la durée moyenne annuelle calculée sur la base de la durée légale selon la règle définie au premier alinéa et, en tout état de cause, de" sont supprimés. Le même alinéa est complété par les mots : "ou d'un plafond inférieur fixé par la convention ou l'accord".
« V. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa du II de l'article L. 212-9, les mots : "trente-cinq heures en moyenne sur l'année et, en tout état de cause," sont supprimés. »
« V bis. - Au premier alinéa de l'article L. 212-10, les mots : "et aux premier alinéa du I de l'article L. 212-5," sont remplacés par le mot : ", au". »
« VI. - A l'article L. 212-15-2, les mots : "occupés selon l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés et pour lesquels la durée du travail peut être prédéterminée" sont remplacés par les mots : "dont la nature des fonctions les conduit à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés". »
« VII. - A l'article L. 212-15-3 :
« 1° Au deuxième alinéa du II, le mot : "et" est remplacé par le mot : "ou" ;
« 2° La quatrième phrase du premier alinéa du III est ainsi rédigée :
« La convention ou l'accord définit les catégories de cadres concernés dont la nature des fonctions implique une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. »
« VIII. - A l'article L. 227-1 :
« 1° Au premier alinéa, après les mots : "accord d'entreprise ou d'établissement", sont insérés les mots : "n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26" ;
« 2° La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : "ou de se constituer une épargne" ;
« 2° bis Au sixième alinéa, les mots : "de la bonification prévue aux premier et deuxième alinéas du I de l'article L. 212-5, du repos compensateur de remplacement défini au premier alinéa du III du même article" sont remplacés par les mots : "du repos compensateur de remplacement défini au premier alinéa du II de l'article L. 212-5" ;
« 3° Au onzième alinéa, les mots : "les modalités de conversion en temps des primes et indemnités" sont remplacés par les mots : "les modalités de valorisation en temps ou en argent des éléments affectés au compte". »
La parole est à M. Roland Courteau sur l'article.
M. Roland Courteau. Comment ne pas être pris de vertige à la lecture de l'article 2, comme d'ailleurs à celle de l'ensemble du projet de loi ? Cet article remet en cause, d'un trait de plume, la loi relative à la réduction du temps de travail, loi très largement appréciée par les salariés qui sont passés aux 35 heures,...
M. Gérard Braun. Pas sûr !
M. Roland Courteau. ... et qui a permis l'engagement d'une profonde dynamique de négociations dans les entreprises ayant conduit à la signature de dizaines de milliers d'accords et à la création de plus de 300 000 emplois.
J'avoue ne pas comprendre, monsieur le ministre, cette obstination à faire le procès des 35 heures pour mieux décapiter ensuite cet instrument de lutte contre le chômage, au moment où la situation de l'économie et de l'emploi se dégrade, où les annonces de plans sociaux se multiplient, dans une France qui compte, encore et toujours, deux millions trois cent mille chômeurs !
Quels effets sur l'emploi peut-on en effet attendre d'une telle régression, d'une telle marche arrière, si ce n'est un accroissement du chômage ? Vous préferez aller contre un courant qui s'inscrit dans la longue marche de l'humanité et dans les grandes conquêtes sociales du mouvement ouvrier.
« Requiem pour les 35 heures », titrait un journal : remise en cause du taux de rémunération des heures supplémentaires - mesure d'ordre social instaurée en même temps que les 40 heures en 1936 -, augmentation du quota d'heures supplémentaires, limitation de l'obligation de compensation par le repos, abaissement des charges des entreprises sans contrepartie...
Quant à la diminution de la flexibilité, seconde aspiration des salariés, elle sera accrue du fait de la suppression de la référence aux 35 heures au profit de la seule mention des 1 600 heures par an. Ce n'est plus un assouplissement de la loi, c'est son anéantissement !
Voilà donc un projet qui non seulement alimentera la chaudière du chômage, mais créera dans le même temps une France à deux vitesses, car il remet en cause le principe de l'égalité devant le travail.
Mes collègues socialistes ont déjà insisté, mais, malgré votre réponse, monsieur le ministre, je veux y revenir : inégalité entre les neuf millions de salariés déjà aux 35 heures et ceux qui n'y seront jamais, du moins avec vous ; inégalité entre les entreprises passées aux 35 heures et celles qui ne seront plus incitées à le faire puisque les allégements seront déconnectés de la réduction du temps de travail, ce qui se traduira, pour ces dernières, par des difficultés de recrutement.
Vous n'avez pas osé vous en prendre aux 35 heures dans leur définition juridique, mais la méthode du contournement aboutit au même résultat, à savoir l'anéantissement d'une avancée sociale. Les propos du Premier ministre évoquant clairement le retour aux 39 heures l'ont confirmé.
Que de prétextes n'a-t-on pas cherchés, monsieur le ministre !
J'ai entendu dire que la réduction du temps de travail aurait été imposée aux entreprises, alors qu'elle a fait l'objet d'une formidable dynamique de négociation, comme le pays n'en avait jamais connu.
J'ai entendu dire que la réduction du temps de travail aurait « dévalorisé les valeurs de l'effort », alors que les 35 heures ont ramené au travail des milliers de demandeurs d'emploi.
J'ai entendu dire que la réduction du temps de travail aurait porté atteinte à la compétitivité de la France, alors que chacun a pu noter que la croissance, au cours des quatre dernières années, a été supérieure, dans notre pays, à la moyenne européenne, et que deux millions d'emplois ont été créés tandis que l'on dénombrait 930 000 chômeurs de moins.
Enfin, comme l'a souligné mon collègue Gilbert Chabroux, la France est le pays européen où le nombre d'heures travaillées a le plus progressé entre 1997 et 2002, grâce précisément à la réduction du chômage, dont les 35 heures ont été un facteur essentiel.
En conclusion, j'ai envie de vous dire, monsieur le ministre : « ressaisissez-vous ! » (Sourires sur les travées du RPR.) En effet, votre dispositif va jouer contre l'emploi. A moins que vous ne vouliez donner raison au président du MEDEF, qui a affirmé, comme Henri Weber l'a rappelé tout à l'heure, que « le Gouvernement reculait dans la bonne direction »... Dans ce cas, les mois à venir nous départagerons, mes chers collègues.
Voilà pourquoi le groupe socialiste demandera, entre autres suppressions, celle de l'article 2.
M. le président. Soixante-cinq amendements ont été déposés sur l'article 2, mes chers collègues.
Je vous rappelle que, avant la suspension de la séance, le Sénat, dans un souci de clarté des débats, a décidé, pour éviter la discussion commune de ces soixante-cinq amendements, d'appeler d'abord en discussion l'amendement n° 38 de suppression de l'article, puis d'examiner ensuite les autres amendements séparément ou dans le cadre des sous-discussions communes qui s'y rapportent, selon le cas.
J'appelle donc l'amendement n° 38, présenté par MM. Chrabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, qui est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. L'article 2 concerne le contingent d'heures supplémentaires, leur taux de rémunération et le repos compensateur. C'est l'article clé du projet de loi : il vise la remise en cause des 35 heures et non pas, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, l'assouplissement du dispositif.
Je vais sans doute répéter des propos qui ont déjà été tenus, mais si, ce faisant, je parvenais à vous convaincre, mes chers collègues, du bien-fondé de la suppression de l'article 2, je n'aurais pas perdu mon temps.
Mes collègues Gilbert Chabroux, Jean-Pierre Godefroy et Henri Weber se sont appuyés, au fil de leurs interventions, sur des arguments que je reprendrai à mon tour. A l'instar de mon ami Roland Courteau, j'ai envie de vous dire, monsieur le ministre : « Ressaisissez-vous ! »
En portant de 130 à 180 le contingent d'heures supplémentaires dont disposent les entreprises, comme vous l'avez fait par un décret en date du 15 octobre dernier, vous permettez finalement à celles-ci de revenir aux 39 heures. Le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, s'était d'ailleurs exprimé en ces termes le 6 septembre, à Strasbourg, comme cela a déjà été souligné.
Il aurait également fallu préciser que le repos compensateur serait supprimé pour les heures supplémentaires comprises entre la cent trentième et la cent quatre-vingtième, soit sept jours de repos de moins. On est loin du slogan : « Travailler plus pour gagner plus » !
Les heures supplémentaires sont donc plus nombreuses et moins bien rémunérées. Elles sont en outre à la discrétion des entreprises, alors qu'elles sont obligatoires pour les salariés. On entre dans une logique de banalisation de ces heures supplémentaires, qui vont devenir des heures structurelles.
D'ailleurs, les syndicats ont pris toute la mesure de ce risque. J'en veux pour preuve les propos tenus par le président de la CFTC, M. Alain Deleu : « On risque de se retrouver tout simplement à 39 heures, sinon plus. Le projet va permettre aux entreprises de faire travailler les personnels de 35 à 43 heures par semaine, sans préavis, sans planification, avec une augmentation de salaire minime. Il permettra, par exemple, de faire travailler les salariés six jours sur sept ou un samedi sur deux toute la journée. »
Monsieur le ministre, sur un texte de cette importance relatif au contingent d'heures supplémentaires, à leur taux de rémunération et au repos compensateur, on aurait pu s'attendre à ce que le Gouvernement accorde une plus grande place à la négociation. Or la concertation avec les syndicats a été fort brève, voire entachée d'un défaut initial, puisque ces derniers ont été consultés sur un avant-projet qui a été ensuite modifié sans qu'ils en aient été informés. Contrairement à ce qui s'est toujours pratiqué, ils n'ont donc pas été consultés sur la version définitive du texte avant son examen par le Conseil d'Etat, et ils en ont conçu un certain dépit !
Il faut bien constater, je le répète, que la question de l'augmentation du contingent d'heures supplémentaires a été réglée avant qu'intervienne la discussion au Parlement, en tout cas au Sénat, au moyen d'un décret rehaussant l'ensemble du contingent de 130 à 180 heures, sans concertation préalable.
Nous contestons donc tant la forme que le fond de la démarche, et nous présenterons des amendements visant à abroger les principales dispositions de l'article 2. Toutefois, de manière plus expéditive, je vous propose, mes chers collègues, de supprimer purement et simplement celui-ci : tel est l'objet de l'amendement n° 38.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Comme vient de l'indiquer M. Domeizel, l'amendement n° 38 vise à supprimer l'article 2. Ce n'est évidemment pas ce que nous souhaitons, puisque cet article contient toutes les mesures d'assouplissement du dispositif des 35 heures. Dans ces conditions, la commission ne peut bien entendu qu'émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 38.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. La suppression de l'article 2 irait bien sûr à l'encontre de l'ensemble du projet du Gouvernement. J'y suis donc défavorable pour les raisons que j'ai déjà exposées en présentant le texte puis en répondant aux orateurs qui sont intervenus lors de la discussion générale.
Toutefois, je voudrais formuler deux remarques pour compléter mon propos.
S'agissant tout d'abord de l'effet du dispositif des 35 heures sur l'emploi, j'aimerais interroger à mon tour l'opposition, puisqu'elle m'a posé de nombreuses questions. Comment expliquer que, en dépit de l'application des 35 heures, le chômage ait repris dans notre pays de manière importante depuis un an et demi ? Comment expliquer que, malgré la mise en oeuvre des 35 heures, nous n'ayons en rien amélioré nos positions, qui ne sont pas bonnes, je le reconnais, et ce depuis longtemps, en raison de blocages structurels qui existent dans notre organisation du travail ?
Nous n'en serions pas là si les 35 heures avaient un effet sur l'emploi aussi positif que certains l'affirment et si était fondé le raisonnement éminemment politique qui est en train de se construire, par lequel nos concitoyens ne se laisseront pas tromper, consistant à donner à croire que, jusqu'à l'arrivée de ce gouvernement, la situation de l'emploi était excellente grâce aux 35 heures mais qu'elle va maintenant se dégrader en raison des mesures que nous sommes en voie de prendre. Tout le monde sait bien que la réalité est très différente : cela fait un an et demi que la situation de l'emploi se détériore de façon extrêmement régulière, malgré la mise en oeuvre du dispositif des 35 heures.
S'agissant par ailleurs de la négociation sociale, nous n'en avons pas, je l'ai déjà souligné tout à l'heure, la même conception que les membres de l'opposition sénatoriale. Ceux-ci nous disent que le texte sur lequel les syndicats ont été consultés a été modifié : il a en effet évolué au cours de la négociation menée avec les organisations syndicales, en fonction de la discussion, et celles-ci ont bien entendu eu la possibilité de se prononcer. La grande différence avec l'élaboration de la loi instaurant les 35 heures, c'est donc qu'une négociation avec les organisations syndicales a eu lieu. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé pour explication de vote.
M. Eric Doligé. Je ne voudrais pas que l'on puisse croire, à la lecture des débats du Sénat, que nous pensons tous que l'instauration des 35 heures a été très appréciée des salariés. Je viens d'entendre cette affirmation, et ne pas réagir reviendrait à la faire nôtre.
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est une vérité !
M. Eric Doligé. Il n'en est pas ainsi ! Il est possible que nos collègues de l'opposition soient proches des grands groupes et que ce dispositif ait été apprécié au sein de ceux-ci,...
M. Philippe Marini. Ils ont mal interprété les élections !
M. Guy Fischer. Dix-neuf pour cent !
M. Eric Doligé. ... mais, sur le terrain, dans les campagnes et les petites communes, j'ai pu constater que les salariés des petites entreprises sont soulagés d'avoir appris qu'ils pourront passer à 35 heures plus quatre heures supplémentaires par semaine. En effet, ils retrouveront ainsi un pouvoir d'achat qu'ils avaient perdu depuis un certain temps sans qu'aucune ouverture leur soit laissée. (Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Je parle ici des petites entreprises, mes chers collègues ! J'ai visité hier une entreprise de dix salariés ces derniers se réjouissaient, ils me l'ont dit, à l'idée de pouvoir enfin travailler 39 heures par semaine, soit 35 heures plus quatre heures supplémentaires.
M. Roland Courteau. On en reparlera !
M. Eric Doligé. Cela fait plaisir, je puis vous le dire, d'entendre des gens affirmer leur envie de travailler quatre heures supplémentaires afin de gagner davantage. Par conséquent, cessez de prétendre que le passage aux 35 heures a été apprécié par tous les salariés. C'est faux !
M. Roland Courteau. Nous persistons à le dire !
M. Eric Doligé. Cela ne correspond pas à la réalité du terrain. (Protestations sur les travées socialistes.) Pensez également aux petites entreprises, car l'aménagement du territoire, ce n'est pas seulement les très grosses entreprises dont les salariés ont pu bénéficier des 35 heures,...
M. Philippe Marini. Ils ne s'intéressent qu'aux gros ! (Sourires.)
M. Eric Doligé. ... c'est aussi la multitude des petites entreprises qui ont besoin de pouvoir faire travailler leurs salariés un certain nombre d'heures faute de trouver, dans les campagnes, du personnel supplémentaire pour remplir les missions qui sont les leurs. Ayez donc un peu de compassion pour les petites entreprises, chers collègues de l'opposition, ainsi que pour les gens qui ont envie de travailler plus de 35 heures, et ne faites pas circuler le message selon lequel seul le dispositif des 35 heures peut permettre de faire tourner l'économie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Henri Weber pour explication de vote.
M. Henri Weber. Je profiterai de cette explication de vote pour répondre aux interpellations de M. le ministre et de M. Doligé.
Tout d'abord, la seule explication au fait que le Gouvernement et sa majorité ne proposent pas, comme le voudraient la clarté et le courage politique, d'abroger purement et simplement le dispositif de réduction du temps de travail instauré par les deux « lois Aubry », qu'ils ont pourtant accablé de tous les maux en 1998, en 2000 et encore aujourd'hui, tient à ce qu'ils savent très bien à quel point il est soutenu par une majorité du salariat. C'est la seule explication ! Sinon, pensant ce que vous pensez, disant ce que vous dites, pourquoi ne proposez-vous pas, purement et simplement, par mesure de salubrité publique, d'abroger ces lois ? Ce serait logique !
M. Philippe Marini. Nous sommes moins doctrinaires que vous ! (Sourires.)
M. Gérard Braun. C'est de la démagogie !
M. Henri Weber. Non, ce n'est pas une affaire de doctrine, c'est une affaire de tactique politique ! C'est là une attitude politicienne, qui ne fait pas la clarté ! Il faut être conséquent : lorsqu'on développe des analyses, lorsqu'on fait peser sur une mesure tout le poids des difficultés qui ont été énumérées,...
M. Jean Chérioux. N'en rajoutez pas !
M. Henri Weber. ... on doit être logique avec soi-même !
Pour notre part, nous ne pensons pas que la loi relative aux 35 heures soit la panacée pour lutter contre le chômage, nous ne pensons même pas que telle soit sa seule et unique fonction : nous considérons qu'elle fait partie d'une panoplie de mesures, et les propos de M. le ministre peuvent d'ailleurs se retourner contre tous les éléments de cette panoplie.
Ainsi, M. le ministre a fait tout à l'heure l'apologie de la baisse des charges pesant sur les bas salaires. Je pourrais tenir le même raisonnement que lui, et lui demander comment il explique que le chômage reprenne, en dépit de cette baisse des charges affectant les bas salaires, que nous avons même accentuée par le biais d'une aide au passage aux 35 heures.
Autrement dit, votre raisonnement est un sophisme, monsieur le ministre, excusez-moi de le souligner. Le chômage a des causes multiples, c'est un phénomène qui existe dans le monde occidental et au-delà, c'est un fléau qui doit être combattu sur tous les fronts et en utilisant tous les outils dont nous disposons. Ceux-ci sont multiples, aucun n'est vraiment efficace à lui seul et chacun d'entre eux entraîne des effets pervers : en conséquence, on ne peut pas attaquer un dispositif en excipant du fait que le chômage s'aggrave de nouveau, car cette évolution relève de tout un ensemble de raisons que l'on pourrait analyser ici et dont on voit bien quelle est la source. Il faudrait, à ce stade, s'interroger sur l'état du capitalisme international.
M. Philippe Marini. Ils n'ont rien appris ! Ils n'ont rien compris !
M. Henri Weber. Ce qui se passe aujourd'hui, ce n'est plus une crise économique et financière qui atteint la périphérie du monde industrialisé, c'est une crise qui frappe celui-ci en plein coeur. Cela a quelque rapport avec le redémarrage du chômage, et la suite aura beaucoup de rapport avec l'implosion de la bulle financière de la bourse de New York et ses effets sur l'ensemble du système économique et financier. Voilà une des sources majeures de la reprise du chômage et du ralentissement de la croissance.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 39, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le I de cet article. »
L'amendement n° 81, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par le 1° du I de cet article pour le I de l'article L. 212-5 du code du travail :
« I. Chacune des huit premières heures supplémentaires donne lieu à une majoration de salaire minimale de 25 % et les heures suivantes à une majoration de 50 %. »
L'amendement n° 1, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le I de l'article L. 212-5 du code du travail, après les mots : "dont le taux est fixé par", insérer les mots : "une convention ou" ; »
« II. - En conséquence, dans la dernière phrase du même paragraphe, après les mots : "A défaut", insérer les mots : "de convention ou". »
L'amendement n° 125, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
« Après la première phrase du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le I de l'article L. 212-5 du code du travail, insérer une phrase ainsi rédigée :
« Ce taux peut également être fixé par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26, peu important le taux éventuellement fixé par la convention ou l'accord de branche étendu sauf stipulations contraires de ce dernier. »
L'amendement n° 2, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Au 3° du I de cet article, remplacer les mots : "du II" par les mots : "du III". »
La parole est à M. Claude Domeizel pour présenter l'amendement n° 39.
M. Claude Domeizel. Nous entrons dans le détail de l'article 2.
Le paragraphe I de cet article concerne le taux de majoration des heures supplémentaires. S'agissant du taux de majoration de 25 % qui a été établi lors de l'instauration des 40 heures en 1936, sous le Front populaire, il prévoit de le réduire à 10 % de manière pérenne. Cela conduirait à gommer toute différence sensible de rémunération entre les heures effectuées dans le cadre de la durée légale et les quatre premières heures supplémentaires. En réalité, c'est la portée de la durée légale hebdomadaire du travail qui se trouve ainsi réduite. En tout état de cause, cette mesure n'améliorera pas le pouvoir d'achat des salariés.
Le paragraphe I prévoit également de confier à la négociation collective de branche la fixation du taux de majoration des heures supplémentaires, ce qui revient finalement à réduire un peu plus ce qui relève de la loi et du droit du travail, et qui constitue une mesure sociale d'ordre public applicable à tous les salariés. La négociation collective de branche variera donc d'un secteur professionnel à l'autre, et aboutira inévitablement à différents régimes de rémunération des heures supplémentaires.
Cette extension du droit conventionnel qui concerne une règle normative du droit du travail rejoint certains projets du MEDEF, développés dans le cadre de la refondation sociale et selon lesquels le droit conventionnel prime sur le droit du travail, ce qui ne manque pas de nous inquiéter.
C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression du I de l'article 2.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer pour défendre l'amendement n° 81.
M. Guy Fischer. L'objet de cet amendement est clair : il s'agit de fixer par la voie législative le régime de rémunération des heures supplémentaires à un taux de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % pour les heures suivantes.
Nous marquons ainsi notre désaccord profond à l'égard du nouveau régime des heures supplémentaires tel qu'il est envisagé par le Gouvernement.
Nous sommes là au coeur du dispositif qui risque de bouleverser le régime de la convention et l'ordre public social. Les dispositions proposées par le Gouvernement devraient conduire à réduire la majoration de salaire. En effet, le taux de majoration des heures supplémentaires passerait de 25 % à un plancher de 10 %. Contrairement aux engagements du Président de la République, cette modification n'aura pas pour conséquence d'améliorer sensiblement le pouvoir d'achat des salariés. Elle permettra bel et bien de banaliser le recours aux heures supplémentaires conjoncturelles.
Ainsi, les 35 heures sont tuées. Finalement, c'est une manière élégante de revenir aux 39 heures, surtout pour les petites entreprises. Le tour est donc joué ! Des milliers de petites entreprises ne verront jamais les 35 heures s'appliquer.
Par ailleurs, le dispositif vise également à étendre le droit conventionnel, et c'est ce point que nous contestons, dans un domaine, en l'occurrence les heures supplémentaires, où les garanties collectives revêtent un caractère d'ordre public social. Sous le prétexte de renvoyer à des accords conventionnels discutés au niveau des branches ou même, comme certains le proposent, au niveau des entreprises, vous faites tout imploser.
Or, dans la mesure où ils doivent être les mêmes pour tous les salariés, ces avantages « minimaux » - je dis bien : « minimaux » - ne sauraient être fixés par des dispositions conventionnelles. D'autant que, et nous aurons l'occasion de revenir ultérieurement sur ce point, les acteurs du dialogue social ne sont pas aujourd'hui en mesure, compte tenu de la faible démocratisation du droit et des règles de la négociation collective, de conclure des accords collectifs de qualité, j'entends par là des accords équilibrés, traduisant bien la volonté des salariés.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement n° 1.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision. Le projet de loi prévoit que la rémunération des heures supplémentaires soit fixée par un accord de branche étendu. Cette faculté doit également être ouverte à une convention de branche étendue, ne serait-ce que par cohérence avec le type de négociations qui est prévu pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini pour présenter l'amendement n° 125.
M. Philippe Marini. Je propose une réflexion sur la place de l'accord collectif d'entreprise ou d'établissement.
M. Guy Fischer. Aïe !
M. Philippe Marini. En effet, les conditions dans lesquelles l'organisation du travail peut être décidée varient, me semble-t-il, assez naturellement selon les domaines d'activité, voire selon les entreprises ou les établissements.
Bien entendu, je suis particulièrement attaché, comme la commission, à ce que les branches puissent déterminer les règles. Donc, l'espace de liberté qui me semble important pour les entreprises n'a, dans mon esprit, vocation à être utilisé que si la convention de branche n'en dispose pas autrement. Si la branche a permis l'ouverture d'une liberté de négociation plus grande dans l'entreprise, voire dans l'établissement, pourquoi ne pas utiliser cet espace de liberté ? Telle est, monsieur le ministre, la question que je voulais poser à travers cet amendement.
J'avoue être surpris par certaines des interventions que je viens d'entendre, qui témoignent d'une très grande réticence à l'égard de ce que peuvent décider, par voie conventionnelle, les partenaires sociaux tant dans la branche que dans l'entreprise. Lorsqu'on se dit démocrate, mes chers collègues, il faut l'être complètement !
M. Guy Fischer. Pas pour n'importe quelle démocratie !
M. Philippe Marini. Un ordre public social est défini par la loi. Il est des principes qui sont définis par la loi. Il faut bien sûr veiller à ce que ces principes traduisent, à un moment donné, l'équilibre qui prévaut dans la société. Mais, au-delà de la loi et sur le socle légal en quelque sorte, pourquoi se refuser au jeu de la négociation collective, de la libre détermination par les partenaires sociaux, dans le cadre de la loi, des dispositions qui leur conviennent ?
Voilà la problématique qui m'a conduit à poser cette question à M. le ministre par l'intermédiaire de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement n° 2 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 39, 81 et 125.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 2 vise simplement à rectifier une erreur matérielle.
L'amendement n° 39 tend à supprimer deux dispositions importantes du projet de loi : l'unification des modalités de bonification des heures supplémentaires et le renvoi à la négociation de branche du soin de fixer leur taux de bonification. Dans ces conditions, la commission ne peut se reconnaître dans ce texte.
Aussi, elle émet un avis défavorable sur l'amendement n° 39.
Elle émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 81. En effet, celui-ci tend à revenir sur les nouvelles possibilités, qui sont offertes à la négociation de branche, de fixer le taux de majoration des heures supplémentaires. Cette disposition ne correspond pas à l'architecture retenue par la commission.
S'agissant de l'amendement n° 125, M. Marini a dit lui-même ce que la commission a dit, à savoir qu'il s'agit du régime des heures supplémentaires et que le projet de loi a retenu le niveau de la branche. La commission s'est montrée prudente car elle redoute de grandes disparités entre les entreprises. Mais elle souhaite entendre M. le ministre sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 39, 81, 1, 125 et 2 ?
M. François Fillon, ministre. S'agissant de l'amendement n° 39, le Gouvernement souhaite, en effet, que cette question soit renvoyée à la négociation de branche. Quant aux remarques, qui ont été faites par plusieurs orateurs, sur la place respective de la loi et du contrat, nous aurons un débat sur ce point dans les mois à venir lorsque nous vous proposerons de traduire dans la loi un certain nombre d'éléments qui sont dans la position commune signée par les partenaires sociaux. C'est donc bien au Parlement qu'il appartiendra de décider de la ligne de partage dans ce domaine.
Il est évidemment tout à fait caricatural de prétendre que c'est le MEDEF qui veut que l'on donne plus de place au contrat par rapport à la loi. C'est l'ensemble des partenaires sociaux, en tout cas une grande partie d'entre eux, qui souhaitent pouvoir, sur un certain nombre de sujets, et dans le cadre défini par la loi, négocier eux-mêmes, de manière différente d'une branche à l'autre ou d'une entreprise à l'autre, en fonction des situations. Le Gouvernement ne peut donc pas accepter ces dispositions. Il émet, par conséquent, un avis défavorable sur l'amendement n° 39.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 81.
En revanche, il émet un avis favorable sur les amendements n°s 1 et 2.
J'en viens à l'amendement n° 125. J'ai cru comprendre que M. Marini allait le retirer. En effet, il l'a présenté pour amorcer un débat et pour que le Gouvernement lui réponde sur le choix de l'échelle des accords de branche pour la négociation du régime des heures supplémentaires.
Dans l'état actuel de notre droit social et du dialogue social dans notre pays, compte tenu des règles de validation des accords qui existent aujourd'hui, il n'est pas possible, sur une question aussi importante que les dispositions relatives au régime des heures supplémentaires, de descendre en dessous de la négociation de branche, c'est-à-dire de se priver de l'accord de branche étendu, à savoir la possibilité pour le Gouvernement de veiller à ce que les accords signés soient compatibles avec les règles d'ensemble du droit du travail et qu'ils reflètent un réel équilibre entre les partenaires sociaux.
Demain, si nous allons vers une modification des règles en matière de validation des accords, la question pourra se poser de manière différente. Mais, aujourd'hui, le Gouvernement doit évidemment garder la possibilité de juger de l'équilibre réel des accords, et ce n'est possible qu'à travers les accords de branche étendus.
J'ajouterai un dernier argument, qui, je l'espère, convaincra M. Marini, c'est celui, auquel il sera certainement sensible, des conditions de concurrence au sein d'une même branche. Il n'est tout de même pas très sain de mettre en oeuvre des différences aussi importantes s'agissant du temps de travail d'une entreprise à l'autre, en fonction du climat social et du rapport de force. Il est souhaitable que ces règles soient définies au niveau de la branche.
Telle est la raison pour laquelle, en attendant les discussions que nous aurons l'année prochaine sur le dialogue social et sa modernisation, je souhaite que M. Marini retire cet amendement auquel le Gouvernement n'est pas favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini pour explication de vote sur l'amendement n° 1.
M. Philippe Marini. Je vais voter l'amendement n° 1, qui, je l'espère, sera adopté, ce qui fera tomber l'amendement n° 125. (Sourires.) Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour remercier M. le ministre de la réponse qu'il a bien voulu me faire et dans laquelle j'ai vu quelques ouvertures pour l'avenir. (M. le ministre fait un signe d'assentiment.)
Je souhaite par ailleurs rappeler que le contrat collectif d'entreprise, tel qu'un certain nombre d'entre nous l'appelait, voilà quelques années, demeure une référence importante pour faire évoluer le droit social. En effet, si l'on permet, bien entendu en encadrant les choses au niveau de la branche, aux acteurs sociaux de l'entreprise de globaliser leur discussion, de faire porter cette discussion à la fois sur des éléments quantitatifs - les rémunérations, le taux des heures supplémentaires - et qualitatifs - l'organisation du travail, tout ce qui conditionne l'ambiance de travail dans l'entreprise - éléments auxquels pourraient s'ajouter des préoccupations touchant à l'actionnariat des salariés, aux retraites, bref à tout ce qui peut être mis en commun dans une négociation globale, cela constituerait, me semble-t-il, un véritable progrès social. Un bon équilibre pourrait être trouvé, bien entendu dans le respect de l'ordre public social,...
Mme Michelle Demessine. Il n'y en a plus !
M. Guy Fischer. Vous le dynamitez l'équilibre social !
M. Philippe Marini. ... dans le respect des accords de branche. C'est ce que permet l'amendement tout à fait excellent de la commission. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Sous bénéfice de ces quelques observations, qui ont le malheur, semble-t-il, de déplaire à quelques-uns de nos collègues, mais que je formule avec toute la conviction qui m'anime (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)...
Mes chers collègues, les convictions sociales ne se trouvent pas uniquement de votre côté de l'hémicycle, je vous prie de bien vouloir le reconnaître ; il y a différentes façons de se dire, de se proclamer des républicains sociaux. (Exclamations toujours sur les mêmes travées.)
Je disais donc que, sous le bénéfice des observations que j'avais formulées, je voterai de façon tout à fait déterminée l'amendement n° 1. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, si vous le permettez, je vais user du même stratagème que mon collègue Marini. Je parlerai non pas de l'amendement n° 1 mais de l'amendement n° 125, qui risque de tomber.
Dans son intervention, notre collègue a formulé un aveu de taille. S'adressant à M. le ministre, qui a d'ailleurs hoché la tête dans le bon sens, il a dit : « J'ai bien compris que vous considériez ma proposition comme une ouverture. »
Pour ma part, j'avais préparé une brève intervention que j'aurais prononcée si l'amendement n° 125 était resté en discussion et dans laquelle je qualifiais la proposition de notre collègue M. Marini de poisson pilote du Gouvernement. Elle correspond probablement à une nouvelle annonce d'une réduction des droits des travailleurs. En effet, prétendre que ramener la négociation à l'échelle de l'entreprise est un grand acte de démocratie, c'est, me semble-t-il, commettre une grave erreur, c'est en tout cas méconnaître totalement ce qu'est le monde de l'entreprise. Il faut y mettre les pieds pour savoir comment...
M. Hilaire Flandre. Vous voudriez que ce soit la CGT qui décide tout !
M. Roland Muzeau. Monsieur, j'ai travaillé vingt ans en entreprise. J'en sais probablement plus que vous.
M. Eric Doligé. Moi, j'y ai travaillé vingt-cinq ans !
M. Roland Muzeau. Nous pouvons en discuter. Pour l'instant, permettez-moi de terminer mon propos.
C'est donc faire preuve d'une méconnaissance totale de ce qu'est la négociation sociale dans les entreprises que de nous faire de telles propositions.
Même dans les entreprises où il y a des organisations syndicales, ce qui n'est réalisé que dans un nombre de cas limité, puisque la répression antisyndicale est très forte quelles que soient les organisations syndicales et qu'il est difficile d'exercer un mandat syndical dans une entreprise, quelle que soit sa taille ou sa nature, qu'il s'agisse d'une entreprise ou d'un groupe multinational, il est impossible de penser que l'on pourra rediscuter du code du travail.
D'ailleurs, monsieur Marini, à ce propos, vous avez péché par un excès de prudence. En fait, vous n'avez pas osé aller au bout de votre pensée. Si vous proposez que la négociation ait lieu au niveau de l'entreprise, ce n'est pas pour aller au-delà des accords de branches, de la loi ou du code du travail. Bien au contraire - et là je poursuis votre pensée - c'est rester en deçà, pour adapter de manière restrictive le droit du travail applicable à tous les salariés. L'honnêteté aurait voulu que vous alliez jusqu'au bout de votre démonstration. A un moment donné, vous avez dit : « J'assume ma pensée ». Eh bien oui, faites-le ! Cela donnera d'ailleurs un peu de sens à nos débats, car depuis le début de la discussion, la majorité sénatoriale a été bigrement muette. Elle nous avait pourtant habitués à autre chose !
En tout cas, monsieur le ministre, si poisson pilote il y a, j'espère que vous retiendrez une proposition, celle qui consiste à débattre du droit syndical dans les entreprises et à constater, à partir d'un bilan, que la répression antisyndicale est une réalité tout à fait catastrophique.
M. Hilaire Flandre. Ce ne sont que lieux communs !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 125 n'a plus d'objet. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, avec l'accord de M. le ministre, je souhaite que nous interrompions maintenant nos travaux pour les reprendre, comme prévu, demain après-midi, à quinze heures. En effet, par notre travail soutenu, nous sommes allés au bout des amendements que la commission avait examinés. Celle-ci doit se réunir demain matin à neuf heures trente pour poursuivre son travail.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande ?
M. François Fillon, ministre. Monsieur le président, comment pouvez-vous imaginer que M. le président de la commission pourrait se prévaloir de mon accord si je ne le lui avais pas formellement donné ? (Sourires.)
M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le président de la commission.
La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

6