SEANCE DU 23 OCTOBRE 2002


M. le président. Nous poursuivons l'examen de l'article 2, dont je rappelle les termes :

Article 2

« Art. 2. - Le code du travail est ainsi modifié :
« I. - A l'article L. 212-5 :
« 1° Les I et II sont remplacés par un I ainsi rédigé :
« I. - Les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire dont le taux est fixé par un accord de branche étendu. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %. A défaut d'accord, chacune des huit premières heures supplémentaires donne lieu à une majoration de 25 % et les heures suivantes à une majoration de 50 %. »
« 2° Le III devient le II ;
« 3° Au premier alinéa du II, les mots : "au II" sont supprimés.
« II. - A l'article L. 212-5-1 :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les heures supplémentaires de travail mentionnées à l'article L. 212-5 et effectuées à l'intérieur du contingent conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe ou, à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % du temps de travail accompli en heures supplémentaires au-delà de quarante et une heures dans les entreprises de plus de vingt salariés. »
« 2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe ou, à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % de ces heures supplémentaires, pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés. »
« III. - Le deuxième alinéa de l'article L. 212-6 est ainsi rédigé :
« Le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail peut être fixé, par une convention ou un accord collectif de branche étendu, à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé par le décret prévu au premier alinéa. »
« IV. - A l'article L. 212-8 :
« 1° Au premier alinéa :
« a) Après les mots : "n'excède pas", la fin de la première phrase est ainsi rédigée : "un plafond de 1 600 heures" ;
« b) La deuxième phrase est ainsi rédigée :
« La convention ou l'accord peut fixer un plafond inférieur. »
« 2° Au quatrième alinéa, les mots : "la durée moyenne annuelle calculée sur la base de la durée légale selon la règle définie au premier alinéa et, en tout état de cause, de" sont supprimés. Le même alinéa est complété par les mots : "ou d'un plafond inférieur fixé par la convention ou l'accord".
« V. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa du II de l'article L. 212-9, les mots : "trente-cinq heures en moyenne sur l'année et, en tout état de cause," sont supprimés.
« V bis. - Au premier alinéa de l'article L. 212-10, les mots : "et au premier alinéa du I de l'article L. 212-5," sont remplacés par le mot : ", au".
« VI. - A l'article L. 212-15-2, les mots : "occupés selon l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés et pour lesquels la durée du travail peut être prédéterminée" sont remplacés par les mots : "dont la nature des fonctions les conduit à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés".
« VII. - A l'article L. 212-15-3 :
« 1° Au deuxième alinéa du II, le mot : "et" est remplacé par le mot : "ou" ;
« 2° La quatrième phrase du premier alinéa du III est ainsi rédigée :
« La convention ou l'accord définit les catégories de cadres concernés dont la nature des fonctions implique une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. »
« VIII. - A l'article L. 227-1 :
« 1° Au premier alinéa, après les mots : "accord d'entreprise ou d'établissement", sont insérés les mots : "n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26" ;
« 2° La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : "ou de se constituer une épargne" ;
« 2° bis Au sixième alinéa, les mots : "de la bonification prévue aux premier et deuxième alinéas du I de l'article L. 212-5, du repos compensateur de remplacement défini au premier alinéa du III du même article" sont remplacés par les mots : "du repos compensateur de remplacement défini au premier alinéa du II de l'article L. 212-5" ;
« 3° Au onzième alinéa, les mots : "les modalités de conversion en temps des primes et indemnités" sont remplacés par les mots : "les modalités de valorisation en temps ou en argent des éléments affectés au compte". »
Dans la discussion de cet article, nous en sommes parvenus à l'examen de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 40, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le I de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - L'article L. 212-5 est complété in fine par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Le refus par le salarié d'effectuer les heures supplémentaires proposées par l'employeur au-delà des limites fixées par le contrat de travail ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement, à l'exception des heures supplémentaires effectuées en cas de travaux urgents dans les cas énumérés à l'article L. 221-12. »
L'amendement n° 83, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fisher et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - L'article L. 212-5 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Le refus du salarié d'effectuer les heures supplémentaires proposées par l'employeur ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »
La parole est à M. Claude Domeizel pour défendre l'amendement n° 40.
M. Claude Domeizel. Le projet de loi s'inscrit dans une logique de banalisation des heures supplémentaires, qui vont devenir des heures structurelles.
Notre amendement n° 40 découle de notre conception, bien différente, des heures supplémentaires.
Le refus par le salarié d'effectuer les heures supplémentaires proposées par l'employeur au-delà des limites fixées par le contrat de travail ne doit pas constituer une faute ou un motif de licenciement.
Nous considérons que les heures supplémentaires doivent être effectuées avec l'accord du salarié concerné, sauf en cas de travaux urgents dont l'exécution immédiate est nécessaire pour prévenir des accidents imminents ou réparer des dégâts survenus au matériel, aux installations ou aux bâtiments.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau pour présenter l'amendement n° 83.
M. Roland Muzeau. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen attachent une importance toute particulière au présent amendement, qui pose le principe selon lequel le refus du salarié d'exécuter des heures supplémentaires ne peut être considéré comme fautif et justifier un licenciement.
Dans la mesure où l'objet de ce texte, monsieur le ministre, est de permettre aux salariés qui le veulent de travailler plus, je ne vois pas pourquoi, logiquement, vous n'accepteriez pas notre proposition.
Bien que la jurisprudence ait quelque peu évolué, les juges retiennent, traditionnellement, l'idée selon laquelle les heures supplémentaires sont obligatoires lorsque l'employeur les a décidées.
Si rien n'est ajouté au code du travail, je ne vois pas comment, demain, les salariés seront libres d'accepter ou non d'exécuter des heures supplémentaires.
Nous aurions pu également proposer que les salariés donnent leur accord. Si nous avons fait un autre choix, c'est que nous connaissons bien les limites du volontariat, s'agissant par exemple du travail de nuit ou du travail le dimanche, et que nous considérons que, dans les faits, les salariés sont rarement assez libres pour se permettre de refuser tant les rapports de force sont déséquilibrés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission estime qu'il n'est pas raisonnable de remettre en cause l'équilibre des rapports entre salariés et employeurs à l'occasion du présent projet de loi et de revenir sur une jurisprudence claire et ancienne, dont les arrêts sont restés constants, que ce soit en 1988, en 1990 ou en 1991, contrairement aux affirmations de M. Muzeau.
En outre, comme les heures supplémentaires constituent en elles-mêmes le moyen d'assurer notamment l'adaptation de l'entreprise aux fluctuations de l'activité, introduire pour le salarié la possibilité de les refuser conduirait à mettre en péril l'existence même des entreprises.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
Le projet de loi qui vous est proposé ne remet pas en cause les grands équilibres de notre législation du travail, équilibres que, d'ailleurs, la gauche n'avait pas souhaité remettre en cause non plus lorsque les lois précédentes ont été votées.
Il serait tout à fait contre-productif de modifier ces équilibres à l'occasion de ce texte.
Les heures supplémentaires sont avant tout destinées à répondre à des à-coups dans le plan de charge de l'entreprise. Elles font d'ores et déjà l'objet de négociations à l'intérieur de nombreuses entreprises et mon souhait est que ce soit le cas le plus souvent possible.
Je crois donc que le législateur serait mal inspiré de fixer une règle applicable pour tous qui tendrait à revenir sur la jurisprudence et sur le code du travail.
M. le président. La parole est à M. Henri Weber pour explication de vote sur l'amendement n° 40.
M. Henri Weber. Les avis défavorables de la commission et du Gouvernement sur ces deux amendements jettent une lumière crue sur les véritables motivations qui sous-tendent ce projet de loi.
On nous a expliqué qu'il s'agissait d'une loi de liberté, visant à mettre à bas les contraintes et les mesures autoritaires qui figurent dans les deux lois Aubry, de manière que ceux qui souhaitent travailler plus pour gagner plus puissent le faire et que ceux qui souhaitent travailler moins pour jouir de leurs loisirs puissent le faire également.
Cela, c'est le discours. La réalité est toute différente.
Vous savez bien, en effet, qu'il existe une asymétrie des droits puisque la décision du chef d'entreprise emporte obligation et que le salarié ne peut pas s'y soustraire.
Par conséquent, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, votre rejet de ces deux amendements fait litière de toute votre argumentation en faveur d'une certaine liberté.
Au demeurant, à l'asymétrie des droits s'ajoute un rapport de force sur le marché du travail qui est déjà plutôt défavorable aux salariés et qui risque, hélas ! de se dégrader encore, non seulement du fait de l'application du texte que vous nous proposez mais aussi en raison de l'évolution de la conjoncture nationale et internationale.
Pour toutes ces raisons, je considère qu'il est impératif d'adopter l'un de ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le I de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 212-5 est complété in fine par un paragraphe ainsi rédigé :
« Les salariés doivent être prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai qui ne peut être inférieur à trois jours ouvrés avant toute proposition d'heures supplémentaires faite par l'employeur. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement est relatif au délai requis pour prévenir les salariés dans le cas où l'employeur leur demande d'effectuer des heures supplémentaires.
Nous souhaitons que ce délai ne soit pas inférieur à trois jours ouvrés, comme c'est le cas pour les heures complémentaires des salariés à temps partiel. Un salarié ou une salariée doit avoir le temps de s'organiser pour faire face, notamment, à ses obligations familiales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement au motif qu'il oblige l'employeur à prévenir le salarié trois jours à l'avance pour chaque heure supplémentaire.
En effet, par nature, les heures supplémentaires visent avant tout à faire face à des à-coups de production et à des imrévus, qu'il n'est pas toujours possible de prévoir trois jours à l'avance.
M. Claude Domeizel. La plupart du temps, l'employeur le sait longtemps avant !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Henri Weber pour explication de vote.
M. Henri Weber. On nous a demandé pourquoi nous n'avions pas pris nous-mêmes une telle mesure lorsque nous avions la majorité à l'Assemblée nationale. Nous ne l'avons pas fait précisément parce que nous avons réduit à 130 heures la possibilité de recourir aux heures supplémentaires. Lorsque l'on passe de 130 heures à 180 heures, la question se pose tout de même de façon quelque peu différente !
On peut considérer qu'un chef d'entreprise peut prévoir trois jours à l'avance ses besoins en heures supplémentaires et en avertir le salarié concerné. Celui-ci a aussi ses obligations familiales et personnelles ! Il ne doit pas être taillable et corvéable à merci !
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela ne tient pas debout !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après le I de cet article, insérer un paragrahe ainsi rédigé :
« L'article L. 212-5 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« La convention ou l'accord collectif soumis à l'extension doit avoir recueilli les signatures d'organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés aux élections de comités d'entreprise dans les entreprises de branche d'activé considérée et s'étant déroulées au cours des deux années précédant la signature de l'accord ; cette majorité est constatée à partir des procès-verbaux d'élection qui sont adressés à l'administration compétente ; chaque année l'administration compétente informe les organisations syndicales de salariés et d'employeurs sur l'influence chiffrée de chaque organisation syndicale. L'accord d'entreprise ou d'établissement doit avoir recueilli la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. Au cas où, ultérieurement à la signature de l'accord, les syndicats signataires deviennent minoritaires, l'accord ne continue à produire ses effets qu'autant qu'il est renégocié et remplit à nouveau les conditions prévues au présent article. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous avons déposé des amendements de suppression sur toutes les dispositions du texte - trop nombreuses à nos yeux - qui font entrer dans le champ de la négociation des pans entiers de normes législatives ou réglementaires. Il y a deux raisons principales à cela.
En premier lieu, nous pensons que la loi n'est pas subsidiaire et que les garanties réglementaires ne sont pas supplétives.
En second lieu, à l'instar du professeur Antoine Lyon-Caen, nous considérons que « notre dispositif de négociation collective est adapté à un système où la négociation est complémentaire de la loi » et que, par conséquent, « toute extension du rôle de la négociation invite à revenir sur les règles actuelles ».
Un article de La Tribune du 10 avril 2002 pointait bien ce problème de droit.
Monsieur le ministre, puisque vous entendez renforcer le rôle des partenaires sociaux, acceptez au moins, parallèlement, de réunir les conditions d'un dialogue social de qualité. La règle majoritaire comme condition de validité des accords sur la réduction du temps de travail était un premier pas. Vous ignorez pourtant des avancées permises dans les entreprises.
Pour rendre aux négociations toute leur crédibilité, il convient de mettre un terme au système actuel, qui permet à une organisation minoritaire d'engager l'ensemble des salariés en signant un accord dérogeant à la loi dans un sens moins favorable.
Nous proposons d'introduire l'exigence de la règle majoritaire dans la négociation sociale.
Je ne comprendrais pas que vous me répondiez, monsieur le ministre, qu'il est trop tôt pour modifier les règles dans un sens plus conforme à la démocratie sociale. N'avez-vous pas déjà décidé d'avancer sur ce sujet dans un texte réformant la loi de modernisation sociale ?
Sur ce point, comme sur la question de savoir quelles sont les conditions que vous posez à l'extension des futurs accords, j'attends des éclaircissements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement, comme un certain nombre d'autres qui suivront, bouleverse le droit des négociations collectives en prévoyant des accords de branche majoritaires.
Si vous m'y autorisez, monsieur le président, j'indiquerai dès à présent que la commission est défavorable à l'ensemble de ces amendements, qui obéissent à une même logique, et ce pour deux raisons principales.
M. Guy Fischer. Bravo !
M. Louis Souvet, rapporteur. D'abord, en l'état actuel de notre droit du travail, la notion d'accord majoritaire au niveau de la branche apparaît impraticable. Nous avons constaté ce matin en commission, monsieur Fischer, quelles difficultés vous avez dû rencontrer pour rédiger votre amendement. Je crois qu'il faut vraiment fournir beaucoup d'efforts pour essayer de vous suivre dans vos « méandres » !
M. Guy Fischer. Nous avons beaucoup travaillé sur ce point, vous le savez, avec des personnes très qualifiées !
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est votre avis, nous avons le droit d'avoir le nôtre.
M. Jean Chérioux. Ce n'est plus un texte législatif, c'est un véritable roman !
M. Guy Fischer. Si vous n'êtes pas capable de lire un roman, monsieur Chérioux !...
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Seul M. le rapporteur a la parole. Ceux qui souhaitent s'exprimer pourront le faire le moment venu...
M. Louis Souvet, rapporteur. Il est en tout cas très difficile de dégager des critères fiables de majorité et de représentativité à ce niveau. Le texte même de ces amendements le souligne d'ailleurs très bien, puisqu'il procède par un amalgame - à l'évidence un peu hâtif - entre la branche et l'entreprise sur ce point. Or il s'agit de réalités qui sont évidemment très différentes.
Ensuite, un tel bouleversement du droit de la négociation collective à l'occasion de l'examen du présent texte me semble prématuré. Le Gouvernement a en effet annoncé qu'il allait ouvrir, dès janvier, une large consultation sur une réforme de notre droit de la négociation collective, sur la base de la position commune arrêtée par les partenaires sociaux le 16 juillet 2001. Il est donc infiniment souhaitable, avant de légiférer en la matière, d'attendre les résultats de ces négociations.
Notre opposition à ces amendements n'est donc pas une opposition de fond, mais une simple question d'opportunité immédiate.
M. Guy Fischer. Alors là ! Je vais vous répondre, monsieur le rapporteur !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Nous sommes là en présence d'une question importante qui mérite que l'on s'y arrête un instant.
Comme vient de le faire remarquer M. le rapporteur, M. Fischer a fait - en le sachant, d'ailleurs - un amalgame entre deux réalités très différentes : l'accord d'entreprise, pour lequel les lois Aubry avaient effectivement prévu l'application du principe majoritaire, et l'accord de branche. Or, à ma connaissance, il n'est pas possible de mesurer convenablement aujourd'hui la représentativité des organisations syndicales au sein des branches en l'absence d'élection fondée sur ce principe. C'est la raison pour laquelle l'accord majoritaire n'y a jamais été utilisé.
S'agissant du contingent d'heures supplémentaires, de leur financement et de la gestion du compte épargne-temps, il est nécessaire - vous en conviendrez avec moi, monsieur le sénateur - de recourir non pas à de simples accords d'entreprise, mais à des accords de branche étendus pour organiser le dialogue social.
Aujourd'hui, s'il n'est pas possible d'imaginer de manière satisfaisante un accord majoritaire au niveau de la branche, cela ne signifie pas pour autant que le Gouvernement ne souhaite pas faire évoluer les règles de la démocratie sociale et les conditions de validation des accords.
Si nous souhaitons aller vers une répartititon quelque peu différente des rôles entre les partenaires sociaux et le législateur, entre les partenaires sociaux et l'Etat, il conviendra alors de moderniser le dialogue social, et notamment d'asseoir la légitimité des organisations syndicales pour que les modes de validation des accords soient plus démocratiques, et donc moins discutables.
Cette question, monsieur Fischer, est, vous en conviendrez, très sensible.
M. Guy Fischer. Elle est majeure ! Sinon, je ne l'aurais pas soulevée !
M. François Fillon, ministre. Elle concerne évidemment au premier chef les organisations syndicales, et vous comprendrez que le Gouvernement ne souhaite pas, au détour de l'examen d'un amendement, bouleverser tout à coup le mode de fonctionnement de notre dialogue social. Je souhaite engager un dialogue avec les organisations syndicales parce que, s'il est un sujet sur lequel un large consensus doit être dégagé, c'est bien celui-là. Comme je l'ai indiqué, je vais m'y employer au début de l'année 2003.
Le point de départ de cette réfexion sera, vous le savez, la position commune qui a été retenue par presque toutes les organisations syndicales, à l'exception d'une, la CGT (MM. Jean Chérioux et Alain Gournac s'exclament), à savoir l'idée de l'accord majoritaire à partir de l'idée de la représentativité. Je ne dis pas que cette position sera demain parfaitement transposable dans la législation, mais elle peut servir de point de départ au débat que nous ouvrirons au début de 2003.
En attendant, il me semble raisonnable de repousser cet amendement. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Henri Weber pour explication de vote.
M. Henri Weber. La Haute Assemblée s'honorerait en prenant les devants et en adoptant l'amendement proposé. Il lui est déjà arrivé d'anticiper ! Point n'est besoin, à notre avis, d'attendre que le Gouvernement légifère.
Cette clause, l'une des plus pernicieuses de notre droit de la négociation collective, produit deux effets pervers.
Notre collègue M. Guy Fischer en a signalé un : il suffit qu'une seule confédération, qu'un seul syndicat, aussi minoritaire soit-il, signe pour que la mesure puisse être étendue à l'ensemble de la branche.
M. Nicolas About, président de la commission. Cette clause, vous l'avez utilisée pour mettre en oeuvre les 35 heures !
M. Henri Weber. C'est en tout cas le premier effet pervers.
M. Jacques Peyrat. Oui, c'était pervers !
M. Henri Weber. Elle en entraîne cependant un second, qui s'oppose au développement de la négociation collective et des relations contractuelles dans notre pays, puisqu'il suffit qu'une seule confédération, aussi minoritaire soit-elle, signe, pour que toutes les autres se trouvent déresponsabilisées : pourquoi signeraient-elles à leur tour ?
M. Nicolas About, président de la commission. Ça les arrange parfois de ne pas signer !
M. Henri Weber. Certes, mais cela se fait au détriment du développement des relations contractuelles dans notre pays.
M. Nicolas About, président de la commission, Ah, ça oui !
M. Henri Weber. Or nos syndicats sont en pleine évolution : le syndicalisme de lutte de classe, fortement affirmé entre les années quarante et soixante, voire soixante-dix, est devenu un syndicalisme de proposition, qui entend prendre toutes ses responsabilités.
Une opportunité nous est désormais offerte désormais de développer réellement des relations conventionnelles et contractuelles en France, à l'instar de ce qui se passe dans la plupart des grands pays industriels développés, à condition cependant que chacun prenne ses responsabilités, soit tenu par sa signature et ne puisse pas s'en remettre à celle d'autrui.
Telles sont les deux raisons pour lesquelles cette réforme nous paraît absolument essentielle.
Quant à la représentativité, on peut la mesurer au travers des élections prud'homales ou professionnelles : les syndicats se soumettent au suffrage universel des salariés à échéances régulières !
En conclusion, pourquoi notre assemblée, qui se prévaut souvent de sa sagesse et de sa capacité de travailler sur le long terme et d'anticiper, ne marquerait-elle pas ici sa volonté de voir évoluer dans un sens positif les relations professionnelles dans notre pays ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Vous comprendrez l'immense déception de Roland Muzeau ainsi que la mienne. En déposant cet amendement, nous proposions à notre Haute assemblée de faire un pas véritable vers la démocratie sociale.
M. Henri Weber. Très juste !
M. Guy Fischer. M. le ministre a annoncé qu'un texte nous serait soumis au début de l'année prochaine. Mais nous considérons qu'en votant aujourd'hui notre amendement le Sénat aurait pu, comme il l'a souvent fait, anticiper sur des textes ou des décisions gouvernementales. Je vous croyais plus avant-gardiste, monsieur le président de la commission !
M. Nicolas About, président de la commission. Il faut laisser mûrir le dossier !
M. Guy Fischer. Permettez-moi de citer un exemple puisé aujourd'hui dans Le Figaro Economie.
M. Nicolas About, président de la commission. Excellente lecture ! M. Alain Gournac. Très bonne lecture, en effet !
M. Guy Fischer. Oui, excellente lecture s'il en est, et lecture quotidienne !
M. Roland Muzeau. Ecoutez bien, monsieur Gournac !
M. Guy Fischer. Voyez où nous en sommes rendus aujourd'hui !
M. Jacques Blanc. Oui, quel chemin parcouru !
M. Guy Fischer. Dans le secteur de la pharmacie, secteur industriel très important - j'en reviens à mon exemple du Figaro -, cinq organisations syndicales s'opposent à l'annualisation des salaires : la CFDT, la CGC, la CFTC, la CGT et l'UNSA dénoncent l'attitude du syndicat national de l'industrie pharmaceutique, le SNIP - ce syndicat qui nous inonde tous très régulièrement de ses publications -, car ce dernier veut imposer par anticipation l'annualisation des salaires dans la branche, qui emploie 96 000 salariés, et contourner l'évolution du SMIC, qui doit selon nous s'apprécier mois par mois.
Le SNIP demande le retour à l'esprit de l'accord de branche sur les salaires signé en octobre 2000, première étape qui tendait à aligner la grille des 35 heures sur celle des 39 heures.
Nous sommes au coeur du débat, qui me semble important, en matière de légitimation des accords majoritaires ! C'est en ce sens que nous avons plaidé et que nous plaidons encore pour rectifier la loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen ont mis le doigt sur un vrai problème, à savoir la légitimité de la signature des accords de branche.
M. Guy Fischer. Merci, monsieur Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ce problème, nous le connaissons depuis un certain temps, car il est récurrent.
Cela étant, je trouve étonnant que les mêmes qui ont voté les 35 heures,...
M. Alain Gournac. Ah, ça !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... disposition qui supposait une annualisation absolue, faute de quoi nos entreprises n'auraient pas survécu, soutiennent aujourd'hui qu'il faut mettre en place un mécanisme rigide d'extension subordonné à la signature d'organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés non dans les entreprises, mais aux élections aux comités d'entreprise.
M. Alain Gournac. Incroyable !
M. Jean-Pierre Fourcade. M. le ministre nous a parfaitement rassurés en disant qu'il allait ouvrir le débat avec les organisations syndicales.
Selon moi, les négociations doivent s'engager au plus près des conventions conclues au niveau non des branches mais des entreprises. En effet, la notion de branche date de 1945, les branches sont de plus en plus nombreuses, et les organisations syndicales sont disparates en leur sein. Et c'est bien au niveau de l'entreprise que sont prises les décisions relatives au temps de travail et à la modification d'un certain nombre de modalités, notamment l'annualisation !
A partir du moment où le Gouvernement va engager le débat avec les organisations syndicales sur ce point - et il s'agit d'un vrai sujet : le fait d'étendre un accord lorsqu'un syndicat représente 3 % ou 4 % des salariés d'une entreprise n'est pas une bonne chose -, je crois que nous devons laisser à ces interlocuteurs le soin de régler la question.
Je remercie en tout cas M. Fischer d'avoir proposé au Sénat d'être à l'avant-garde, mais je ne voudrais pas qu'il soit à l'avant-garde du durcissement du fonctionnement de nos entreprises. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Guy Fischer. Je n'ai pas été entendu !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de dix amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 84, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer le II de cet article. »
L'amendement n° 42, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le 1° du II de cet article. »
L'amendement n° 85, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par le 1° du II de cet article pour le premier alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail :
« Les heures supplémentaires de travail mentionnées à l'article L. 212-5 et effectuées à l'intérieur du contingent fixé à 130 heures ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire, dont la durée est égale à 50 % du temps de travail accompli en heures supplémentaires au-delà de la trente-neuvième heure dans les entreprises de plus de vingt salariés. »
L'amendement n° 43, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« A la fin du texte proposé par le 1° du II de cet article pour le premier alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail, remplacer les mots : "vingt salariés" par les mots : "dix salariés". »
L'amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par le 1° du II de cet article pour le premier alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
« Le dépassement du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6 est subordonné à la conclusion d'une convention ou d'un accord d'entreprise signé par une ou des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel. »
L'amendement n° 45, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le 2° du II de cet article. »
L'amendement n° 86, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le (2°) du II de cet article pour le troisième alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail, remplacer les mots : "conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe, ou à défaut du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6" par les mots : "fixé à 130 heures". »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 46 rectifié est présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 87 rectifié est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le texte proposé par le 2° du II de cet article pour le troisième alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail, remplacer deux fois les mots : "vingt salariés" par les mots : "dix salariés". »
L'amendement n° 88, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 212-5-1 du code du travail par deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° - Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La convention ou l'accord collectif soumis à l'extension doit avoir recueilli les signatures d'organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés aux élections des comités d'entreprise dans les entreprises de la branche d'activité considérée et s'étant déroulées au cours des deux années précédant la signature de l'accord ; cette majorité est constatée à partir des procès-verbaux d'élection qui sont adressés à l'administration compétente ; chaque année l'administration compétente informe les organisations syndicales de salariés et d'employeurs sur l'influence chiffrée de chaque organisation syndicale. L'accord d'entreprise ou d'établissement doit avoir recueilli la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. Au cas où ultérieurement à la signature de l'accord les syndicats signataires deviennent minoritaires, l'accord ne continue à produire ses effets qu'autant qu'il est renégocié et remplit à nouveau les conditions prévues au présent article. »
La parole est à M. Roland Muzeau pour défendre les amendements n° 84, 85, 86, 87 rectifié et 88.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, les modifications prévues par le projet de loi en ce qui concerne le contingent annuel d'heures sont substantielles.
Elles mettent fin à l'existence juridique de deux types de contingents : le contingent réglementaire actuellement fixé à 130 heures par an et par salarié ouvrant droit à repos compensateur, et le contingent conventionnel fixant le seuil à partir duquel une autorisation de l'inspection du travail est obligatoire.
Elles renvoient aux partenaires sociaux la définition du niveau du contingent unifié.
Les règles applicables en matière de déclenchement du repos compensateur se trouvent bouleversées, le contingent conventionnel ayant désormais une incidence sur le calcul du repos compensateur obligatoire et les seuils déterminant les entreprises visées passant de dix à vingt salariés.
Concrètement, cela se traduit par un rétrécissement du champ du repos compensateur, dont l'objet est de limiter les excès en matière d'heures supplémentaires et, par ricochet, d'être un facteur de création d'emplois, mais également de compenser la pénibilité du travail.
Pour les salariés des entreprises de dix à vingt salariés, c'est une perte nette de leur droit au repos.
Pour l'ensemble des salariés, notamment ceux qui relèvent de branches où ont été négociés des contingents supérieurs à 130 heures - 180 heures dans la métallurgie, 190 heures dans les entreprises de propreté - sachant que le repos se déclenchait à 130 heures, c'est la perte d'une garantie importante que le repos serait dû au-delà de 130 heures. C'est aussi beaucoup d'incertitudes quant aux règles applicables.
Pour les entreprises en revanche, le résultat est extrêmement positif : le volume des heures travaillées dans l'année sera plus important alors que les contreparties seront moindres !
A plus long terme, je suis persuadé que ces mesures régressives auront des incidences négatives sur la santé des salariés, sur leur vie personnelle et familiale.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer le paragraphe II de l'article 2.
L'amendement n° 85 vient en complément de l'amendement précédent, qui vise à supprimer l'ensemble du régime applicable au repos compensateur. Nous aurions pu nous en tenir à défendre le maintien des règles actuelles en matière de repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % du temps de travail accompli en heures supplémentaires effectuées au-delà de 41 heures dans le cadre du contingent annuel.
Le problème, c'est que ces règles sont mouvantes. A l'avenir, il n'y aura plus qu'un seul contingent. Dans l'immédiat, le contingent provisoire a été relevé à 180 heures.
A ce propos, monsieur le ministre, il est fort dommage que le décret augmentant le plafond du contingent annuel ait été publié durant le débat parlementaire. Je comprends la déception de Gilbert Fournier de la CFDT, qui, auditionné par la commission des affaires sociales, a dit « regretter la méthode du Gouvernement (...) qui faussait la négociation collective ».
Nous n'acceptons pas de voir étendre la compétence des partenaires sociaux en matière de définition du niveau du contingent d'heures supplémentaires dans la mesure où le seuil à partir duquel le repos compensateur se déclenche fait partie des avantages minimaux devant être garantis par la loi.
Nous refusons de cautionner l'introduction de règles qui auraient pour effet d'accentuer les inégalités de traitement entre salariés en fonction de la taille de l'entreprise.
Prenant acte de certaines insuffisances de la législation actuelle qui permet, avec un contingent à 130 heures, de pouvoir effectuer jusqu'à 39 heures par semaine, nous envisageons de fixer législativement le niveau du contingent qui doit servir de référence pour le calcul du repos compensateur obligatoire et d'abaisser le seuil de déclenchement du repos de la 41e heure à la 39e heure.
Les amendements n°s 86 et 87 rectifié transposent les propositions que nous avons faites précédemment concernant le régime du repos compensateur obligatoire à l'intérieur du contingent annuel d'heures supplémentaires aux heures supplémentaires effectuées au-delà de ce contingent.
Nous proposons que le contingent de 130 heures reste la référence pour le déclenchement du repos compensateur et que le seuil déterminant le taux du repos compensateur obligatoire ne soit pas modifié.
Sur ce dernier point, je trouve que la justification avancée pour l'élévation du seuil - le souci de cohérence, dans la mesure où il s'agit du seuil habituellement retenu par le code du travail - est un peu légère, d'autant que l'effet des modifications proposées n'est pas sans importance pour les salariés qui voient leur droit au repos diminuer et sur les accords actuellement en vigueur.
Monsieur le ministre, si vous êtes aussi soucieux que cela de simplifier, d'harmoniser afin de rendre plus lisibles les dispositions du code du travail, pourquoi ne pas abaisser le seuil de 50 salariés à 10 salariés pour l'élection des délégués du personnel et des délégués syndicaux ?
Cela s'avère d'autant plus nécessaire que votre projet de loi prévoit l'élargissement du champ de la négociation alors que, bien souvent, sur le terrain, les représentants du personnel ne sont pas présents.
Plus d'un établissement sur deux n'a aucun représentant. Dans les petites structures, la situation est pire.
M. Dominique Leclerc. On n'est plus au xixe siècle !
M. Roland Muzeau. Allez-vous vous atteler à cette question, monsieur le ministre ?
Monsieur le président, conformément à votre souhait, je vais également défendre l'amendement n° 88, mais je ne suis pas persuadé qu'une présentation commune de tous les amendements du groupe communiste républicain et citoyen soit la meilleure méthode de discussion. Après avoir écouté les avis de M. le rapporteur et de M. le ministre, je jugerai s'il est souhaitable de continuer à procéder ainsi.
M. Louis Moinard. Il faut diminuer le temps de travail !
M. Roland Muzeau. Mon cher collègue, je comprends bien que laisser les mains libres au MEDEF soit une de vos priorités. Ce n'est pas la mienne, alors peut-être pouvez-vous m'écouter !
M. Jacques Peyrat. Votre priorité, c'est la CGT !
M. Roland Muzeau. S'agissant de l'amendement n° 88, nous avons déjà eu l'occasion, notamment par la voix de M. Fischer voilà quelques instants, de nous exprimer sur la nécessité d'introduire le principe de la règle majoritaire dans la négociation collective.
Désormais, la nécessaire démocratisation des règles de la négociation collective se posera avec acuité.
Comment, en effet, se satisfaire du fait que des syndicats qui n'ont qu'un poids minoritaire puissent engager l'ensemble des salariés sur un accord qui déroge aux dispositions législatives dans un sens moins favorable aux salariés ? Il est choquant que des aspects tels que ceux de la validité des accords ou de l'équilibre des négociations n'aient pas d'emblée été pris en compte, d'autant que votre projet de loi, monsieur le ministre, touche à la hiérarchie des normes et affaiblit le principe de faveur. Je ne vois qu'une seule explication : je crains que, comme le MEDEF, vous ne souhaitiez confisquer les règles de la négociation au profit des chefs d'entreprise, contractualiser au maximum les relations sociales.
Les négociations collectives auront désormais pour objet, non plus de parfaire les droits des salariés en matière de conditions de travail ou d'emploi, mais de suppléer au socle de garanties communes que donne la loi, dans la mesure où ces négociations « démarrent sur la base de garanties légales affaiblies », comme l'ont souligné à juste titre les représentants de la CGT que nous avons auditionnés.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux pour présenter les amendements n°s 42, 43, 44 rectifié, 45 et 46 rectifié.
M. Gilbert Chabroux. Le paragraphe II de l'article 2 prévoit que le repos compensateur de 50 % pour les heures supplémentaires effectuées au-delà de 41 heures à l'intérieur du contingent réglementaire de 130 heures soit appliqué non plus par référence à ce contingent, donc selon une même règle pour les salariés quels que soient les secteurs, mais en fonction du contingent conventionnel fixé par accord de branche.
Ce contingent conventionnel varie selon le secteur professionnel. Il est par exemple de 180 heures dans la métallurgie, ainsi que dans le bâtiment et les travaux publics, de 182 heures dans l'automobile, de 175 heures à 205 heures pour certains personnels du textile, de 175 heures dans l'habillement, de 190 heures dans les entreprises de propreté.
Appliquer le régime du repos compensateur selon le contingent conventionnel et non plus le contingent réglementaire est une manière de réduire l'application du repos compensateur à 100 % pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent réglementaire - c'est-à-dire jusqu'à 130 heures - dans les entreprises de dix salariés ou plus et non de vingt salariés comme le prévoit le texte du projet de loi.
Ce repos compensateur avait été instauré en 1990 pour limiter le recours abusif aux heures supplémentaires, qui est contraire à l'embauche et à l'amélioration des conditions de travail et de sécurité.
Ainsi, les salariés des entreprises de d ix à vingt salariés verront-ils leur repos compensateur purement et simplement supprimé pour les heures supplémentaires effectuées au-delà de 41 heures dans le cadre du contingent !
Ces dispositions correspondent à une régression sociale...
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. ... qui réduit le temps de repos minimal légal des salariés qui connaissent les conditions de travail les plus difficiles et étend le champ des disparités des règles de droit social pour les salariés des petites entreprises, soit, au total, 5 300 000 salariés du secteur marchand.
C'est pour toutes ces raisons que nous demandons la suppression du 1° du paragraphe II de l'article 42.
Pour les mêmes raisons que celles que je viens de développer, avec l'amendement n° 43, nous proposons de remplacer le nombre « vingt » par le nombre « dix » dans le 1° du paragraphe II de l'article 2.
Sinon, les salariés des entreprises de dix à vingt salariés verront leurs repos compensateurs purement et simplement supprimés pour les heures supplémentaires effectuées au-delà de quarante et une heures par semaine, dans le cadre du contingent annuel d'heures supplémentaires.
L'amendement n° 44 rectifié vise à compléter le texte proposé par le 1° du II de l'article 2, qui est relatif à l'accord de branche.
Compte tenu de l'importance des décisions prises pour les salariés concernés par ce projet de loi - nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen l'ont d'ailleurs fait observer - qui permet à un accord de branche de fixer un contingent conventionnel d'heures supplémentaires supérieur au contingent réglementaire, avec toutes les conséquences qui en découlent pour la rémunération des heures supplémentaires et le repos compensateur, il est nécessaire que l'accord de branche soit signé par une ou des organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
Je me permets d'insister sur ce point : c'est la négation de la démocratie que de considérer qu'un accord de branche peut être signé par une organisation syndicale minoritaire, voire ultraminoritaire, et étendu ultérieurement. Il est tout à fait regrettable que le projet de loi revienne sur le début - ce n'était sans doute qu'un début, mais c'était un premier pas significatif - de la réforme qui avait été engagée sur ce point par Martine Aubry. La priorité au dialogue social ne peut faire l'économie d'une telle réforme. Il en va de l'efficacité et de la pérennité des accords qui seront conclus.
L'amendement n° 45 tend à supprimer le 2° du paragraphe II de l'article 2.
Je ne vais pas reprendre ce que j'ai dit pour demander la suppression du 1° de ce paragraphe. L'argumentation est la même, mais il s'agit ici des heures supplémentaires effectuées hors contingent.
Le contingent conventionnel va se substituer au contingent réglementaire pour le déclenchement du repos compensateur à 100 %.
Le contingent réglementaire était fixé à 130 heures depuis 1982. Pour les branches professionnelles qui ont un contingent d'heures supplémentaires supérieur à 130 heures - j'en ai citées un certain nombre - les salariés de ces secteurs verront leur repos compensateur réduit.
A contrario, les branches professionnelles qui ont négocié un contingent conventionnel inférieur à 130 heures, comme l'industrie de l'agroalimentaire, seront incitées à revoir leur niveau de contingent conventionnel, surtout si un nouveau décret fixe le contingent réglementaire à 180 heures.
Quant aux salariés des petites entreprises qui ne bénéficient que d'un repos compensateur à 50 % pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent, leur champ est étendu aux salariés des entreprises de 10 à 20 salariés. Au total, je le répète, ce seront donc 5,3 millions de salariés du secteur marchand qui seront exclus de ce repos à 100 %. C'est très grave !
Cette disposition correspond à une mesure de régression sociale qui réduit le temps de repos minimal légal des salariés connaissant les conditions de travail les plus difficiles et, étend le champ des disparités des règles de droit social pour les salariés des petites entreprises.
L'amendement n° 46 rectifié s'inscrit dans la même logique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Avant de donner l'avis de la commission sur les dix amendements, je voudrais faire une petite déclaration liminaire.
J'ai écouté avec l'attention qui doit être celle d'un rapporteur les propos de notre collègue M. Chabroux. Je le sais beaucoup trop intelligent, intuitif et attentif pour penser qu'il ignore - il ne peut que faire semblant - l'amendement déposé par la commission ! Les propos qu'il a tenus sur le déclenchement du repos compensateur sont totalement inexacts, il le sait bien, car ils n'ont pas d'assise véritable au sein de notre commission. Nous en avons parlé il y a à peine deux ou trois heures ; il ne peut l'avoir oublié !
J'en viens aux amendements.
La commission est défavorable à l'amendement n° 84, qui va à l'encontre du souci d'accorder plus de latitude aux partenaires sociaux pour la fixation du contingent conventionnel et de ses conséquences juridiques.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 42. Les dispositions qu'il vise à supprimer sont l'un des apports majeurs du projet, à savoir autoriser les partenaires sociaux à négocier plus librement le contingent conventionnel d'heures supplémentaires.
Quant à la différence de traitement selon la taille de l'entreprise, elle répond à un souci de cohérence, même si je considère que les petites entreprises seront sans doute appelées, dans les prochaines années, à rapprocher leurs pratiques de celles des plus grandes.
La commission est défavorable à l'amendement n° 85, car il n'est pas souhaitable de ramener le contingent à 130 heures, alors qu'un décret vient de le porter à 180 heures, ni de ramener de la 43e à la 39e heure le seuil à partir duquel les heures supplémentaires sont majorées de 50 %.
La commission est défavorable à l'amendement n° 43, car l'unification des seuils est de cohérence et découle logiquement des dispositions de la loi du 19 janvier 2000.
La commission est défavorable à l'amendement n° 44 rectifié, car l'objet du texte n'est pas de réformer le droit de la négociation collective. Je vois mal comment un accord d'entreprise pourrait revenir sur les stipulations d'un accord de branche.
Les règles relatives au contingent conventionnel doivent rester du seul ressort de la branche.
La commission est défavorable à l'amendement n° 45, car, là encore, il s'attaque à une disposition centrale du projet de loi, à savoir l'élargissement de la négociation de branche.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 86, par coordination avec sa position sur l'amendement n° 85, et à l'amendement n° 46 rectifié, par coordination avec sa position sur l'amendement n° 43.
Elle est encore défavorable à l'amendement n° 87 rectifié, qui était un amendement de conséquence ; or la conséquence s'applique dans les deux sens.
Elle est aussi défavorable à l'amendement n° 88.
Là encore, les amendements proposent une réforme totale du droit de la négociation collective, en introduisant des accords de branche « majoritaire », ce qui, je le répète, n'est pas l'objet du présent texte.
En l'état actuel, j'estime que seul peut fonctionner l'accord majoritaire d'entreprise, faute de moyens pour apprécier les conditions de « majorité » au niveau de la branche. Nous l'avons encore constaté en examinant l'amendement qui nous a été présenté ce matin en commission. Pourquoi s'arrêter aux résultats des élections au comité d'entreprise et ne pas, ensuite, prendre en considération celles des délégués du personnel, etc. ? Nous avions là beaucoup de sujets à traiter !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 84, qui, à l'évidence, remet en cause le coeur même du dispositif proposé pour assouplir les 35 heures et rendre possible la négociation. Car, j'y insiste - ce n'est pas suffisamment souvent rappelé lors de la présentation des amendements -, toutes les dispositions dont vous êtes en train de débattre renvoient à une négociation entre les partenaires sociaux.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 42, puisqu'il a le même objectif.
L'amendement n° 43 vise à rétablir le seuil de dix salariés. Or il me semble plus cohérent de reprendre le seuil de vingt salariés, qui non seulement figure à de nombreuses reprises dans le code du travail, mais avait été utilisé par la majorité précédente pour mettre en place des dérogations à la loi sur les 35 heures.
J'ai bien entendu la question posée tout à l'heure par M. Muzeau sur la modification du seuil de déclenchement des élections professionnelles. C'est un vrai sujet dont on pourra parler un jour, mais pas à l'occasion de ce texte. En effet, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il n'est pas question ici de récrire le code du travail dans son entier. Ce texte vise uniquement à assouplir la loi sur les 35 heures et à permettre aux salariés modestes de voir le SMIC augmenter dans les conditions plus rapides que par le passé.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 44 rectifié, qui porte sur la question du principe majoritaire ; je me suis déjà longuement expliqué sur ce point.
Il est défavorable à l'amendement n° 45, qui tend à remettre en cause l'assouplissement que nous proposons.
Il est évidemment totalement défavorable à l'amendement n° 85, qui vise à inscrire dans la loi le niveau du contingent d'heures supplémentaires. Même la majorité précédente n'avait pas estimé nécessaire de le faire. Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est offerte pour revenir sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement a souhaité fixer maintenant par décret le niveau du contingent d'heures supplémentaires.
D'abord, nous ne pouvons pas attendre indéfiniment que les partenaires sociaux négocient dans les branches sur ces sujets, si nous voulons, sur le plan économique, retrouver la souplesse qui est attendue et que tous les observateurs du fonctionnement de nos économies modernes estiment nécessaire, et respecter l'engagement que nous avions pris à ce sujet.
Ensuite, ce décret est pour le Gouvernement le moyen d'inciter les partenaires sociaux à négocier. En effet, si sa parution n'était pas subordonnée à un rendez-vous ultérieur, on pourrait naturellement accuser le Gouvernement d'imposer un contingent d'heures supplémentaires, alors qu'il renvoyait, par son projet de loi, à la négociation. En revanche, sans décret, il y a tout lieu de penser que la négociation ne s'engagerait pas spontanément entre les partenaires sociaux sur ce sujet difficile.
Avec la formule que nous avons retenue, les partenaires sociaux ont intérêt à négocier, parce que rendez-vous est pris dans dix-huit mois pour faire le point sur les accords, qu'ils soient ou non signés, et sur les pratiques dans les branches et dans les entreprises. Le Conseil économique et social - ce qui est une nouveauté sur un sujet comme celui-là - sera consulté. Le Gouvernement pourra alors prendre sa décision définitive.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 86, ainsi qu'à l'amendement n° 46, qui est un amendement de cohérence.
Il est enfin défavorable à l'amendement n° 96 - je m'en suis déjà expliqué -, qui porte sur le seuil, ainsi qu'à l'amendement n° 88, qui vise à introduire le principe majoritaire dont je vous ai dit tout à l'heure qu'il ne me paraissait pas aujourd'hui opérationnel dans le cadre des accords de branche.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix successivement les amendements n°s 85, 43, 44 rectifié, 45, 86, 46 rectifié, 87 rectifié et 88.

(Les amendements ne sont pas adoptés.).
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail est ainsi rédigée :
« Ce contingent est réduit à 90 heures par an et par salarié lorsque la durée hebdomadaire de travail varie dans le cadre d'une convention ou d'un accord collectif de modulation conclu en application de l'article L. 212-8. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement a pour objet de préciser dans la loi le volume du contingent annuel réduit et fixé à 90 heures par an et par salarié dans le cadre d'un accord de modulation des horaires, laquelle facilite déjà l'ajustement du temps de travail aux besoins de la production.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 48, car le niveau du contingent réglementaire est, par définition, fixé par décret et non dans la loi. Le décret actuel fixe d'ailleurs un contingent annuel de 90 heures en cas de modulation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. L'amendement n° 48 me semble inutile, puisque le décret ne remet pas en cause les dispositions qui s'appliquaient en cas de recours à la modulation du temps de travail. Je ne vois donc pas en quoi il pourrait avoir le moindre intérêt, sauf à être cohérent avec le désir de l'opposition d'inscrire le contingent d'heures supplémentaires dans la loi. J'ai déjà expliqué la raison pour laquelle le Gouvernement y était défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après le II de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Dans les branches d'activité où existe déjà, à la date de la promulgation de la présente loi, un accord prévoyant un contingent d'heures supplémentaires supérieur à 130 heures, les règles actuellement en vigueur en matière de déclenchement du repos compensateur obligatoire continuent de s'appliquer aux heures supplémentaires effectuées au-delà de 130 heures. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à sécuriser la situation des salariés qui travaillent dans une branche où le contingent d'heures supplémentaires est supérieur au contingent réglementaire actuel, en posant le principe du maintien des règles actuelles relatives au déclenchement du repos compensateur.
Dans votre rapport, vous vous interrogez à de nombreuses reprises, monsieur le rapporteur, sur l'impact des dispositifs proposés sur l'équilibre général des accords en vigueur.
Vous considérez, à juste titre d'ailleurs - pour une fois, nous sommes d'accord ! -, « qu'en prévoyant que ce soit désormais le franchissement du contingent conventionnel qui déclenche le repos compensateur obligatoire, le projet n'est pas neutre » pour ces accords.
Si certaines branches ont des contingents supérieurs à 130 heures, c'est en contrepartie de la garantie que le repos compensateur légal se déclenche à 130 heures.
L'unification du contingent légal et conventionnel complexifie la situation alors que l'objectif était de la simplifier.
Plus grave encore, l'équilibre général des accords est rompu.
Pour régler ce problème de sécurisation des accords actuels conclus en application des lois « Aubry I et II » - problème qui n'est absolument pas abordé dans l'article 13 de ce projet de loi dont c'est pourtant l'objet - je vous propose d'adopter cet amendement, qui pose le principe du maintien des règles en vigueur lors de la signature de l'accord en matière de déclenchement du repos compensateur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Monsieur Fischer, à un détail près - 130 heures contre 180 heures -, votre amendement est le même que celui de la commission. (Sourires.)
M. Alain Gournac. Qu'il s'y rallie !
M. Louis Souvet, rapporteur. Il est toutefois incompatible avec la position de la commission. Je vous ferai donc la même réponse qu'à M. Chabroux : l'amendement de la commission viendra régler, du moins en partie, cette question.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement partage l'avis qui vient d'être émis par M. le rapporteur. Il s'agit des accords qui ont été passés antérieurement au présent projet de loi. Un amendement a été déposé sur ce sujet, afin de respecter la volonté des partenaires sociaux et de donner aux accords signés leur plein effet au vu des dispositions de la nouvelle loi.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 90, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer le III de cet article. »
L'amendement n° 47, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vincente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par le III de cet article pour le deuxième alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail par une phrase ainsi rédigée : "Cet accord doit être signé par une ou des organisations syndicales représentatives et majoritaires dans la branche dans des conditions fixées par un accord national interprofessionnel et reprises par décret". »
La parole est à M. Guy Fischer pour défendre l'amendement n° 90.
M. Guy Fischer. Considérant que les règles relatives au déclenchement du repos compensateur obligatoire relèvent de l'ordre public social, nous nous sommes opposés à l'unification des contingents réglementaire et conventionnel.
Cette unification comporte une conséquence fâcheuse : la primauté du contingent conventionnel sur le contingent légal en matière de calcul du repos compensateur.
Le présent amendement tend à supprimer les dispositions du texte qui permettent justement au contingent conventionnel de jouer un rôle moteur pour les droits au repos.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux pour défendre l'amendement n° 47.
M. Gilbert Chabroux. Il s'agit d'un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Au nom de la même cohérence, la commission est évidemment défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. En fait, il s'agit de la déclinaison par l'opposition des mêmes amendements paragraphe par paragraphe. L'avis du Gouvernement est donc le même. Il ne souhaite pas que l'on rigidifie un texte qui vise, au contraire, à donner beaucoup de souplesse, à ouvrir la négociation, tout en ayant recours aux règles actuelles de validation des accords.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :
« Après le III de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Après l'article L. 212-6, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Le contingent fixé au premier alinéa de l'article L. 212-6 est majoré de 20 % pendant les 3 premières années suivant la date de la création de l'entreprise. »
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Chacun sait le souci de M. le président du Sénat de favoriser le développement de la nouvelle économie. Pour ce faire, il a créé un club qui s'appelle « Club-Sénat.fr ». Cela nous a permis de rassembler un certain nombre de chefs d'entreprises, de fiscalistes, de financiers notamment, et de prendre en compte les problèmes de la nouvelle économie, des entreprises jeunes, des entreprises en fort développement. Or il va de soi que les 35 heures et les heures supplémentaires telles qu'elles sont calculées à l'heure actuelle ne leur permettent pas d'assumer pleinement leur mission. L'objet de cet amendement est donc de favoriser leur développement pendant les trois premières années suivant la date de leur création en les exonérant de ces contraintes.
Je suis persuadé que la commission et le ministre, qui lui-même est un spécialiste de ces questions, devraient nous aider à mettre en oeuvre cette disposition.
Par ailleurs, je sais que la commission a émis un avis favorable sur le forfait-jours. Si d'aventure le Gouvernement et la commission étaient d'accord pour favoriser le développement de celui-ci, peut-être mon amendement n'aurait-il plus de raison d'être.
M. Guy Fischer. Il n'en a déjà pas !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à majorer de 20 % le contingent réglementaire d'heures supplémentaires pendant les trois premières années suivant la date de création de l'entreprise. Il est vrai que ces trois années constituent la phase critique pour une entreprise et nécessitent sans doute des aménagements spécifiques en matière de temps de travail.
Pour autant, la majoration de 20 % porterait le contingent actuel à 216 heures, soit 36 heures supplémentaires, c'est-à-dire l'équivalent d'une semaine de travail supplémentaire sur l'année. Cette majoration apparaît dès lors très élevée.
En outre, le projet de loi renforce l'autonomie des partenaires sociaux en la matière.
Dans ces conditions, je suis habilité par la commission à demander à notre collègue M. Adnot de retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Je suis évidemment très sensible aux arguments de M. Adnot, dont je connais l'engagement en matière de création d'entreprise.
Tout d'abord, monsieur le sénateur, vous le savez bien, ce projet de loi a déjà prévu des souplesses en termes d'heures supplémentaires et de contingents, puisqu'il permet aux partenaires sociaux de négocier des contingents d'heures supplémentaires conventionnels, qui vaudront à la fois pour l'autorisation de l'inspecteur du travail et le déclenchement des droits à repos compensateur. Par conséquent, tout est possible dans ce domaine si les partenaires sociaux le souhaitent.
Dans l'attente de ces négociations, le Gouvernement a décidé, par décret, de porter à 180 heures le contingent d'heures supplémentaires.
Par ailleurs, pour les entreprises de moins de vingt salariés, qui sont plutôt celles que vous visez par votre amendement, il existe, à titre transitoire, un régime particulier jusqu'à la fin de l'année 2005.
En outre, je ne suis pas sûr qu'il soit vraiment de l'intérêt de ces entreprises de se mettre, dès leur création, dans une situation de rupture d'égalité des salariés par rapport aux autres entreprises d'une même branche.
J'ai déjà fait la même réponse, hier, à M. Marini, lorsqu'il souhaitait que la négociation sur le contingent puisse avoir lieu au sein des entreprises plutôt que dans les branches. En effet, il me paraît important que les conditions de concurrence dans les branches soient à peu près similaires.
C'est la raison pour laquelle je souhaiterais vivement que M. Adnot suive le conseil de sagesse qui lui a été donné par M. le rapporteur et qu'il retire son amendement.
M. le président. Monsieur Adnot, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Adnot. Si nous parvenons à progresser sur le forfait-jours, et sur l'élargissement de la liste des personnes qui sont concernées par ce forfait-jours, ces dispositions n'ont pas nécessairement leur raison d'être dans la mesure où l'on va considérer que les personnes qui travaillent dans les entreprises à forte croissance et qui sont également relativement autonomes, peuvent bénéficier de ces mesures. A ce moment-là, nous aurons satisfaction. J'espère que, tout à l'heure, sur ce sujet, tel sera le cas.
Je retire donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 17 est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 49 rectifié est présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 91 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le IV de cet article. »
L'amendement n° 92, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le IV de cet article :
« IV. - A l'article L. 212-8 :
« 1° Au premier alinéa :
« Les mots : "trente-cinq heures" sont remplacés par les mots : "trente-deux heures" ;
« Le nombre : "1 600" est remplacé par le nombre : "1 459" ;
« 2° Après le premier alinéa est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Seules les entreprises appartenant à une branche d'activité fortement saisonnière, définie par décret, peuvent recourir à la modulation du temps de travail ; »
« 3° Au troisième alinéa, le nombre : "1 600" est remplacé par le nombre : "1 459" ;
« 4° Après le cinquième alinéa est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les accords de modulation ne peuvent prévoir une limite basse hebdomadaire inférieure à 30 heures et une limite haute supérieure à 40 heures. Le nombre de semaines modulables ne peut être supérieur à dix par an. »
« 5° Au septième alinéa, les deuxième et troisième phrases sont supprimées. »
L'amendement n° 50, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le IV de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les accords ou conventions étendus ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement prévus au présent article doivent être signés par une ou des organisations syndicales représentatives et majoritaires dans la branche ou dans l'entreprise ou l'établissement dans des conditions fixées par un accord national interprofessionnel et reprises par décret. »
L'amendement n° 93, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le IV de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° L'article L. 212-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La convention ou l'accord collectif soumis à l'extension doit avoir recueilli les signatures d'organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés aux élections de comités d'entreprise dans les entreprises de branche d'activité considérée et s'étant déroulées au cours des deux années précédant la signature de l'accord ; cette majorité est constatée à partir des procès verbaux d'élection qui sont adressés à l'administration compétente ; chaque année l'administration compétente informe les organisations syndicales de salariés et d'employeurs sur l'influence chiffrée de chaque organisation syndicale. L'accord d'entreprise ou d'établissement doit avoir recueilli la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. Au cas où ultérieurement à la signature de l'accord les syndicats signataires deviennent minoritaires, l'accord ne continue à produire ses effets qu'autant qu'il est renégocié et remplit à nouveau les conditions prévues au présent article. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux pour présenter les amendements n°s 49 rectifié et 50.
M. Gilbert Chabroux. L'amendement n° 49 rectifié tend à supprimer le paragraphe IV de l'article 2, qui remet en cause le principe selon lequel, par semaine travaillée, la durée hebdomadaire du travail ne doit pas excéder en moyenne trente-cinq heures. En effet, ce texte fait uniquement référence à la durée annuelle du travail, qui ne doit pas dépasser un plafond de 1 600 heures.
De même, la suppression de la mention des jours fériés pose problème. En effet, on peut craindre que l'organisation annuelle de la durée du travail telle qu'elle est prévue par le projet de loi ne permette plus d'assurer le paiement des jours fériés.
En fixant un nombre d'heures sur l'année comme seule référence de la durée du travail, le Gouvernement répond essentiellement à une exigence du Medef, lequel demande, contrairement aux attentes des salariés, une flexibilité accrue du temps de travail.
L'amendement n° 50 est relatif à la règle de l'accord majoritaire, sur laquelle je suis déjà intervenu.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau pour défendre les amendements n°s 91, 92 et 93.
M. Roland Muzeau. Lors de son audition par la commission des affaires sociales, le vice-président du Medef, M. Gautier-Sauvagnac, après avoir fustigé une nouvelle fois les 35 heures, s'est félicité de ce que les lois « Aubry I et II » aient « au moins eu un impact positif facilitant la vie des entreprises (...) en introduisant plus de flexibilité, notamment en matière d'annualisation du temps de travail ». C'est le Medef !
M. Nicolas About, président de la commission. Chacun ses références !
M. Roland Muzeau. Je rejoins, une fois n'est pas coutume, le constat qui a été dressé quant à l'accroissement de la flexibilité, la dégradation des conditions de travail des salariés, suite à la mise en place de l'annualisation du temps de travail.
En revanche, je ne considère pas que ce soit un point positif, bien au contraire, dans la mesure où l'employeur échappe ainsi au paiement des heures travaillées au-delà de la durée légale en compensant avec des semaines où cette dernière ne sera pas atteinte. En outre, pour les salariés, l'intensification du travail s'accompagne d'un cortège de désagréments pour la santé, pour la vie personnelle et familiale.
Sous couvert de simplification du calcul de la durée annuelle du travail en cas de modulation, le projet de loi supprime la limite de 35 heures en moyenne par semaine travaillée pour ne retenir que le plafond de 1 600 heures sur l'année.
En faisant disparaître toute référence à la durée légale hebdomadaire du travail, fixée à 35 heures, vous donnez satisfaction à une ancienne revendication du Medef, qui cherche sans cesse à contourner la loi relative au temps de travail.
En cas d'annualisation, le décompte annuel sur 1 600 heures, sans référence à un calcul par semaine, fait perdre l'équivalent de deux à trois jours de congé aux salariés concernés. Cette modification, qui est loin d'être anodine pour les salariés ne saurait nous convenir.
Par conséquent, je vous propose, par l'amendement n° 91, de supprimer ce décompte inéquitable pour le salarié.
J'en viens aux amendements n°s 92 et 93.
Le bilan récent dressé par le Gouvernement sur la réduction du temps de travail, la RTT, confirme ce que nous craignions en 1999, au moment de la discussion de la loi « Aubry II ». La modulation représente l'une des principales modalités de la RTT, et ce même dans des secteurs où les contraintes de l'activité ne le justifient pas.
Engagé en 1995 par la loi quinquennale pour l'emploi, ce type de souplesse est responsable de la flexibilisation et de la précarisation des conditions de travail d'un grand nombre de salariés, qui n'ont plus, en conséquence, ni horaires réguliers ni deux jours de repos consécutifs.
C'est parce que nous ne pensions pas, contrairement au Medef, que « la formulation d'un horaire sur l'année est un progrès considérable » que nous étions plus que réservés à l'égard du projet du gouvernement précédent, même si ce dernier avait pour ambition de lier une modulation du temps de travail mieux maîtrisée, justifiée, encadrée, à une vraie réduction du temps de travail.
Nous avions alors tenté, par nos amendements, d'avancer le principe selon lequel tout aménagement du temps de travail doit se faire sur des heures inférieures à la durée légale, de poser des plafonds et planchers hebdomadaires, de fixer un nombre de semaines travaillées, d'introduire le principe de l'accord majoritaire, de limiter le recours à ce type d'organisation du temps de travail en le circonscrivant aux branches où l'activité est fortement saisonnière par nature, enfin, de supprimer la possibilité de déroger par convention au délai de prévenance en cas de changement dans les horaires de travail.
Aujourd'hui, nous reformulons ces propositions avec d'autant plus de force que nous savons que les négociations nécessaires à la mise en place d'un accord de modulation ne sont pas équilibrées et que les contreparties ou garanties accordées ne sont pas à hauteur des contraintes, tant personnelles que familiales, supportées par le salarié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Sur les amendements identiques n°s 49 rectifié et 91, la commission a donné un avis défavorable : elle ne saurait approuver la suppression de tout ou partie de l'article 2. En l'espèce, le paragraphe IV de l'article 2 est une utile simplification du décompte horaire sur l'année, celui-ci pouvant varier d'une année à l'autre.
Sur l'amendement n° 92, la commission a également émis un avis défavorable. Le projet de loi ne revient pas sur le régime de modulation unique issu de la loi du 19 janvier 2000.
La commission a encore émis un avis défavorable sur les amendements n°s 50 et 93. Le droit de la négociation collective a déjà été abordé lors des débats.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le débat qui s'est engagé à l'occasion de la discussion de ces amendements ne correspond pas à la réalité du texte qui vous est présenté. En effet, le Gouvernement ne vous propose pas de revenir sur la durée légale hebdomadaire du travail : l'article L. 212-1 du code du travail n'est pas abrogé par ce projet de loi.
La seule référence aux 1 600 heures annuelles a pour unique objet de supprimer un élément de complexité qui résulte de l'application du mode actuel de décompte de la durée annuelle du travail. En effet, dans l'état actuel du droit, ce plafond est susceptible de varier à la marge d'une année sur l'autre, en fonction du nombre de jours fériés correspondant ou non à un jour de repos hebdomadaire. Encore une fois, l'article 2 ne vise en rien à remettre en cause la durée hebdomadaire du travail. Par conséquent, je demande au Sénat de repousser les amendements identiques n°s 49 rectifié et 91.
J'en viens à l'amendement n° 92, relatif à la modification du dispositif de la modulation. Le Gouvernement a souhaité laisser toute sa place à la négociation collective pour la conclusion d'accords de modulation et ne compte pas remettre en cause le rôle des partenaires sociaux dans ce domaine. C'est à ces derniers, en effet, qu'il revient de déterminer librement le contenu des accords sur ce sujet, dans le respect des dispositions légales qui encadrent les accords de modulation.
Je voudrais rappeler, à ce titre, que, parmi les clauses obligatoires de ces accords, figurent les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation. Ces clauses me paraissent constituer une garantie suffisante en raison des justifications nécessaires pour recourir à de tels accords.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 92.
Quant aux amendements n°s 50 et 93, qui reviennent sur la question de l'accord majoritaire, le Gouvernement souhaite voir le Sénat les repousser.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 49 rectifié et 91.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, je n'ai pas bien compris votre réponse. Vous nous expliquez tout à la fois que vous ne touchez en rien au décompte de la durée hebdomadaire du travail, mais que le nouveau dispositif proposé peut avoir des conséquences, uniquement sur les jours de congé, précisez-vous.
Or nous avons beaucoup travaillé sur ce dispositif et cherché à comprendre le sens d'un certain nombre des mesures nouvelles qu'il contient et, au terme d'une lecture non pas partisane, mais bien technique des textes - quelles que soient les convictions, une analyse technique est possible - nous arrivons à cette conclusion que les salariés risquent de perdre deux ou trois jours de congé par an. Que pensez-vous du résultat de ce calcul, monsieur le ministre ? Pouvez-vous le démentir ? A défaut, s'il y a effectivement perte de jours de congé, il y a bien recul des droits des travailleurs !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Je ne confirme ni n'infirme, monsieur Muzeau, pour la bonne raison que cela dépend des années ! En fonction du nombre de jours fériés dans l'année, les salariés gagneront ou perdront des jours de congé supplémentaires suivant les années, mais nous aurons une référence qui sera la même pour chaque année, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Je vous rappelle, en effet, que, selon le nombre de jours fériés, le plafond varie entre 1 590 et 1 600 heures environ. Nous avons pour seul objectif d'obtenir une durée égale sur l'année, quel que soit le nombre de jours fériés, et uniquement dans le cadre des accords d'annualisation.
M. le président. La parole est à M. Henri Weber pour explication de vote.
M. Henri Weber. Monsieur le ministre, nous avons été alertés par la disparition de la référence aux 35 heures, qui contraste avec le maintien de la seule référence aux 1 600 heures annuelles. Mais s'il ne s'agit que de régler un problème d'incidence des jours fériés sur les 1 600 heures et si la durée légale des 35 heures hebdomadaires est clairement réaffirmée, nous pouvons tomber d'accord très facilement. Car si réellement votre interprétation est la bonne, en quoi êtes-vous gêné de réintroduire cette référence aux 35 heures hebdomadaires ? Toute ambiguïté serait alors levée, et l'inquiétude dissipée.
Et n'allez pas invoquer je ne sais quel souci de légèreté rédactionnelle, car l'ensemble est, de toute façon, assez pesant.
Monsieur le ministre, cette précision utile et nécessaire clarifierait la situation sans gêner qui que ce soit, du moins si votre interprétation est juste. En revanche, refuser de réintroduire la référence aux 35 heures, c'est admettre qu'il y a, dans cette affaire, un peu plus que ce que vous nous en avez dit !
M. Guy Fischer. Il y a anguille sous roche !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Guy Fischer. Qui est bien embarrassé !
M. François Fillon, ministre. Monsieur Weber, je vous répète ce que j'ai dit tout à l'heure à M. Muzeau : le texte ne vise pas à supprimer l'article L. 212-1 du code du travail.
M. Henri Weber. Alors, maintenez cette référence dans le texte !
M. François Fillon, ministre. Permettez-moi de rappeler les termes de cet article : « Dans les établissements ou professions mentionnés à l'article L. 200-1, ainsi que dans les établissements artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine. »
Cet article demeure, il n'est pas abrogé par notre texte. Donc, ce que vous nous demandez, monsieur le sénateur, aurait pour seul effet d'insérer deux fois dans le code du travail le même article. Je ne crois pas que cela soit nécessaire.
M. Henri Weber. Cela va mieux en l'écrivant !
M. Alain Gournac. C'est redondant !
M. Jean Chérioux, Bis repetita non placent ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 49 rectifié et 91.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix successivement les amendements n°s 92, 50 et 93.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 126, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
« Avant le V de cet article, insérer deux paragraphes additionnels ainsi rédigés :
« ... - La première phrase du I de l'article L. 212-9 du code du travail est ainsi rédigée :
« La durée hebdomadaire de travail peut varier, dans la limite maximum de 39 heures, par l'attribution sur une période de 4 semaines, selon un calendrier préalablement établi, d'une ou plusieurs journées ou demi-journées de repos équivalant au nombre d'heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire de travail fixée par l'article L. 212-1 ou de la durée conventionnelle si elle est inférieure. »
« ... - La première phrase du II du même article est ainsi rédigée :
« Une convention ou un accord étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire de travail peut varier sur tout ou partie de l'année, dans la limite maximum de 39 heures, par l'attribution de journées ou demi-journées de repos. »
La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Cet amendement, essentiellement rédactionnel, part de l'idée suivante : dès lors que la réduction de la durée légale du travail sera, à court terme, généralisée, mieux vaut considérer ce dispositif comme étant relatif aux modes d'organisation du travail et non pas aux modes de réduction de la durée du travail.
Il s'agit d'inciter à s'organiser au mieux au sein des entreprises, compte tenu des obligations légales en matière de décompte de la durée du travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement concerne la réduction du temps de travail par l'attribution de journées ou de demi-journées de repos. Dans la mesure où le projet de loi ne remet pas en cause la durée légale du travail et où 13 % seulement des entreprises sont effectivement passées aux 35 heures, la rédaction actuelle de l'article L. 212-9 du code du travail ne me paraît pas inopportune.
Par ailleurs, la référence faite aux 39 heures dans cet amendement pourrait prêter à confusion.
Pour toutes ces raisons, la commission m'a mandaté pour vous demander de retirer cet amendement, mon cher collègue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. La rédaction actuelle de cet article n'est pas parfaite, j'en conviens. S'il ne s'était agi que du passage aux 35 heures, nous aurions pu l'améliorer, mais nous ne sommes plus dans une logique de réduction du temps de travail.
Par cet article, nous entendons dire que la durée globale effective du travail est réduite par rapport à la durée pratiquée compte tenu de jours ou demi-journées de repos accordés en contrepartie. De nombreux accords collectifs ayant été négociés sur ce principe, il n'a pas semblé opportun au Gouvernement de redéfinir ce dispositif pour des considérations d'ordre rédactionnel. Je rejoins donc, sur ce point, l'avis de la commission.
M. le président. L'amendement n° 126 est-il maintenu, monsieur Marini ?
M. Philippe Marini. Je le retire, monsieur le président.
M. Alain Gournac. Merci, mon cher collègue.
M. le président. L'amendement n° 126 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 51 est présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 94 est déposé par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux sont ainsi libellés :
« Supprimer le V de cet article. »
L'amendement n° 52, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« I. - Compléter le V de cet article par les deux aliénas suivants :
« ...° Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les accords ou conventions étendus ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement prévus au présent article doivent être signés par une ou des organisations syndicales représentatives et majoritaires dans la branche ou dans l'entreprise ou l'établissement dans des conditions fixées par un accord national interprofessionnel et reprises par décret. »
« II. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa du V de cet article de la mention : "1°". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux pour présenter les amendements n°s 51 et 52.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, malgré les explications que vous avez données, qui figureront au Journal officiel , ce qui est déjà positif, nous nous interrogeons sur le paragraphe V de l'article 2.
Dans l'état actuel des choses, a disparu la référence à la durée moyenne hebdomadaire de 35 heures dans les accords qui organisent sur l'année la réduction du temps de travail en deçà de 39 heures par l'attribution de journées ou de demi-journées de repos, pour ramener la durée moyenne du travail à 35 heures par semaine. Nous considérons que maintenir uniquement la référence à la durée annuelle de 1 600 heures revient à ignorer désormais toute durée moyenne du temps de travail hebdomadaire.
Nous voudrions faire la lumière sur ce point, qui est déterminant. La loi « Aubry II » du 19 janvier 2000, qui a introduit cette référence annuelle, n'était pas destinée à supprimer pour autant la référence à la durée moyenne hebdomadaire de 35 heures. Elle visait à mettre un terme aux trois systèmes de modulation annuelle inventés à l'époque de M. Balladur, et à simplifier et à encadrer la modulation. De plus, cette modulation liée à la réduction du temps de travail devait être accompagnée d'un contingent spécifique d'heures supplémentaires inférieur au droit commun et ne pouvait exister que par la signature d'un accord majoritaire.
Cet équilibre est désormais détruit au seul profit de la flexibilité, l'exigence d'accord majoritaire étant supprimée. Nous attendons donc, je le répète, des précisions qui nous semblent absolument indispensables.
Quant à l'amendement n° 52, relatif à la règle de l'accord majoritaire, c'est un amendement de cohérence.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau pour défendre l'amendement n° 94.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, j'ai déjà défendu cet amendement à l'occasion de la présentation de l'amendement n° 91, qui procédait de la même inspiration.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. S'agissant des amendements identiques n°s 51 et 94, la commission, fidèle à sa logique, a émis un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 52, il rejoint ce que j'ai dit sur les accords majoritaires : la commission a émis également un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Je voudrais d'abord rectifier une erreur que vient de commettre M. Chabroux en indiquant qu'il y aurait eu une exigence d'accord majoritaire dans les accords de modulation : ce n'est pas le cas.
Je reviens sur l'explication que j'ai donnée tout à l'heure. Il y a une confusion dans l'esprit des orateurs de l'opposition sur la portée du paragraphe V de l'article 2.
Ce paragraphe V, dont la rédaction est claire, ne s'applique pas à l'article du code du travail relatif à la durée hebdomadaire du travail ; il s'applique uniquement aux dispositions relatives aux accords de modulation annuelle. Ces accords étaient régis par un double plafond : un plafond de 35 heures hebdomadaires et un plafond de 1 600 heures annuelles. Nous supprimons la référence aux 35 heures hebdomadaires pour la mise en oeuvre des accords de modulation annuelle de manière à éviter les inégalités d'une année sur l'autre en fonction du nombre de jours de congé, mais l'article concernant le respect de la durée hebdomadaire du travail reste inscrit dans le code du travail. Il n'y a donc pas de raison de vouloir modifier, sur ce point, la rédaction du projet de loi.
Quant aux accords majoritaires, je vous renvoie aux réponses que j'ai faites tout à l'heure sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 51 et 94.
M. Jean Chérioux. Je voterai, bien sûr, contre cet amendement, mais, si je prends la parole, c'est surtout parce que je suis étonné de l'acharnement de notre collègue Gilbert Chabroux contre tout ce qui touche de près ou de loin à la flexibilité. Je trouve cela extravagant !
Si vous voulez que les entreprises puissent être compétitives et qu'elles puissent vivre, il faut qu'elles aient des possibilités d'adaptation. Plus vous serez rigide, plus vous les condamnerez, plus vous supprimerez des emplois ! Et je ne pense pas que ce soit ce que vous cherchez, monsieur Chabroux ! (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Philippe Labeyrie. Et les travailleurs ?
M. Guy Fischer. Il y a suffisamment de casse !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 51 et 94.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 127, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
« Après le V de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Le II de l'article L. 212-9 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la réduction de la durée du travail s'est opérée dans l'entreprise ou l'établissement par l'octroi de journées ou demi-journées de repos, ces dispositions sont applicables aux salariés à temps partiel au prorata de leur durée contractuelle de travail, sans que la durée hebdomadaire de travail puisse être portée au niveau de la durée légale du travail ou de la durée fixée conventionnellement. La prise des journées ou demi-journées de repos ne saurait être considérée comme une modification de la répartition de la durée du travail au sens de l'article L. 212-4-3, 1er alinéa. »
La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Il s'agit ici d'étendre l'application du II de l'article L. 212-9 du code du travail aux salariés à temps partiel au prorata de leur durée contractuelle du travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement prévoit la possibilité pour les salariés à temps partiel de bénéficier de journées ou de demi-journées de repos dans le cadre de l'article L. 212-9 du code du travail.
J'avoue ne pas avoir bien saisi, monsieur Marini, pas plus d'ailleurs que la commission, le sens de cet amendement, puisqu'il s'agit ici d'une des modalités de passage aux 35 heures et que, par définition, les salariés à temps partiel ne sont pas concernés par ces modalités.
M. Guy Fischer. Nous, nous n'avons rien compris !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon ministre. Le Gouvernement n'a pas souhaité remettre en cause l'équilibre d'ensemble de la législation relative au travail à temps partiel sur la base duquel, vous le savez, de très nombreux accords collectifs ont été conclus.
En outre, il me semble que cet amendement revêt l'inconvénient d'imposer la réduction du temps de travail sous forme de jours de repos aux salariés à temps partiel dès lors qu'elle est appliquée dans l'établissement. Cette application devrait résulter d'un choix des partenaires sociaux et d'une décision prise contractuellement entre l'employeur et le salarié à temps partiel. En effet, M. Marini le sait bien, la situation et les aspirations des salariés à temps partiel sont distinctes de celles des salariés à temps plein. Mieux vaut laisser aux accords collectifs le soin de décider en la matière.
M. le président. L'amendement n° 127 est-il maintenu, monsieur Marini ?
M. Philippe Marini. Je m'en remets aux appréciations qui viennent d'être données. Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, si je fais preuve de quelque naïveté n'étant pas comme vous aussi connaisseur du droit du travail. (Sourires.) Mais j'ai tenté l'exercice et essayé de comprendre.
J'ai déposé un certain nombre d'amendements de précision, en suivant, bien entendu, la ligne générale de la commission. Ne m'en veuillez pas trop si, faute d'avoir participé aux travaux de la commission, mon information est évidemment beaucoup moins bonne que celle des membres de cette dernière.
Sous bénéfice de ces quelques propos, je retire bien volontiers cet amendement.
M. Guy Fischer. Modestie surprenante de la part de M. Marini !
M. le président. L'amendement n° 127 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Nous ne saurions vous en vouloir, monsieur Marini, d'autant que ni la commission ni son rapporteur ne savent tout ! Nous avons dû beaucoup travailler.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 53 est présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 95 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le VI de cet article. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux pour présenter l'amendement n° 53.
M. Gilbert Chabroux. Nous voici à l'important problème des cadres. A la fin du mois de juin 2002, la proportion de salariés dits « cadres autonomes » dont le temps est décompté en forfait-jours sur l'année était de 6,3 %, ce qui est faible.
Le Gouvernement veut permettre une forte extension du forfait-jours, tout en essayant de limiter les contentieux. En effet, il convient de rappeler que le régime spécifique des cadres autonomes a fait l'objet d'un avis négatif du Comité des droits sociaux du Conseil de l'Europe le 11 décembre dernier, à la requête de la CGC, qui a déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme. Le Comité a estimé que la loi ne protège pas assez les cadres contre les employeurs qui veulent compenser les jours de congé supplémentaires par un allongement de la durée quotidienne du travail.
Dans le cas où existe un forfait-jours, le nombre maximal de jours travaillés, si l'on applique la seule réglementation européenne, s'élève à 217, soit un repos quotidien de onze heures - ce qui signifie un travail quotidien de treize heures - et un repos hebdomadaire de trente-cinq heures d'affilée, c'est-à-dire à peine un jour et demi. Rien n'interdit d'aboutir à une durée du travail de soixante-dix-huit heures par semaine !
Or le Gouvernement veut élargir sensiblement le champ de ce dispositif, d'abord, avec le paragraphe VI de l'article 2 modifiant la définition des cadres intégrés. Ceux-ci doivent normalement réunir trois critères : être intégrés à un travail d'équipe ; être occupés suivant l'horaire collectif ; avoir des horaires prédéterminés. Désormais, la condition de prédétermination des horaires disparaît, à la demande des représentants du patronat qui doit faire face à de nombreux contentieux sur ce point, en raison des horaires excessifs imposés aux salariés cadres. La définition des cadres intégrés deviendrait donc très restrictive.
Nous nous opposons à une telle disposition, très mal ressentie par les cadres, et présentons donc un amendement de suppression du paragraphe VI de l'article 2.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 95.
M. Roland Muzeau. La définition des « cadres intégrés » est capitale, car le fait d'appartenir à cette catégorie entraîne la soumission des personnels concernés au droit commun de la durée du travail.
Initialement, si je me réfère à l'intitulé du rapport de Pierre Morange, le projet de loi visait à élargir la catégorie de ces cadres : les critères législatifs servant à les définir étaient modifiés ; la référence à « l'indétermination de la durée du travail » était abandonnée ; l'autre critère, celui du « suivi de l'horaire collectif », était, lui aussi, complété dans un sens qui, a priori , nous semblait positif.
Les députés ont jugé utile de supprimer une définition que nous jugions très importante pour augmenter effectivement le nombre de cadres susceptibles de répondre aux critères posés pour bénéficier des mêmes modalités de RTT que les autres salariés.
Résultat : alors que l'objectif visé était de clarifier cette définition, aujourd'hui, les modifications introduites conduisent à restreindre davantage cette catégorie de cadres et, par ricochet, à élargir une autre catégorie de cadres, dits « cadres intermédiaires », qui, eux, échappent, en matière de durée du travail, au droit commun.
L'embarras de M. le rapporteur, qui note que « le champ ainsi déterminé pour la catégorie des cadres intégrés est, au final, sans doute moins large que ne le prévoyait le projet de loi, mais aussi, sans doute, plus étendu que ne le prévoit le code du travail », est pour nous lourd de sens.
L'amendement de notre collègue M. Bernard Joly, qui tend à laisser aux seuls partenaires sociaux le soin de déterminer par accords collectifs les cadres susceptibles de bénéficier de convention de forfait en jours notamment, retranscrit mot pour mot une proposition du MEDEF, - vous auriez pu faire l'effort de changer quelques mots ! - nous conforte dans l'idée que l'ensemble des dispositions de votre projet de loi concernant les cadres sont permissives.
L'amendement que nous proposons, comme les suivants d'ailleurs, vise à parer ces tentatives de remise en cause d'un certain nombre de garanties dont les cadres doivent bénéficier au même titre que les autres salariés.
Vous ne pourrez pas, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ignorer la protestation extrêmement forte de tous les syndicats de cadres la CGC, bien sûr, mais aussi la CFDT cadres, la CGT cadres, FO cadres et CFTC cadres sur ces questions essentielles. Elles méritent, je crois, que nous y consacrions quelques minutes de nos débats afin de revenir sur une disposition réellement mauvaise.
M. Gilbert Chabroux. Absolument !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission, je l'ai déjà dit, n'a rien voulu supprimer du projet de loi présenté par le Gouvernement. Cela n'est pas dans sa logique !
La nouvelle définition du « cadre intégré » apparaît plus claire, puisqu'elle s'articule autour de la notion de la nature des fonctions. J'observe, en outre, qu'elle devrait sans doute être plus large que celle que nous connaissons actuellement. La commission émet évidemment un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements. Il a souhaité, en effet, par la rédaction qui vous est proposée, simplifier et clarifier la définition des cadres dits intégrés en mettant l'accent sur le fait que leurs fonctions les amènent à suivre l'horaire collectif.
Tel est bien le critère essentiel : il est cohérent avec celui de l'autonomie pour les forfaits annuels. Il n'y a pas d'autre objectif derrière la rédaction de ces textes que celui de clarifier une définition qui s'appuyait sur un faisceau de critères, d'ambiguïté, et source de contentieux.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu, pas plus qu'à M. Chabroux, sur l'opposition de la totalité des partenaires sociaux que sont les organisations syndicales, si l'on veut bien admettre que la CGC, qui n'a pas le monopole de la représentation de ces personnels, est malgré tout intéressante dans ce qu'elle dit sur ses mandants.
M. Alain Gournac. Ah, c'est nouveau !
M. Roger Karoutchi. C'est un comble !
M. Roland Muzeau. Il serait utile que M. le rapporteur et vous-même, monsieur le ministre, puissiez - à moins que M. Gournac n'ait un avis sur la question - nous expliquer pourquoi vous ne prenez pas en compte la « levée de boucliers » de toutes les organisations syndicales sur une question qui n'est pas anodine, à savoir la modification d'une définition qui va bouleverser la situation de dizaines de milliers de cadres et de salariés dans notre pays. J'aimerais bien avoir une réponse sur ce point. (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n° 53 et 95.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Joly, est ainsi libellé :
« Avant le deuxième alinéa (1°) du VII de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« ... ° Le I est ainsi rédigé :
« I. - Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut décider que les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche ou du premier alinéa de l'article 4 de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ne relèvent pas des dispositions des articles L. 212-15-1 et L. 212-15-2. Ils doivent bénéficier d'une réduction effective de leur durée de travail. Leur durée de travail peut être fixée par des forfaits en jours ou en heures établis sur une base annuelle. La mise en place des forfaits doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement. A défaut de convention ou d'accord collectif étendu ou de convention ou d'accord d'entreprise ou d'établissement, des conventions individuelles de forfait en heures peuvent être établies sur une base hebdomadaire ou mensuelle pour ces salariés. »
La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Cet amendement, comme les amendements n°s 19 et 20, concerne la sécurisation, au moins par un accord de branche, ou, si possible, par un accord d'entreprise ou d'établissement, de la classification des cadres en cadres « forfaités » ou « autonomes » et cadres « horaires » ou « intégrés ».
Bien que le projet de loi apporte une première sécurisation en ne retenant que le critère d'une réelle autonomie, cette réalité reste à apprécier, ce qui conduira à de nombreux contentieux.
Il serait plus normal, branche par branche, de faire confiance à un accord des partenaires sociaux, bien au fait des réalités du terrain et des postes de travail considérés.
Je voudrais ajouter qu'à l'avenir je demanderai l'avis de M. Muzeau pour la rédaction de mes amendements. (Sourires.)
M. Guy Fischer. Et nous, nous demanderons au MEDEF ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 18 vise à faire du forfait annuel la norme pour le calcul de la durée du travail des cadres qui ne sont pas des cadres dits intégrés.
La rédaction actuelle du code du travail semble préférable. Elle apporte une garantie en prévoyant que l'accord d'entreprise instituant le forfait annuel ne doit pas avoir fait l'objet d'une opposition.
Dans ces conditions, la commission m'a mandaté pour demander à notre collègue Bernard Joly de retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
L'appartenance à l'une ou l'autre des catégories de cadres dépend avant tout de la nature des fonctions et de l'autonomie. Le présent projet de loi vise d'ailleurs - c'était l'objet de notre précédent débat - à élargir les possibilités de négociation pour les différentes catégories de cadres, tout en respectant les principes posés par la directive européenne du 23 novembre 1993.
S'agissant des cadres susceptibles de conclure des conventions de forfait - jours, je souhaite, je le rappelle, maintenir le critère de l'autonomie du cadre pour l'organisation de son emploi du temps.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. François Fillon, ministre. Ce critère est d'ailleurs nécessaire en droit pour respecter la charte sociale européenne, les directives communautaires et notre propre Constitution. Si le soin de décider du classement des cadres dans les différentes catégories était laissé à la négociation branche par branche, il y aurait, en effet, un risque d'inconstitutionnalité au titre de l'incompétence négative, le législateur devant aller jusqu'au bout de sa compétence.
M. le président. L'amendement n° 18 est-il maintenu, monsieur Joly ?
M. Bernard Joly. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 18 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 54 est présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 96 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le 1° du VII de cet article. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux pour défendre l'amendement n° 54.
M. Gilbert Chabroux. Il s'agit ici des salariés itinérants non cadres susceptibles d'être soumis au régime du forfait annuel en heures. La disposition dont nous demandons cette fois la suppression pourrait concerner, par exemple, des réparateurs d'ordinateurs ou de photocopieurs et des dépanneurs d'ascenseurs.
Actuellement, deux conditions cumulatives sont nécessaires pour ce type de forfait : la durée de travail ne peut être prédéterminée et les salariés disposent d'une réelle autonomie dans leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. La substitution du mot : « ou » au mot : « et » au 1° du paragraphe VII de l'article 2 a pour effet de transformer ces deux conditions en conditions alternatives et non plus cumulatives.
Le projet de loi méconnaît ainsi gravement les dispositions de la directive 93/104 du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.
En effet, l'article 17 de cette directive n'ouvre aux Etats membres la faculté de prévoir la dérogation à la durée maximale hebdomadaire que « lorsque la durée du travail, en raison des caractéristiques particulières de l'activité, n'est pas mesurée et/ou prédéterminée ». Le critère de la prédétermination de la durée du travail repris par la loi « Aubry II » est donc essentiel.
Si la directive cite à titre d'exemple les personnes ayant un pouvoir de décision autonome, il ne s'ensuit pas que pour toute personne autonome la dérogation à la durée maximale du travail soit possible si la durée du travail peut être prédéterminée.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer pour défendre l'amendement n° 96.
M. Guy Fischer. Les critères servant à justifier l'application du forfait horaire annuel aux salariés itinérants non cadres doivent en effet rester cumulatifs.
Monsieur le ministre, nous sommes très loin de partager les ambitions que traduit votre texte quant à la possibilité de faciliter les conditions d'accès des salariés itinérants non cadres aux conventions de forfait en heures sur l'année, dans la mesure où la convention nécessaire à la mise en place de tels forfaits peut substituer aux règles légales relatives aux durées maximales journalières et hebdomadaires de travail des limites plus élevées, dérogatoires au droit commun.
Jusqu'à présent, cette possibilité demeurait limitée - elle ne l'était d'ailleurs pas assez selon nous - aux seuls salariés itinérants non cadres dont la durée du travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
Nous entendons que ces deux conditions restent cumulatives afin d'éviter d'élargir un peu plus encore le public concerné, car les techniciens itinérants visés ne bénéficient d'aucune contrepartie, en termes de temps de repos comme de salaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Ces amendements visent à une suppression et, comme sur tous les autres amendements de ce type, la commission a émis un avis défavorable.
La commission est cependant favorable à l'extension des possibilités laissées à la négociation d'autoriser plus largement les salariés itinérants non cadres à bénéficier, pour le moins, du forfait annuel en heures. Il ne vous a pas échappé que la commission a déposé un amendement visant à ouvrir la possibilité de passer au forfait-jour compte tenu de la complexité de la gestion des heures des itinérants non cadres.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements identiques, qui tendent à revenir sur les conditions d'application des conventions de forfait en heures sur l'année aux salariés itinérants non cadres.
Le projet de loi qui vous est soumis renvoie à une définition conventionnelle, parce qu'il appartient, selon nous, aux partenaires sociaux de définir les catégories de salariés susceptibles de se voir appliquer telle ou telle disposition. En visant à donner au critère de la durée prédéterminable ou non du travail un caractère alternatif par rapport à celui de l'autonomie dans la détermination de l'emploi du temps, il continue à donner une définition de ceux qui parmi les salariés itinérants non cadres peuvent être soumis à un forfait annuel en heures tout en l'assouplissant.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 54 et 96.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 55 est présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 97 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le 2° du VII de cet article. »
L'amendement n° 19, présenté par M. Joly, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le 2° du VII de cet article :
« 2° Le premier alinéa du III est ainsi rédigé :
« La convention ou l'accord collectif prévoyant la mise en place de forfaits en jours ne doit pas avoir fait l'objet d'une opposition en application de l'article L. 132-26. Cette convention ou cet accord doit fixer le nombre de jours travaillés. Ce nombre ne peut dépasser le plafond de deux cent dix-sept jours. La convention ou l'accord précise en outre les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos. Il détermine les conditions de contrôle de son application et prévoit des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte. L'accord peut en outre prévoir que des jours de repos peuvent être affectés sur un compte épargne-temps dans les conditions définies par l'article L. 227-1 ou, d'un commun accord avec l'employeur, donnent lieu, au terme de l'exercice au titre duquel ils sont acquis, au versement d'une indemnité compensatrice. »
L'amendement n° 56, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le 2° du VII de cet article :
« 2° La première phrase du premier alinéa du III est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsque la convention ou l'accord collectif prévoit la conclusion de conventions de forfait en jours, seuls sont concernés les cadres qui perçoivent une rémunération au moins égale à celle prévue au premier paragraphe de l'article 6 de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, et dont la nature des fonctions implique une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. La convention ne doit pas avoir fait l'objet d'une opposition en application de l'article L. 132-26. »
L'amendement n° 3, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par le 2° du VII de cet article pour la quatrième phrase du premier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail :
« La convention ou l'accord définit, au regard de leur autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, les catégories de cadres concernés. »
L'amendement n° 128, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par le 2° du VII de cet article pour la quatrième phrase du premier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail :
« La convention ou l'accord définit les catégories de cadres concernées. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter les amendements n°s 55 et 56.
M. Gilbert Chabroux. Le 2° du paragraphe VII de l'article 2 vise à étendre le champ d'application du forfait en jours aux cadres en restreignant de trois à un seul le nombre des critères actuellement exigés.
Actuellement, pour être au forfait - jours, les cadres doivent exercer certains types de fonctions, avoir des responsabilités et disposer d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. Le projet de loi vise à opérer une sorte de fusion entre la nature des fonctions et la réelle autonomie dans l'emploi du temps que ces fonctions impliquent. Il en résulte concrètement que le seul critère de la réelle autonomie dans l'emploi du temps sera suffisant pour faire passer les cadres sous le régime du forfait - jours.
Lors de leur audition devant la commission des affaires sociales, les représentants de la CFE-CGC ont ainsi fait observer que l'adjectif « réel » avait pour synonyme « certain » et qu'il suffirait que les salariés aient une certaine autonomie pour entrer dans le champ d'application du forfait-jours. C'est de mauvais augure pour nombre de salariés qui, sans pour autant bénéficier d'un bon salaire ni exercer d'importantes responsabilités au sein de l'entreprise, accomplissent leur tâche d'une manière autonome. On peut citer à titre d'exemple les gérants salariés de magasin qui sont à la fois sous la menace d'un licenciement pour résultats insuffisants et contraints d'effectuer au moins soixante heures par semaine.
Se pose également le problème de l'application de la directive européenne 93-104 du 23 novembre 1993, sur laquelle je ne reviens pas.
Quant à l'amendement n° 56, j'ai déjà dit lors de la discussion générale qu'un emploi abusif du mot « cadre » avait conduit à qualifier des salariés gagnant le SMIC de « cadres », à l'exemple des gérants de magasin dont je viens de parler.
M. Philippe Marini. Ils ne sont pas tous au SMIC !
M. Gilbert Chabroux. L'objectif suivant est évidemment de les déclarer « autonomes » pour leur appliquer le forfait en jours.
Un quart des cotisants à l'AGIRC ont des revenus inférieurs au plafond de la sécurité sociale, qui est actuellement fixé à 2 352 euros brut par mois. Nous demandons que seuls les cadres dont la rémunération est au moins égale à ce plafond puissent être concernés par une convention de forfait - jours.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau pour défendre l'amendement n° 97.
M. Roland Muzeau. Comme M. Chabroux et comme toutes les organisations syndicales confondues, nous considérons que le critère de l'autonomie est trop subjectif pour servir à définir la catégorie de cadres soumis au forfait en jours. Retenir ce critère risque d'entraîner un usage abusif de ce type de forfait dérogatoire au droit commun en matière de durée maximale du travail. Nous sommes en outre persuadés que ce risque se concrétisera rapidement dans les faits et qu'il y aura un bouleversement des usages et du droit dans les entreprises.
Cet amendement vise donc à maintenir le droit actuellement applicable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly pour défendre l'amendement n° 19.
M. Bernard Joly. J'ai présenté cet amendement en même temps que l'amendement n° 18, auquel il est lié. Je le retire donc également.
M. le président. L'amendement n° 19 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement n° 3. M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement est relatif aux cadres au forfait en jours.
La loi du 19 janvier 2000 a retenu une définition stricte mais ambiguë des cadres au forfait en jours. Trois critères cumulatifs définissent actuellement cette catégorie de cadres pour lesquels le temps de travail ne peut être prédéterminé : la nature de la fonction, les responsabilités qu'ils exercent, le degré d'autonomie dont ils bénéficient dans l'organisation de leur emploi du temps.
La jurisprudence ayant une conception très restrictive de cette catégorie de cadres, le projet de loi modifie cette définition en ne retenant plus que le critère de réelle autonomie inhérente à la nature des fonctions.
Sur ce point, il paraît souhaitable de renvoyer plus largement à la négociation collective le soin de déterminer les cadres au forfait en jours en ne retenant plus que la notion d'autonomie, conformément à la directive européenne du 23 novembre 1993. Une telle solution, respectueuse du dialogue social, permettrait notamment de sécuriser les accords actuels.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini pour défendre l'amendement n° 128.
M. Philippe Marini. Cet amendement très proche de celui que vient de défendre la commission répond à un souci de sécurité juridique et vise à affirmer la responsabilité des partenaires sociaux.
Je profite de la présentation de cet amendement pour redire - notamment à l'intention de nos collègues de l'opposition sénatoriale - que les responsabilités d'un cadre disposant d'autonomie au sein d'une entreprise doivent être attentivement considérées. A force de répéter aux cadres qu'ils sont des salariés comme les autres, quelles que soient leurs fonctions et leurs responsabilités, on prend le risque d'affaiblir leur statut, leurs garanties et leur régime de retraite.
C'est une considération qu'il faut avoir présente à l'esprit, surtout lorsque l'on observe le suivisme dont font parfois preuve certaines organisations s'adressant prioritairement aux cadres. Il me semble nécessaire de tenir un langage responsable à l'égard de cette catégorie indispensable au fonctionnement de nos entreprises. La ligne de partage choisie, fondée sur la notion d'autonomie, permet non seulement de répondre aux exigences de l'équité, mais aussi de tenir compte de la réalité économique telle qu'elle est au sein de nos entreprises.
M. Raymond Courrière. Diviser pour régner !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Les amendements identiques n°s 55 et 97 visent à opérer des suppressions, ce que, comme je l'ai déjà indiqué, la commission ne peut approuver.
Les amendements n°s 56 et 55 ont également reçu un avis défavorable de la part de la commission.
Quant à l'amendement n° 128, il me semble satisfait par l'amendement n° 3 de la commission, qui offre autant, sinon plus, de sécurité juridique.
M. Philippe Marini. Tout à fait !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n°s 55, 97 et 56. Encore une fois, il s'agit non pas de bouleverser le partage entre les diverses catégories de cadres, mais d'apporter une simple clarification. L'objectif du Gouvernement est non pas d'étendre de manière inconsidérée le champ du régime forfait en jours, mais de tenir compte des réalités dans l'organisation du travail des cadres.
Le critère essentiel, en pratique comme en droit, pour accorder des dérogations aux règles générales relatives à la durée du travail hebdomadaire est celui de l'autonomie, que le Gouvernement propose de retenir et que la commission a repris par le biais de l'amendement n° 3.
L'autonomie doit être suffisamment affirmée pour que le recours au forfait annuel en jours puisse être envisagé. Je rappelle, par ailleurs, qu'un accord collectif doit exister pour que ce critère puisse être mis en oeuvre : c'est donc là une garantie supplémentaire pour le salarié cadre, qui devrait apaiser bien des craintes exprimées dans cet hémicycle.
S'agissant de l'amendement n° 3 de la commission, le Gouvernement y est favorable.
Cet amendement tient compte tout à la fois de la nécessité de maintenir dans la loi un critère d'accès au régime des forfaits en jours pour les cadres et de l'esprit du projet de loi, qui tend à ouvrir le champ le plus large possible à la négociation.
Il retient le critère opérationnel prévu par la directive du 23 novembre 1993, que le Gouvernement avait, dès le début, souhaité maintenir en écartant les autres critères, qui ne font que compliquer la mise en oeuvre de la loi en prêtant à des interprétations diverses.
Je suis donc favorable à l'amendement n° 3, étant précisé, monsieur le rapporteur, que la disparition des termes « réelle autonomie » revêt à mes yeux une portée principalement rédactionnelle, le recours au forfait en jours devant intervenir, comme vous le prévoyez, au regard d'une autonomie du cadre justifiant la mise en oeuvre de cette formule.
Enfin, en ce qui concerne l'amendement n° 128 de M. Marini, je renouvelle la réponse que j'ai faite tout à l'heure. L'amendement n° 3 suffit sans doute à apporter à M. Marini les garanties qu'il souhaitait. (M. Philippe Marini acquiesce.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 55 et 97.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux pour explication de vote sur l'amendement n° 3.
M. Gilbert Chabroux. Nous voterons contre l'amendement n° 3.
Il faut tout d'abord rappeler que c'est à partir des accords signés sur le fondement de la loi « Aubry I » du 13 juin 1998 que la législation a évolué pour aboutir à la loi « Aubry II » du 20 janvier 2000, qui a distingué trois catégories de cadres : les cadres dirigeants, qui ne sont soumis à aucune durée légale du travail, les cadres intégrés à une équipe dont ils suivent l'horaire collectif et les cadres autonomes.
Pour définir cette autonomie, plusieurs critères avaient été retenus, que je rappellerai brièvement ici : une durée du travail qui ne peut être prédéterminée du fait de la nature des fonctions, la nature des responsabilités exercées et le degré d'autonomie dans l'organisation de l'emploi du temps.
L'amendement qui a été présenté par M. Souvet ne consiste pas, à l'évidence, en une simple réécriture. Il vise à faire disparaître l'un des critères, celui de la nature des fonctions exercées. Ce n'est pas un hasard, puisque ce critère est en lien direct avec les classifications professionnelles, ainsi qu'avec le niveau des rémunérations pratiquées dans les branches.
Nous aboutissons donc à une forme de tautologie dans la définition des cadres autonomes, qui pourrait se résumer ainsi : les cadres autonomes sont autonomes parce qu'ils organisent leur emploi du temps de façon autonome ! On ne peut être plus direct et plus efficace pour faire passer au forfait en jours un maximum de cadres.
Si l'on combine cette disposition avec la restriction drastique prévue par le texte pour la définition des cadres intégrés, on aboutit à une extension prometteuse de la notion de cadres autonomes... Il est clair que la norme, dans l'esprit du patronat, doit maintenant être l'autonomie. Il s'agit en quelque sorte de faire payer aux cadres le régime social plus favorable dont ils bénéficient, ainsi que le caractère unique, en Europe, de leur catégorie, en permettant un allongement indéfini de leur temps de travail.
En termes sociaux, cette disposition est inacceptable. En effet, les cadres sont des salariés comme les autres. Dans le passé, leur niveau de responsabilités a conduit à leur permettre, si l'on peut dire, de cotiser davantage pour bénéficier d'avantages sociaux supplémentaires.
Aujourd'hui, l'organisation taylorienne du travail étant obsolète, le patronat, ce n'est pas un mystère, souhaite la déliquescence de ce statut et la fin des avantages spécifiques qui y sont liés. Mais il entend également, et vous le suivez sur ce point, monsieur le rapporteur, profiter des particularités de ce statut, s'agissant de la durée du travail, pour étendre au maximum la portée des dispositions qui seront à son avantage. Il en est ainsi de l'imprécision inhérente au forfait annuel en jours, qui fait que ces salariés sont aujourd'hui moins protégés que les autres et peuvent se voir contraints de travailler treize heures par jour et six jours par semaine. (M. Jean-Pierre Godefroy acquiesce.)
Un cadre peut ainsi terminer sa semaine le samedi à vingt et une heures et reprendre le lundi matin à huit heures.
M. Paul Blanc. Comme les élus !
M. Gilbert Chabroux. Il va de soi que cela constitue un réel danger pour la santé et la sécurité de ces salariés.
Les conclusions des études menées sur ce point sont maintenant assez claires et concordantes : le stress auquel sont soumis les cadres du fait de charges de travail excessives amène le développement de pathologies, de comportements de dépendance, y compris psychologique. Il est donc de la responsabilité du législateur de se préoccuper de cette situation, et non de risquer de l'aggraver par une législation complaisante pour déboucher à terme sur un véritable problème de santé publique. (Murmures sur les travées du RPR.)
M. Jacques Peyrat. C'est Zola !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Les arguments que nos collègues de l'opposition viennent de présenter contre cet amendement ne me semblent pas fondés.
En premier lieu, ils ont affirmé que les cadres sont opposés au dispositif proposé. Or, sur le terrain, on constate que ce sont avant tout, pour ne pas dire exclusivement, les cadres qui jugent que la réduction du temps de travail a amélioré leur vie quotidienne. (Mais oui ! sur les travées socialistes.) Cela ressort clairement d'une enquête de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, que je tiens à votre disposition, mes chers collègues.
M. Gilbert Chabroux. Ce n'est pas une honte !
M. Louis Souvet, rapporteur. Aujourd'hui, ce sont environ 50 % des cadres qui ont opté pour le régime du forfait annuel en jours.
En second lieu, nos collègues de l'opposition ont soutenu que le dispositif prévu par l'amendement n'apporte aucune garantie aux salariés. Or le passage au forfait annuel en jours ne peut être imposé ; cela exige un accord collectif avec des garanties fortes : soit un accord de branche étendu, soit un accord d'entreprise n'ayant pas fait l'objet d'une opposition. L'application du forfait en jours est donc liée à la conclusion d'un accord entre les partenaires sociaux.
J'observe d'ailleurs que cela permettrait de renforcer la capacité de négociation des syndicats de salariés, qui ont souvent obtenu un nombre de jours de travail inférieur au seuil légal de 217 jours. Il y a donc matière pour des accords « gagnant-gagnant », et les conditions d'emploi des cadres soumis au régime du forfait annuel en jours déjà posées par la loi ne sont pas modifiées.
MM. Paul Blanc et Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)
En conséquence, l'amendement n° 128 n'a plus d'objet.
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après le troisième alinéa (2°) du VII de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Dans la première phrase du deuxième alinéa du III, les mots : "ne sont pas soumis", sont remplacés par les mots : "sont soumis". »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise, afin d'éviter des durées de travail manifestement trop longues, à appliquer aux cadres soumis au régime du forfait annuel en jours les maxima de droit commun.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Il n'est pas utile de revenir sur le régime du forfait en jours instauré par la loi du 19 janvier 2000. La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le VII de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° La cinquième phrase du premier alinéa du III est complétée par les mots : ", ainsi que les temps de repos hebdomadaire garantissant une durée raisonnable de travail compatible avec la protection de la santé physique et morale des salariés concernés et le respect d'un équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Il nous faut, j'y reviens, garantir aux cadres une durée raisonnable du travail, compatible avec la protection de leur santé physique et morale et le respect d'un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Elle partage le souci de ses auteurs de la santé des salariés, s'agissant notamment des cadres soumis au régime du forfait annuel en jours, mais l'amendement présenté relève plus de la déclaration de principe que de la disposition normative.
En outre, j'indiquerai à nos collègues que si la santé des cadres leur tient tellement à coeur, je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas proposé d'inclure une précision de cette nature dans la loi du 19 janvier 2000.
M. Gilbert Chabroux. On n'allait pas aussi loin à l'époque ! Tout est changé maintenant !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission sur ce sujet. La législation prévoit déjà que les cadres en question se voient notamment appliquer les règles relatives aux repos quotidien et hebdomadaire.
Je ne suis donc pas favorable à l'adoption de l'amendement n° 57.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Joly, est ainsi libellé :
« Compléter le VII de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Dans la première phrase du troisième alinéa du III, les mots : "conventions de forfait", sont remplacés par le mot : "forfaits". »

La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Par coordination, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 20 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter le VII de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« 3 ° Le III est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« La convention ou l'accord collectif mentionné au premier alinéa du présent paragraphe peut également préciser que les conventions de forfait en jours sur l'année sont applicables aux salariés itinérants non-cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. »
Le sous-amendement n° 141, présenté par M. Joly, est ainsi libellé :
« I. Dans le texte proposé par l'amendement n° 4, après les mots : "itinérants non-cadres", insérer les mots : "et aux salariés assurant le montage sur chantier".
« II. Dans le même texte, après le mot : "prédéterminé", remplacer le mot : "et" par le mot : "ou". »
Les amendements identiques n°s 21, présenté par M. Joly, et n° 139 rectifié, présenté par MM. Lorrain et Arnaud, sont ainsi libellés :
« Compléter le VII de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« ... : Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'accord peut également préciser que les conventions de forfait en jours sont applicables aux salariés itinérants non-cadres et aux salariés assurant le montage sur chantier dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée ou qui organisent eux-mêmes leur emploi du temps, en fonction des seules contraintes imposées par les clients, pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. »
L'amendement n° 129, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le VII de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° - Après la quatrième phrase du premier alinéa du III sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Peuvent être concernés les salariés itinérants non-cadres dont la nature des fonctions implique une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. La convention ou l'accord définit ces salariés non-cadres itinérants. »
La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 4.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à permettre à des salariés itinérants non-cadres de relever du régime du forfait annuel en jours.
Actuellement, le code du travail les autorise à relever du forfait annuel en heures. Cette possibilité demeure insuffisante, selon nous, compte tenu de la nature particulière de leur activité, pour laquelle le décompte du temps de travail en heures se révèle souvent très difficile, pour ne pas dire impossible, à effectuer. Aussi paraît-il souhaitable de leur ouvrir, comme aux cadres, le bénéfice du régime du forfait annuel en jours, même si, bien entendu, cette solution exige la conclusion d'un accord collectif n'ayant pas fait l'objet d'une opposition.
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly pour présenter le sous-amendement n° 141.
M. Bernard Joly. Il faut pouvoir gérer en jours les salariés itinérants non-cadres et monteurs sur chantiers, sous peine de laisser le plus souvent dans l'illégalité la gestion des salariés qui, par hypothèse, ne peuvent faire l'objet d'un horaire prédéterminé, sauf à abandonner le chantier en milieu de semaine ou la réparation en cours.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Ce sous-amendement vise à étendre largement la proposition de la commission, ce qui est sans doute un peu excessif. Je crois nécessaire de nous en tenir à la position médiane qui a été fixée initialement. Cela étant dit, la commission souhaite entendre M. le ministre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Il s'agit d'un sujet très important, sur lequel il convient de ne pas se tromper.
D'abord, en droit, la directive européenne du 23 novembre 1993 n'autorise des dérogations aux durées du travail que pour les cadres dirigeants ou pour des personnes ayant un pouvoir de décision autonome, ce qui n'est évidemment pas le cas des itinérants non-cadres.
Ensuite, je ne peux oublier ce que m'ont dit les partenaires sociaux.
M. Guy Fischer. Ah !
M. François Fillon, ministre. L'opposition nous a souvent reproché de ne pas avoir obtenu l'accord des partenaires sociaux sur toutes les dispositions que nous présentons, et je m'en suis expliqué. Mais, comme je l'ai dit, une concertation a eu lieu sur ce texte et un certain nombre de limites ont été fixées. Vous le savez peut-être, la question du régime des itinérants non-cadres a été l'un des points évoqués avec eux lors de la concertation du mois d'août dernier. Ce qui m'a alors été dit a convaincu le Gouvernement et le Premier ministre, et je souhaite vous le faire partager.
Les organisations syndicales soulignent unanimement les risques, pour des salariés non-cadres, du recours au forfait en jours, c'est-à-dire d'une absence de limite horaire à la durée du travail. Ces salariés, vous le savez, n'ont pas les contreparties offertes aux cadres, notamment en matière de rémunération.
Enfin, monsieur le rapporteur, une prise en compte des contraintes pratiques des itinérants non-cadres vient d'intervenir, sur ma proposition, grâce au décret qui porte sur les contingents, puisqu'un accord collectif peut prévoir un forfait horaire annuel pour les itinérants non-cadres. Je crois que cela répond, pour l'essentiel en tout cas, à votre préoccupation.
Compte tenu de l'importance de cette question dans la négociation qui a eu lieu entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, je demande à M. le rapporteur de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Joly pour présenter l'amendement n° 21.
M. Bernard Joly. Les explications que j'ai données pour présenter le sous-amendement n° 141 valent également pour l'amendement n° 21.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain pour présenter l'amendement n° 139 rectifié.
M. Jean-Louis Lorrain. J'ai été sensible aux propos de M. le ministre. Néanmoins, je me range à l'avis de la commission.
M. le président. La parole est à M. Marini pour présenter l'amendement n° 129.
M. Philippe Marini. Je retire cet amendement car il me semble satisfait par l'amendement n° 4 de la commission.
M. le président. L'amendement n° 129 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 21 et 139 rectifié ?
M. Louis Souvet, rapporteur. J'avais prévu de demander le retrait de ces amendements au profit de l'amendement n° 4. Mais, compte tenu des propos de M. le ministre, mes collègues savent à quoi s'en tenir.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 4 est-il maintenu.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je suis sensible aux arguments développés par M. le ministre. En aucun cas, la commission ne saurait créer des difficultés dans les négociations entre les partenaires sociaux et le Gouvernement.
M. Guy Fischer. Oh ! là ! là !
M. Louis Souvet, rapporteur. Elle retire donc cet amendement, mais elle le fait à regret, car elle avait songé à y arrimer aussi les monteurs sur chantier, catégorie tout à fait semblable à celle qui était visée.
M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 141 n'a plus d'objet.
Monsieur Joly, l'amendement n° 21 est-il maintenu ?
M. Bernard Joly. J'ai cru comprendre, à travers les propos de M. le ministre, que cet amendement était satisfait. Aussi, je le retire. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. L'amendement n° 21 est retiré.
Monsieur Jean-Louis Lorrain, l'amendement n° 139 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Lorrain. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 139 rectifié est retiré.
L'amendement n° 58, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le VII de cet article par les deux alinéas ainsi rédigés :
« ... Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les accords ou conventions étendus ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement prévus au présent article qui prévoient des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, doivent être signés par une ou des organisations syndicales représentatives et majoritaires dans la branche ou dans l'entreprise ou l'établissement dans des conditions fixées par un accord national interprofessionnel et reprises par décret. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Il s'agit, là encore, de la règle de l'accord majoritaire. Je me suis largement exprimé sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit de la réforme du droit de la négociation collective, dont nous avons déjà parlé. La commission maintient sa position. Elle émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Même avis : défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de dix amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 59 est présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 99 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le VIII de cet article. »
L'amendement n° 5, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après le 2° du VIII de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 2° bis A Au quatrième alinéa, les mots : "la conversion de" et les mots : "en jours de congé supplémentaires" sont supprimés. »
L'amendement n° 22 rectifié, présenté par M. Joly, est ainsi libellé :
« Après le 2° bis du VIII de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° A la seconde phrase du huitième alinéa, après les mots : "peuvent être utilisées" sont ajoutés les mots : "; par anticipation ou a posteriori ;". »
L'amendement n° 130, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
« Après le 2° bis du VIII de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« ...° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une fraction de l'épargne constituée au sein du compte épargne-temps peut, sur décision de chaque salarié, être transférée sur un plan d'épargne mis en place au sein de l'entreprise en application des articles L. 443-1, L. 443-1-1 ou L. 443-1-2. La fraction de l'épargne susceptible d'être transférée ne peut excéder annuellement 10 % de la rémunération annuelle. »
« ...° Au onzième alinéa, après les mots : "filiale du même groupe", sont insérés les mots : "les conditions de transferts de l'épargne constituée dans un plan d'épargne". »
L'amendement n° 132, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
« Après le 2° bis du VIII de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Dans la première phrase du neuvième alinéa les mots : "deux mois" sont remplacés par les mots : "six mois". Dans la deuxième phrase du même alinéa, le mot : "modifiée" est remplacé par les mots "augmentée ou réduite". »
L'amendement n° 6, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter le VIII de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigé :
« Les droits à congés payés affectés au compte épargne-temps peuvent être valorisés en argent dans la limite de cinq jours par an. »
L'amendement n° 133, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le VIII de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Le onzième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « la valorisation en temps ou en argent des éléments affectés au compte épargne-temps ne peut entraîner l'application des dispositions de la section III du chapitre II du présent titre. »
L'amendement n° 134, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le VIII de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
« ...° Le onzième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "La convention ou l'accord collectif détermine également les mesures prises afin de sécuriser l'engagement de l'entreprise, notamment par la souscription d'un contrat d'assurance auprès de l'un des organismes visés à l'article 1 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989."
« ...° Il est ajouté in fine un alinéa ainsi rédigé :
« Les provisions constatées au bilan des sociétés ainsi que les primes versées aux organismes visés au onzième alinéa ne sont pas des rémunérations au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. Les primes versées auxdits organismes sont des dépenses de personnel au sens du 1° du 1 de l'article 39 du code général des impôts. »
L'amendement n° 60, présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le VIII de cet article par deux aliénas ainsi rédigés :
« ... ° Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les accords ou conventions étendus ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement visés au présent article qui prévoient la création d'un compte épargne-temps doivent être signés par une ou des organisations syndicales représentatives et majoritaires dans la branche ou dans l'entreprise ou l'établissement dans des conditions fixées par un accord national interprofessionnel et reprises par décret. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux pour présenter les amendements n°s 59 et 60.
M. Gilbert Chabroux. Le paragraphe VIII prévoit de monétariser le compte épargne-temps. Or ce compte vise à permettre aux salariés de capitaliser des jours de congé, en nombre limité, et des éléments de rémunération, primes, intéressement. Les congés doivent être pris dans un délai de cinq ans, dix ans si le salarié a un enfant de moins de seize ans ou un parent dépendant ou âgé de plus de soixante-quinze ans.
Le projet de loi dispose que le salarié pourra désormais utiliser le compte épargne-temps non seulement pour y placer des jours de congé récupérables, mais aussi pour se constituer une épargne. L'objectif qui consiste à promouvoir des dispositifs d'épargne est clair, mais il se heurte à plusieurs objections.
La capitalisation des jours de congé et la comptabilisation de sommes d'argent sont des modes différents. En effet, la valeur monétaire risque d'être rongée par l'inflation, alors que les jours ont une valeur immuable. Pourquoi les salariés capitaliseraient-ils des sommes qui ne leur rapporteront pas d'intérêts et ne bénéficieront d'aucune défiscalisation à l'entrée ou à la sortie ?
Cela constitue également un réel problème pour l'entreprise, qui doit constituer des provisions.
Enfin, la récupération en argent ne répond pas à la même philosophie que la récupération en jours, puisqu'elle conduit de facto le salarié à se priver de congés.
C'est pourquoi nous souhaitons, par l'amendement n° 59, supprimer le paragraphe VIII de l'article 2.
Quant à l'amendement n° 60, il concerne la règle de l'accord majoritaire, que nous souhaiterions voir appliquée.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau pour défendre l'amendement n° 99. M. Roland Muzeau. Nous présentons un amendement visant à supprimer la disposition relative au compte épargne-temps. Pour la majorité, la monétarisation du compte épargne-temps est essentielle et offre des garanties suffisantes. Pour notre part, nous considérons que la conversion en argent d'un crédit de temps est contraire à l'objet du compte épargne-temps.
Lors de son audition par la commission, Mme Michelle Biaggi de CGT-Force ouvrière a estimé très justement que cette « monétarisation risquait d'entraîner une série de dérives : substitution à des augmentations de salaire, tentative de capitalisation dans le cadre de la retraite ». Ces craintes sont largement partagées par la CGT.
Les jours de RTT affectés au compte épargne-temps ne seront pas des jours de congé effectifs, ce qui, vous en conviendrez, joue non seulement contre l'emploi, mais aussi contre la protection de la santé au travail. De surcroît, leur paiement sera différé. Cela revient à faire des heures supplémentaires non majorées et à crédit !
Sur le fond, nous sommes opposés à cet article.
Par ailleurs, votre texte ne semble pas abouti, comme en témoignent les amendements de la commission des affaires sociales. Aucun mécanisme de provision n'est prévu pour garantir aux salariés le versement des droits acquis. Rien n'est dit concernant le régime fiscal.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour présenter les amendements n°s 5 et 6.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 5 est un simple amendement de coordination.
L'amendement n° 6 vise à préciser les conditions de valorisation en argent des droits à congés payés affectés au compte épargne-temps.
A l'heure actuelle, le compte peut être alimenté chaque année par le report de dix jours de congés payés et, le cas échéant, par le report de la cinquième semaine de congés payés pour les salariés qui souhaitent prendre un congé sabbatique ou un congé pour création d'entreprise.
Dès lors, il paraît nécessaire de n'autoriser la monétarisation de ces congés payés que dans la limite d'une semaine, afin de garantir au salarié le bénéfice d'un congé payé annuel d'au moins quatre semaines, conformément à la directive européenne du 23 novembre 1993.
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly pour présenter l'amendement n° 22 rectifié.
M. Bernard Joly. Cet amendement concerne le décompte du temps de travail sur une période plus large que l'année pour les entreprises dont l'activité est soumise à des variations pluriannuelles.
Le temps de travail peut être décompté sur l'année dans les entreprises qui ont à faire face à des variations de leur charge de travail. Cependant, le cycle de ces variations est, pour certaines d'entre elles, plus large que l'année et peut s'étaler sur deux ou trois ans.
Pour prendre en compte cette contrainte, la loi autorise aujourd'hui les entreprises à affecter à un compte épargne-temps les heures effectuées au-delà de l'horaire annuel, dans la limite de cinq jours par an, pour ensuite affecter ces heures à une baisse d'activité postérieure à l'affectation des heures au compte. Le dispositif ne peut fonctionner que si les baisses d'activité d'une année sont postérieures à une hausse d'activité.
Toutefois, les baisses d'activité sont parfois antérieures aux hausses. Dans ce cas, le recours aux heures excédentaires de l'année à venir n'est pas possible et les salariés sont mis en chômage partiel. Pour donner plus de souplesse aux entreprises et pour éviter le recours au chômage partiel, il conviendrait de prévoir que les heures qui excèdent l'horaire annuel d'une année donnée puissent être affectées à une baisse d'activité antérieure à cette année.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini pour présenter les amendements n°s 130, 132, 133 et 134.
M. Philippe Marini. Nous abordons un domaine financier, et je suis donc un peu plus à l'aise que quand il s'agit de la législation du travail au sens strict, monsieur le rapporteur. En l'occurrence, il s'agit du compte épargne-temps.
Ce compte a pour objet, si j'ai bien compris votre texte, monsieur le ministre, de constituer non seulement des droits à congé rémunéré, mais également une épargne.
Je propose, par l'amendement n° 130, de lier ce dispositif à celui de l'épargne salariale. Il existe de nombreux textes législatifs régissant l'épargne salariale et, en particulier, les plans d'épargne.
Cet amendement vise à permettre le transfert de droits sur un plan d'épargne de manière à faire bénéficier les détenteurs de cette épargne des avantages attachés à ces plans. Il s'agit d'instaurer un lien entre deux dispositifs qui peuvent être de portée voisine et je vois là, monsieur le ministre, une opportunité d'élargir sur ces sujets la négociation sociale dans l'entreprise.
L'amendement n° 132 tend à permettre aux salariés de se constituer une épargne à long terme pour éviter qu'ils ne soient contraints de liquider leurs congés au titre du compte épargne-temps en cours de carrière et pour leur permettre de bénéficier sur le long terme des sommes ainsi accumulées, le cas échéant, de les transformer en dispositif de préparation de la retraite.
Quant à l'amendement n° 133, il vise à améliorer la sécurité juridique. Il me paraît concevable que des actions judiciaires aient lieu pour faire reconnaître que les jours placés sur le compte épargne-temps donnent lieu à l'application des règles relatives, notamment, aux heures supplémentaires. Un risque existait déjà, mais il m'a paru accru par le fait que le texte qui nous est soumis donne la possibilité au salarié de sortir du compte épargne-temps par le prélèvement des sommes figurant sur son compte.
Enfin, l'amendement n° 134 a une portée essentiellement comptable et fiscale.
La convention ou l'accord collectif détermine les mesures prises afin de sécuriser l'engagement de l'entreprise. Celle-ci peut, en particulier, à ce titre, souscrire un contrat d'assurance. Il me paraît utile de le préciser dans le texte.
Il me paraît également utile d'indiquer que les provisions constatées au bilan des sociétés ainsi que les primes versées aux organismes d'assurance ne sont pas des rémunérations, lesquelles sont assujetties aux cotisations sociales, et que les primes versées aux organismes d'assurance sont des dépenses de personnel au sens du 1° de l'article 39 du code général des impôts.
Je conclurai en disant que le compte épargne-temps est un excellent dispositif. C'est un dispositif de souplesse qui va pouvoir être utilisé à bon escient par les salariés, par les partenaires sociaux. C'est en quelque sorte un espace de liberté supplémentaire que l'on offre à la négociation sociale et cela me paraît être l'une des innovations les plus significatives de ce projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Les amendements n°s 59 et 99, qui tendent à supprimer le VIII de l'article 2, sont incompatibles avec les amendements n°s 5 et 6. La commission y est donc défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 22 rectifié, la commission ne pense pas souhaitable d'autoriser l'utilisation du compte épargne-temps par anticipation et a fortiori dans le cadre de sa gestion collective sur l'initiative de l'employeur. Elle a donc émis un avis défavorable.
Sur l'amendement n° 130, la commission a également émis un avis défavorable au motif que ce texte introduit une liaison entre les plans d'épargne salariale et le compte épargne-temps. Il n'apparaît pas souhaitable d'alimenter les plans d'épargne salariale par du temps, car cela modifierait substantiellement non seulement leur nature mais aussi et surtout leur philosophie par une fragilisation de l'idée participative.
En ce qui concerne l'amendement n° 132, la commission craint que, en limitant les conditions d'utilisation du compte épargne-temps, on n'apporte une nouvelle contrainte inutile pour son utilisation. La commission souhaite donc que M. Marini retire cet amendement.
A propos de l'amendement n° 133, la commission aimerait connaître l'avis du Gouvernement.
Cet amendement pose un problème d'intelligibilité immédiate. La référence à la section III du chapitre II du présent titre paraît en effet erronée. Sans doute vise-t-il en fait le titre I du livre II du code du travail. Il y a donc un problème de référence, sur lequel nous aimerions obtenir des éclaircissements.
De même, la commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 134, dont le caractère très financier dépasse les compétences de la commission, celles de son rapporteur notamment.
Enfin, l'amendement n° 60 a reçu un avis défavorable. Il s'agit toujours de la négociation collective dont on a déjà beaucoup parlé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Sur les amendements n°s 59 et 99, qui visent à supprimer la faculté d'utiliser le compte épargne-temps comme une épargne, le Gouvernement a évidemment émis un avis défavorable. Le projet de loi présente en effet des garanties tout à fait suffisantes de nature à éviter tout usage abusif de la monétarisation du compte épargne-temps.
Permettez-moi de rappeler ces garanties.
D'abord, le compte épargne-temps n'est pas un dispositif susceptible d'être mis en place unilatéralement par l'employeur. Il doit résulter d'un accord de branche étendu ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement. Le projet de loi renforce les exigences quant à cet accord collectif puisqu'il précise que les accords d'entreprise peuvent faire l'objet d'une opposition par les syndicats majoritaires.
Ensuite, la monétarisation du compte épargne-temps ne constitue qu'une faculté ouverte à la négociation collective et les partenaires sociaux peuvent encadrer les conditions et les modalités suivant lesquelles cette faculté s'exerce.
Enfin, le compte épargne-temps reste un dispositif facultatif pour le salarié. Celui-ci décide de l'utiliser ou non et choisit les éléments qu'il souhaite affecter dans son compte.
Il me semble donc que les craintes exprimées par les auteurs des amendements n°s 59 et 99 ne sont pas fondées.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 5.
En revanche il est défavorable à l'amendement n° 22 rectifié. En effet, l'article L. 227-1 relatif au compte épargne-temps laisse déjà aux entreprises la faculté de se ménager une gestion pluriannuelle des heures supplémentaires. Il appartient à l'accord collectif de préciser les modalités selon lesquelles les jours affectés sur le compte épargne-temps peuvent être utilisés à titre individuel ou collectif.
La logique d'anticipation qui prévaut dans cet amendement ne me paraît pas suffisamment précisée. Une certaine anticipation est d'ores et déjà possible puisque, dans le cas où une option collective est prévue par l'accord, l'employeur peut, en cas de baisse d'activité, planifier des jours de repos indemnisés par le biais du compte épargne-temps.
Cependant, si l'objectif est d'autoriser la prise de jours de repos avant même que ne soit constituée l'épargne-temps correspondante, on entre alors dans une logique de prêt qui ne m'apparaît pas souhaitable.
L'idée émise par M. Marini dans l'amendement n° 130 est évidemment intéressante : il s'agit de lier plus étroitement le dispositif du compte épargne-temps aux dispositifs d'épargne salariale, plans d'épargne entreprise et plans d'épargne inter-entreprise, afin que les salariés puissent bénéficier des droits attachés à ces plans.
Toutefois, monsieur Marini - vous allez trouver le Gouvernement trop prudent - cette idée me paraît un peu prématurée. En effet, elle vient compléter les dispositions établies par la loi du 19 février 2001 relative à l'épargne salariale, loi très récente, dont le bilan n'est pas encore disponible. Or l'application de cet amendement aurait un certain nombre d'incidences fiscales et sociales qui nécessitent, me semble-t-il, une évaluation préalable.
Au demeurant, monsieur Marini, je suis tout à fait disposé à approfondir ce débat, en particulier avec l'appui du Conseil supérieur de la participation, qui a été trop peu souvent réuni ces derniers temps ; ce n'est pas M. Chérioux qui en est membre depuis l'origine, en 1994, qui me démentira. Je vais donc réunir les membres de cet organisme, puisque c'est de ma responsabilité, pour proposer la mise à l'étude de dispositions allant dans le sens souhaité par M. Marini. En attendant, je pense que celui-ci voudra bien retirer son amendement.
Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 132. En l'état actuel du droit, il est déjà possible, par accord collectif, de modifier à la hausse ou à la baisse la durée minimale de congé nécessaire pour utiliser le compte et au-delà de laquelle se calcule le délai maximum d'épargne avant l'utilisation du compte.
En outre, en cas d'utilisation d'une partie du crédit accumulé, le délai d'utilisation maximum ne recommence à courir, pour le solde, qu'à compter du moment où le nombre de jours restant sur le compte correspond à nouveau à la durée minimale prévue.
Compte tenu de ces éléments, l'enjeu que constitue la définition de la durée minimale d'épargne valant à défaut de clause conventionnelle contraire n'apparaît pas suffisamment important pour modifier une donnée qui a déjà fait l'objet d'une modification avec la loi du 19 janvier 2000.
En effet, la durée minimale, qui était initialement de six mois, a été réduite à deux mois par cette loi. Il convient, me semble-t-il, de limiter ces mouvements de va-et-vient qui donnent un sentiment d'insécurité juridique.
Quant à l'amendement n° 6 visant à permettre la monétarisation des congés payés versés dans le compte épargne-temps dans la limite d'une semaine, le Gouvernement y est favorable.
En revanche, le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 133, qui tend à exclure l'application du régime des heures supplémentaires aux jours de repos affectés dans le compte épargne-temps.
En effet, la décision d'abonder le compte épargne-temps de jours de repos procède d'une démarche individuelle et volontaire du salarié. En conséquence, l'affectation des jours de repos sur le compte épargne-temps est neutre au niveau du décompte des heures supplémentaires. La durée annuelle au-delà de laquelle s'applique le régime des heures supplémentaires est, dans ce cas, réévaluée à la hausse, afin de tenir compte des repos non pris et affectés au compte épargne-temps.
En outre, la rédaction proposée par l'amendement, qui fait référence à l'ensemble de la section III du chapitre II, me paraît trop large puisqu'elle englobe notamment les articles relatifs à la modulation et à la réduction du temps de travail sous forme de jours de repos.
Le Gouvernement n'est pas favorable non plus à l'amendement n° 134 visant à sécuriser le passif social de l'entreprise ainsi que sa situation sociale et fiscale par rapport à la gestion du compte épargne-temps. Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous exposer un peu longuement les raisons de mon opposition car il s'agit d'une question technique importante.
Cet amendement tend en effet à prévoir une clause dans les accords relatifs au compte épargne-temps visant à déterminer les mesures prises afin de garantir l'engagement de l'entreprise, notamment par la souscription d'un contrat d'assurance. Or la loi prévoit déjà, vous le savez, des garanties par le biais du système de l'AGS. De plus, des accords ont déjà prévu des clauses visant à répondre à cet objectif. Il m'a donc semblé inutile de créer une nouvelle clause obligatoire qui serait contraignante pour les négociateurs.
L'amendement n° 134 vise également à prévoir le non-assujettissement aux cotisations de sécurité sociale des sommes provisionnées dans le cadre des actions de formation.
Selon moi, il n'y a pas lieu de prévoir cette mesure, car le fait générateur de l'assujettissement à cotisations est constitué par le versement d'une rémunération, quelle que soit sa nature, en l'espèce une indemnité compensatrice. Celle-ci devra être soumise à cotisations et à contributions sociales lors du versement effectif des indemnités compensatrices aux salariés.
S'agissant des primes de formation versées dans le cadre du compte épargne-temps, il ne serait pas équitable, me semble-t-il, de prévoir pour elles un dispositif dérogatoire. Ces sommes se substituant à un congé qui aurait été payé au salarié, elles constituent une contrepartie du travail. Les indemnités compensatrices, quelles qu'en soit l'utilisation, restent des sommes épargnées en contrepartie du travail et, au fond, peu importent les modalités d'utilisation du compte épargne-temps.
En ce qui concerne l'amendement n° 60, relatif à l'accord majoritaire, le Gouvernement émet un avis défavorable pour les raisons déjà exposées.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 59 et 99.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Marini, les amendements n°s 130 et 132 sont-ils maintenus ?
M. Philippe Marini. En ce qui concerne l'amendement n° 130, je remercie M. le ministre d'avoir envisagé la réunion prochaine du Conseil supérieur de la participation. Le problème doit effectivement pouvoir lui être soumis. Dans ces conditions, je retire cet amendement n° 130, en attendant de connaître le contenu des discussions qui se seront déroulées alors au sein du Conseil.
Je retire également l'amendement n° 132, qui ne semble pas, au regard du droit existant, strictement nécessaire.
J'indique tout de suite, monsieur le président, que je ne crois pas non plus devoir maintenir l'amendement n° 133, compte tenu des explications du Gouvernement.
En revanche, j'avoue ne pas avoir bien intégré tous les éléments de la réponse que j'ai reçue à propos de l'amendement n° 134. Considérant que demeure un risque pour le statut fiscal des sommes en cause, à ce stade, je le maintiens.
M. le président. Les amendements n°s 130, 132 et 133 sont retirés.
La parole est à M. Gilbert Chabroux pour explication de vote sur l'amendement n° 6.
M. Gilbert Chabroux. Selon la législation, dix jours de congés payés peuvent être placés sur un compte épargne-temps. Le rapporteur propose que seuls cinq jours puissent être monétarisés. Pour nous, c'est encore trop.
Je répète que le compte épargne-temps a pour objectif la constitution d'une épargne en jours, dans une perspective d'amélioration de la vie du salarié et de sa famille, pour faciliter la prise de congés et, éventuellement, pour suivre une formation.
La législation a d'ailleurs érigé des barrières afin que les salariés ne puissent être eux-mêmes tentés de placer un nombre excessif de jours de congés ou de repos compensateur sur le compte épargne-temps, ou fermement invités à le faire. De même, des délais de récupération de ces jours ont été fixés.
Nous sommes donc résolument opposés à la monétarisation qui non seulement implique que l'entreprise fasse des provisions mais encore n'est pas réalisée au profit du salarié, comme le prévoit l'article L. 227-1 du code du travail. En effet, la transformation des jours en argent récupérable à terme et sans intérêts constitue en réalité une perte pour le salarié puisque l'inflation, même faible, viendra grignoter son épargne.
Par ailleurs, une épargne en argent ne peut alimenter des jours de formation, sauf à considérer que le salarié devra co-investir dans sa formation non seulement en épargnant du temps, mais aussi en la finançant en partie avec l'argent du compte épargne-temps.
Nous voterons donc contre cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission sur l'amendement n° 134.
M. Nicolas About, président de la commission. Je voudrais demander à mon tour à notre collègue Philippe Marini d'envisager le retrait de son amendement n° 134, car le dispositif qu'il propose revient tout de même à soustraire un certain nombre d'équivalents du travail aux cotisations sociales, ce qui n'est certainement pas conforme à sa volonté.
Il ne faudrait pas que ce mécanisme apparaisse comme un moyen détourné d'échapper à la règle qui s'applique pour le fruit du travail.
M. le président. Monsieur Marini, vous qui connaissez mieux que quiconque, en tant que rapporteur général, ce que peut signifier l'appel émanant d'une commission, quelle est votre réponse ? (Sourires.)
M. Philippe Marini. Monsieur le président, c'est comme sénateur de base que je vais répondre. (Nouveaux sourires.)
J'ai quelque peine à admettre qu'une prime d'assurance puisse être assujettie aux cotisations sociales, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Il serait en effet inédit qu'une prime d'assurance soit assimilée au fruit du travail, comme dit excellemment M. le président de la commission des affaires sociales.
Peut-être la navette permettra-t-elle de préciser ce point.
S'agissant de ce qui est contrepartie du travail, substitut d'une rémunération, je suis entièrement d'accord avec M. About.
En revanche, s'agissant d'une prime d'assurance, qu'il me pardonne, je ne peux pas aller aussi loin que lui.
C'est la seule raison, purement technique, pour laquelle je vais maintenir cet amendement, espérant que, quel que soit son sort, on voudra bien examiner ce problème ultérieurement afin d'y apporter la solution qu'il mérite.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission. Je souhaite que la navette nous apporte effectivement de la clarté, mais je demande simplement à M. Marini de ne pas en vouloir à la commission si elle appelle à voter contre son amendement.
M. Philippe Marini. Je le comprends parfaitement !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 131, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
« Compléter in fine cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
« ... - Au huitième alinéa de l'article L. 443-1-1, après les mots : "champ de l'accord", sont insérés les mots : "les sommes transférées d'un compte épargne-temps".
« ... - Au premier alinéa de l'article L. 443-2 après les mots : "auxquels il participe", sont insérés les mots : ", transferts des sommes d'un compte d'épargne-temps inclus,". »
La parole est à M. Philippe Marini. M. Philippe Marini. Il s'agit du lien éventuel à envisager entre le compte épargne-temps et divers dispositifs de l'épargne salariale. Compte tenu de la réponse qui m'a été apportée tout à l'heure par M. le ministre, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 131 est retiré.
L'amendement n° 145, présenté par M. Souvet, au nom de la commission est ainsi libellé :
« I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« B. - Les contingents conventionnels d'heures supplémentaires négociés, en application du deuxième alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail, antérieurement à la date de publication de la présente loi reçoivent plein effet en matière d'ouverture du droit à repos compensateur obligatoire, dans la limite du contingent réglementaire prévue au premier alinéa du même article. »
« II. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "A. -". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à préciser l'impact de la future loi sur l'équilibre général des accords actuellement applicables s'agissant du déclenchement du repos compensateur obligatoire.
Le projet de loi prévoit, en effet, que ce sera désormais le franchissement du contingent conventionnel, et non plus du contingent réglementaire, qui déclenchera le repos compensateur obligatoire.
Dès lors, se pose nécessairement la question du sort des accords qui avaient fixé des contingents sur la base d'une législation antérieure, question qui n'est pas abordée à l'article 13, relatif à la sécurisation. Il est vrai que les accords restent le plus souvent muets sur ce point, n'évoquant pas le repos compensateur obligatoire et ne faisant pas ressortir clairement l'intention des partenaires sociaux sur ce sujet.
Le nouveau seuil de déclenchement leur est-il automatiquement applicable ? Mais, dans ce cas, n'y aurait-il pas bouleversement de l'équilibre général de l'accord susceptible d'en entraîner la dénonciation et, par conséquent, la renégociation ? Ce n'est pas forcément souhaitable, car les accords ont souvent trouvé des équilibres délicats, que le législateur se doit de respecter,
A l'inverse, peut-on raisonnablement imaginer que les nouvelles dispositions du projet de loi ne s'appliquent pas aux accords déjà conclus ? Ce serait alors restreindre, sans doute à l'excès, la portée de la loi.
Cet amendement vise à dissiper cette insécurité juridique en proposant une réponse équilibrée à ces questions. Il prévoit de limiter la portée des contingents conventionnels actuels en matière de déclenchement du repos compensateur au niveau du contingent supplémentaire, soit 180 heures.
En clair, si le contingent conventionnel est inférieur à 180 heures, le repos compensateur se déclenchera dès le franchissement du contingent conventionnel. Si le contingent conventionnel est supérieur à 180 heures, le repos se déclenchera à partir de 180 heures. La commission a estimé que cette solution était la seule à même de concilier, au nom de l'intérêt général, l'exigence de sécurité juridique et le respect de l'équilibre des accords déjà conclus.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui tend lever la difficulté que posent les contingents coventionnels négociés avant l'entrée en vigueur du présent texte.
Il s'agit non seulement d'éclaircir un point juridique, mais aussi de répondre à une question que se posent légitimement tant les entreprises que les organisations syndicales de salariés, celle du sort des accords qui avaient fixé des contingents sur la base de la législation antérieure.
Force est de constater que, devant les dispositions qui distinguaient différentes catégories de contingents, les accords signés par les partenaires sociaux ont souvent été ambigus. Ils évoquent ainsi soit le contingent conventionnel valant pour l'autorisation de l'inspecteur du travail, soit le contingent conventionnel sans autre précision. Ainsi, la lecture des accords ne fait pas apparaître clairement l'intention des partenaires sociaux.
Autrement dit, la situation actuelle est source d'insécurité juridique. Elle se caractérise par des accords au contenu ambigu, qui ont pu faire l'objet de réserves et d'exclusions dont la portée exacte est incertaine.
L'amendement prévoit de limiter la portée des contingents conventionnels passés s'agissant des droits à repos compensateur obligatoire au niveau du contigent réglementaire, soit 180 heures désormais.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 145.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté).

Articles additionnels après l'article 2