SEANCE DU 12 NOVEMBRE 2002


SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS

Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 46, 2002-2003) de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur la proposition de loi (n° 37, 2002-2003) de MM. Dominique Braye, Gérard Larcher, Charles Revet, Jean François-Poncet, Georges Gruillot, Michel Mercier, Nicolas About, Pierre André, Gérard Bailly, José Balarello, Roger Besse, Laurent Béteille, Joël Billard, Jacques Blanc, Mme Brigitte Bout, M. Gérard Braun, Mme Paulette Brisepierre, MM. Robert Calmejane, Jean-Claude Carle, Auguste Cazalet, Gérard César, Jean Chérioux, Marcel-Pierre Cleach, Jean Clouet, Yvon Collin, Gérard Cornu, Jean-Patrick Courtois, Philippe Darniche, Fernand Demilly, Christian Demuynck, Eric Doligé, Michel Doublet, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Emin, Jean-Paul Emorine, Michel Esneu, Alain Fouché, Philippe François, Yann Gaillard, René Garrec, Philippe de Gaulle, André Geoffroy, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Paul Girod, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Louis Grillot, Charles Guené, Michel Guerry, Mme Françoise Henneron, MM. Pierre Hérisson, Jean-François Humbert, Jean-Marc Juilhard, Christian de La Malène, Jacques Larché, André Lardeux, Jean-René Lecerf, Philippe Leroy, Roland du Luart, Max Marest, Philippe Marini, Pierre Martin, Serge Mathieu, Jean-Luc Miraux, Georges Mouly, Bernard Murat, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Michel Pelchat, Jacques Pelletier, Jean Pépin, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Ladislas Poniatowski, André Pourny, Henri de Raincourt, Henri Revol, Henri de Richemont, Mme Janine Rozier, MM. Bernard Saugey, Jean-Pierre Schosteck, Louis Souvet, François Trucy, Alain Vasselle et Jean-Pierre Vial portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi a été déposée sur l'initiative du président de la commission des affaires économiques et du Plan, M. Gérard Larcher, et de nos collègues Charles Revet, Jean François-Poncet, Georges Gruillot et Michel Mercier. Elle a été cosignée par près de quatre-vingt-dix membres de la majorité de notre Haute Assemblée, parmi lesquels M. Ladislas Poniatowski, que je souhaite tout particulièrement saluer car il a beaucoup travaillé au moment de la discussion de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Je tenais à le remercier pour l'aide qu'il nous a apportée.
Cette proposition de loi n'a pas pour finalité de réviser l'ensemble des dispositions de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », mais simplement pour objectif très ciblé d'en corriger certaines dispositions précises qui rencontrent des difficultés d'application évidentes et très concrètes.
Une révision et une mise en cohérence des quatre textes de loi présentés successivement par Mme Voynet, MM. Chevènement, Gayssot et Vaillant s'avèrent manifestement indispensables et feront l'objet, en 2003, je crois, d'un projet de loi spécifique présenté après un long et minutieux travail gouvernemental.
Les initiateurs de cette proposition de loi ont simplement voulu, en leur qualité de représentants des collectivités territoriales, proposer des réponses pragmatiques, efficaces et rapides face à des points de blocage concrets et parfaitement identifiés de la loi SRU, qui leur ont été signalés par un très grand nombre d'élus locaux de toutes sensibilités politiques.
Outre ce souci de déblocage rapide et pragmatique, trois principes ont inspiré et guidé le rapporteur du texte qui vous est soumis.
Il nous faut, d'abord et avant tout, maintenir les objectifs de mixité sociale et de droit au logement pour tous qui ont été posés par la loi SRU.
Contrairement à ce qui a été dit et écrit un peu partout, il n'est nullement question de remettre en cause l'objectif des 20 % de logements locatifs sociaux. Au contraire, nous voulons l'atteindre plus rapidement en changeant de méthode.
Il nous faut, ensuite, inventer un système qui permette aux acteurs locaux que sont les élus de devenir de véritables partenaires de l'Etat pour relever ce défi du logement social. Car l'Etat, nous le voyons bien depuis des décennies, est incapable de relever seul ce défi.
Enfin, nous devons prendre en compte les réalités du terrain et les contraintes spécifiques des collectivités locales, qui ont été totalement oubliées dans la loi SRU, ce qui explique les blocages qu'elle a entraînés sur tout le territoire ainsi, il faut bien le dire, que l'incompréhension et le manque d'adhésion des élus locaux.
L'ambition de cette proposition de loi est donc d'introduire davantage de souplesse pour atteindre plus rapidement des objectifs qui sont partagés, je le sais, par l'ensemble des collègues siégeant dans cet hémicycle, à savoir la mixité sociale et le droit à un logement décent pour tous, à commencer par les plus modestes de nos concitoyens.
Pour cela, en ce qui concerne les dispositions relatives au logement, notamment celles de l'article 55, il faut impérativement mettre un terme à la méthode de la coercition autoritaire et uniforme, précédée et non pas suivie d'un régime de sanction incompris car aveugle. Cette politique est non seulement injustifiée mais surtout inefficace, car elle entraîne de multiples résistances et tentatives de contournement.
Monsieur le ministre, il faut donc très rapidement la remplacer par une politique fondée sur la confiance. C'est justement la philosophie retenue dans le texte que j'ai l'honneur de vous présenter. Il substitue en effet le contrat à la contrainte, la confiance à la méfiance. Il entend ainsi faire des communes et de leurs élus de véritables partenaires de l'Etat dans la mise en oeuvre de la politique du logement social.
Au moment où nous voulons donner à notre pays un nouvel élan par la décentralisation, l'Etat ne peut plus décider contre les collectivités locales. Il doit, au contraire, décider avec elles. C'est ainsi que seront obtenus les meilleurs résultats, notamment dans le domaine du logement social.
La méthode actuelle de la loi SRU, qui consiste à stigmatiser, contraindre, pénaliser et punir les élus locaux, ne saurait être une bonne pratique pour atteindre un objectif, aussi louable soit-il. En revanche, les convaincre, les inciter et les associer au sein d'une démarche de partenariat créera, n'en doutez pas, mes chers collègues, les conditions de la dynamique du succès.
Mais revenons maintenant à la genèse de la présente proposition de loi. Quel était le constat de base sur la loi SRU ? Il était simple et incontournable : moins de deux ans après son entrée en vigueur, son application se heurte à de lourdes difficultés concernant, d'une part, les obligations de construction de logements locatifs sociaux et le régime de sanctions en découlant, institués par l'article 55, et, d'autre part, l'économie des documents d'urbanisme, désormais dénommés plans locaux d'urbanisme, PLU, et schémas de cohérence territoriale, SCOT.
Mes chers collègues, j'ai été, en juillet dernier, mandaté par la commission des affaires économiques afin de procéder à une large consultation auprès des élus locaux pour recueillir leur sentiment et leur analyse sur la loi SRU. Cette enquête m'a conduit à interroger non seulement plus de 400 élus locaux, dont un grand nombre de maires, mais aussi tous les présidents d'associations départementales des maires et tous les présidents d'agences d'urbanisme.
Au vu des multiples réponses qui me sont déjà parvenues, il est possible d'affirmer qu'un grand nombre de dispositions de la loi SRU suscitent de grandes difficultés d'application dans de nombreuses communes. Cette analyse est aujourd'hui partagée par l'immense majorité des élus locaux, de toutes sensibilités politiques, je tiens à le souligner.
Concernant le logement, la loi SRU repose sur des principes tels que la mixité sociale ou le droit au logement pour tous, qui ne peuvent que faire l'objet d'une approbation et d'un consensus très larges. Je l'ai déjà souligné et j'y insiste encore - je ne le ferai jamais assez -, car ces principes découlent de la conception républicaine que nous avons de notre société et sur lesquels votre rapporteur n'entend faire aucune concession.
Cette proposition de loi tend donc à renforcer et à obtenir une meilleure application de ces grands principes républicains, mais de manière pragmatique, plus réaliste et donc, forcément plus efficace. Il s'agit en effet de parvenir à une meilleure prise en compte des spécificités territoriales par la loi, de définir des obligations réalistes de construction de logements sociaux et de bâtir un dispositif inspiré par la confiance et le contrat.
Tout d'abord, mes chers collègues, les élus locaux manifestent, vous le savez, une très forte hostilité au mécanisme coercitif institué par l'article 55. Comme l'a souligné très justement notre excellent collègue Daniel Hoeffel, en tant que président de l'Association des maires de France, rien ne justifie de pénaliser les nouvelles équipes municipales élues en 2001. Ces dernières doivent ainsi souvent solder un passé en payant des pénalités sur un stock insuffisant de logements sociaux, alors qu'elles n'en sont pas responsables. Or, si l'on ne peut être rendu responsable d'un héritage, on est en revanche comptable de l'utilisation qu'on en fait.
En outre, l'article 55 constitue par excellence un exemple de mécanisme déresponsabilisant pour les communes.
En effet, les plus riches d'entre elles peuvent très bien, avec l'article 55 tel qu'il est rédigé aujourd'hui, s'exonérer de toute participation à l'effort national de construction de logements locatifs sociaux en payant les pénalités.
Pour notre part, nous faisons confiance aux élus, à leur capacité à remplir leurs engagements, et nous souhaitons qu'ils s'investissent pleinement dans la construction de logements locatifs sociaux.
Le mécanisme que nous vous proposons en complément de l'article 55 repose sur plusieurs principes de bon sens et sur un souci d'efficacité. Il vise, je ne le dirai jamais assez, à substituer le contrat à la contrainte et à responsabiliser les élus locaux.
En effet, le contrat négocié localement doit se substituer à la norme abstraite, uniforme et contraignante venue du sommet. De la sorte, les collectivités locales pourront devenir de véritables partenaires de l'Etat pour la mise en oeuvre des politiques du logement social.
Le seuil des 20 % n'est en aucun cas remis en cause, mais les moyens pour l'atteindre sont modifiés pour obtenir de meilleurs et de plus rapides résultats. Le coeur du dispositif qui vous est ainsi proposé permet aux communes disposant d'un stock insuffisant de logements locatifs sociaux de s'engager par délibération sur un objectif triennal de construction de tels logements. Cet engagement doit être au minimum égal à 33 % du flux des nouvelles constructions réalisées sur la période triennale à venir.
Néanmoins, mes chers collègues, pour éviter toute dérive et pour obliger les communes à atteindre les 20 %, il est défini un seuil minimal de construction de logements locatifs sociaux, fixé à 1 % du total des résidences principales de la commune.
Ce n'est toutefois que dans le cas où le tiers du flux de nouvelles constructions amènerait à des obligations inférieures au seuil de 1 % que ce dernier trouverait à s'appliquer. C'est bien, mes chers collègues - ne l'oubliez jamais ! -, le flux de 33 % qui prime dans la proposition de loi qui vous est soumis.
Notre objectif, contrairement à celui de la loi SRU actuelle, n'est pas de pénaliser, de faire payer et de sanctionner les communes pour un passé dont elles ne sont pas responsables. Il est de faire en sorte qu'elles rattrapent leur retard en construisant suffisamment de logements locatifs sociaux pour satisfaire aux demandes de nos concitoyens.
Des pénalités sont, certes, prévues, mais n'interviendraient qu'en fin de période triennale, si - et seulement si - ces communes n'ont pas respecté leurs engagements. Ces pénalités seraient évidemment proportionnées à l'ampleur du non-respect du contrat.
Surtout, ce mécanisme tend à renforcer la dimension intercommunale et à favoriser l'intercommunalité. Dans le cas des communes membres d'EPCI compétents en matière de logement, cet engagement devra être appréhendé au niveau de l'échelon intercommunal, comme cela est prévu dans la loi Chevènement du 12 juillet 1999 si ces EPCI ne disposent pas d'un stock suffisant de logements locatifs sociaux au regard des 20 %.
Les communes membres d'un EPCI dans lequel le seuil des 20 % est dépassé ne seraient plus soumises aux obligations de construction de la loi, à condition que le programme local de l'habitat intercommunal, le PLHI, soit adopté à l'unanimité et garantisse une répartition équilibrée des logements sociaux sur le territoire intercommunal.
L'un des défauts majeurs de la loi SRU était - vous le savez - d'appliquer la même logique à tout le territoire français, et donc le même « remède » à des situations très différentes. Pourtant, la loi, pour être bien appliquée et efficace, doit permettre une large marge d'appréciation et de modulation.
Ainsi, il serait prévu que le préfet puisse réduire les obligations de construction des communes confrontées à des difficultés objectives liées, notamment, à une pénurie de réserves foncières ou à des servitudes résultant du droit de l'urbanisme ou de la protection de l'environnement.
En aucun cas, cependant, cet aménagement ne pourrait porter sur l'obligation de construire un tiers de logements sociaux par rapport au nombre de nouvelles constructions. La logique du flux des 33 % est incontournable.
Ainsi, actuellement, une commune couverte par un plan de prévention des risques lié à l'existence de zones inondables voit une grande partie - si ce n'est la totalité - de son territoire « gelée » pour ce qui est de construire, mais paradoxalement, dans le même temps, elle est soumise à l'obligation de construction de logements locatifs sociaux !
Je le répète, mes chers collègues, il ne s'agit nullement de renoncer ni à l'objectif des 20 % ni au principe de la mixité sociale.
Bien au contraire, il vous est proposé un mécanisme pragmatique qui est susceptible, en réaménageant l'article 55 de la loi SRU, fondé désormais sur la confiance et le contrat, d'enclencher et de renforcer une dynamique de construction de logements locatifs sociaux dans un très grand nombre de communes.
Pour conclure le volet « logement » de cette proposition de loi dont j'ai l'honneur et le plaisir d'être le rapporteur, je veux insister une dernière fois sur l'état d'esprit qui l'a inspirée : c'est la conviction que le monde et nos sociétés changent, et que les rapports entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux doivent nécessairement, eux aussi, changer.
Le temps de l'Etat centralisateur, des politiques du bâton et des pyramides intangibles du pouvoir est révolu. Les citoyens aspirent, nous le savons, à l'exercice du pouvoir au plus près des réalités du terrain. Les élus locaux aussi ont besoin de ce pouvoir dans certains domaines, non pas pour s'opposer à l'Etat, mais pour faire à sa place ce qu'ils savent faire mieux que lui. Le domaine du logement et de l'équilibre social de l'habitat est justement l'un de ces domaines.
Il est donc impératif que les collectivités territoriales et leurs élus soient totalement associés à cette démarche et deviennent de véritables partenaires de l'Etat, si l'on veut obtenir de meilleurs résultats. C'est ce à quoi tend le volet « logement » de la proposition de loi qui vous est soumise.
J'en viens maintenant au volet « urbanisme ». Comme l'indiquait M. le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale : « La démocratie locale, c'est une décentralisation plus vivante. Plus les responsabilités sont assumées au plus près du territoire, meilleures sont les décisions. »
J'ai entamé, voilà six mois, une enquête sur la loi SRU. Je me permets de vous livrer un extrait d'une réponse que m'a récemment fait parvenir un maire. A la question : « La commune a-t-elle actuellement les moyens de maîtriser la pression foncière ? », la réponse fut : « La commune non, la DDE oui ! »
M. Charles Revet. C'est bien vrai !
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est précisément contre cet état de fait que nous voulons lutter, car il constitue non seulement un déni de démocratie mais aussi un risque important d'arbitraire.
L'enquête que je mène sur la loi SRU n'est pas encore terminée, mais des conclusions très claires peuvent d'ores et déjà être tirées à propos de certaines dispositions unanimement contestées en matière d'urbanisme, et qui nécessitent donc un réaménagement urgent. C'est pourquoi j'ai souhaité m'en tenir à ces dispositions dans notre proposition de loi.
Toutefois, M. le président du Sénat a décidé de créer, voilà quelque temps, en plein accord avec M. le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre (M. le ministre acquiesce), une structure de réflexion réunissant tous les premiers signataires de notre proposition de loi. Ce groupe de travail a identifié de nombreux sujets et en a sélectionné trois qui méritaient d'être traités dans les plus brefs délais.
Le premier d'entre eux concerne la faculté de fixer une surface minimale pour les parcelles à urbaniser. Les rédacteurs de la loi SRU ont en effet supprimé toute référence à la surface minimale qui permet au conseil municipal de fixer le « maillage » urbain de la commune.
Cette disposition est entièrement inspirée par la philosophie de la « densification » qui anime l'ensemble de la loi SRU ! On connaît les errements urbanistiques, trop souvent illustrés par les « grands ensembles », de l'Etat, qui n'hésite pourtant pas à s'arroger le droit de dicter aux communes la marche à suivre. En réalité, la suppression des surfaces minimales entraîne le plus grand désordre dans les communes, en interdisant au conseil municipal de fixer une telle limite.
Je ne méconnais pas, mes chers collègues, et vous non plus, les critiques émises par la coalition hétéroclite, mais ô combien active, des apôtres de la préservation de l'espace, qui veulent densifier à tout prix les zones déjà construites, et des « bétonneurs » aux aguets, qui saisissent toutes les occasions pour construire toujours et partout.
J'en veux pour preuve le témoignage d'un maire qui considère que, s'il est souhaitable de boucher les « dents creuses » dans les centres-villes, il ne convient pas, en revanche, « d'autoriser les promoteurs, qui sont toujours à l'affût, à construire dans les mêmes conditions dans le centre et à la périphérie des villages, où l'habitat est manifestement beaucoup plus aéré ».
La deuxième disposition soumise au Sénat tend à éviter qu'une densification à outrance ne résulte de la multiplication des divisions de parcelles. Cette densification est actuellement parfaitement possible depuis la suppression de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme. Il s'ensuit une multiplication non maîtrisée des pavillons, construits les uns sur les autres sur de minuscules terrains.
Là encore, au lieu d'édicter des normes nationales sans laisser le libre choix aux élus locaux, tirons ensemble les leçons de l'expérience passée. L'Etat a-t-il des leçons à donner, lui dont les « cités radieuses » sont aujourd'hui désertées par leurs habitants ? C'est la même idéologie densificatrice qui conduit à vouloir densifier encore et toujours des espaces périurbains.
La troisième et dernière disposition qui vous est proposée tend à abroger la règle dite des quinze kilomètres. Rarement une disposition aura été adoptée de façon aussi précipitée. Je regrette que ceux-là même qui déplorent aujourd'hui notre proposition de loi de dix articles ne se soient pas émus qu'une disposition aussi fondamentale ait été votée en urgence, noyée dans la masse des quatre cents autres dispositions de la loi SRU !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Eh oui !
M. Dominique Braye, rapporteur. J'observe d'ailleurs que, à l'époque, le Gouvernement lui-même s'était laissé dépasser par ses services...
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas vrai ! Ces dispositions ont été discutées assez largement !
M. Dominique Braye, rapporteur. ... et avait présenté un projet de loi initial prévoyant que toute la France serait couverte de schémas directeurs...
Mme Hélène Luc. Vous l'avez assez combattu ! Vous remettez en cause ce que vous êtes mécontents d'avoir vu voter !
M. Dominique Braye, rapporteur. Je vous remercie d'intervenir à ce moment, madame Luc, parce que le Gouvernement de l'époque prévoyait un magnifique « Gosplan urbanistique » pour tout notre pays. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Permettez-moi de vous rappeler que c'est à l'Assemblée nationale que la règle des quinze kilomètres est sortie du chapeau, par voie d'amendement, dans la plus grande précipitation, pour tenter de limiter les conséquences d'une disposition proposée par le Gouvernement et dont celui-ci n'avait pas mesuré initialement les effets dévastateurs ; je vous renvoie aux débats parlementaires de l'époque pour vérifier l'exactitude de mes affirmations.
Mme Hélène Luc. On peut effectivement revenir aux débats !
M. Dominique Braye, rapporteur. Nul ne mesurait alors les difficultés que cette mauvaise solution à la mauvaise application d'une mauvaise disposition allait susciter sur l'ensemble du territoire...
M. Yves Coquelle. Quel démocrate !
M. Dominique Braye, rapporteur. La règle des quinze kilomètres prévoit que, sur le territoire des communes situées à moins de quinze kilomètres d'une agglomération de plus de 15 000 habitants, l'ouverture à l'urbanisation de nouvelles zones est interdite en l'absence de schéma de cohérence territoriale.
M. Charles Revet. C'est scandaleux ! Cela bloque toute initiative !
M. Dominique Braye, rapporteur. Il s'ensuit que l'on traite de manière indifférenciée Cahors, Mazamet, Château-Gontier, Manosque, Lyon, Marseille, Rennes ou Bordeaux. En bref, cette règle n'obéit à aucun principe de réalité et de proportionnalité.
En outre, elle « gèle » des territoires qui pourraient être urbanisés dans des zones dépourvues de pression foncière, s'inspirant ainsi du même postulat que la loi Voynet, en vertu duquel les activités économiques sont pour les villes et les maisons de campagne pour les ruraux !
Cette règle, mes chers collègues, est à l'origine de nombreux imbroglios juridiques, car elle incite à créer des établissements publics de coopérations intercommunale uniquement pour lui échapper, puisqu'elle ne s'applique pas dès lors que le périmètre d'un tel établissement est défini. Et je ne parle pas des dérogations qu'elle prévoit, celles-ci consistant, en réalité, à s'en remettre à l'arbitrage du représentant de l'Etat. C'est là ce que l'un de nos collègues appelait, par antiphrase, la « décentralisation par le préfet ».
Je tiens enfin à souligner qu'on lit parfois que tous les problèmes sont réglés dès lors qu'existe un EPCI à l'intérieur du périmètre des quinze kilomètres. C'est aller très vite en besogne ! En effet, les communes qui se trouvent à l'intérieur du périmètre des quinze kilomètres, mais à l'extérieur du schéma de cohérence territoriale, sont, vous le savez, bloquées totalement et leur territoire est complétement « gelé ».
Nul plus que votre rapporteur, les auteurs de ce texte et la commission des affaires économiques, n'est conscient de la nécessité de trouver une solution aux problèmes de la « concurrence foncière » entre les collectivités locales, qui aboutit à l'absence de gestion des logements, des entreprises, des commerces et des infrastructures, bref, de tous les équipements.
Dès 1998, alors que ce sujet n'avait pas la même actualité brûlante, le président Gérard Larcher publiait un rapport sur les espaces périurbains, dans lequel il plaidait pour une relance de la planification urbaine. Si l'on avait, dès cette époque, entendu notre voix...
M. Michel Doublet. Eh oui !
M. Eric Doligé. C'est vrai !
M. Charles Revet. Il avait raison par avance !
M. Dominique Braye, rapporteur. ... et tenté de définir, en concertation avec les élus, des outils adaptés, je ne serais pas aujourd'hui dans l'obligation de vous demander, au nom de la commission des affaires économiques, d'abroger l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Eh oui !
M. Dominique Braye, rapporteur. Voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ensemble des modifications que nous avons souhaité apporter à la loi SRU, afin de lever au plus vite les principaux points de blocage et les difficultés d'application essentielles de cette loi, auxquels se trouvent confrontés quotidiennement l'immense majorité des élus locaux concernés, toutes sensibilités politiques confondues.
Mes chers collègues, en tant que légitimes représentants de ces élus locaux, je suis persuadé que vous voudrez bien les entendre et apporter votre soutien à cette proposition de loi qui entend répondre efficacement et pragmatiquement à certains de leurs soucis très concrets. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Cela dépend des élus ! Ils n'ont pas tous la même position !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui comprend deux séries de dispositions : les unes sont relatives à l'article 55 de la loi SRU, les autres portent sur certaines dispositions d'urbanisme de cette même loi.
Je commencerai par évoquer l'article 55, qui a déjà suscité de nombreux débats lors de son adoption par le Parlement.
Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises et je le répète ici très clairement au nom du Gouvernement : l'objectif de mixité sociale ne doit pas être remis en cause ; il doit être le fil conducteur de notre débat.
M. Guy Fischer. On en reparlera !
M. Gilles de Robien, ministre. La mixité sociale, c'est l'expression même de l'unité et de la solidarité nationale, qui fondent les valeurs de notre république et de notre démocratie.
Non seulement cet objectif ne doit pas être remis en cause, mais il doit être confirmé, et nous avons le devoir de trouver le meilleur chemin pour y parvenir.
Le Gouvernement souhaite développer l'offre locative sociale dans le parc public ou privé pour loger nos concitoyens qui ne peuvent accéder à un logement dans les conditions du marché, notamment dans les agglomérations où les tensions locatives sont les plus fortes.
Cet effort de solidarité nationale doit être réparti dans l'espace, entre les communes, si l'on ne veut pas recréer des concentrations telles que celles que l'on connaît dans certaines communes et qui ont pu conduire à des situations sociales explosives, situations auxquelles le Gouvernement souhaite apporter une réponse par une politique ambitieuse et sans précédent de renouvellement urbain.
Cet effort de solidarité doit aussi être partagé, parce qu'il correspond à un besoin d'une vie sociale harmonieuse dans nos villes grâce au mélange de personnes de statut familial, d'origine et de revenus divers.
Nous ne devons pas avoir peur de créer des logements sociaux, mesdames, messieurs les sénateurs, car la qualité actuelle des constructions et les efforts réalisés par les organismes d'HLM et les collectivités locales pour améliorer la qualité de service aux habitants nous garantissent que nous ne reconstruirons jamais les grands ensembles des années soixante. Il s'agira, au contraire - on le constate maintenant dans toutes nos villes -, d'un habitat à taille humaine, où chacun se sent bien.
Il faut également dénoncer - et je le fais bien volontiers - une assimilation qui est trop facile : logement social égale difficultés sociales ; logement social égale cas social. Eh bien ! mesdames, messieurs les sénateurs, les gens modestes sont aussi, très souvent, au moins autant que les autres, des gens sociables ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
Si vous en êtes convaincus - et je suis sûr que vous l'êtes -, il faut choisir les moyens les plus opérants pour aboutir vite et mieux qu'avec les dispositions actuelles. Car je ne crois pas que le dispositif en vigueur soit efficace.
M. Jean-Yves Mano. Mais si !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Le ministre a raison !
M. Gilles de Robien, ministre. Ce dispositif a une certaine efficacité, mais il a montré ses limites. Habile dans l'effet d'affichage, il s'est révélé piètre dans le changement concret de notre tissu urbanistique et social. En effet, son premier tort est de sanctionner financièrement des communes sur une situation de fait.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il n'y a pas d'autres moyens !
M. Guy Fischer. Cela n'a jamais été appliqué !
M. Gilles de Robien, ministre. Il est en cela profondément choquant et injuste, puisqu'il pénalise a priori des communes qui, aujourd'hui, n'ont pas 20 % de logements sociaux en raison de leur histoire et, le cas échéant, de leurs élus passés, même si les élus actuels souhaitent réaliser de tels logements au cours des années à venir.
La complexité du dispositif en vigueur accentue encore son caractère inéquitable. Vous savez qu'une commune est soumise, une année donnée, à un prélèvement brut proportionnel au nombre de logements sociaux qui lui manquaient l'année précédente pour atteindre le fameux objectif de 20 %. Mais ce prélèvement brut est diminué des sommes dépensées par la commune non pas l'année précédente, mais la pénultième année.
Compte tenu du décalage de deux ans entre les dépenses déductibles et le prélèvement effectué sur les recettes des communes, ce dispositif conduit à faire payer deux fois une commune qui veut réaliser des logements. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Larcher, président de la commission, et M. Dominique Braye, rapporteur. Effectivement !
M. Gilles de Robien, ministre. Une première fois par l'amende que lui impose d'emblée la loi, une deuxième fois pour financer des opérations de logements sociaux. Et la commune devra s'en acquitter jusqu'à ce qu'enfin les dépenses en faveur du logement social soient effectivement équivalentes au prélèvement. Les élus, c'est-à-dire les contribuables, sont donc soumis à une double peine.
En raison des nécessaires contraintes budgétaires de ces communes, cela peut prendre des années. Et encore faut-il que ces communes puissent disposer des terrains constructibles nécessaires pour ces projets ou, à défaut, des opportunités d'achat dans le parc existant !
Dans les faits, à l'exception de quelques communes qui ont pu anticiper sur une loi promulguée le 13 décembre 2000 et justifier, en 2002, de dépenses déductibles de 2000 supérieures aux prélèvements, les communes ont été contraintes de réduire parfois l'effort en faveur du logement social pour le recentrer sur le prélèvement.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Là est le paradoxe !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas un argument !
M. Gilles de Robien, ministre. Mais les problèmes ne s'arrêtent pas en 2002. Il suffit que, par malheur, une année, une opération se décale de quelques mois (Marques d'approbation sur les travées du RPR.) et ne soit prête, finalement, qu'en janvier, alors qu'elle devait l'être en décembre - des dérapages de deux mois dans l'immobilier, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun en connaît ! -, alors la commune ne pourra plus justifier, deux ans plus tard, de dépenses déductibles et elle tombera dans le cercle infernal, j'y insiste, de la double taxation.
Mme Hélène Luc. C'est un alibi !
M. Gilles de Robien, ministre. Ainsi, le système de pénalisation peut se révéler tout à fait contre-productif en matière de logements sociaux par l'« assèchement » a priori de communes pourtant favorables à l'augmentation de l'offre sociale.
M. Robert Bret. Quelle hypocrisie !
M. Gilles de Robien, ministre. Je vous remercie de votre appréciation, monsieur le sénateur, mais je vais vous prouver le contraire !
Au-delà de cette analyse sur le dispositif actuel, faut-il punir - je dis bien « punir » - autant de communes, c'est-à-dire de contribuables, qui n'ont pas réalisé aujourd'hui les 20 % de logements sociaux mais qui sont prêtes à s'engager à le faire, pour la seule raison qu'il y a peut-être quelques maires, très rares, qui sont récalcitrants, alors que les non-récalcitrants avoisinent les 36 000 ? Ce serait avoir une bien piètre idée de la démocratie locale et de la qualité des édiles locaux. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Gérard Larcher, président de la commission, et M. Dominique Braye, rapporteur. Absolument !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous l'affirmons donc avec force : il faut renforcer la mixité sociale et prouver notre efficacité dans ce domaine, en particulier là où il n'y avait qu'une affirmation avec des résultats trop modestes.
Pour parvenir plus efficacement à atteindre l'objectif de mixité sociale, j'ai toujours pensé - comme vous, monsieur le rapporteur ! - qu'il fallait faire confiance aux élus locaux. Je sais qu'ils sont prêts à s'engager, de façon conventionnelle, avec l'Etat, à créer des logements sociaux. Le Gouvernement est donc favorable à ce contrat pour la mixité sociale, qui est un véritable contrat de confiance. Substituons à la contrainte, qui n'est guère efficace, le contrat de mixité sociale. Si ce contrat de mixité sociale, précis sur des engagements pluriannuels, n'est pas respecté, alors il est normal que des pénalités s'appliquent à son échéance.
De même, pour les communes qui ne veulent ni construire de logement social ni souscrire de contrat de mixité sociale, le dispositif actuel doit s'appliquer.
M. Gérard Larcher, président de la commission, et M. Dominique Braye, rapporteur. Absolument !
M. Gilles de Robien, ministre. C'est leur choix, et elles doivent en assumer les conséquences ! C'est aussi cela, respecter les élus locaux et le suffrage universel !
Le dispositif à mettre en place doit donc répondre à trois principes essentiels : maintien de l'objectif de mixité sociale, mise en place d'un système contractuel incitatif plus efficace - j'insiste sur ce point -, enfin, maintien de pénalités pour les communes qui refuseraient de s'engager dans le dispositif ou qui ne le respecteraient pas. C'est aussi cela, la dignité de l'élu !
C'est donc à la lumière de ces trois principes que le Gouvernement a défini sa position sur les dispositions de la proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise.
Parallèlement, le Gouvernement soutiendra toutes les mesures contractuelles qui vont dans le sens d'une meilleure mixité sociale et s'opposera donc - ou s'opposerait - à toute disposition qui conduirait à faire sortir des communes du dispositif actuel.
Faire sortir des communes d'un dispositif remanié et maintenant contractuel serait, en effet, à notre sens, contradictoire et constituerait un acte de méfiance envers les élus concernés.
Pour le Gouvernement, le mécanisme conventionnel, c'est-à-dire le contrat pour la mixité sociale, est le coeur de votre proposition de loi.
M. Dominique Braye, rapporteur. Absolument !
M. Gilles de Robien, ministre. La proposition de loi prévoit qu'une commune qui s'engage sur une production minimale est exonérée du prélèvement initial et n'est pénalisée, le cas échéant, qu'en cas de non-respect de l'engagement.
Mes services ont procédé à une simulation de l'effet d'une telle disposition sur la production de logements sociaux. Etant rappelé, monsieur Bret, que le mécanisme actuel oblige à la production d'au mieux 21 000 logements, si toutes les communes soumises à l'article 55 actuel choisissent le mécanisme conventionnel, l'objectif de production accepté volontairement, contractuellement, par les collectivités locales sera augmenté pour atteindre 24 200 logements.
Je ne sais pas, monsieur le sénateur, si vous pouvez continuer à dire qu'il y a de l'hypocrisie dans mon propos ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Dominique Braye, rapporteur. Bravo !
M. Robert Bret. Nous verrons aux résultats !
M. Gilles de Robien, ministre. Effectivement, monsieur le sénateur, nous verrons aux résultats. Mais, en attendant, je vous donne rendez-vous pour la discussion des articles et l'examen des amendements que le Gouvernement a déposés sur ce texte.
Le Gouvernement soutient donc pleinement cette disposition, qui est parfaitement conforme à ses orientations. Néanmoins, sur le plan technique, il doit proposer à votre assemblée que l'engagement de production de logements sociaux corresponde au tiers des logements construits au cours des trois années précédentes - monsieur le rapporteur -, je me permets d'insister sur ce point, et pas des trois années futures. Il est en effet nécessaire que, en début de contrat, le maire sache exactement quels sont ses objectifs et non pas que ceux-ci fluctuent au fil des mois en fonction de la production. En somme, il faut se fonder sur le passé pour susciter des objectifs futurs.
Le Gouvernement dépose donc un amendement sur ce sujet.
La proposition de loi prévoit aussi la possibilité pour un EPCI doté d'un programme local de l'habitat approuvé de répartir les objectifs de production calculés commune par commune sur l'ensemble des communes membres.
Cette disposition existe déjà dans le dispositif initial, simplement elle se trouve étendue au dispositif conventionnel. Le Gouvernement y est favorable.
Enfin, la proposition de loi prévoit que, si une commune est soumise à des contraintes dûment justifiées limitant le foncier disponible, le préfet peut moduler à la baisse le seuil de 1 % du parc existant.
Tout ne peut pas être prédéfini depuis Paris. Il faut donc laisser aux représentants locaux de l'Etat un pouvoir d'appréciation et d'adaptation. Toutefois, ce pouvoir doit être encadré. Tel est l'objectif de l'amendement déposé par le Gouvernement. C'est plus clair dans la loi ; c'est plus transparent aussi.
Je vous le rappelle, l'objectif du Gouvernement est de construire plus de logements sociaux, sur la base de contrats pour la mixité sociale par lesquels les communes s'engagent librement. Le Gouvernement souhaite que ce dispositif incitatif fasse l'objet d'une évaluation avant la fin de la première période triennale au cours de laquelle les engagements contractuels devront être respectés. Le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens.
Je ne sais toujours pas, monsieur le sénateur, si vous confirmez le terme d'hypocrisie que vous avez eu la gentillesse de me destiner !
M. Robert Bret. C'est pourtant le mot qui s'impose !
M. Gilles de Robien, ministre. Concernant le volet « urbanisme » de la proposition de loi, il me semble important de présenter au Sénat un rapide point d'avancement du travail du Gouvernement dans ce domaine.
Dans son discours de politique générale, M. le Premier ministre a annoncé que les lois Voynet, Chevènement et Gayssot seraient modifiées dans le courant de l'année 2003. Les élus locaux le savent bien, au-delà des difficultés propres que pose chacune de ces lois, la cohérence, ou plutôt les incohérences entre ces textes posent des problèmes nombreux et sérieux.
Je n'en citerai que deux exemples. Les trois lois parlent d'agglomération, mais dans des sens différents. La notion de « projet » apparaît comme fil directeur, mais sous trois formes différentes : le projet d'aménagement et de développement durable des SCOT, le projet de développement durable des chartes de pays et des projets d'agglomération et le projet de développement communautaire des communautés d'agglomération. Une mère n'y retrouverait pas ses petits !
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est sûr !
M. Gilles de Robien, ministre. La mise en harmonie voulue par M. le Premier ministre ne sera réussie, mesdames, messieurs les sénateurs, que si nous prenons le temps d'une concertation très, très attentive. Ces sujets sont si complexes !
Dans cet esprit, Nicolas Sarkozy, Jean-Paul Delevoye, Patrick Devedjian et moi-même recevrons, dès mardi prochain, les principales associations d'élus. Cette concertation et une rigoureuse harmonisation des textes vont demander beaucoup de travail et un peu de temps. Le Gouvernement a cependant prévu de déposer un projet de loi devant le Parlement dès 2003.
M. Jean-Guy Branger. Bravo !
M. Gilles de Robien, ministre. Conscient de la nécessité de répondre dans l'urgence au problème de blocage des terrains, j'ai proposé au Premier ministre, qui l'a accepté, de présenter au Parlement un projet de loi sans attendre cette réforme.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Ce texte a été examiné ce matin par la section des travaux publics du Conseil d'Etat. Il sera présenté en conseil des ministres le 27 novembre et, à l'Assemblée nationale, le 10 décembre.
Je souhaite qu'il soit très rapidement étudié par la Haute Assemblée, si possible avant la fin de cette année, et il semble que ce soit possible.
M. Charles Revet. Et nous le souhaitons !
M. Gilles de Robien, ministre. Ce texte porte sur trois sujets qui, je le sais bien, sont au coeur de vos préoccupations, mesdames, messieurs les sénateurs : il s'agit de la règle des quinze kilomètres, de la participation pour voie nouvelle et réseaux et, enfin, de trois dispositions qui concernent les documents communaux, à savoir la transition entre les plans d'occupation des sols et les plans locaux d'urbanisme, le « projet d'aménagement et de développement durable » et, enfin, les conditions de modification ou de révision des documents d'urbanisme.
Le Gouvernement ne prétend pas avoir résolu ainsi tous les problèmes mais, je le redis, il a voulu que ce projet de loi soit limité aux problèmes urgents et que d'éventuelles évolutions plus importantes soient étudiées dans le cadre de la mise en harmonie voulue par M. le Premier ministre, après concertation avec les associations d'élus.
Cela me conduira à vous demander, au nom du Gouvernement, de reporter l'examen de certains amendements déposés sur la présente proposition de loi à la discussion du prochain projet de loi. Nous devons, en effet, éviter d'ajouter à la confusion, sachant que notre but commun est de clarifier la situation afin de la rendre plus compréhensible pour les élus locaux. Il serait souhaitable d'achever les deux lectures si possible avant la fin de l'année.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les points qu'il me paraissait important de préciser préalablement à l'examen des dispositions relatives à l'urbanisme.
Pour ne pas prolonger ce propos liminaire, j'indiquerai au fur et à mesure de l'examen des articles et des amendements de la présente proposition de loi le contenu du projet de loi qui vous sera soumis prochainement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 30 minutes ;
Groupe socialiste : 27 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 10 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur la spécificité urbaine de ce texte. Je souscris aux propositions qu'il contient, mais je veux souligner l'absence de prise en considération, dans cette proposition de loi, de la spécificité des zones rurales.
M. Gérard Braun. Tout à fait !
M. Aymeri de Montesquiou. Elu du Gers, président de l'association des maires de mon département, je me fais l'écho des inquiétudes des élus ruraux, qui me demandent depuis près de deux ans la modification de la loi SRU. Je puis vous l'affirmer, ces inquiétudes sont partagées par tous les élus des zones rurales, lesquelles représentent les trois quarts du territoire.
On ne peut tout axer sur la ville, comme l'a fait le gouvernement précédent. Nous nous devons de proposer un texte harmonieux qui prenne également en compte les spécificités des zones rurales.
Vos propositions sont, certes, très utiles pour corriger les travers de la loi SRU dans les zones urbaines, mais je déplore votre silence sur nos campagnes. Les élus ruraux sont confrontés à de réels problèmes d'application de la loi SRU, qui les ignore, comme l'indique son titre - la solidarité et le renouvellement « urbains » -, et qui confine parfois à l'absurde. Nous devons saisir l'opportunité, aujourd'hui, d'apporter les changements tant attendus.
Mme Hélène Luc. Personne n'a nié la nécessité de construire des logements sociaux dans les campagnes !
M. Aymeri de Montesquiou. C'est le sens de la proposition de loi que mon collègue Daniel Goulet et moi-même avons déposée et qui a été cosignée par quatre-vingt-dix de nos collègues au Sénat : cela démontre qu'elle répond à une très grande attente, et c'est pourquoi nous déposons des amendements aujourd'hui, pour que votre texte, monsieur le rapporteur, concerne à la fois les villes et les campagnes. Nos propositions s'articulent autour de deux axes : d'une part, permettre une participation des propriétaires au financement de l'extension de réseaux et, d'autre part, prendre en charge le coût de réalisation des documents d'urbanisme.
Nous proposons aussi de supprimer le caractère cumulatif des critères permettant la participation pour financement des voies nouvelles et des réseaux.
En l'état actuel des choses, les communes sont dans l'impossibilité de solliciter une participation pour une extension de réseaux si l'opération n'est pas accompagnée de travaux de création d'une voie ou d'extension d'une voie nouvelle. Les communes ne peuvent donc pas délivrer les permis de construire qui leur sont demandés, ou bien, pour contourner la difficulté, elles s'engagent dans des travaux de voirie qui confinent au gaspillage.
Faisons preuve de bon sens. Si un candidat à la construction préfère, comme 63 % de nos compatriotes, habiter dans une commune rurale, pourquoi l'empêcher d'acheter un terrain beaucoup moins cher qu'en zone urbaine, quitte à ce qu'il finance lui-même tout ou partie des réseaux ? Il pourra ainsi concrétiser son choix, et le faire à meilleur compte qu'en ville.
Pourquoi refuser ce rééquilibrage du territoire français, ce qui a pour conséquence de priver les communes rurales des ressources très importantes que sont pour elles le foncier bâti et la taxe d'habitation ? En un mot, répondons de façon positive au voeu de nos concitoyens et de nos élus ruraux.
Aujourd'hui, en raison de ces dispositions, les petites communes rurales, aux finances modestes, ne peuvent se développer et accueillir de nouveaux habitants. C'est pourtant un moyen de les faire vivre et, avec elles, de faire vivre nos campagnes. Dans les zones rurales, cinq habitants de plus ou de moins dans une commune, c'est une classe qui s'étoffe ou qui peut disparaître !
Par ailleurs, la réalisation des documents d'urbanisme devrait pouvoir être inscrite dans la section investissement du budget des communes, ce qui permettrait à ces collectivités de bénéficier du fonds de compensation pour la TVA. De plus, s'agissant d'un projet à long terme, il est tout à fait logique que ces dépenses soient considérées comme des investissements. Les directions départementales de l'équipement étant surchargées, il y a souvent obligation de faire appel à des acteurs économiques privés, dont le coût des prestations peut être très élevé.
Votre proposition de loi, monsieur Braye, concerne exclusivement les zones urbaines. Vous vous dites soucieux de « tenir compte des réalités et des spécificités locales », mais vous occultez la spécificité des zones rurales, ce que je regrette vivement.
M. Dominique Braye, rapporteur. Il y a les SCOT ! Et la surface minimale !
M. Aymeri de Montesquiou. Je vous l'accorde.
Si, grâce à la disposition relative au logement, l'obligation des 20 % de logements s'inscrit non plus dans un mécanisme coercitif mais bien dans un mécanisme incitatif et contractuel, je m'en réjouis. Mais le titre II relatif à l'urbanisme ne prévoit aucun article sur les zones rurales.
Les élus ruraux attendent avec impatience une modification de la loi, mais ils ne comprendraient pas que celle-ci soit exclusivement urbaine.
Ne les décevons pas ! Ils comptent sur nous pour modifier la loi SRU, dont l'application pénalise leurs communes. Les refus de délivrance de certificats d'urbanisme, et donc le blocage de nombreux permis de construire, paralysent le développement de bien des communes rurales.
M. Charles Revet. C'est vrai !
M. Aymeri de Montesquiou. N'adoptons pas un texte parcellaire, tronqué et incomplet. Engageons un aménagement harmonieux et durable du territoire. Montrons que le Sénat est sensible au développement à la fois de nos villes et de nos campagnes.
Mme Hélène Luc. Personne ne dit le contraire !
M. Aymeri de Montesquiou. Insérons donc les dispositions indispensables aux zones rurales à l'occasion de la discussion de cette proposition de loi pour présenter un texte équilibré et s'intégrant dans le grand projet de décentralisation de M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur de Montesquiou, en aucun cas ma proposition de loi ne s'attaque aux seuls problèmes urbains.
Mme Hélène Luc. Elle « s'attaque » ?
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas la guerre, tout de même !
M. Dominique Braye, rapporteur. Vous le savez, j'ai lancé une vaste enquête visant à recenser les difficultés d'application suscitées par la loi SRU sur l'ensemble du territoire. D'autres réponses continuent à nous parvenir et, par exemple, la réponse de la Lozère m'est arrivée aujourd'hui ; j'attends que d'autres remontent.
La possibilité de fixer des surfaces minimales dans le PLU la suppression de la règle des quinze kilomètres et le rétablissement de certaines dispositions de l'ancien article L. 111-5 du code de l'urbanisme sont autant de mesures qui sont demandées essentiellement par les communes rurales !
Sur les quatre mesures contenues dans notre proposition de loi, trois concernent les communes rurales. Et, si j'en crois les résultats de notre enquête, la totalité des mesures visant l'urbanisme intéressent au premier chef les communes rurales.
Certes, la proposition de loi est incomplète, puisqu'elle ne tient pas compte de tous les résultats de l'enquête que nous venons de mener et qu'un texte gouvernemental viendra prochainement la compléter, ainsi que M. le ministre l'a indiqué. Aujourd'hui, nous ne traitons qu'une partie des points les plus urgents.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Je veux à mon tour rassurer M. de Montesquiou. Le projet de loi dont vous serez saisis, je l'espère, très rapidement, tient compte du monde rural, notamment des participations pour les voies et réseaux nouveaux. Les maires devraient pouvoir délivrer des permis de construire sans aucune arrière-pensée, en sachant qu'il reviendra au maître d'ouvrage et non pas aux contribuables de leurs communes d'en supporter les conséquences.
De ce point de vue, les maires seront probablement satisfaits par le projet de loi dont nous débattrons prochainement.
M. Aymeri de Montesquiou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le rapporteur, j'ai signé votre proposition de loi. Je la soutiens donc tout à fait. Je pense cependant qu'il aurait été préférable de traiter des problèmes non seulement de la ville mais aussi des campagnes.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Monsieur le président, il convient d'organiser nos débats. M. le ministre a annoncé le dépôt d'amendements dont la commission n'a pas encore été saisie.
Monsieur le ministre, je le dis très aimablement, mais le fait de prendre connaissance des amendements du Gouvernement après le début de la discussion générale n'est pas une excellente méthode de travail !
La commission se réunira, par conséquent, à vingt et une heures pour examiner ces amendements. Au demeurant, aucun ne fait quatre pages, comme cela s'était produit au sujet des établissements publics fonciers !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)