SEANCE DU 12 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 8. - Après l'article L. 123-1 du même code, il est inséré un article L. 123-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-1-1. - Dans les secteurs où un coefficient d'occupation des sols a été fixé, le plan local d'urbanisme peut prévoir que, lorqu'une construction est établie sur une partie détachée depuis moins de dix ans d'un terrain déjà bâti, le calcul des droits à construire résultant de l'application du coefficient d'occupation des sols prend en compte la surface des constructions existant sur le reste du terrain.
« En cas de division d'une parcelle bâtie située dans un des secteurs mentionnés à l'alinéa précédent, le vendeur indique à l'acheteur la surface hors oeuvre nette des bâtiments existant sur la ou les parcelles concernées.
« Lorsque un plan local d'urbanisme a été approuvé avant l'entrée en vigueur de la loi n°... du... portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la commune peut décider de mettre en oeuvre les dispositions du premier alinéa du présent article par délibération du conseil municipal. Le plan local d'urbanisme est alors mis à jour par arrêté du maire. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 19 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 47 est présenté par MM. Dauge, Mano et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 8. »
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 19.
Mme Odette Terrade. L'article 8 de la présente proposition de loi constitue en quelque sorte la suite logique de l'article 7, dans la mesure où il tend à introduire un nouvel article dans le code de l'urbanisme, destiné apparemment à faire valoir un impératif de non-densification des constructions.
Mais, ainsi que nous l'avons déjà souligné, il s'agit ni plus ni moins de rendre inconcevable toute construction d'un type de logements autre que ceux qui existent déjà dans des espaces urbains constitués.
Dans la pratique, cela reviendra, dans un secteur pavillonnaire, à n'ouvrir de possibilités de réalisation que pour de nouveaux ensembles pavillonnaires, au motif qu'il faut préserver l'environnement, alors qu'il s'agit bien plutôt, dans le droit fil de la philosophie générale de la proposition de loi, de préserver certaines communes de l'arrivée de populations « inhabituelles ».
Si l'on suit d'ailleurs la logique qui sous-tend cet article, il est également quasiment impossible de réaliser sur des parcelles, même relativement étendues, des ensembles locatifs sociaux sous forme de maisons de ville comprenant plusieurs logements, ce qui correspond pourtant à l'une des réponses les plus actuelles, en matière de logements HLM, à la demande sociale.
Décidément, cette proposition de loi présente la double caractéristique de maintenir le statu quo quant à la répartition des logements sociaux sur le territoire national, avec les divergences encore plus marquées que cela peut recouvrir à l'échelon local, et de favoriser un retour en arrière vers des procédures d'urbanisation pour le moins dépassées.
Monsieur le rapporteur, certains maires craindraient, selon vous, des divisions successives et incontrôlées des terrains disponibles sur le territoire de leur commune.
Mais, au fait, dites-nous qui signe les permis de construire,...
Non, vraiment, pas plus que les précédents, l'article 8 n'offre de réponse adaptée à la demande sociale de logement dans notre pays.
Au bénéfice de ces observations, nous invitons donc le Sénat à le supprimer.
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter l'amendement n° 47.
M. Yves Dauge. Outre que la mise en oeuvre des dispositions de cet article posera des problèmes, comme cela a été souligné, sur le plan de l'urbanisme, j'attire l'attention de la commission sur une question juridique.
En effet, un risque juridique existait dans le dispositif antérieur que la loi SRU a supprimé. Or, en l'occurrence, quelle est la sécurité juridique d'un dispositif où l'on impose au vendeur d'indiquer la surface hors oeuvre nette des bâtiments ? Qu'arrive-t-il s'il ne le fait pas ? Qu'arrive-t-il s'il se trompe ? Qui vérifie ? Très franchement, vous prenez le maximum de risques en matière de sécurité juridique, monsieur le rapporteur !
Par ailleurs, il est prévu que l'on modifiera le POS par une simple délibération du conseil municipal, sans qu'il soit procédé à une enquête publique, bien entendu ! Là, je ne comprends plus ! Je crois qu'il faut revoir cette affaire très sérieusement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer la nouvelle réglementation des divisions.
Que l'on me permette de rappeler que les auteurs de la loi SRU ont supprimé l'obligation d'obtenir un certificat d'urbanisme à l'occasion de toute division de terrain, en abrogeant l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme, dont nous avons beaucoup parlé en commission. Celui-ci prévoyait que lorsqu'une partie est détachée d'un terrain dont les droits à construire n'ont été que partiellement utilisés, il ne peut y être construit que dans la limite des droits qui n'ont pas été utilisés avant la division. Il s'agissait d'éviter ainsi que, par des divisions successives, on puisse tourner les règles liées au coefficient d'occupation des sols, précisées par le conseil municipal. Cela permettait de prévenir les densifications extrêmes.
Je tiens à vous faire part, mes chers collègues, de l'avis, sur cette question, de M. Georges Liet-Veaux, agrégé des facultés de droit et professeur honoraire au Conservatoire national des arts et métiers, paru dans La Semaine juridique notariale et immobilière :
« La thèse officielle, ou en tout cas dominante, aboutit évidemment à favoriser une fraude bien connue, consistant, de la part d'un propriétaire, à utiliser sur son terrain une densité maxima, puis à découper ledit terrain en cédant à un tiers une parcelle nue sur laquelle l'acquéreur revendique à son tour une densité constructible "autonome", ne tenant pas compte des constructions réalisées par son vendeur. La loi du 31 décembre 1975 avait été qualifiée à cet égard par tous les commentateurs de "loi antifraude". »
Je ne veux pas insinuer que les collègues auteurs des amendements sont pour les fraudeurs, mais je dois livrer l'analyse de M. Liet-Veaux, qui poursuit en ces termes :
« Avec la thèse officielle analysée ci-dessus, la fraude est ouverte à nouveau. Comme l'écrit très justement M. Pérignon, la division foncière devient "en quelque sorte créatrice de nouveaux droits de construire". Le même COS pourrait être utilisé deux fois. Ce qui fait écrire à Hocreitère : "on peut s'interroger sur le fait de savoir si le juge, par voie prétorienne, ne rétablira pas une règle selon laquelle on ne peut consommer plusieurs fois les mêmes droits de construire". Et Hocreitère renvoie à l'interrogation que se posait M. Pérignon précité. »
Je propose donc que le juge soit amené à se prononcer et que le Parlement dispose et fasse preuve de réalisme, afin d'éviter que l'on puisse tourner les règles posées par le conseil municipal par le biais de l'instauration du coefficient d'occupation des sols.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement estime tout à fait important et judicieux de permettre aux élus de contrôler, s'ils le souhaitent, la densité de l'urbanisation de leur commune.
Par conséquent, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à des amendements de suppression de l'article 8.
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.
M. Yves Dauge. J'aurais souhaité que l'on réponde aux questions relatives à la sécurité juridique du dispositif que j'ai posées : comment compte-t-on garantir cette sécurité juridique et comment pourra-t-on modifier un POS par simple délibération du conseil municipal ?
Il faudra bien clarifier ces points !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 19 et 47.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article additionnel avant l'article 9