SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 1er. - Les deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas du III de l'article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, sont remplacés par les alinéas suivants :
« - Sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire, le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, animent et coordonnent l'ensemble du dispositif de sécurité intérieure.
« A cet effet, sans préjudice des missions de la gendarmerie relevant de la défense nationale, il fixe les missions autres que celles qui sont relatives à l'exercice de la police judiciaire et coordonne l'action des différents services et forces dont dispose l'Etat en matière de sécurité intérieure.
« Il dirige l'action des services de la police et de la gendarmerie nationales en matière d'ordre public et de police administrative. Les responsables locaux de ces services lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées.
« Il s'assure, en tant que de besoin, du concours des services déconcentrés de la douane et des droits indirects, des services fiscaux, des services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, et des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, aux missions de sécurité intérieure.
« Les préfets de zone coordonnent l'action des préfets des départements de leur zone pour prévenir les événements troublant l'ordre public ou y faire face, lorsque ces événements intéressent au moins deux départements de cette même zone.
« En outre, le préfet de police, en sa qualité de préfet de zone à Paris, dirige les actions et l'emploi des moyens de la police nationale et de la gendarmerie nationale concourant à la sécurité des personnes et des biens dans les transports en commun de voyageurs par voie ferrée de la région d'Ile-de-France. »
La parole est à M. Philippe Nogrix, sur l'article.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, j'ai longtemps hésité à déposer un amendement sur l'article 18. Cependant, votre projet de loi étant équilibré et satisfaisant la majorité de nos concitoyens, je me contenterai de vous adresser une requête.
Les forces de police et de gendarmerie vont sans doute permettre de démanteler des réseaux. Cependant, lorsqu'un proxénète est arrêté ou un chef de bande gardé à vue, les personnes qui sont sous leur dépendance sont laissées « sur le carreau ».
Par conséquent, je vous demanderai que soit prévue, dans les procédures d'intervention de la police et de la gendarmerie, la nécessité de faire appel aux services d'accompagnement sociaux des communes et des conseils généraux. Les personnes qui se trouveraient seules, désemparées, pourraient ainsi bénéficier d'un accompagnement qui leur éviterait de retomber dans la misère.
S'il est vrai que votre projet de loi satisfait les citoyens, je pense qu'il satisfait même ceux qui se sentent exclus et qui, parfois par malchance, sont marginalisés. Ils seront heureux de savoir qu'ils ne font pas l'objet d'un amalgame, dans votre loi, avec les gens qui profitent de la misère des autres pour assumer leur vie.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, sur l'article.
M. Robert Bret. L'article 1er du projet de loi peut sembler viser une simple réorganisation technique des services participant à la lutte contre l'insécurité. Cette analyse s'avère rapidement insuffisante à la lecture des dispositions qu'il contient, car c'est bien la globalisation du concept de sécurité intérieure qui est ici définie.
Cette conception globale, monsieur le ministre, est uniquement centrée sur le tout-répressif.
Pour vous, le combat pour la sécurité semble se résumer aux nouveaux pouvoirs que vous conférez aux préfets en la matière.
Cet article fixe les limites de votre action. Puisque vous vous référez au Président de la République, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité sénatoriale, les propos de M. Jacques Chirac lors de la campagne électorale auraient pu laisser croire à la prise en compte des facteurs déclenchants de la délinquance dans l'ensemble de la société.
Au mois de juillet dernier, à l'occasion du débat sur la loi de programmation, nous avions rappelé les promesses de campagne déjà non tenues.
Le futur président de la République déclarait, le 19 février 2002, à Garges-lès-Gonesse, son programme en la matière : « la sécurité doit être l'affaire de tous. Tous les maillons de la chaîne de responsabilité et d'autorité de la société française doivent être renforcés ».
Il évoquait l'aide aux familles, notamment la généralisation de l'accueil des enfants avant et après l'école. Qu'en est-il de ce projet ?
Il évoquait également le soutien au tissu associatif. Que sont devenues ces mesures ?
Il réaffirmait la nécessité d'une bonne coordination avec les pouvoirs locaux en repoussant l'idée d'une municipalisation de la police. Je vous ai d'ailleurs entendu, monsieur le ministre, sur cette question, et vous avez été très clair. Le projet de loi dont nous discutons reste cependant très flou, l'article 1er donnant tout pouvoir aux préfets.
Jacques Chirac - et j'insiste sur ce point - développait tout un chapitre sur les causes profondes de la délinquance. Il s'engageait sur un projet pour l'école. Qu'est devenu ce projet, monsieur le ministre, dans votre discours sur l'insécurité ?
Vous parlez de réhabiliter la politique, mais le fait de ne pas tenir les promesses, d'éluder un pan entier du discours qui a permis l'élection de Jacques Chirac ne déshonore-t-il pas la fonction politique ?
Ce projet pour l'école, ambitieux, visant à donner un socle commun de connaissances en insistant prioritairement sur l'acquisition des savoirs fondamentaux - lire, écrire, compter - est jeté aux oubliettes.
Aujourd'hui, le débat budgétaire l'atteste, l'heure est à la restriction pour l'école publique. La rigueur budgétaire dans le domaine éducatif condamne, monsieur le ministre, toute politique ambitieuse et sincère de lutte contre la délinquance.
Vous qualifiez souvent de tartuffes ceux qui s'opposent à votre projet. Permettez-moi de vous indiquer que la tartufferie consiste plutôt à vouloir combattre l'insécurité en n'augmentant pas les moyens dans le domaine scolaire alors qu'un gigantesque effort est nécessaire.
Ceux qui connaissent les quartiers difficiles, monsieur le ministre, et nous sommes nombreux dans ce cas sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, savent bien que les difficultés et l'agressivité doivent se traiter dès le plus jeune âge, à l'école primaire, voire à l'école maternelle. Or, trop d'enseignants, dans les écoles situées au coeur des quartiers difficiles, ne disposent pas des moyens qui leur permettraient de faire face à la situation.
Quelle formation les enseignants de ces écoles reçoivent-ils ? Vous savez comme moi, monsieur le ministre, que l'effort qui est fait dans ce domaine n'est pas du tout à la hauteur des enjeux.
Je regrette donc beaucoup que le Gouvernement se cantonne à une globalisation de la répression, creusant ainsi les inégalités face à l'école, à l'emploi ou aux salaires.
Je tiens à rappeler enfin que lorsque le candidat Jacques Chirac prônait un « projet pour la ville », il évoquait la construction d'un million de logements sociaux en 20 ans.
Je ne crois pas que le texte qui a été voté à la sauvette dans la nuit de mardi à mercredi pour supprimer l'obligation de construire des logements sociaux prévue par la loi SRU réponde un tant soit peu aux exigences du programme du Président de la République.
Oui, monsieur le ministre, l'article 1er est caractéristique de votre projet : il est une mesure d'affichage politique, qui ne s'attaque pas aux racines du mal.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 129, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 67, présenté par M. Hyest, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer les deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas du III de l'article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, remplacer les mots : "des missions de la gendarmerie relevant de la défense nationale", par les mots : "des textes relatifs à la gendarmerie nationale". »
L'amendement n° 72 rectifié bis , présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer les deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas du III de l'article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, après les mots : "et de la répression des fraudes", rédiger comme suit la fin de l'alinéa : des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et des agents de l'Etat chargés de la police de la chasse et de la pêche maritime et fluviale, aux missions de sécurité intérieure. »
La parole est à M. Robert Bret, pour défendre l'amendement n° 129.
M. Robert Bret. L'article 1er tend à recentraliser l'action de la police et de la gendarmerie - et, par voie de conséquence, les résultats qu'elle obtient - au niveau du préfet. Quel paradoxe, après le débat sur la décentralisation et la volonté décentralisatrice du Gouvernement !
Les préfets risquent donc de faire travailler les équipes de police et de gendarmerie dans une véritable culture du résultat, sans procéder au traitement de fond de la délinquance et de l'insécurité. La sécurité sera alors appréhendée comme un phénomène qu'il convient de traiter globalement afin de « faire du chiffre ».
A cet égard, les cinq départements les meilleurs et les cinq départements les moins bons en matière de délinquance ont déjà été convoqués place Beauvau, par l'intermédiaire de leurs préfets. Pour quel résultat ? Peu de conclusions ont pu en être tirées sur les actions et sur le tri des opérations qu'il convient de faire. Le résultat est quasi nul également concernant les groupements d'intervention régionaux, qui peuvent, certes, effectuer des opérations « coup de poing » comme à Nanterre où 270 hommes avaient été mobilisés pour interpeller trois hommes et saisir 256 grammes de résine de cannabis, quelques voitures et ordinateurs volés.
Comme quoi il n'est pas forcément productif de vouloir à tout prix unifier l'action de la police et de la gendarmerie sans s'interroger sur l'efficacité des enquêtes menées sur le long terme et sans forcément mettre une caméra derrière chaque policier.
De plus, vous souhaitez unifier des hommes dont le statut professionnel est différent.
Il existe un risque que des tensions surviennent entre les policiers et les gendarmes, entre ceux qui bénéficient du droit syndical et ceux qui n'en bénéficient pas.
Le traitement des personnels se fera-t-il en toute équité ? Les gendarmes seront-ils prêts à faire des concessions sur leurs conditions de travail sans pouvoir émettre de réserves, faute de représentants syndicaux, face à des policiers revendicatifs ? Le rapporteur de la commission a lui-même attiré notre attention sur ce point.
Je pense donc que cet article ne constitue pas une réponse adaptée aux besoins de sécurité des Français, à moins de vouloir leur donner l'illusion que le Gouvernement agit afin de réduire leur sentiment d'insécurité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l'amendement n° 67.
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne partage pas du tout l'avis de M. Bret sur cet article, que je juge tout à fait important. Il préside à une nouvelle architecture de l'organisation de la police puisque, désormais, c'est au préfet qu'incombera la responsabilité de la direction des services de police, ce qui constitue un progrès. D'ailleurs, cette compétence s'inscrit parfaitement dans la ligne des responsabilités du ministre de l'intérieur telles qu'elles sont définies par le décret du 15 mai 2002. C'est un progrès d'autant plus significatif que les autres services sont également associés à ces missions.
Néanmoins - et c'est la raison de mon amendement -, la gendarmerie nationale a un statut spécifique, un statut militaire que nous souhaitons, je crois, tous lui conserver. Compte tenu de cette spécificité, il y a lieu, selon moi, d'apporter des précisions, d'autant plus que, outre ses responsabilités en matière de défense nationale, la gendarmerie a un mode de recrutement, des horaires de travail différents, qu'elle est soumise à une hiérarchie et ne jouit pas d'un certain nombre de droits propres aux fonctionnaires civils.
Je ne crois pas qu'il faille donner l'impression que la gendarmerie nationale pourrait voir supprimer, comme c'est le cas dans d'autres pays, son caractère militaire.
Si j'ai déposé cet amendement, monsieur le ministre, c'est pour vous permettre de préciser que la gendarmerie nationale reste ce qu'elle est, conformément au décret de 1903, même si certaines améliorations peuvent être apportées à ce texte, afin de rassurer les personnels et d'éviter que des gendarmes n'établissent des comparaisons avec d'autres forces de police. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 72 rectifié bis .
M. Michel Charasse. L'article 1er du projet de loi pour la sécurité intérieure fixe les conditions dans lesquelles les préfets coordonnent l'activité d'un certain nombre de services de l'Etat. L'alinéa visé par mon amendement place ainsi sous leur autorité, en matière de coordination, des services relevant des administrations financières et les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.
Monsieur le ministre, je souhaite d'abord obtenir de vous, même si je n'ai aucun doute quant à la réponse, l'assurance qu'il ne s'agit pas d'une remise en cause des pouvoirs autonomes de ces services.
Je rappelle à nos collègues que les décrets du 10 mai 1982, pris à la suite de la loi de décentralisation, ont placé tous les services de l'Etat sous l'autorité du préfet, à l'exception de la direction du travail, les inspecteurs et contrôleurs du travail ayant des attributions de police judiciaire, et des services fiscaux, la douane et la comptabilité publique, qui ont soit des attributions judiciaires, soit des responsabilités personnelles de caisse.
Je suppose que le présent projet de loi ne remet pas en cause cette exception et qu'il ne s'agit donc que d'un problème de coordination.
Je ne sais cependant pas si l'expression « services fiscaux » - services que vous connaissez bien, monsieur le ministre, puisque vous les avez dirigés - couvre à la fois les services fiscaux et la comptabilité publique. Peut-être ce point mériterait-il d'être précisé, l'administration du Trésor pouvant aussi avoir un rôle à jouer.
Mon amendement n° 72 rectifié bis est très simple : il vise à ajouter à la liste des services ne dépendant pas actuellement du préfet, mais qui peuvent participer à la coordination, les « agents de l'Etat chargés de la police, de la chasse et de la pêche maritime et fluviale », chargés aussi, je ne l'ai pas précisé mais cela va de soi, de la sécurité maritime.
Tous ces services participent à la lutte contre les fraudeurs et les mafias. Prenons l'exemple de la chasse : en période de chasse, il y a, par exemple, tout au long du Val de Loire, autour du parc de Chambord, au long de la Sologne, des trafics inimaginables de gibier, et ceux qui s'y livrent sont souvent rattachés à ces mêmes mafias qui créent des problèmes ailleurs.
C'est pourquoi je propose d'ajouter à la liste, qui serait éventuellement précisée ultérieurement, les agents de l'Etat - et bien sûr, les organismes de l'Etat - qui sont chargés de la police de la chasse et de la pêche maritime et fluviale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission approuve le renforcement du rôle des préfets dans le département. C'est un gage d'efficacité et de cohérence en matière de sécurité intérieure.
L'article 1er est particulièrement important en ce qu'il permettra aux préfets de coordonner, et de diriger, l'action des services de police, ce qui correspond tout à fait à l'attente de nos concitoyens. Il ne saurait être question de le supprimer.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 129.
S'agissant de l'amendement n° 67, la commission a effectivement constaté que le renforcement du rôle des préfets sur les actions de la gendarmerie en matière d'ordre public et de police administrative était la conséquence de la décision ayant conduit à placer pour emploi la gendarmerie auprès du ministre de l'intérieur.
Votre amendement, monsieur Hyest, est particulièrement important parce qu'il permettra au Gouvernement d'apporter des précisions sur le statut de la gendarmerie.
La commission attend donc de connaître l'avis du Gouvernement, auquel elle se ralliera bien évidemment.
Enfin, pour ce qui est de l'amendement n° 72 rectifié bis, il est effectivement utile de mentionner la contribution des agents de l'Etat chargés du contrôle de la chasse et de la pêche aux missions de la sécurité intérieure.
La commission a donc émis sur cet amendement un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La demande de suppression de l'article 1er découle de l'argumentation que M. Bret a développée hier. Qu'il ne prenne donc pas comme une discourtoisie le fait que je ne lui réponde pas longuement.
Je tiens pour ma part beaucoup à l'article 1er, et je vais préciser pourquoi.
Je tiens à cet article, car je pense que nos concitoyens des zones rurales et périurbaines ont un même droit à la sécurité et à la tranquillité publique que tous les autres. Or, et M. Hyest qui réfléchit à ces questions depuis longtemps le sait parfaitement, ce n'est pas le cas depuis quelques années.
Convenons en effet que l'insécurité s'est beaucoup développée en périurbanité et en ruralité, et pas seulement, je le répète, depuis cinq ans. C'est depuis bien plus longtemps que nous assistons au double phénomène des violences urbaines dans nos villes et de la dégradation des conditions de sécurité en ruralité et en périurbanité.
C'est ce qui a conduit le Président de la République à indiquer, lors de son élection, qu'il voulait que, dans le cadre d'un grand ministère de l'intérieur, les missions de la police et de la gendarmerie soient coordonnées, le corollaire étant naturellement que le préfet puisse organiser la coordination.
Jusqu'à présent, et je parle sous le contrôle de plusieurs d'entre vous, il y avait des degrés divers d'autonomie - je n'en dirai pas plus, chacun comprendra -, de telle sorte qu'il n'était pas toujours certain que l'utilisation - indépendamment de l'ordre public - des forces de l'ordre respectait un schéma opérationnel, ne serait-ce que départemental.
Touche-t-on aux statuts de la gendarmerie ? Non. Les dispositions propres à la gendarmerie seront-elles respectées ? Naturellement, puisque le budget de la gendarmerie relèvera toujours du ministère de la défense et puisque les gendarmes conserveront un statut militaire. Je n'en ai, si j'ose dire, que l'emploi, en tout cas pour la police administrative, car, quand les gendarmes sont dans le cadre de la police judiciaire, comme la police nationale,...
M. Jean-Jacques Hyest. C'est en effet autre chose.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... ils suivent les instructions des magistrats.
Ces précisions sont utiles, car tout changement provoque des inquiétudes. Mais, sous le bénéfice de ces explications, peut-être M. Hyest acceptera-t-il de retirer son amendement, dont on a compris l'esprit ; je veillerai à ce que cet esprit soit respecté.
Monsieur Charasse, le Gouvernement estime que votre amendement n° 72 rectifié bis est pertinent, et il émet un avis favorable.
En effet, les agents de l'Etat chargés de la police de la chasse et de la pêche participent aux missions de sécurité intérieure. J'ai eu l'occasion de le constater, il y a quelques jours, dans le Haut-Rhin, où il y a même une police montée dont on m'a demandé de faire grand cas.
Une question pertinente a d'ailleurs été soulevée : pourquoi les gardes champêtres ne seraient-ils pas un jour assimilés à la police municipale ? Les gardes champêtres tiennent en effet à la campagne la place que la police municipale occupe à la ville.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En effet !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il n'y aurait donc aucun inconvénient à ce que nous procédions à une harmonisation, mais, en tout état de cause, je suis favorable à l'amendement de M. Charasse.
M. le président. Monsieur Hyest, l'amendement n° 67 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Hyest. Dès lors que M. le ministre a précisé que les spécificités du statut de la gendarmerie nationale seront maintenues, je retire cet amendement, en indiquant que le rapporteur pour avis du budget de la gendarmerie, M. Philippe François, qui veille particulièrement au sort fait aux gendarmes, s'y était, bien qu'il n'en soit pas signataire, associé.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je vous remercie, monsieur Hyest.
M. le président. L'amendement n° 67 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 129.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'article 1er.
M. Jacques Mahéas. Cet article 1er semble apporter des innovations, mais ce ne sont qu'apparences.
Les préfets sont des hauts fonctionnaires qui ont souvent - je dirai même toujours - une haute idée du service public. Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez souhaité recevoir chaque mois les préfets des départements ayant obtenu les moins bons et les meilleurs résultats en matière de sécurité.
Ont ainsi été convoqués le 11 octobre place Beauvau les préfets de l'Ardèche, de l'Ariège, du Cantal, de la Lozère et de la Marne, départements ayant enregistré au mois d'août les plus fortes hausses - de plus 20 % à plus 42 % - de la délinquance.
Vous avez également reçu les préfets du Lot, du Morbihan, du Rhône, du Var et de la Vienne, les cinq départements qui ont obtenu les meilleurs résultats en matière de sécurité entre août 2001 et août 2002, avec des baisses de 16 % à 22 %.
Cette procédure soulève des interrogations non seulement quant à l'intérêt de la méthode choisie, mais également sur la fiabilité des chiffres.
Sur la méthode, les pourcentages bruts retenus comme critères de sélection peuvent recouvrir de nombreuses disparités qui devraient conduire à relativiser les résultats.
C'est ainsi qu'une hausse d'environ 20 % enregistrée en Lozère d'une période à l'autre ne correspond qu'à quarante-six faits supplémentaires constatés. De même, parmi les cinq meilleurs départements, une baisse de 20 % enregistrée dans le Var correspond à 2 000 faits constatés en moins, tandis qu'une baisse de 22 % dans le Lot, premier de la classe, ne signifie que 141 faits constatés en moins.
En outre, dans certains départements où une baisse de la délinquance a été constatée en août 2002, les taux d'élucidation sont moindres que ceux d'août 2001, alors que, à l'inverse, ils sont meilleurs en 2002 qu'en 2001 dans d'autres départements où la délinquance a crû.
Si je développe cette argumentation, c'est pour montrer, monsieur le ministre, la contradiction entre votre attitude et cet article, qui vise en effet à donner aux préfets davantage de pouvoirs, mais des pouvoirs qu'ils ont déjà, et je ne parle pas là des quelques préfets à qui il arrive parfois, hélas ! de vous dépasser, certains s'étant ainsi permis de proférer des allégations, me semble-t-il contestables, à propos des gens du voyage. C'est cependant l'exception, convenons-en.
Rappelons que, à l'échelon national, le conseil de la sécurité intérieure est présidé par le Président de la République, qui détermine les orientations générales de la politique menée en matière de sécurité et fixe les grandes priorités. Les objectifs nationaux, approuvés par le Gouvernement, sont définis et mis en oeuvre par le ministre chargé de la sécurité intérieure.
A l'échelon départemental, le préfet assure déjà la coordination de l'ensemble du dispositif de sécurité intérieure, sans préjudice des compétences de l'autorité judiciaire et des forces de gendarmerie.
En effet, dans le droit en vigueur, le préfet exerce de fait une mission de direction puisqu'il est chargé d'animer et de coordonner la prévention de la délinquance et de l'insécurité, sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice des missions de la police judiciaire. Il fixe les missions et veille à la coordination des actions en matière de sécurité publique des différentes forces, celles de gendarmerie notamment, sous réserve et sans préjudice des textes relatifs à ce corps.
Le préfet s'assure enfin du concours des services des douanes.
Une mention particulière vise le préfet de police de Paris, qui coordonne l'action des préfets des départements de la région d'Ile-de-France pour prévenir les événements troublant l'ordre public et y faire face lorsqu'ils intéressent Paris et d'autres départements de la région.
Je souligne également que, s'agissant de la coordination par le préfet de police de la sécurité des transports par voie ferrée en Ile-de-France, les pouvoirs publics ne font que poursuivre une action engagée depuis de nombreuses années déjà.
Il faut remonter à l'article 6 de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, la LOPS, du 21 janvier 1995, qui a confié au préfet de police de Paris, dans le domaine de l'ordre public, un pouvoir de coordination...
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean Chérioux. Tout de même !
M. Jacques Mahéas. ... des actions entreprises dans toute l'Ile-de-France.
C'est la gauche qui a mis cette mesure en pratique et l'a concrètement appliquée.
Mme Nelly Olin. C'est fini !
M. Jacques Mahéas. Le groupe socialiste ne voit donc pas l'utilité de cet article 1er. Toutefois, puisqu'il ne vise qu'à préciser un certain nombre de choses, nous ne nous y opposerons pas. (Exclamations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
Nous nous abstiendrons donc.
M. Jean Chérioux. Quels suspens !
M. Philippe Nogrix. Vous auriez dû commencer par là !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Il est vrai que l'on peut s'interroger sur l'utilité de l'article 1er. Celui-ci permet certainement de lever quelques ambiguïtés juridiques, mais il présente surtout un avantage - c'est le seul que je vois, cher Jacques Mahéas -, celui de remettre de l'ordre en matière d'autorité de l'Etat.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est déjà pas mal !
M. Michel Charasse. En effet, il faut être bien conscient du fait que, si nous n'avions pas laissé se dégrader autant, depuis vingt ans, trente ans ou plus, l'autorité des préfets sur les services locaux de l'Etat, nous n'aurions pas besoin de ce genre de texte.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Exactement !
M. Michel Charasse. Le problème, c'est que chaque service se considère comme autonome, surtout s'il est placé sous l'autorité du préfet depuis la loi Defferre et les décrets sur la décentralisation !
Cela étant, il est vrai que, juridiquement, M. Mahéas a raison : à partir du moment où l'Etat est le patron de ses services, ces derniers doivent lui obéir.
Mais surtout, monsieur le ministre, il faut avoir à l'esprit une chose importante : les textes, c'est bien beau, mais ils sont inutiles s'ils ne sont pas appliqués.
Mme Nicole Borvo. Exactement !
M. Jacques Mahéas. Appliquons-les !
M. Michel Charasse. Or, je ferai à cet égard un constat simple : l'application des textes se heurte à deux problèmes, celui des moyens matériels et celui de la volonté.
M. Jean Chérioux. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Je ne parlerai pas des moyens en ce qui concerne le texte dont nous discutons : nous verrons bien ce que donneront les lois d'orientation et de programmation votées cet été, et mes amis ont eu l'occasion de s'exprimer sur ce sujet.
Quant au problème de la volonté, il faut savoir que toute autorité locale de l'Etat - que ce soit le commissaire de police, un commandant de brigade de gendarmerie, le sous-préfet ou le préfet - est terrorisée à la pensée que sa hiérarchie réagira si elle prend des décisions sévères en matière de maintien de l'ordre. Comme la plupart de ces gens n'ont qu'une peur, celle de lire les commentaires dans la presse du lendemain...
MM. Jean Chérioux et Jean-Pierre Vial. Eh oui !
M. Michel Charasse. ... et de provoquer une réaction à Paris, ils n'agissent pas,...
M. Jean Chérioux. Exactement ! Très bien !
M. Michel Charasse. ... ou tardivement, afin d'être plus tranquilles.
M. Jacques Peyrat. C'est vrai !
M. Michel Charasse. Par conséquent, monsieur le ministre, avant de faire voter un grand nombre de textes, celui-ci ou d'autres, il faudrait déjà donner des instructions fermes - je ne vous mets pas en cause en ce qui concerne la fermeté (Sourires) - pour que ceux qui sont en vigueur soient appliqués.
Je prendrai un exemple simple. Voilà peu de temps, dans un département que je connais, une personne vivant dans un campement de gens du voyage - on ne sait plus comment les appeler, parce que dès qu'on les désigne d'une autre façon, on est pris à partie dans les journaux - a été interpellée par les gendarmes au volant d'une voiture toute neuve dont le coût à l'achat dépassait très largement ses possibilités financières.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela existe donc ?
M. Michel Charasse. Oui, cela existe !
La brigade de gendarmerie, après avoir fait les constatations, saisit la direction des services fiscaux, qui répond qu'elle veut bien faire une descente dans le campement, mais qu'elle n'enverra pas ses agents s'ils ne sont pas accompagnés par un escadron de gendarmes. Il n'y a plus alors qu'à s'adresser au préfet, qui, s'il dispose d'un escadron de gendarmerie - admettons qu'il en soit ainsi - acceptera d'intervenir à condition d'être sûr d'être couvert par le ministère de l'intérieur en cas de bavure... Comme l'on peut penser que l'on risque une forte bagarre, surtout s'il s'agit de grosses questions d'argent sale, il ne se passera rien, et le procès-verbal des gendarmes finira dans un tiroir !
Je ne m'étendrai pas davantage sur cet exemple, monsieur le ministre, pour ne pas faire perdre de temps au Sénat et, surtout, pour ne pas trop irriter mes amis (Rires) , mais je tenais à formuler ces observations.
Quoi qu'il en soit, avant de faire voter définitivement votre projet de loi pour la sécurité intérieure, il faudrait déjà appliquer strictement les textes existants. Vous verrez alors que ceux qui vous critiquent parce que vous voulez faire voter certains textes vous critiqueront encore plus parce que vous ferez appliquer des textes anciens qu'ils ont quelquefois votés ! (Rires et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. le ministre applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je voudrais indiquer, à la suite de l'adoption de l'amendement n° 72 rectifié bis présenté par M. Charasse, qu'il ne me paraît pas très opportun de prévoir que les gardes-chasse pourront être mobilisés, fût-ce sous l'autorité du préfet, pour participer à diverses opérations, dont la définition reste assez floue. La proximité de ces personnes avec des gens armés laisse craindre des débordements incompatibles avec la sérénité publique.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. C'est presque avec enthousiasme, monsieur le ministre, que je voterai cet article. Il permettra de faire enfin avancer les choses dans nos communes et nos départements. Combien de fois, en effet, n'avons-nous pas été déçus des résultats d'interventions que nous faisions auprès du préfet, lequel n'avait ni les moyens ni la possibilité d'agir directement ?
Je voudrais également vous remercier et vous féliciter de la fonction de management que vous assurez vis-à-vis des préfets. Toute personne responsable, tout chef d'entreprise sait que le management est indispensable, même s'agissant des cadres du rang le plus élevé. Recevoir les préfets, discuter avec ceux d'entre eux qui ont obtenu les meilleurs résultats ou qui, au contraire, rencontrent des difficultés me semble une pratique de bon sens. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er
ou après l'article 29