SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 11. - I. - Après le premier alinéa de l'article 131-31 du code pénal, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Elle est inscrite dans le fichier des personnes recherchées dont l'objet est de faciliter les recherches effectuées par les services de police et de gendarmerie à la demande des autorités judiciaires, administratives ou militaires. »
« II. - Après le deuxième alinéa de l'article 42-11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, il est ajouté un troisième alinéa ainsi rédigé :
« Elle est inscrite dans le fichier des personnes recherchées dont l'objet est de faciliter les recherches effectuées par les services de police et de gendarmerie à la demande des autorités judiciaires, administratives ou militaires. »
« III. - Il est ajouté à l'article 138 du code de procédure pénale un avant-dernier alinéa ainsi rédigé :
« Les obligations visées aux 1° , 2° , 3° , 8° , 9° , 12° et 14° du présent article sont inscrites dans le fichier des personnes recherchées dont l'objet est de faciliter les recherches effectuées par les services de police et de gendarmerie à la demande des autorités judiciaires, administratives ou militaires. »
L'amendement n° 141, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Nous sommes vivement opposés à l'inscription obligatoire à un fichier de certaines peines, notamment de celles qui sont relatives à des mesures d'interdiction telles que des interdictions de séjour, comme cela est prévu au paragraphe I de l'article 11, ou encore des interdictions de pénétrer dans une enceinte où se déroule une manifestation sportive, comme cela est prévu au paragraphe II.
En effet, puisque nous nous opposons à ce que figurent dans ces fichiers des données personnelles concernant des peines autres que criminelles, nous ne souhaitons pas davantage qu'y figurent des peines qui ne sont pas d'origine criminelles.
Or l'interdiction de pénétrer dans une enceinte sportive complète une condamnation pour destruction ou dégradations. Si ces infractions ne sont, certes, pas acceptables, il n'est cependant pas nécessaire que la peine qui leur est assortie figure dans un fichier informatique. Nous refusons cette extension systématique des fichiers que vous proposez, monsieur le ministre.
Nous la refusons en particulier quand il s'agit de l'inscription éventuelle des obligations prévues à l'article 138 du code de procédure pénale. En effet, au nombre de ces obligations figure celle de ne pas se livrer à certaines activités professionnelles ou sociales si une infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de ces activités.
Inscrire cette peine dans un fichier informatique reviendrait à stigmatiser les représentants syndicaux qui ont pu commettre des infractions dans le cadre de leur activité professionnelle ou sociale.
De manière générale, cette disposition tend à criminaliser l'action syndicale, puisque le risque existera, pour les représentants syndicaux, de se retrouver fichés. Ceux-ci, qui font généralement déjà l'objet de pressions de la part des employeurs, seront encore plus marqués s'il existe une présomption de fichage à leur encontre, comme s'ils étaient des criminels.
Cela, nous ne pouvons l'accepter, et c'est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression de l'article, que nous demandons au Sénat d'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 141 a pour objet de supprimer l'article 11, qui prévoit l'obligation de mentionner au fichier des personnes recherchées certaines peines et interdictions.
Or cet article nous paraît très important, notamment ses dispositions visant les personnes frappées d'interdiction de pénétrer dans une enceinte où se déroulent des manifestations sportives.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour l'explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes favorables à l'article 11 : nous comprenons parfaitement que l'on veuille vérifier que les interdits de séjour, les personnes qui se sont mal tenues dans les stades, celles qui sont placées sous contrôle judiciaire respectent les obligations qui leur sont faites. Ce souci est légitime.
Ce qui peut inquiéter, en revanche, c'est la façon dont sera appliquée cette disposition.
Imaginons qu'un match important doive se dérouler au Stade de France. On risque d'être arrêté en se rendant en voiture au stade, et le véhicule pourra alors être « visité » (Exclamations sur les travées du RPR), pour une raison ou pour une autre, par exemple pour prévenir des délits ou parce que le procureur l'aura décidé. Les gens à qui on aura à faire auront maintenant le droit, même s'ils sont employés par des entreprises privées, de « palper » les personnes ! (Sourires.)
Il faut d'ailleurs relever que cette opération devra être effectuée par une personne du même sexe. Voilà quelque temps, j'ai donc été « palpé » par un homme qui, lorsqu'une dame s'est présentée, a dû reprendre, puisqu'il n'avait pas de collègue du sexe féminin à ses côtés, l'un de ces appareils que l'on trouvait autrefois dans les aéroports et qui servaient à visualiser le contenu des poches des passagers...
Cette parenthèse amusante étant close, retournons à l'entrée du stade ! Le contrôleur devra bien sûr disposer d'un ordinateur pour vérifier que le contrôlé n'est pas inscrit au fichier des personnes ayant provoqué des troubles dans une enceinte sportive. Mais dans ces conditions, combien de temps à l'avance faudra-t-il se rendre au stade ? Il faut mesurer les conséquences des dispositions que l'on prend, et, en l'occurrence, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on risque de compliquer singulièrement les choses, hélas ! Néanmoins, nous voterons l'article 11.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

Article 12