SEANCE DU 19 NOVEMBRE 2002


PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite du débat sur l'assurance maladie, la parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Gouvernement a choisi, pour son premier projet de loi de financement de la sécurité sociale, de placer sa politique sous l'égide d'une nouvelle gouvernance.
Il nous a été dit que ce projet de loi était mu par une ambition inégalée, qu'il allait permettre à tous les acteurs du système de santé de retrouver sérénité et confiance et qu'il portait en lui la rupture avec un héritage jugé catastrophique, comme cela s'énonce de coutume à l'occasion de chaque alternance politique.
Concernant ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, je n'y ai vu pour ma part que peu de mesures nouvelles, pas de réforme de fond et aucune avancée sociale.
Je dirai même que votre méthode de travail n'a rien de la rupture. Là où vous reprochiez à la majorité précédente de produire des études et de créer des agences, vous vous employez à mettre en place des missions et à commander des rapports, dont les conclusions ne seront souvent que celles qui ont été obtenues par vos prédécesseurs ; je veux ici faire référence au rapport Brunhes dont vous feignez d'ignorer l'existence.
Tout effort de sémantique mis à part, la capacité de novation dont vous faites l'éloge trouve une limite sérieuse, et j'en arrive même à imaginer que la nouvelle gouvernance relève davantage de l'incantation que de véritables actions.
Je voudrais évoquer les trois principaux axes qui paraissent sous-tendre ce budget : d'abord l'ONDAM, ensuite la maîtrise des coûts, enfin la politique de santé publique.
Vous insistez avec force sur le caractère réaliste et crédible de votre proposition d'ONDAM pour 2003. Celui-ci, pour lequel vous prévoyez une croissance de 5,3 % par rapport à 2002, vous paraît de nature à rompre avec la distorsion observée au fil des années entre les dépenses effectives de santé et les orientations définies par le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je reconnais le poids de la tâche qui est la vôtre. Ce n'est un secret pour personne que le déficit de l'assurance maladie est responsable de la dégradation financière du régime général de la sécurité sociale. Cela n'est pas nouveau et la dérive se poursuit actuellement.
Mais les efforts que vous déployez pour étayer la thèse selon laquelle vos prédécesseurs sont responsables de tous les maux budgétaires que connaît l'assurance maladie aujourd'hui relève de l'inélégance sinon de l'aveuglement partisan.
M. Jean Chérioux Eh bien dites donc !
M. Bernard Cazeau. Ayez l'honnêteté de reconnaître que c'est la gauche qui, entre 1997 et 2002, a renoué avec les excédents du régime général de la sécurité sociale,...
M. Jean-Pierre Godfroy. Absolument !
M. Bernard Cazeau. ... notamment en divisant par quatre le déficit de l'assurance maladie.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Grâce à la croissance exceptionnelle !
M. Bernard Cazeau. Les recettes que vous anticipez paraissent largement surévaluées, étant fondées sur une prévision de croissance irréaliste et une progression de la masse salariale qui ne l'est pas moins. C'était l'objet d'un amendement qui a été examiné tout à l'heure.
Quant aux dépenses, elles ne sont pas davantage réjouissantes, plombées par les accords de juin 2002 avec les professionnels de santé, sans contrepartie véritablement productive. Je n'insisterai pas sur le sujet, Gilbert Chabroux l'ayant parfaitement exposé hier.
Par ailleurs, monsieur le ministre, votre système de soins prend-il véritablement la double direction de la maîtrise des coûts et de l'excellence, comme vous le dites ?
Vous souhaitez voir votre politique des soins de ville se fonder sur le dialogue et la responsabilité. Vous projetez même de parvenir à une optimisation, dites-vous, médicalisée des dépenses, fort du renouvellement du dialogue avec les professionnels de santé.
Je m'autoriserai une mise en garde, monsieur le ministre : avoir satisfait momentanément aux revendications du monde de la santé pour gagner sa confiance était une stratégie que je comprends tout à fait. Mais comment comptez-vous traduire la confiance que vous avez accumulée ainsi de la part des professionnels de la médecine de ville ?
Quel dispositif public avez-vous instauré pour orienter le comportement des praticiens ? Que sont devenues les propositions de rémunérations par forfait pour inciter à la prévention, notion sur laquelle vous insistez beaucoup ?
Quels instruments de maîtrise de la partie libérale du système de soins avez-vous mis en place ?
Je crains que les quelques exemples que vous avez évoqués au titre des bonnes pratiques n'aient qu'un impact de « mesurettes » sans lendemain. Les économies que vous attendez d'une délivrance plus fréquente de médicaments génériques et de la réduction du nombre des visites ne sont en rien garanties sur la durée, pas plus que ne l'est le véritable changement de comportement des médecins que vous semblez constater, mais que vous vous gardez d'illustrer dans les faits !
N'ayant rien changé sur le fond, je ne vois pas par quel miracle les pratiques changeraient.
D'ailleurs, vous-même, si j'en crois les propos que vous avez tenus sur France 2, en doutez et une partie de votre majorité à l'Assemblée nationale s'inquiète de l'efficacité réelle du système.
Bref, l'invocation de la confiance n'est pas la réponse qu'attendent les cotisants à la sécurité sociale, partagés entre qualité et pérennité des soins, d'une part, creusement des déficits, d'autre part.
La politique du médicament que vous proposez suffira-t-elle à générer les économies que vous anticipez ? Le déremboursement progressif des prescriptions de médicaments à « service médical rendu insuffisant » s'avérera pénalisant pour les patients. Même si certains sont, il est vrai, de véritables placebos, d'autres sont des médications qui ont fait leur preuve pour le confort de vie de nombre de nos concitoyens. De plus, votre décision n'ira pas sans susciter une volonté de compensation de l'industrie pharmaceutique. Ce sont d'ailleurs ces deux raisons qui en avait fait retarder l'application par le précèdent gouvernement.
Le forfait remboursement, s'indexant sur les prescriptions en dénomination commune, est une mesure gestionnaire efficace, mais elle revient à abaisser, dans les faits, le niveau de protection sociale des assurés sociaux et à les prendre en otage. La logique du partage des responsabilités que vous appelez de vos voeux est ainsi faussée.
Concernant l'autre pan de notre système de soins que constituent les soins hospitaliers, vous formulez des intentions fortes. Votre ambition est celle de l'excellence de l'hôpital public. Je puis vous assurer que vous répondez par là à une attente impérieuse des usagers, comme des praticiens et des personnels. La rhétorique de l'excellence peut toutefois, à certains égards, s'avérer incantatoire dès lors que des moyens suffisants ne sont pas mis à disposition.
Je reconnais au plan Hôpital 2007 que vous avez annoncé la pertinence de son diagnostic. Il n'a pas été assez fait pour l'aide aux investissements hospitaliers, et la gestion à court terme des effectifs hospitaliers a engendré de graves dysfonctionnements dans le quotidien des hôpitaux.
Mais, là encore, considérons les faits, le gouvernement précédent avait consacré 3,8 milliards d'euros à la modernisation de l'hôpital entre 1998 et 2002, soit une moyenne annuelle de 950 millions d'euros. Vous inscrivez 300 millions d'euros de crédits d'investissement alors que vous aviez annoncé 1 milliard d'euros pour l'hôpital en 2003. Je crois discerner que la solution à ce décalage, qui porte tout de même sur 700 millions d'euros, tient à deux projets auxquels vous vous êtes borné à faire allusion.
Le premier consisterait à décentraliser, dans le cadre de la loi organique portant sur les transferts de compétences en direction de collectivités locales, une partie des charges financières de modernisation des hôpitaux publics. Inutile de vous préciser que cette solution n'ira pas sans soulever de protestations et qu'elle devra impérativement se solder par des transferts financiers importants en direction des collectivités.
Le second dessein consisterait à introduire des opérateurs financiers immobiliers dans les programmes d'investissement, soit par la levée de prêts spécifiques, qui n'iront pas sans coûter cher dans l'avenir, soit par l'autorisation donnée au privé d'être un des acteurs. Dans ce dernier cas, un large débat national devra avoir lieu, car ce choix renvoie à une logique de privatisation rampante des hôpitaux publics, et non à une simple mesure technique.
Comme je le précisais à propos des soins de ville, les bonnes intentions ne font pas l'économie des moyens. Je crains que le projet Hôpital 2007 ne soit à son tour victime de cet adage.
Je souhaite enfin m'interroger sur les ambitions de la politique de santé publique que vous souhaitez voir exprimées à l'occasion d'une loi de programmation qui devrait être déposée devant le Parlement au printemps. Vous demeurez en cela dans une certaine continuité républicaine, puisque la loi Kouchner du 6 mars 2002 affirmait cette volonté.
J'espère que ce débat vous donnera l'occasion de clarifier vos intentions quant aux impératifs définis par vos prédécesseurs : lutte contre les maladies chroniques, le sida, l'hépatite C, les maladies orphelines, les pratiques addictives, etc.
Sur ce dernier point, laissez-moi vous faire part de la crainte que suscite parmi les acteurs associatifs et les publics concernés la réduction de 5,5 millions d'euros du budget de la mission interministérielle de lutte contre les toxicomanies. Certains y voient un inquiétant présage. Dans le même ordre d'idées, la priorité que vous accordez à la prévention peine à trouver une traduction concrète. Je rappellerai qu'entre 1997 et 2002 le financement des programmes de prévention a été multiplié par sept, ce qui me semble constituer un exemple à suivre, vous en conviendrez.
Permettez-moi de dire un mot maintenant d'un enjeu érigé par le Président de la République au rang de priorité nationale : la lutte contre le cancer. Oui, monsieur Vasselle, je tiens à cette prévention.
J'ai cru déceler dans vos propos que vous ne souhaitiez pas transiger sur ce sujet d'une importance grave, ce qui ne peut que susciter l'assentiment de tous. Mais, malgré la volonté que vous manifestez, et dont je ne conteste pas la sincérité, les perspectives ouvertes pour 2003 sont bien maigres : vous renvoyez, une fois encore, la définition du contenu de votre politique à une loi de programmation ultérieure. Il est certes satisfaisant d'observer que vous prolongez la politique conduite au cours des dernières années, notamment au sujet du dépistage du cancer du sein ou du cancer colorectal. Mais les mesures nouvelles font cruellement défaut.
Vous constaterez, monsieur le ministre, que les faits sont têtus et que les déclarations d'intention sont, sur eux, sans effet. La reconnaissance de votre action par les assurés sociaux passe, à n'en pas douter, par l'affirmation de volontés politiques. Mais en matière de politique de santé, dire n'est pas faire et affirmer n'est pas construire.
Sceptiques sur la méthode, nous déplorons les principaux aspects du projet de loi. Notre insatisfaction se veut le reflet de celle de nos concitoyens, qui refuseront à coup sûr de payer plus pour une moindre couverture, tout en craignant pour l'avenir du système collectif de santé publique. Ce n'est pas la liberté de langage avec laquelle M. Jacques Barrot a redéfini le partage des rôles entre le public et le privé qui nous rassure, même si vous y avez mis un bémol, monsieur le ministre.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques réflexions relatives au volet maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale que je souhaite exposer au nom du groupe socialiste du Sénat. Sachez que notre vigilance républicaine sera sans faille tant il nous apparaît que le système de santé français constitue un puissant ressort de l'unité de la nation. Toute réforme non concertée, toute tentative de transformation de la nature de l'organisation du système de soins, d'inspiration publique et de fonctionnement mixte, ainsi que tout abaissement des garanties de protection médicale des Français suscitera notre ferme opposition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot.
M. Gérard Dériot. Monsieur le ministre, comme vous l'avez indiqué, l'assurance maladie constitue le coeur d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale de transition, et ce avant les négociations sur les retraites et la Conférence de la famille qui sont prévues l'année prochaine.
Manifestement, les mécanismes de régulation mis en place ont perdu toute crédibilité ; le système hospitalier privé ou public est en crise ; les dépenses de santé sont à la dérive.
La crise de notre système de santé, c'est aussi l'échec de l'ONDAM. Le vote d'un objectif « rebasé » en cours d'année n'a finalement plus aucune signification. Il suffit de constater, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le montant des dépassements de ces dernières années. La régulation par la contrainte a indiscutablement échoué. C'est vrai non seulement pour la médecine de ville, mais aussi pour le secteur pharmaceutique, et ce malgré la délégation à la CNAMTS de la gestion de l'objectif de dépenses. Mieux vaut au préalable retenir un taux d'évolution de l'ONDAM plus élevé et crédible. La médicalisation de l'ONDAM, tout comme l'examen d'un projet de loi de financement rectificative, qui sont prévus, correspondent à des demandes anciennes de la commission des affaires sociales et de mon groupe parlementaire. Nous ne pouvons que nous réjouir de telles décisions.
Il convient effectivement de redonner tout son sens au pouvoir de contrôle du Parlement sur une politique de protection sociale de plus en plus complexe et évolutive.
Le vote d'une loi rectificative est une possibilité prévue par la loi organique mais qui avait toujours été refusée par l'ancien gouvernement. Monsieur le ministre, votre initiative est courageuse et vous honore. Vous devez en être félicité.
Comme nous l'avons vu, les mécanismes de régulation des dépenses de santé ont perdu toute crédibilité. Face à l'augmentation des dépenses de santé, gardons-nous cependant des fausses solutions.
S'agissant de la médecine de ville, les sanctions, qu'elles soient collectives ou catégorielles, entraînent des effets pervers qui ont incité le Gouvernement à changer de politique.
Le Gouvernement a donc opté pour une concertation maximale avec les professionnels. Sans cette concertation, il ne peut et ne pourra y avoir de maîtrise durable des dépenses de santé.
Mes collègues et moi-même avons l'occasion de rencontrer des médecins libéraux et d'autres professionnels de santé très régulièrement dans nos départements respectifs. Particulièrement déçus par l'attitude du précédent gouvernement, ils ont été très sensibles aux signaux positifs envoyés depuis l'été.
Je pense en particulier à une mesure prévue dans ce projet de financement de la sécurité sociale et qui a valeur de symbole : la suppression des lettres clés flottantes. Un climat de réelle confiance a été rétabli en quelques mois entre les médecins et l'Etat. C'est aussi vrai pour les autres professions médicales.
Monsieur le ministre, je crois que vous pouvez compter, dans votre action, sur l'appui de l'ensemble de ces professions. C'est une opportunité historique qu'il ne faut pas négliger. En ce domaine, vous avez montré qu'on ne pouvait pas faire de politique contre l'avis de ceux qui sont chargés finalement de l'appliquer.
Par ailleurs, il ne peut être question de remettre en cause, d'une manière ou d'une autre, un système d'assurance maladie qui prend en compte l'ensemble des assurés.
Face à la forte augmentation des dépenses de santé, des solutions existent, mais elles passent sans doute par la multiplication des expérimentations locales ou régionales associant les organismes de protection sociale qui assurent la couverture de base et complémentaire, d'une part, et les professions de santé, d'autre part.
Une nouvelle gestion du système reposerait sur quatre principes : concertation, contractualisation, évaluation et, lorsque cela est absolument nécessaire, sanction individuelle. Cette politique serait évidemment plus aisée à mettre en oeuvre au niveau d'une région, où une juste évaluation des besoins de santé pourrait être enfin réalisée.
Je note avec satisfaction que le financement d'actions d'évaluation fera désormais partie des prérogatives du fonds d'aide à la qualité des soins de ville.
Deux autres objectifs doivent être aussi atteints.
Il s'agit, en premier lieu, de la meilleure prise en compte des besoins sanitaires de la population. Il faut donc donner des moyens suffisants aux observatoires régionaux de santé et permettre également aux conférences régionales d'évaluer, tout au long de l'année, l'adéquation de l'offre aux besoins.
En second lieu, afin de contenir la progression des dépenses, nous devons donner plus d'ampleur à la politique de prévention et d'éducation de la santé. Pour cela, nous devons disposer d'une agence nationale et, au sein de l'ONDAM, d'une enveloppe spécifique affectée à cette mission essentielle. Nous attendons par ailleurs, sur ce sujet, le projet de loi sur la santé publique que prépare le Gouvernement.
Je dirai quelques mots de la situation fort préoccupante des établissements de soins.
Les problèmes des hôpitaux publics ont pris une ampleur sans précédent : on peut ainsi observer l'inadéquation des moyens par rapport à la demande et une activité asphyxiée par le budget global. Si ce budget global était effectivement nécessaire, à une époque où des économies devaient être faites, il était indispensable d'en sortir un jour, car l'on constate que cela étouffe la totalité de l'action et des moyens. Monsieur le ministre, vous l'avez prévu : c'est très important.
L'assurance que les établissements hospitaliers doivent contracter en application de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé est également pour eux un problème, de même que la pénurie d'infirmières et de médecins, à quoi il faut ajouter les conséquences du passage aux 35 heures, comme vous l'avez souligné.
Notons, bien sûr, que les cliniques privées connaissent aussi de graves difficultés financières ainsi qu'une pénurie de personnel aggravée par la différence de rémunération avec le secteur public.
Plusieurs mesures très positives sont prises par le Gouvernement en faveur des hôpitaux publics et privés. En particulier, un soutien à l'investissement à travers le plan Hôpital 2007 était, à mon avis, indispensable. C'est une heureuse initiative, je tenais à le souligner. Par ailleurs, la mise en place, certes difficile, vous l'avez souligné, d'une mission permanente d'audit national de l'hospitalisation et l'expérimentation d'une tarification fondée sur l'activité et non plus sur la pathologie étaient nécessaires !
Je terminerai par la politique du médicament : le développement des génériques est, semble-t-il, manifestement en marche. Au début de l'été, d'après une étude de la CNAMTS, les génériques représentaient plus de 8 % du nombre des boîtes de médicaments remboursés. L'accord du 5 juin entre les caisses de sécurité sociale et les médecins généralistes prévoit que, d'ici à novembre 2003, un quart de leurs ordonnances devront être en produits génériques. Les médecins autant que les pharmaciens ont vraiment bien joué le jeu, ce qui démontre l'intérêt de la concertation et témoigne de la confiance que l'on peut leur accorder dans une nécessaire politique de maîtrise des dépenses. C'est, me semble-t-il, la meilleure preuve que vous ayez pu apporter aujourd'hui de votre volonté de tenir compte des préoccupations exprimées par les professions de santé.
En revanche, j'émettrai quelques réserves sur l'article 27 du projet de loi. Pour des raisons évidentes de santé publique, il convient d'exiger dans un groupe générique sans princeps un même profil de bioéquivalence et des conditions de fabrication respectant la totalité des contraintes imposées à l'industrie pharmaceutique française.
Par ailleurs, vous avez annoncé, monsieur le ministre, la suppression ou le déremboursement de certains médicaments dits peu efficaces ou d'autres dits dangereux. Bien sûr, s'il y a des médicaments dangereux, il est indispensable de les supprimer rapidement. En revanche, permettez-moi d'être plus sceptique s'agissant des produits dits peu efficaces. On peut s'interroger sur l'efficacité réelle d'une telle mesure, car on risque de voir se produire un transfert des prescriptions vers des médicaments qui, finalement plus chers, seront, eux, toujours remboursés. Il est vrai qu'il ne s'agit que d'une annonce mais je tenais à tirer la sonnette d'alarme
En conclusion, je souhaite vous remercier, monsieur le ministre, pour votre capacité d'écoute, ainsi que MM. les rapporteurs Alain Vasselle et Adrien Gouleyron et, bien entendu, M. le président Nicolas About pour la grande qualité de leur travail.
Le problème du financement de notre assurance maladie est devenu un véritable problème de société. Nos concitoyens vont être inexorablement confrontés à un choix : soit maintenir le système actuel prévoyant une large couverture des dépenses d'assurance maladie - cela aura un coût -, soit offrir, comme c'est le cas dans d'autres pays européens, un moindre service et je ne suis pas certain que nos concitoyens en aient bien pris la mesure.
C'est effectivement à un véritable problème de société que nous sommes confrontés. Notre groupe soutiendra cependant le plan que vous nous avez décrit pour l'assurance maladie, tel qu'amendé par le Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, en présentant votre projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, vous nous avez dit qu'il s'agissait d'un texte de transition qui posait les bases d'une « nouvelle gouvernance » de notre système de santé.
Il devrait être suivi, au printemps, d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative puis, pendant l'été, d'après le calendrier du Premier ministre, d'un projet de loi de programmation pluriannuelle sur la santé.
Vous avez affirmé que la dérive de l'ONDAM portait atteinte à la crédibilité de la politique de maîtrise des dépenses. Vous souhaitez mettre en oeuvre une politique moderne du médicament. Vous nous dites que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue la première étape du plan Hôpital 2007 destiné à moderniser les établissements hospitaliers.
Vous avez enfin laissé sourdre votre préférence pour un panier de soins limité, tout en réfutant les propos musclés - et qui n'étaient certainement pas innoncents - de M. Jacques Barrot, qui, depuis, est lui-même revenu sur sa déclaration, dans laquelle il prônait de réserver la couverture maladie obligatoire aux seules maladies graves.
Dans le clair-obscur de la nouvelle gouvernance que vous nous proposez avec M. le Premier ministre, j'entends dénoncer ce qui se cache derrière les mots et les projets prétendument ambitieux. J'entends démontrer que vous engagez le démantèlement de notre système de protection sociale, qui ne pourra conduire qu'à une privatisation rampante.
M. Paul Blanc. Ça commence !
M. Guy Fischer. La santé des Français deviendrait une marchandise allouée au plus offrant, le choix des soins serait réservé à une élite : l'hôpital pour les pauvres, la clinique pour les riches. Certes, vous me trouverez encore caricatural. (A peine ! sur plusieurs travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) Mais je vous provoque.
M. Dominique Leclerc. C'est un procès !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. On est bien soigné à l'hôpital !
M. Guy Fischer. Je me propose de vous donner des exemples tout simples, tirés de la vie quotidienne, pour vous montrer ce qu'est déjà devenu notre système de santé - vous ne l'ignorez d'ailleurs pas - qui ne subit pas aujourd'hui sa première attaque et ce qu'il pourrait devenir si votre projet venait à être concrétisé.
Aux Hospices civils de Lyon, certains chirurgiens en sont réduits à refuser des visites pendant quelques mois, le temps que leur carnet d'opérations s'allège : à quoi bon rencontrer des patients dont l'état exige une opération lorsque l'on sait qu'il sera impossible de la pratiquer ? Quant aux urgences accueillies dans ce même établissement, j'ai personnellement attendu sept heures pour y faire admettre une personne âgée en état de déshydratation avancé.
M. Daniel Eckenspieller. C'est la conséquence de la situation que vous nous avez laissée !
M. Guy Fischer. Toujours dans mon département, deux cliniques seront fermées sur le plateau des Minguettes à Vénissieux pour être remplacées par un établissement unique dans un autre secteur. Quel accès aux soins de proximité entend-on assurer aux populations les plus modestes ?
Parmi les nombreux exemples que j'ai en tête, je ne vous en citerai qu'un, car le temps m'est compté : la cotation en bourse des cliniques de la Générale de santé. Je crois être l'un des seuls à avoir dénoncé la marchandisation de la santé comme une honteuse dérive, alors que 85 % du chiffre d'affaires du groupe sont assurés par la sécurité sociale.
Pis encore, la Générale de santé poursuit son ascension en vendant les murs de son futur pôle hospitalier lyonnais à Mutavie, filiale de la MACIF. Cette transaction de 48 millions d'euros va permettre au géant de l'hospitalisation privée de poursuivre son hégémonique croissance, sur le dos, à mon sens, des mutualistes et des assurés sociaux.
Plus généralement, la crise du système de santé est reconnue par tous, dans les hôpitaux notamment. Le manque de personnels soignants et de médecins appelle des mesures urgentes que ne contient nullement votre projet de loi.
Pour ne citer que la situation de l'hôpital public, le manque de moyens financiers et humains est en aggravation constante. Cet été, la rupture a été évitée de justesse, grâce à l'abnégation du personnel. Les établissements ont de plus en plus de mal à équilibrer leur budget. La situation est tout aussi dramatique en ce qui concerne les investissements. Le retard pris est tel que vous avez vous-même reconnu la nécessité d'un plan de rattrapage d'un montant de 300 millions d'euros, encore bien en deçà des besoins et des 7 milliards d'euros sur cinq ans promis par le Président de la République.
Nous considérons toujours qu'il y a matière à inventer, notamment en exonérant les hôpitaux de la taxe sur les salaires et de la TVA sur la réhabilitation des bâtiments. Cela serait beaucoup plus efficace et plus lisible que de reprendre d'une main ce que l'on a donné parcimonieusement de l'autre.
Quant aux services d'urgences, qui accueillent chaque année plus de 12 millions de personnes, ils sont à bout de souffle, fonctionnent dans des conditions de plus en plus précaires, avec un personnel en nombre insuffisant, épuisé, et avec un manque criant de lits d'hospitalisation, mais vous nous avez présenté un projet de réforme.
Face à une situation déjà tellement dégradée, que faites-vous ? Qu'avez-vous amorcée en six mois de gouvernement ?
Vous avez conclu un accord avec les médecins généralistes juste avant le second tour des élections législatives...
M. Paul Blanc. C'est bien !
M. Guy Fischer. ... qui, en revalorisant le tarif de la consultation et de la visite à domicile satisfait, certes, une légitime revendication. Mais avez-vous assuré le financement de ces décisions et mesuré leurs conséquences pour les assurés sociaux ? La prescription de génériques permettra-t-elle d'autofinancer ces dépenses nouvelles ? Vous l'affirmez mais il est permis d'en douter.
Déjà, vous avez instauré un remboursement moindre de la visite à domicile lorsque celle-ci sera considérée comme « médicalement injustifiée ». Quant aux mutuelles, elles devront sans doute répercuter sur leurs adhérents l'augmentation de leur part de remboursement des consultations. Des accords en ce sens sont actuellement négociés.
Vous avez décidé du déremboursement de médicaments.
Que proposez-vous dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale en termes de solution d'avenir pour notre système d'assurance maladie ?
Vous prévoyez une augmentation de l'ONDAM de 5,3 %, alors que les professionnels s'accordent à prévoir qu'une augmentation de 6,1 % serait justifiée.
Vous parlez de déficit, d'économies, mais vous n'évoquez jamais les ressources. Or comment les recettes ne manqueraient-elles pas à la sécurité sociale quand les entreprises bénéficient d'exonérations de charges sans cesse croissantes ? Certes, vous dites qu'elles seront compensées au franc le franc, mais nous demandons à vérifier.
Il suffirait pourtant, selon nous, pour assurer la pérennisation et la modernisation de notre système de santé, de faire cotiser l'ensemble des revenus à la sécurité sociale, y compris les revenus financiers, comme nous n'avons de cesse de le proposer.
J'en viens à la question de l'hôpital.
Vous prétendez moderniser les hôpitaux publics et privés par la fusion des deux fonds de modernisation et le remplacement des enveloppes globales par une tarification à l'activité : cela augure d'une mise sous tutelle encore plus lourde des praticiens hospitaliers et soulève de nombreuses questions, notamment quant à la répartition des-dites activités entre le privé et le public. On sait par exemple que la chirurgie est assurée à 60 % par le privé !
A la veille de votre présentation en conseil des ministres du plan Hôpital 2007, nous apprenons que la Caisse des dépôts et consignations et Dexia devaient participer à l'opération. Vous ne nous en avez pas parlé. Vous avez vous-même indiqué, monsieur le ministre, que des modifications législatives devraient autoriser prochainement des personnes privées à construire des bâtiments pour l'hôpital, à l'instar de ce qui va se passer pour les établissements pénitentiaires.
Nous débattons sans connaître véritablement, même si vous avez donné un certain nombre d'éléments, le contenu réel du plan Hôpital 2007. Cela dit, je comprends que vous en réserviez la primeur au conseil des ministres.
Vous prétendez mettre en place une politique moderne du médicament, mais, en fait, vous préparez - tout en vous en défendant - le fameux « panier de soins » minimal donnant droit à remboursement par la sécurité sociale.
Bien sûr, vous ne le dites pas ouvertement, mais vous comptez faire supporter au médicament la réduction du déficit par le déremboursement progressif de quelque 835 spécialités et le remboursement sur la base du générique si le patient opte pour le médicament princeps. De deux choses l'une, soit une spécialité est efficace et on la rembourse, soit elle ne l'est pas et on la supprime. M. Jean-François Mattei, ministre. Tout à fait !
M. Guy Fischer. Eh bien, faisons-le !
M. Jean-François Mattei, ministre. C'est ce que je vous propose !
M. Guy Fischer. Nous vérifierons !
Pour cela, il faudrait bien entendu imposer aux tout puissants laboratoires pharmaceutiques un certain nombre de règles de bonne conduite.
La médecine à deux vitesses commence par la dérive des prix de vente des médicaments. Les prix sont libres et souvent élevés. Ce n'est pas en culpabilisant les médecins et les malades, en utilisant le médicament comme variable d'ajustement que l'on réglera durablement les problèmes du déficit de la sécurité sociale.
En fait, vous creusez encore ce déficit en autorisant les laboratoires à fixer librement le prix des médicaments innovants qu'ils mettent sur le marché jusqu'à l'aboutissement des négociations tarifaires.
On peut imaginer les conséquences de ce choix sur les hôpitaux, qui sont déjà étranglés par le prix de ces spécialités.
Par ailleurs, votre projet de loi est muet sur des pans entiers de la santé publique. Certes, vous avez annoncé le futur projet de loi sur la santé publique, mais sur l'accès à certains soins, sur l'égalité et sur la qualité du service rendu, vous ne proposez rien. Je ne prendrai que deux exemples pour illustrer ce point.
D'une part, les disparités sociales dans l'accès aux soins mettent en évidence la nécessité d'instaurer une politique ambitieuse de prévention que vous souhaitez, notamment en matière de médecine scolaire et de santé au travail. Quelles sont vos propositions en ce sens ?
D'autre part, le manque de spécialistes est flagrant, notamment en cardiologie, en ORL et en obstétrique, et la psychiatrie est sinistrée. Malgré tout, vous ne proposez rien en matière de démographie médicale, sauf quelques adaptations : le rappel des médecins dans des maisons médicales de garde ou des cabinets secondaires, par exemple.
M. Bernard Murat. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
M. Guy Fischer. Vous savez pourtant que toutes les professions de santé sont confrontées à un vieillissement préoccupant de leurs effectifs et que le renouvellement n'est plus assuré. Il serait donc urgent de relever plus largement que vous ne le proposez le numerus clausus pour les médecins comme pour les infirmières et les aides soignantes.
Sur tous ces points, force est de reconnaître qu'aucune véritable solution n'est esquissée dans votre texte.
Bien au contraire, vous mettez en place les prémices d'une privatisation à l'américaine de notre système de santé, dont on risque bientôt de ne plus dire qu'il est le meilleur du monde. (Rires sur les travées du RPR.)
Monsieur le ministre, vous faites étudier, depuis le mois de septembre, un projet de nouveau partage des tâches entre la sécurité sociale, les mutuelles et les assurances privées. Vous avez été muet sur ce point dans votre discours, mais l'expert qui a été nommé, M. Jean-François Chadelat, a été le directeur du service innovation-santé du groupe AXA.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est pas une tare !
M. Guy Fischer. Voici que les assureurs se portent au secours de notre système de santé défaillant ! Je dois dire que rien ne me rassure moins !
En outre, lorsque je lis le dernier opuscule de l'institut Montaigne, cet « espace indépendant d'analyse et de réflexion » présidé par M. Claude Bébéar, P-DG d'Axa, je suis carrément inquiet. Et il se susurre que Gérard de la Martinière, membre du directoire d'AXA, serait promu à la présidence de la Fédération française des sociétés d'assurance, la FFSA, à la place de Denis Kessler.
Dans un plaidoyer intitulé « Vers une assurance maladie universelle » dans lequel on prétend prôner l'égalité à l'accès aux soins, on peut lire : « Le panier de soins doit s'imposer. »
Les auteurs de ce texte travaillent à déterminer « quels sont les soins qui doivent faire l'objet d'un financement public et quels sont ceux qui peuvent être laissés à la charge des ménages, sans dommage pour la santé publique et la justice sociale. [...] Les biens et les services de santé non pris en charge au titre de l'assurance maladie universelle relèveront de l'assurance supplémentaire - n'est-ce pas monsieur Blanc ! Les mutuelles, les institutions de prévoyance, les compagnies d'assurance, aujourd'hui payeurs aveugles qui interviennent en complément de l'assurance maladie devront devenir de véritables assureurs du risque maladie. »
Les auteurs de ce plaidoyer puisent des exemples dans le système américain, notamment la traque aux prescriptions et aux actes « inutiles ou redondants ».
Je pense avoir montré rapidement que notre conception de la protection sociale est radicalement différente de la vôtre, de celle du MEDEF et des assureurs.
M. Paul Blanc. Ah ! le MEDEF !
M. Guy Fischer. A la privatisation, à la restriction des moyens et des soins, nous opposons le maintien et le renforcement d'une sécurité sociale fondée sur la solidarité et l'égalité.
Nous nous plaçons dans une optique de progrès social en affirmant qu'elle doit être encore plus solidaire, fondée sur l'égalité des droits et gérée démocratiquement.
Nous estimons que les assurés eux-mêmes doivent retrouver la place qui leur revient pour élaborer les choix qui président à leur couverture sociale et à sa gestion.
Monsieur le ministre, votre projet de loi de financement est le projet de tous les dangers : il porte en lui une sécurité sociale à deux vitesses. Vous avez compris que nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur celles du groupe socialiste.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Fischer a des obsessions !
M. Guy Fischer. Oui : dénoncer les cachotteries de M. le ministre !
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Paul Blanc. Transition, réalisme et responsabilisation caractérisent le volet assurance maladie que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre.
Transition, puisque ce projet de loi de financement met en place un certain nombre d'outils en matière de maîtrise médicalisée des dépenses, alors même que ces dernières continuent leur envolée pour 2002. Les effets ne sont donc attendus que pour l'année 2003.
Réalisme, puisqu'il prévoit un ONDAM à un peu plus de 123 milliards d'euros, soit une augmentation de 5,3 % par rapport à l'ONDAM révisé en 2002.
Responsabilisation des différents acteurs de la santé, puisqu'il renoue le dialogue non seulement avec les professionnels de santé, mais aussi avec les malades.
Je souhaiterais tout particulièrement insister sur cette notion de responsabilisation.
Il y a trois acteurs principaux de l'équilibre de l'assurance maladie : les professionnels de santé, les patients et les établissements de santé.
Concernant les professionnels de santé, l'accord du 5 juin 2002 a répondu au malaise d'une profession en engageant un accord de confiance avec elle. Il a ajusté le prix de la visite médicale à une valeur plus juste et, en contrepartie, il a demandé un engagement sur une accélération de la prescription de médicaments génériques.
Cela fonctionne plutôt bien, comme l'a souligné M. le rapporteur.
Nous ne pouvons que féliciter le Gouvernement d'avoir su renouer aussi efficacement le dialogue.
Pour autant, des situations délicates subsistent.
Dernier exemple en date : la fédération nationale des infirmières est en colère car, selon elle, « le système de soins est au bord du gouffre et les infirmières changent de métier ».
La présidente de l'organisation souligne qu'on demande aux infirmières de garantir la qualité en travaillant toujours plus, jusqu'à soixante-dix heures par semaine, et sans revalorisation. Les infirmières refusent d'accroître leur journée de labeur à un tarif horaire équivalent à 14,40 euros, soit à peine plus que celui d'une aide ménagère, qui est de 13,75 euros. Des signes forts devront être donnés.
J'en viens à la responsabilisation des patients. Il n'a jamais été véritablement affirmé que l'assurance maladie n'a pas vocation à tout rembourser - cela dit, elle ne peut plus le faire - au titre de la solidarité nationale.
J'avais défendu l'idée proposée par les « ordonnances Juppé » instituant le carnet de santé obligatoire. J'avais à l'époque déposé un amendement allant dans ce sens. Mais en vain !
Il reposait sur l'idée selon laquelle l'assurance maladie n'a pas vocation à rembourser les conséquences des risques pris consciemment par une personne, qui doivent relever de l'assurance privée.
M. Jacques Peyrat. C'est très juste !
M. Paul Blanc. Je pense, par exemple, à certains sports de haut niveau, monsieur Fischer.
L'assurance maladie ne peut pas non plus prendre en charge le nomadisme médical, qui est un sujet tabou, ni encore des soins que l'on pourrait considérer être de luxe, tels certains actes de dermatologie qui relèvent plutôt de l'esthétique.
Tabou également le problème de l'autoprescription d'examens de laboratoire ou d'actes de radiologie normalement soumis à une prescription préalable.
Scandaleux, cette fois, les arrêts maladie sollicités par des usagers de l'assurance maladie auprès de médecins complaisants.
M. Roger Karoutchi. Absolument !
M. Paul Blanc. Cette responsabilisation, monsieur le ministre, est amorcée, dans votre texte notamment, avec la disposition relative au remboursement des médicaments au prix des génériques.
Elle sous-tend aussi la majoration du prix de la visite à domicile pour convenance personnelle, qui n'est plus remboursée par la sécurité sociale. Selon la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, les premiers effets se font déjà sentir.
Cette initiative paraît bien perçue par une grande majorité des Français. Le patient est ainsi considéré comme un acteur responsable du système de santé, associé aux efforts de chacun pour la sauvegarde d'un système auquel nous sommes tous attachés.
Les mentalités changent, et c'est essentiel pour que la structure des dépenses médicales de santé se modifie au profit de l'efficacité en réduisant le gaspillage.
S'agissant à présent du secteur hospitalier, son avenir me préoccupe particulièrement.
Les hôpitaux représentent une part importante du budget de l'assurance maladie. A une situation financière déjà très dégradée s'est encore ajoutée la mise en place des 35 heures sans préparation ni véritable concertation préalable.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela, c'est vrai ! Très bien, monsieur Blanc !
M. Paul Blanc. Pourtant, à l'époque, Mme Aubry avait bien affirmé que cette mesure ne s'appliquerait jamais au secteur public.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui !
M. Paul Blanc. Trois ans après, les dégâts sont considérables. Les établissements, qui connaissaient déjà des difficultés de fonctionnement interne, de relations entre les personnels, sont désormais confrontés à une démographie défavorable, avec une pénurie pour certaines spécialités médicales : chirurgie, anesthésie, obstétrique. Ils sont aussi confrontés au manque d'infirmières et de professionnels de certaines professions paramédicales surtout, ainsi qu'à une dégradation très préoccupante de la motivation des personnels.
La tâche - ô combien difficile ! - est de redonner espoir au monde hospitalier. Vous vous y attelez avec courage et nous discutons des premières mesures à prendre dans le présent projet de loi.
Il s'agit d'abord d'un important effort financier d'investissement. Je me félicite à cet égard que le présent projet de loi comporte le premier volet du plan quinquennal de 6 milliards d'euros, avec, pour 2003, 1 milliard d'euros d'investissement. Cet effort est indispensable à toute réorganisation.
La rénovation du financement des établissements par l'instauration de la tarification à l'activité est également essentielle. Le présent projet de loi met en place les outils de mesure du volume et des caractéristiques de l'activité de chaque établissement. En effet, nous devons, à terme, disposer d'éléments de comparaison qui pourront permettre une meilleure gestion des différents secteurs de l'hospitalisation.
Enfin, c'est très important, les établissements pourront jouir d'une plus grande autonomie dans l'organisation de leur fonctionnement interne.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons que soutenir cette politique en rupture avec le passé.
Je souhaiterais que le secteur hospitalier privé ne soit pas oublié, car il ne faut pas perdre de vue que si, en région parisienne, près de 80 % des actes de chirurgie sont effectués dans le public, en province, c'est bien loin d'être le cas.
Dans la région que je représente, 70 % des actes de chirurgie et d'obstétrique sont pratiqués dans le secteur privé. Or celui-ci est également sinistré. Si l'on ne s'en préoccupe pas et que ces établissements ferment, c'est la permanence des soins qui sera compromise.
Il y a d'abord un problème de différentiel des rémunérations des personnels de l'ordre de 20 % au profit des personnels des établissements publics. Ainsi la pénurie d'infirmières touche-t-elle encore plus cruellement les établissements privés qui ont dû faire appel à du personnel étranger.
Il y a ensuite la fusion des deux fonds d'investissement des établissements publics et privés. L'Assemblée nationale a ôté toute ambiguïté au texte en précisant que le nouveau fonds concernerait bien les deux catégories d'établissements. Mais qu'en est-il de la clé de répartition ?
L'Etat doit assurer l'égal accès aux soins sur tout le territoire et je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître les instructions que vous donnerez dans ce domaine.
En tout état de cause, là encore, la réforme devra passer par davantage de responsabilisation des acteurs du secteur.
D'autres établissements se trouvent dans une situation financière délicate : les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes.
Deux articles du projet de loi de financement concernent la conduite de la réforme de la tarification de ces établissements.
L'article 25 vise à repousser la date limite de passation des conventions tripartites du 31 décembre 2003 au 31 décembre 2006. Le faible nombre de conventions tripartites signées au 30 juin 2002 - environ 750 - rendait illusoire l'objectif de 8 000 à 9 000 conventions conclues au 31 décembre 2003.
Cette disposition, tout en s'inscrivant dans le principe de réalité, me paraît de nature à démobiliser les acteurs du secteur et je déposerai un amendement afin de raccourcir ce délai.
Par ailleurs, cette mesure ne peut être mise en oeuvre que si elle est accompagnée d'un réaménagement des règles applicables actuellement aux établissements qui n'ont pas encore conclu la convention tripartite, contrairement à ce que prévoit le projet de loi.
Pour ces établissements, la loi relative à la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie du 20 juillet 2001 a prévu un gel du forfait global de soins qui leur est versé par l'assurance maladie sur la base des sommes attribuées en 2001. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a levé partiellement ce gel, mais uniquement pour tenir compte des mesures générales portant sur les salaires, les statuts ou le temps de travail. Un arrêté devait fixer chaque année les pourcentages d'augmentation en fonction des catégories d'établissements. Pour 2002, cet arrêté n'est toujours pas paru.
Avec ces dispositions, les établissements associatifs ne peuvent donc ni recruter du personnel supplémentaire, ni voir leurs autres dépenses progresser. Cette situation fragilise fortement ces établissements déjà sous-dotés en crédits d'assurance maladie et qui doivent faire face à l'aggravation de l'état de dépendance des personnes âgées qu'ils accueillent, ainsi qu'à l'augmentation de leurs charges. Il est donc urgent de permettre à ces établissements de bénéficier de moyens supplémentaires en attendant la signature de la convention tripartite.
La seconde mesure développée à l'article 26 du projet de loi visait, quant à elle, à intégrer dans les dotations « soins » attribuées à ces établissements les dépenses de médicaments et de petit matériel médical que la loi relative aux droits des malades du 4 mars dernier a exclues.
Les dépenses de médicaments étant générées, par nature, par des prescriptions délivrées par les médecins traitants des résidents qui, pour la plupart, interviennent à titre libéral dans les établissements en dehors de tout lien de subordination avec ceux-ci, il paraît aléatoire d'envisager leur prise en charge par le budget de l'établissement.
De plus, ce poste de dépenses s'avère soumis à des fluctuations telles qu'il est très difficile d'en écrêter les pics les plus aigus, sans oublier l'apparition de nouvelles spécialités particulièrement onéreuses, notamment dans le domaine des pathologies telles que la maladie d'Alzheimer, qui risquent de mettre à mal la trésorerie des établissements.
Je ne peux donc qu'approuver la suppression par les députés de l'article 26 du projet de loi, suppression qui, je l'espère, sera confirmée par le Sénat.
Pour conclure, monsieur le ministre, face aux critiques dont votre projet de loi fait injustement l'objet de la part de l'opposition, je voudrais vous assurer de notre entier soutien dans la démarche que vous avez engagée pour réformer l'assurance maladie.
Le groupe du RPR du Sénat votera votre projet de loi tel qu'il sera amendé par notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l'on en croit les analyses de l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, et les études européennes récentes, la France dispose de l'un des systèmes de santé les plus performants du monde. Toutefois, la réalité, qui est plus contrastée, doit nous inciter à modérer notre enthousiasme tant sur l'excellence des acquis, en termes de santé, que sur l'efficacité du système de soins français.
Il suffit, pour s'en convaincre, de constater les fortes inégalités devant la maladie et la mort qui subsistent d'une région à une autre et entre les différentes catégories sociales, avec une surmortalité des populations les plus défavorisées.
Notre pays peine aussi à établir une politique de santé sur le long terme qui repose sur la prévention, le dépistage, l'action sur l'environnement. Or l'état de santé de la population dépend plus de ces facteurs que des soins proprement dits. Certes, beaucoup d'actions se sont développées, mais elles donnent le sentiment d'être dispersées, incohérentes, voir redondantes. Nous aurons probablement l'occasion d'en reparler lors de la discussion sur les crédits de la santé publique.
Par ailleurs, le monde de la santé traverse une grave crise matérielle et morale ; en témoignent les grèves et les mouvements revendicatifs qui se sont multipliés depuis un an et qui ont touché à la fois les soins de ville et les établissements de santé.
Dans le secteur libéral, l'évolution des honoraires a été source d'un profond mécontentement des professionnels, car certains actes n'avaient pas été revalorisés durant huit années. Les revenus des médecins ne sont donc pas toujours en rapport avec le niveau de compétence et de responsabilité qu'ils ont acquis au terme de longues années. De plus, nous le savons très bien, la répartition des médecins dans certaines régions ou dans certaines disciplines est inadéquate et remet en cause le principe de l'égal accès de tous aux soins.
Dans le secteur de l'hospitalisation, la situation n'est pas meilleure. On assiste, dans de trop nombreux services ou dans de trop nombreux établissements, à une dégradation des conditions de travail. Les patients et les professionnels souffrent de l'insuffisant renouvellement des équipements ainsi que d'un manque d'effectifs soignants dû à l'application de la réduction du temps de travail qui n'est pas compensée. Par ailleurs, s'y est ajoutée la pénurie des infirmières - on a longtemps évoqué le problème - liée à une absence de gestion prévisionnelle ; et je ne fais qu'évoquer la situation financière des établissements qui jouent artificiellement sur les reports de charges.
Enfin, les comptes sociaux sont pour le moins préoccupants.
Les dépenses d'assurance maladie ont progressé de 5,6 % en 2001 et de 6,8 % sur un an, d'octobre 2001 à la fin du mois d'octobre 2002, confirmant ainsi les analyses pessimistes qu'avait réalisées la Cour des comptes les deux années précédentes. L'ONDAM a été systématiquement dépassé depuis 1998, et le dépassement cumulé sur quatre ans est, comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, proche de 9 milliards d'euros. Celui de 2001, le plus important, est évalué à 2,8 milliards d'euros.
Les termes employés par plusieurs médecins européens dans la revue du Haut Comité de la santé publique pour décrire les atouts et les défauts du système de santé français sont éloquents : efficace mais pas efficient, avec une mosaïque d'institutions cloisonnées en fonction d'une logique administrative et non fonctionnelle.
Devant ce constat, qu'a-t-on fait ? A-t-on stabilisé les rapports entre l'offre de soins et la prise en charge ? A-t-on anticipé les besoins qui ne se confondent pas avec la demande courante de soins ? A-t-on réussi la coordination indispensable des acteurs ? A-t-on modernisé et adapté en profondeur notre tissu hospitalier ? A-t-on favorisé l'innovation et la recherche au niveau où la quatrième puissance mondiale se devait de le faire ? A-t-on enfin engagé un double processus puissant et prioritaire sur l'accréditation, la qualité, la certification des compétences des professionnels ?
Il semble malheureusement qu'aucun gouvernement depuis dix ans n'ait su maîtriser le cours des événements. Aucun acteur social ou médical non plus, d'ailleurs. Pourtant, les idées ont fleuri : plan Juppé, plan stratégique de la CNAMTS de 1999, panier de soins, mise en concurrence, régionalisation.
Certes, l'outil technique de l'assurance maladie a changé ; des progrès ont été accomplis. Mais cette période semble caractérisée par une contradiction de plus en plus grande entre le volontarisme dans la fixation des objectifs et l'incapacité à mettre en oeuvre des dispositifs de régulation dans le domaine des soins de ville comme dans celui des dépenses hospitalières.
Depuis 1997, particulièrement, le Gouvernement a donné le sentiment de céder aux pressions successives et a fait porter aux professionnels de santé la responsabilité des déficits, sans jamais se donner les moyens d'établir avec eux une véritable maîtrise médicalisée des dépenses, d'où leur exaspération. Tout au plus peut-on souligner que, s'agissant de la politique du médicament, même si les dépenses ont fortement crû en 2001, le début du réexamen des conditions de prise en charge des médicaments et une action plus significative sur les prix devraient permettre de modérer, à terme, les dépenses.
Et pourtant, les nouveaux défis auxquels est désormais confronté le système de santé français imposent une réflexion d'ensemble. La croissance des dépenses de santé est en effet inéluctable en raison, notamment, du vieillissement de la population - vous l'avez souligné dans votre exposé, monsieur le ministre -, du développement rapide des pathologies chroniques, des progrès de la médecine et de la technologie, et d'une aspiration au mieux-être, de la plupart de nos concitoyens.
Si, dans une organisation marchande, chacun dépense pour sa propre santé comme il l'entend, il est en revanche fondamental, dans une organisation comme la nôtre, fondée sur des cotisations de solidarité, de s'interroger sur la relation entre coûts, qualité et objectifs du système de santé. Sinon la tentation de la privatisation de la santé sera la plus forte, laissant sur le chemin les citoyens les plus démunis.
Mais que faire ? Le temps est loin des modèles évidents de réforme importables comme le National Health Service britannique, la mise en concurrence hollandaise ou encore la rigueur et l'efficacité des réformes allemandes. A peu près tous les pays de l'Union européenne connaissent actuellement des difficultés similaires à celles de la France, même si leur situation est néanmoins plus stable.
Il ne s'agit donc ni d'étatiser ni de privatiser notre système de santé ; il s'agit de conduire une nouvelle politique qui garantisse l'égal accès de tous à des soins de qualité délivrés dans les meilleures conditions d'efficacité et d'optimisation de dépenses.
Une telle politique implique de vrais choix et des réformes structurelles.
Il convient d'évaluer les besoins - les moyens de cette évaluation existent, mais ils sont sans doute perfectibles - et d'adapter l'offre de soins en fonction de ces besoins. Cela suppose de mettre en place les outils de régulation de la démographie médicale.
Ensuite, il convient de dire clairement que la garantie d'accès offert à tous ne peut couvrir tous les soins. C'est tout simplement impossible compte tenu de la multiplicité des besoins et du progrès des techniques. Il importe donc de définir avec précision et clarté quels sont les soins qui relèvent de la solidarité nationale et quels sont ceux qui peuvent être laissés à la charge des ménages, sans dommage pour la santé publique et la justice sociale. A titre d'exemple, la récente décision de limiter la prise en charge des visites à domicile a eu pour effet de faire baisser d'au moins 15 % le nombre de celles-ci, sans faire peser, semble-t-il, de menace particulière sur la santé publique.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Gilbert Barbier. Cette problématique, dite « du panier de soins et de biens médicaux », finira, tôt ou tard, par s'imposer. Un débat sur les critères de délimitation doit s'engager rapidement : la clarté et la transparence des choix collectifs y gagneraient. Par ailleurs, la gratuité et le tiers payant entraînent inévitablement l'inflation de la consommation de médicaments.
Peut-être faudra-t-il s'interroger aussi sur la nécessité d'édicter des critères explicites de prise en charge. En effet, la seule élimination des gaspillages dont on parle tant, qui sont au demeurant limités et dont on rend tour à tour responsables les médecins, les patients ou la bureaucratie, permettra-t-elle d'éviter le rationnement de soins ? Je le souhaite mais, là encore, je crois qu'il faut ouvrir la discussion dans le sens d'une plus grande responsabilisation de nos concitoyens.
Enfin, il faut replacer la qualité au coeur de la politique de santé. Les référentiels professionnels sont en déshérence ; l'obligation de formation continue des médecins n'est pas appliquée ; l'accréditation des hôpitaux et l'évaluation des pratiques médicales n'ont guère progressé. Ce sont pourtant, avec la coordination des acteurs de soins, des éléments indispensables pour atteindre un objectif de qualité.
La politique, dont les concepts de base viennent d'être présentés, ne peut être menée à bien sans que des réformes structurelles soient entreprises.
En premier lieu, il faut sortir du combat absurde entre l'Etat et l'assurance maladie. L'Etat doit se recentrer sur ses missions propres, qui sont la définition des priorités de santé publique, le financement de la formation et de la recherche, la prise en charge directe des plus démunis au titre de la solidarité, et laisser aux régimes sociaux un vrai domaine de responsabilité, celui de la négociation avec les professionnels et de la détermination de ce qui est remboursable et à quel prix. Cela suppose de renouveler le paritarisme qui fondait l'assurance maladie et, éventuellement, d'ouvrir l'institution à d'autres représentants de la société civile.
M. Paul Blanc. Tout à fait !
M. Gilbert Barbier. Cela impose aussi de clarifier son financement et de réviser sans doute le mode de celui-ci. En second lieu, il faut s'engager avec volontarisme vers une réelle régionalisation, pour rendre chaque acteur responsable et permettre une politique de santé de proximité prenant en compte les besoins. Au niveau des hôpitaux, une gestion décentralisée des budgets par pôles de responsabilité permettrait d'encourager systématiquement les efforts de productivité et de qualité.
La liste de ce qu'il faudrait faire est encore longue. Monsieur le ministre, vous avez hérité d'une situation très difficile et je sais que vous vous êtes attelé à la tâche dès votre arrivée.
Je tiens à saluer les mesures déjà mises en oeuvre, celles qui sont contenues dans le projet de loi et celles qui sont en cours d'élaboration et qui ont permis de désamorcer les situations les plus critiques et de renouer le dialogue avec les professionnels. Oui ! à la suppression des lettres clés flottantes et des comités médicaux régionaux. Oui ! à la fixation d'un ONDAM plus réaliste. Oui ! au plan Hôpital 2007. Oui ! à une mise en oeuvre d'une tarification à l'activité.
Le chemin reste long à parcourir. Chacun doit s'engager pour prendre sa part de responsabilité afin d'assurer la survie d'un système de santé que beaucoup nous envient : l'Etat, bien sûr, mais aussi les élus, les gestionnaires d'hôpitaux, les médecins, les pharmaciens, les infirmiers, tous les professionnels de santé, sans oublier nos concitoyens.
M. Joseph Ostermann. Eh oui !
M. Gilbert Barbier. Vous pouvez compter sur le soutien de la majorité des membres du groupe du RDSE pour les réformes à venir. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Ma réponse sera aussi brève que possible eu égard à l'heure avancée et compte tenu du fait qu'un certain nombre de sujets seront abordés à nouveau lors de la discussion des amendements.
Monsieur Cazeau, je vous ai parfaitement entendu, mais je ne suis pas sûr qu'il en ait été de même pour vous lorsque j'ai présenté la politique relative à l'assurance maladie ! En tout état de cause, je compte sur votre vigilance ; c'est d'ailleurs votre rôle !
Vous avez évoqué trois points.
J'écarterai d'emblée le troisième, à savoir la santé publique. En effet, vous avez confondu - cela a été souvent le cas - le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et vous avez abordé à la fois les programmes de santé publique, la MILDT, bref, autant de sujets que j'ai déjà traités dans le détail devant votre Haute Assemblée. J'ai même évoqué la multiplication par quatre des crédits destinés à la lutte contre le cancer. Je n'y reviendrai donc pas. Il reste l'ONDAM et le dialogue par rapport à la responsabilité.
S'agisant de l'ONDAM, je vous remercie d'avoir reconnu la difficulté qu'il y a à fixer un taux. Si le gouvernement que vous souteniez a connu un régime général excédentaire, l'assurance maladie, elle, a toujours été en déficit. Vous avez insisté, selon les moments, sur les déficits de telle branche, ou sur les excédents de telle autre. Evidemment, lorsqu'on a connu des excédents de croissance, on peut se targuer d'avoir équilibré les comptes de la sécurité sociale ! Aujourd'hui, vous dénoncez la dérive de l'assurance maladie, mais vous oubliez de préciser que cette branche était déjà déficitaire dans les périodes de croissance !
M. Roger Karoutchi. Absolument !
M. Jean-François Mattei, ministre. Pour les recettes, je vous le répète avec modestie, nous faisons une prévision, et non une prédiction, car nous ne sommes pas capables aujourd'hui de savoir comment évoluera la situation de l'économie mondiale dont nous dépendons. La seule solution pour coller à la réalité consiste à présenter un collectif ; c'est ce que nous ferons.
S'agissant du dialogue par rapport à la responsabilité, je ne reviendrai pas dans le détail sur tous les sujets que vous avez abordés.
Puisque vous avez parlé de l'hôpital et de la recherche de l'excellence, il me semble que la rhétorique de l'excellence vaut mieux que celle de la réduction de la durée du travail !
M. Paul Blanc. Bien sûr !
M. Jean-François Mattei, ministre. Aujourd'hui, vous essayez de nous entraîner vers l'excellence mais, le moins que l'on puisse dire, c'est que vous ne nous ayez pas mis dans les conditions de l'atteindre aisément !
M. Joseph Ostermann. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Bravo !
M. Jean-François Mattei, ministre. S'agissant des efforts faits par le gouvernement précédent en direction de l'hôpital, vous avez qualifié les sommes d'importantes. Eh bien, j'ai regardé l'évolution de la vétusté de nos établissements hospitaliers au cours des cinq dernières années. Permettez-moi de vous dire que les sommes que vous avez consacrées aux hôpitaux, vous les avez investies dans un tonneau sans fond ! Manifestement, vous avez gaspillé de l'argent, car on n'en voit pas les résultats !
Enfin, vous craignez, avez-vous dit, la décentralisation. Je ne crois pas qu'il faille la craindre. D'ailleurs, dans le passé, vous avez joué un rôle en la matière ! Nous allons avancer davantage, mais rien ne sera imposé aux conseils régionaux. Ils choisiront ou non d'être volontaires et il y aura éventuellement des expérimentations. Je l'ai déjà dit dans d'autres circonstances, de même qu'on ne fait pas une politique de l'agriculture sans les agriculteurs, on ne fait pas une politique de santé sans les professionnels de santé et on ne fait pas une régionalisation sans les élus régionaux !
Monsieur Dériot, je vous remercie de votre intervention. La fin était essentiellement axée sur les médicaments, notamment sur les médicaments génériques. Je vous répondrai plus avant à l'occasion de la discussion des amendements, et j'aborderai avec vous le problème de l'automédication - domaine dans lequel notre pays a du retard, vous le savez ; je vous parlerai également de tous ces produits, qui, spontanément « déremboursés » par les industriels eux-mêmes, restent aujourd'hui dans la pharmacopée, et sont même quelquefois très utilisés. Je pense qu'il nous faudra évoluer dans cette direction.
J'en viens à l'intervention de M. Fischer pour le groupe CRC.
Monsieur le sénateur, vous avez nommément mis en cause M. Jean-François Chadelat. Je vous connais peu, mais je ne crois pas que votre insinuation ait été malveillante. Je me dois toutefois de vous répondre sur ce point.
M. Chadelat est issu du secteur public et, comme c'est un homme de qualité, le secteur privé - en l'occurrence, le secteur de l'assurance - lui a demandé d'aller travailler pour lui. Il y est resté peu de temps et il est revenu au secteur public ! Voilà donc un homme qui a fait par deux fois le choix du public, et je n'admets pas que l'on mette en cause son objectivité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Jean-François Mattei, ministre. D'ailleurs, monsieur Fischer, soyons logiques ; si vous jugez les gens sur leur parcours, vous devriez m'accorder un certain crédit pour ce qui est de l'hôpital public : j'y ai consacré trente-cinq ans de ma vie ! Vous n'allez tout de même pas imaginer que je vais démolir aujourd'hui ce que j'ai servi pendant si longtemps !
M. Guy Fischer. J'ai beaucoup de respect pour le praticien, monsieur le ministre ! Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit !
M. Jean-François Mattei, ministre. Les convictions sont toujours respectables, mais, quand elles se heurtent aux réalités, elles s'affolent comme un bourdon dans un globe lumineux !
M. Roger Karoutchi. Eteignez la lumière ! (Sourires.)
M. Jean-François Mattei, ministre. C'est très exactement ce à quoi vous m'avez fait penser tout au long de votre intervention, monsieur Fischer. Car vous avez dit à chaque instant une chose et son contraire : on dépense trop, mais il ne faut pas diminuer les dépenses ; il ne faut pas pénaliser les industries pharmaceutiques, mais il faut les taxer davantage ; il faut soutenir les médecins, mais, surtout, il faut les placer sous tutelle... Mais j'arrête là l'énumération.
En définitive, je vous remercie, car, dans la première partie de votre intervention, y compris en décrivant la situation lyonnaise, vous avez tout bonnement fait le procès des cinq dernières années ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.) Vous décrivez la situation actuelle - les urgences, la pénurie de personnel et le début des files d'attente -, mais soyez bien persuadé que ce n'est pas en six mois que nous avons créé cette situation-là !
M. Roger Karoutchi. Evidemment !
M. Jean-François Mattei, ministre. Notre responsabilité est, au contraire, de mettre un terme à la dérive du système de santé que vous avez parfaitement illustrée. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Philippe Marini. Eh oui !
M. Jean-François Mattei, ministre. M. Paul Blanc comme M. Gilbert Barbier ont essentiellement apporté leur appui à la politique du Gouvernement.
Monsieur Blanc, vous avez beaucoup insisté sur le problème hospitalier. A ce propos, vous avez manifesté le souci qu'on ne désavantage pas le secteur privé par rapport au secteur public. Sachez que le secteur public et le secteur privé seront traités de la même façon dans le plan Hôpital 2007, qu'il s'agisse des investissements, de l'affectation des gros équipements et, naturellement, de l'association dans des groupements de coopération sanitaire.
S'agissant des établissements pour personnes âgées dépendantes, les EPAD, M. Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, vous répondra plus en détail sur ce point.
Monsieur Barbier, vous avez évoqué la RTT et l'ONDAM, et vous avez déploré l'absence de réforme : vous avez parlé avec beaucoup de bon sens. Oui, vous avez défendu l'égal accès des soins pour tous. C'est le modèle que nous défendons nous aussi. Il est fondé sur la responsabilité, que vous avez évoquée et que vous avez d'ailleurs déclinée jusques et y compris dans la décentralisation et dans la régionalisation. Vous avez enfin rappelé qu'un bon système de santé doit nécessairement s'appuyer sur la qualité.
J'ai le sentiment, monsieur le sénateur, que les mesures que nous vous proposons sont de nature à inverser la spirale actuelle de la détérioration de notre système de santé. La situation est difficile. Les gens ne se parlaient plus, les spécialistes étaient hors de tout dialogue depuis les négociations de la dernière convention, qu'ils n'avaient pas signée, d'ailleurs. Les médecins généralistes ont fait sept mois de grève. On a bien vu que le système de garde et la permanence des soins s'en sont trouvés complètement désorganisés. Nous devons aujourd'hui nous appliquer à remettre tout cela debout.
Lorsque je les ai rencontrés, les médecins m'ont dit les problèmes qu'ils avaient, problème de démographie, problème de formation continue, problème de responsabilité civile médicale, problème de permanence des soins.
Or, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez voté un texte portant sur la responsabilité civile médicale, donc ce problème est en passe d'être réglé. Dans les trois semaines qui viennent, je serai en possession des trois rapports respectivement sur la formation médicale continue, sur la permanence des soins et sur la démographie, documents qui nous permettront de formuler les propositions nécessaires pour remédier aux difficultés qui nous ont été signalées. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)

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