SEANCE DU 19 NOVEMBRE 2002


M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Campion, MM. Vantomme et Domeizel, Mme Printz, M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article L. 861-2 du code de la sécurité sociale, après les mots : "revenu minimum d'insertion", sont insérés les mots : "de l'allocation supplémentaire vieillesse, de l'allocation adulte handicapé, et de l'assurance veuvage". »
L'amendement n° 128, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au deuxième alinéa de l'article L. 861-2 du code de la sécurité sociale, après les mots : "revenu minimum d'insertion", sont insérés les mots : "du minimum vieillesse, de l'allocation adultes handicapés et de l'allocation d'insertion".
« II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées par le relèvement à due concurrence des contributions visées aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 83 rectifié.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement concerne la couverture maladie universelle, la CMU.
La CMU fêtera ses trois ans le premier janvier prochain. Aujourd'hui, la CMU complémentaire est une réalité pour cinq millions de personnes qui sont protégées par le régime général. Auparavant, ces personnes ne pouvaient souscrire à une assurance complémentaire et elles avaient des difficultés à prendre soin d'elles.
M. Jean Chérioux. Il y avait quand même la Carte santé, il ne faut pas exagérer !
M. Gilbert Chabroux. La CMU leur a donné accès à la santé gratuitement. Cette loi a représenté une avancée sociale considérable. Maintenant qu'elle est mise en oeuvre, il est nécessaire de l'adapter et de l'améliorer, et chaque année, si possible.
Cela s'est fait en 2002, avec la suppression du forfait soins pour les soins dentaires. Il faut citer également le maintien du tiers payant pendant un an après la sortie du dispositif.
Je vous pose la question, monsieur le ministre : qu'allez-vous faire pour 2003 ?
Nous nous souvenons des critiques qui ont été émises ici par les sénateurs de la majorité sur l'effet de seuil. Un lissage avait été proposé, avec une aide dégressive au-dessus du seuil.
Nous nous souvenons également de ce qui a été dit au sujet de l'allocation aux adultes handicapés, de l'allocation supplémentaire vieillesse et de l'assurance veuvage, qui auraient dû être incluses dans la CMU, alors qu'elles ne dépassent le seuil actuel que deux ou trois euros.
Nous attendons donc de vous que vous releviez ce seuil pour permettre à la CMU de franchir une nouvelle étape.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 128.
M. Guy Fischer. L'amendement que je vous présente vise à mettre un terme à l'exclusion actuelle des bénéficiaires de minima sociaux - AAH, minimum vieillesse et API - du champ de la couverture maladie universelle.
En juin 1999, dès l'examen du texte portant création de la CMU, les parlementaires communistes se sont attachés à gommer les défauts du dispositif et à en dépasser les limites pour consacrer pleinement son caractère universel.
Nous avions alors envisagé notamment de porter le plafond de ressources retenu à l'époque - il était de 3 500 francs - au niveau du seuil de pauvreté, solution qui permettait un accès aux soins beaucoup plus large des catégories de personnes les plus démunies.
A défaut de voir notre demande satisfaite, nous avions alors argumenté en faveur de l'accès de plein droit à la CMU, c'est-à-dire sans condition de ressources, pour tous les bénéficiaires de minima sociaux, et pas uniquement pour les RMistes.
Nous réitérons aujourd'hui cette proposition.
Les aménagements du dispositif mis en place par le gouvernement précédent, l'aide versée par la CNAM pour permettre aux personnes se situant juste au-dessus du seuil de pauvreté - c'est-à-dire entre 3 600 francs et 3 900 francs à l'époque - de souscrire un contrat de couverture maladie complémentaire équivalant à celle de la CMU n'ont pas entièrement résolu la question.
Une autre raison préside au dépôt de cet amendement : nous attendons du Gouvernement qu'il explicite ses choix en la matière.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous faites état de la volonté du Gouvernement de revenir sur « le péché originel de la CMU, qui fait qu'au-delà d'un certain niveau de ressources on ne bénéficie d'aucune aide pour bénéficier d'une mutuelle ». Vous entendez donc lisser fortement le dispositif.
Je crains malheureusement que ces déclarations n'augurent rien de très positif, dans la mesure où elles viennent se greffer sur un dessein beaucoup plus global, la réforme du système de santé que vous poursuivez.
Nous avons toujours été favorables à la mise en place d'un dispositif de lissage des effets de seuil pour que les personnes dépassant la barre fatidique des 3 500 francs, à l'époque, puissent effectivement accéder à des soins de qualité, par exemple, en se mutualisant à des tarifs préférentiels.
Le débat que vous avez engagé est d'une autre nature. Je le redis, derrière votre volonté de voir tous les Français bénéficier d'une couverture complémentaire de santé, se cache, en fait, un projet réorganisant le champ d'intervention de l'assurance maladie de base et des partenaires en charge de la complémentaire : les mutuelles, bien sûr, mais également les assurances et les organismes de prévoyance.
L'objectif est non pas de couvrir de manière égale et plus étendue les risques, mais de décharger la sécurité sociale et de donner les moyens aux assureurs, notamment, d'être partie prenante dans des décisions et dans des choix qui ne relèvent manifestement pas de leur compétence.
Nous courons le risque que la CMU, qui a déjà permis l'immixtion des assureurs et des organismes de prévoyance dans le champ de la santé, vous serve de point d'appui pour légitimer leur participation à la cogestion de l'assurance maladie.
M. Jean-François Mattei, ministre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Le Gouvernement invoque l'article 40 de la Constitution à l'encontre de ces deux amendements.
M. le président. Monsieur Gouteyron, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Adrien Gouteyron, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, les amendements n°s 83 rectifié et 128 ne sont pas recevables.
M. Gilbert Chabroux. C'est vite réglé : cela ne mérite même pas un débat ?
M. Jean Chérioux. Vous ne disiez pas cela quand votre gouvernement invoquait l'article 40 ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et sur celles du groupe socialiste.)
M. Gilbert Chabroux. Pas un mot d'explication du Gouvernement : on n'a jamais vu ça !
M. Guy Fischer. C'est scandaleux !
M. le président. L'amendement n° 129, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les élections à la sécurité sociale sont rétablies.
« II. - En conséquence, les dispositions contraires des articles L. 211-2, L. 212-2, L. 213-2, L. 215-2 et L. 215-3 du code de la sécurité sociale sont abrogées.
« III. - La perte de recettes est compensée par le relèvement à due concurrence des contributions sociales visées aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. A l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation sociale, une disposition qui était due à l'initiative des parlementaires communistes a été adoptée qui prévoyait la mise en place d'une concertation avec les organisations syndicales et patronales au sujet de l'élection de leurs représentants au sein des conseils d'administration des organismes du régime général de la sécurité sociale.
Bien que nous soyons aussi profondément attachés au dialogue social, il nous semble opportun aujourd'hui de reposer la question de la démocratisation des règles de gestion de la sécurité sociale.
L'objet de notre amendement est de mettre un terme au mode actuel de désignation des différents administrateurs, en rétablissant le principe de leur élection pour l'ensemble des assurés sociaux.
Comment ce qui est possible et efficace pour la mutualité sociale agricole - et vous connaissez, la MSA !...
M. Alain Gournac. Oui !
M. Guy Fischer. ... ne serait-il pas applicable au régime général de la sécurité sociale ?
Notre proposition est d'autant plus d'actualité que vous êtes décidé, monsieur le ministre, d'une part, à mettre en place une nouvelle gouvernance de notre système de santé et, d'autre part, à responsabiliser nos concitoyens, qui sont tous des patients.
Le retour de l'élection au suffrage universel est un préalable nécessaire. La démocratie représentative ne saurait pour autant être suffisante.
Une autre question capitale devra être résolue pour associer concrètement et plus directement les assurés sociaux aux choix futurs en matière de protection sociale.
Qu'entendez-vous faire, monsieur le ministre, pour asseoir la démocratie participative ?
M. Alain Gournac. Bonne question !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Notre collègue souhaite rétablir rapidement les élections à la sécurité sociale. Il n'a sans doute pas été attentif aux propos qu'à tenus M. le ministre sur la nouvelle gouvernance qu'il entend promouvoir. Contrairement à l'attitude qu'a eue le gouvernement précédent, que vous souteniez, monsieur Fischer, ce Gouvernement préfère privilégier le dialogue social avec les partenaires sociaux.
M. Alain Gournac. Et il a raison !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Donc, ne mettons pas la charrue devant les boeufs.
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Laissez le ministre conduire le dialogue social...
M. Alain Gournac. Ce que vous n'avez pas été capables de faire !
M. Alain Vasselle, rapporteur... et ensuite nous reparlerons des élections !
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 129.
M. Guy Fischer. C'est ce qui s'appelle botter en touche ! M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. La question soulevée par M. Fischer est extrêmement importante, puisqu'il s'agit du pilotage des régimes de sécurité sociale.
Monsieur Fischer, cependant, vous savez très bien que les conseils d'administration ne sont plus au complet : le MEDEF n'est pas là et l'incertitude règne. Nous pouvons essayer de convaincre le MEDEF de revenir, moyennant quelques réformes, sans être sûrs, cependant, qu'il le fera. Il faut donc bien, dans ces conditions, s'engager dans une autre voie. J'ai demandé à Mme Ruellan de me remettre un rapport d'ici à la fin du mois de novembre.
Pour l'heure, prévoir des élections pour des conseils d'administration dont on ne peut présumer de la structure me paraît pour le moins prématuré.
Tout en partageant votre souci, je ne peux pas accepter votre amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129.

(L'amendement n'est pas adopté.)

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