SEANCE DU 20 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 23. - Le chapitre II du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° L'intitulé du chapitre est ainsi rédigé : "Prise en charge par l'assurance maladie des dépenses afférentes aux interruptions volontaires de grossesse mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 2212-7 du code de la santé publique" ;
« 2° Le premier alinéa de l'article L. 132-1 est supprimé ;
« 3° Au deuxième alinéa de l'article L. 132-1, les mots : "l'Etat" sont remplacés par les mots : "les organismes d'assurance maladie". »
L'amendement n° 45, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« A. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - L'Etat honore la dette qu'il a contractée, jusqu'en 2002, auprès des organismes gérant un régime légal de sécurité sociale, au titre du chapitre 46-22 "Remboursement aux organismes de sécurité sociale des dépenses afférentes à l'interruption volontaire de grossesse" du budget du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
« B. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I. -." »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, cet amendement a pour objet, je ne vous le cache pas, de vous amener à préciser les intentions du Gouvernement.
L'article 23 du présent projet de loi de financement pose le principe de la prise en charge totale par l'assurance maladie des dépenses afférentes aux interruptions volontaires de grossesse. C'est donc, encore une fois, un élément de clarification que vous apportez dans ce projet de loi de financement.
Jusqu'en 2002, les frais relatif à l'IVG étaient à la charge du budget de l'Etat : les organismes de sécurité sociale remboursaient les femmes des frais engagés à hauteur de 80 %, avant de demander à l'Etat de compenser la dépense qu'ils avaient engagée.
Les crédits alloués à ce titre par l'Etat dans la loi de finances pour 2002 s'élevaient à 24,7 millions d'euros. L'engagement des organismes d'assurance maladie était quelque peu supérieur. Ce décalage a donc contribué à accroître la dette qui s'était accumulée jusqu'en 1997.
Cet amendement, monsieur le ministre, a pour objet, je le répète, de vous conduire à préciser les intentions du Gouvernement pour la suite. D'après les informations qui m'ont été données, le montant actuel de cette dette s'élèverait, à la fin de l'année 2002, à un peu plus de 12 millions d'euros.
M. Guy Fischer. Oui : 12,25 millions d'euros.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. C'est effectivement ce que j'ai écrit dans mon rapport, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Je l'ai lu !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. C'est bien de l'avoir lu ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mes chers collègues, vous avez bien compris la proposition de M. Gouteyron. Je suis peut-être un trop jeune parlementaire pour en parler (Exclamations ironiques sur diverses travées),...
M. Roger Karoutchi. Un parlementaire expérimenté !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... ou un parlementaire trop récent, car je ne suis là que depuis 1992, alors que certains collègues siègent dans cet hémicycle depuis très longtemps. N'est-ce pas, monsieur Chérioux ? (M. Jean Chérioux s'exclame.) Ils ont donc plus d'expérience que moi !
Cela dit, plus le temps passe et plus se trouve confirmé mon sentiment qu'il existe une véritable constante de la part de tous les hauts fonctionnaires des ministères à l'égard des décisions que doivent être amenés à prendre les ministres, malgré leurs engagements devant le Parlement.
Notre collègue et ami Adrien Gouteyron, membre de la commission des finances, préfère donc jouer la sécurité et prévoir une disposition législative qui contraindra le Gouvernement à respecter les engagements qu'il a pris en ce qui concerne la dette contractée par l'Etat auprès des organismes de la sécurité sociale et de la branche maladie s'agissant de l'IVG. Il a expliqué le dispositif qu'il propose ; je n'y reviens donc pas.
Pour ma part, je suis prêt à faire entière confiance à François Mattei pour que la parole donnée soit respectée. Mais il se trouve que, quelquefois, le temps passant, certains ministres se laissent convaincre par les hauts fonctionnaires de leur ministère et ne respectent pas les engagements qu'ils ont pris devant le Parlement.
M. Alain Gournac. C'est très rare !
M. Alain Vasselle, rapporteur. D'où l'intérêt de la mesure qui vous est proposée.
C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur cet amendement.
J'ajoute, à titre personnel, que, pour ce qui est de l'IVG, j'ai véritablement le sentiment que nous sommes allés trop loin.
Autant je comprends que l'on mette à la charge de l'assurance maladie les interruptions volontaires de grossesse qui sont consécutives à une nécessité médicale, c'est-à-dire lorsqu'il y a mise en danger de la vie de la mère de famille (Mme Michelle Demessine s'exclame), autant, lorsqu'il s'agit de la libre décision d'une mère de famille, je considère que le financement de cette mesure devrait relever non pas de la branche maladie, mais de l'Etat.
Je sais bien que l'adoption, aujourd'hui, de cette disposition ne changera rien, mais j'appelle votre attention sur ce point, car je ne doute pas que Bercy ait sauté à pieds joints sur la proposition : une fois de plus, cela permettrait au ministère des finances de se voir dégagé d'une dépense qu'il supportait jusqu'à présent.
Il faut que les choses soient claires : c'est un sentiment qui n'engage que moi. La commission des affaires sociales m'a simplement chargé d'émettre un avis favorable sur l'amendement n° 45.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. L'amendement de M. Gouteyron, comme d'ailleurs son interrogation tout à l'heure sur les CCST, mérite que l'on s'y arrête un instant, bien que le temps soit compté.
De fait, monsieur le rapporteur pour avis, votre amendement relève du projet de loi de finances et non du projet de loi de financement de la sécurité sociale, puisque vous demandez que l'Etat paye la dette qu'il a contractée. Le problème n'est pas là !
Je vous confirme qu'il est indispensable que l'Etat honore sa dette sociale. Vous avez raison d'être méfiant, mais comptez sur ma vigilance. Dans cette période où le Gouvernement s'engage dans une clarification des comptes, on voit bien qu'il y a des transferts dans un sens, mais, je vous rassure, il y en a aussi dans l'autre sens. L'Etat vient de reprendre à sa charge le paiement des stages des résidents en médecine dans le cadre de leur formation. Par conséquent, on essaie de procéder à une redistribution.
Dans son intervention, M. le rapporteur a voulu établir une distinction entre l'Etat et l'assurance maladie. Je ne suis pas sûr que cette distinction soit véritablement opérationnelle. En effet, la décision que nous prenons là n'est évidemment fondée ni sur le dogmatisme ni sur un jugement : c'est un problème de simplification.
Tout à l'heure, en vous écoutant, je me disais que l'on avait bien fait de prendre cette mesure : les organismes de sécurité sociale remboursaient les frais engagés à hauteur de 80 % ; ensuite, ils se faisaient dédommager. Vous imaginez les circuits financiers ?
Les interruptions volontaires de grossesse donnent lieu à des actes médicaux, à des analyses biologiques et à des prescriptions médicamenteuses. Cela figure donc dans la nomenclature de tous les actes remboursés par la sécurité sociale. La simplification est d'aller dans ce sens.
Certains disent que, pour des raisons qui leur appartiennent - morales, par exemple - ils ne veulent pas que les cotisations sociales servent à financer ces interruptions de grossesse. Outre le fait que la loi a changé il y a quelques années, on note surtout une modification dans le financement même de notre protection sociale. Autrefois, il y avait, d'une part, les impôts et, d'autre part, les cotisations sociales, qui sont maintenant remplacées par la CSG. D'une manière ou d'une autre, il s'agit d'impôts. Par conséquent, il n'y a même plus la portée symbolique d'autrefois.
Autrement dit, il s'agit là d'un acte de clarification, qui a d'ailleurs été généralement bien accepté. Oui, le Gouvernement doit 12,25 millions d'euros ! Croyez bien que je saurai les lui faire rembourser !
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement est-il maintenu ?
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Dans ces conditions, tout le monde l'aura compris, je retire l'amendement, monsieur le président.
En effet, je l'ai dit d'emblée, cet amendement visait essentiellement à faire en sorte que le ministre s'engage, ce qu'il vient de faire clairement. Je n'ai aucune raison de ne pas lui faire confiance ; j'en ai même de nombreuses de lui faire confiance. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. L'amendement n° 45 est retiré.
Je mets aux voix l'article 23.

(L'article 23 est adopté.)

Article additionnel avant l'article 24