SEANCE DU 20 NOVEMBRE 2002


M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 106 rectifié, présenté par MM. Murat et P. Blanc, est ainsi libellé :
« Après l'article 37, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport doit également analyser toutes les causes de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, les motifs des refus de prise en charge à ce titre, et proposer des solutions pour y remédier. »
L'amendement n° 140, présenté par Mme Beaudeau, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 37, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La commission prévue à l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale est chargée d'analyser toutes les causes de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles et de proposer des moyens de les combattre efficacement.
« Les statistiques établies par les caisses nationales de l'assurance maladie des travailleurs salariés relatives aux accidents du travail et maladies professionnelles comporteront une annexe indiquant, par caisse, le nombre et les motifs des refus de prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles rapportés au nombre de déclarations. »
L'amendement n° 106 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 140.
M. Roland Muzeau. L'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale prévoit qu'« une commission présidée par un magistrat à la Cour des comptes remet tous les trois ans, au Parlement et au Gouvernement, un rapport évaluant le coût réel pour la branche maladie de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles ».
Actuellement présidée par Mme Levy-Rosenwald, cette commission a évalué la charge indue supportée par la branche maladie du fait de la sous-déclaration massive des accidents du travail et maladies professionnelles à un montant oscillant entre 368 millons et 550 millions d'euros. Quoi qu'en dise le MEDEF, ce montant est un minimum ; dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 lui-même, cette charge est estimée à un montant encore plus faible, soit 330 millions d'euros.
En réalité, l'évaluation de ce que la branche maladie a supporté indûment depuis la création de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, en 1946, est bien plutôt de l'ordre de 16 milliards d'euros, soit 100 milliards de francs, pour les accidents du travail camouflés, les maladies professionnelles non reconnues et non déclarées.
Les conséquences les plus directes et les plus dangereuses de la sous-déclaration résident dans le fait que les statistiques d'évaluation des risques professionnels sont déformées et faussées. Or, qui dit statistiques biaisées dit prévention inefficace. En effet, la prévention est mise en oeuvre, ou du moins doit l'être, en fonction des accidents du travail et maladies professionnelles constatés, de la nature des risques, de leur nombre, de leur gravité.
Pour combattre ces phénomènes de sous-déclaration, il est évident que seuls une pénalisation financière accrue des employeurs et le choix de moyens plus adaptés pour rechercher les fraudes peuvent être efficaces. Cela passe aussi, bien entendu, par le renforcement du rôle des CHSCT, les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et par l'octroi aux médecins du travail d'un statut véritablement indépendant.
Mais, pour véritablement combattre la sous-déclaration, une étude et une réflexion sont nécessaires afin d'analyser l'ensemble des causes de ces tricheries répétées et multiples. C'est ce travail que nous proposons de faire réaliser par la commission prévue à l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale.
Par ailleurs, afin que puisse être connu et analysé le nombre des refus de reconnaissance des accidents du travail et maladies professionnelles et les causes de ces refus, il est indiqué dans le second alinéa de cet amendement que les statistiques établies par la Caisse nationale de l'assurance maladie des travaillers salariés relatives aux accidents du travail et maladies professionnelles comporteront une annexe indiquant, par caisse, le nombre des refus de prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles, rapporté au nombre de déclarations, ainsi que le motif de ces refus.
Ce sont là deux mesures qui n'impliquent guère de frais, mais qui permettraient d'avoir une meilleure lisibilité des causes de la sous-déclaration, et donc de mettre en oeuvre des moyens plus efficaces pour la combattre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission partage très largement les préoccupations de nos collègues, mais surtout les orientations de la commission Levy-Rosenwald.
Je précise tout de même à nos collègues que, sur les soixante-dix pages que compte le rapport, vingt sont consacrées à l'analyse des causes et quinze à la formulation de propositions.
J'observe par ailleurs que la convention d'objectifs et de gestion prévue à l'article 38 du projet de loi devrait permettre d'améliorer la connaissance statistique de ce phénomène.
C'est la raison pour laquelle notre collègue pourrait considérer son attente comme très largement satisfaite tant par la situation actuelle que par la situation future, que créera ladite convention d'objectifs et de gestion. Je l'invite donc à retirer son amendement, à moins que je n'aie pas été assez convaincant ; mais Mme le ministre le sera peut-être plus que moi !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Je n'ai rien à ajouter à l'excellente argumentation de M. le rapporteur. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Connivence !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Cet amendement est en effet inopérant, eu égard aux conclusions de la commission et à l'article 38 du projet de loi, qui me semblent répondre parfaitement aux objectifs formulés par M. Muzeau.
J'en demande donc le retrait.
M. le président. Monsieur Muzeau, l'amendement est-il maintenu ?
M. Roland Muzeau. Bien évidemment, je le maintiens, monsieur le président.
Je souhaite faire remarquer à Mme la ministre que tous les professionnels et spécialistes qui s'occupent de ces questions considèrent qu'il serait bien plus efficace de passer par la CNAMTS pour déterminer les difficultés qu'entraîne la sous-déclaration.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce sera dans l'Humanité de demain !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 37
ou après l'article 38