SEANCE DU 25 NOVEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° I-9, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 885-O bis du code général des impôts, il est inséré un article 885-O bis -1 ainsi rédigé :
« Art. 885-O bis- 1. - Sont également considérées comme des biens professionnels au sens de l'article 885-O bis les parts ou actions détenues par des associés détenant collectivement au moins 25 % des droits financiers ou des droits de vote attachés aux titres émis par la société, à condition qu'ils soient liés par une convention de vote et qu'ils s'engagent à ne pas céder leurs titres pendant une période de cinq ans au moins.
« L'engagement de conservation, ainsi que la convention de vote sont notifiés à la société émettrice des titres, en précisant le nombre de titres visés. Ces documents sont délivrés à tout associé qui en fait la demande. Ils sont communiqués à l'administration fiscale.
« L'associé qui rompt l'engagement de conservation souscrit des déclarations rectificatives de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des trois années précédentes et acquitte, dans le mois suivant la rupture de l'engagement, le supplément d'impôt en résultant augmenté de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du présent code et de la pénalité visée à l'article 1731 du présent code.
« Dans le cas où le seuil fixé au premier alinéa n'est plus respecté au 1er janvier de l'année d'imposition, les associés ayant souscrit l'engagement de conservation perdent le bénéfice de la présente disposition jusqu'à ce que le seuil soit de nouveau franchi.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée par la création, à due concurrence, d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous reprenons ce matin la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances en abordant l'impôt sur le patrimoine.
La commission des finances a souhaité qu'ait lieu en toute clarté un débat relatif aux effets économiques de l'impôt de solidarité sur la fortune. C'est pourquoi elle a déposé une série d'amendements, dont celui que je défends présentement, tendant à insérer des articles additionnels après l'article 4.
Cette série d'amendements doit être abordée de manière globale. Nous avons essayé de façon méthodique, je dirai presque pédagogique, d'identifier les différents sujets qui, au sein de la problématique de l'impôt de solidarité sur la fortune doivent être traités.
Le présent amendement pose la question du sort fiscal des participations minoritaires.
Chacun sait, monsieur le ministre, que les dirigeants d'entreprise, les personnes qui exercent des fonctions de direction, qui exercent des mandats sociaux sont fondés à considérer comme biens professionnels, de ce fait exlus de la base du calcul de l'ISF, les participations qu'ils détiennent pendant la durée de leur fonction, et ce quelle que soit la quotité de ces participations.
Un problème se pose essentiellement dans deux cas de figure.
Considérons tout d'abord le cas des actionnaires fidèles, par exemples membres de groupes familiaux ou investisseurs personnes physiques se trouvant aux côtés d'un chef d'entreprise, qui détiennent moins de 25 % du capital et des droits de vote ; leurs participations ne sont pas assimilées aux biens professionnels et représentent dès lors un actif taxable au titre de l'ISF.
Dès lors, pour que la charge fiscale annuelle soit supportable, il faut pouvoir compter sur des revenus correspondants, revenus apportés en particulier par les dividendes issus de ces mêmes participations.
Or, dans certaines situations, le poids fiscal de l'ISF peut être sans commune mesure avec les revenus issus de ces participations. Nous connaissons des cas dans lesquels des actionnaires fidèles ont dû céder leurs titres, remettant par là même en cause le contrôle des entreprises, la continuité de leurs stratégies, voire l'emploi.
Envisageons ensuite le cas du départ en retraite, de la cessation d'activité professionnelle du dirigeant.
La participation, qui était exonérée, devient dès lors taxable. Vous savez, monsieur le ministre, que cette situation est particulièrement mal comprise car elle est à l'origine de ruptures, parfois très préoccupantes, dans la continuité des stratégies d'entreprises.
L'amendement n° I-9 reprend une proposition de loi que j'avais déposée en juillet 1997. Cette proposition visait à créer une articulation entre la notion de pacte d'actionnaires, d'une part, et le régime des biens professionnels au titre de l'ISF, d'autre part.
Les pactes d'actionnaires, notamment dans les sociétés non cotées, doivent, à notre avis, être encouragés, car ils sont un gage de stabilité ; ils permettent l'organisation claire du pouvoir et du contrôle au sein du capital de l'entreprise et sont donc facteurs de crédibilité des stratégies conduites au sein de ces entreprises.
L'idée est simple : il s'agit de permettre aux participations minoritaires réunies dans un pacte, si ce pacte représente au total plus de 25 % du capital ou des droits de vote de l'entreprise, de bénéficier du régime du bien professionnel. Toutefois, cette possibilité est subordonnée à une condition : l'engagement de conservation des titres pendant une durée de cinq ans au moins.
L'engagement de conservation ainsi que la convention de vote assortie au pacte d'actionnaires devraient être notifiés à la société émettrice des actions en précisant le nombre de titres visés. Selon le principe de transparence, ces informations seraient portées à la connaissance de tout associé qui en ferait la demande et seraient communiquées à l'administration fiscale pour faciliter le contrôle.
Parmi tous les amendements que nous avons déposés sur le sujet, cet amendement n° I-9 est celui qui correspond sans doute le mieux à l'idée d'attractivité fiscale. Nous savons bien en effet, par expérience, que l'application de l'ISF à des participants minoritaires a de nombreux effets pervers pour le tissu économique ; elle peut être un facteur non négligeable de délocalisation de projets industriels hors de nos frontières.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, je vous remercie des paroles d'accueil que vous avez prononcées à mon endroit. Mesdames et messieurs les sénateurs, j'espère que la pause du week-end aura été bénéfique et que nous en ressentirons les bienfaits dans nos travaux à venir.
Permettez-moi de prendre la parole quelque peu longuement pour répondre sur l'ISF à M. le rapporteur général et à l'ensemble du Sénat. Qu'il soit bien entendu que je ne compte nullement éluder cette discussion. Aussi, monsieur le rapporteur général, à l'occasion de l'examen de chacun des amendements de la commission des finances, vous donnerai-je des explications de la part du Gouvernement.
Il me semble utile, tout d'abord, de faire un rappel, bref mais clair, du calendrier fiscal du Gouvernement.
Le Gouvernement a pris ses fonctions au début de l'été - ce qui est habituel depuis la mort du président Pompidou - c'est-à-dire au moment où l'élaboration du budget est déjà engagée. Le Gouvernement a souhaité ne pas disperser son action sur toutes les catégories d'impôts, mais au contraire concentrer son effort, compte tenu des faibles marges de manoeuvre dont il pouvait disposer, sur l'allégement des prélèvements qui pèsent sur le travail, afin de favoriser l'initiative et l'emploi.
C'est ainsi que le Gouvernement a réduit l'impôt sur le revenu ; c'est ainsi qu'il a diminué la taxe professionnelle qui pèse sur les entreprises ; c'est ainsi qu'il a financé la convergence des SMIC sur trois ans par l'allégement des charges. Il n'était absolument pas dans ses intentions d'éluder l'importante question de la fiscalité du patrimoine, qui est un des éléments clés - et, monsieur le rapporteur général, vous en parlez tellement mieux que moi ! - de l'attractivité du territoire français. C'est en effet le rempart idéal pour éviter les délocalisations qui menacent et pénalisent l'emploi sur notre territoire.
Le Gouvernement a donc simplement paré au plus pressé, dans le temps très court qui lui était imparti, d'une part, pour soutenir ceux qui travaillent et qui commençaient à se décourager en raison du poids de la fiscalité, pour résoudre le problème de la multiplicité des SMIC qu'ont entraînée les 35 heures - cela supposait de financer les allégements de charges correspondants - et, d'autre part, pour soutenir les entreprises qui, nous le savons tous, sont soumises à une concurrence de plus en plus vive du fait du poids des charges qui les pénalisent.
S'agissant de la fiscalité du patrimoine, j'ai décidé d'engager, dès le premier trimestre de 2003, un travail d'ensemble très approfondi - auquel je convie par avance votre commission des finances - afin que nous soyons prêts pour la prochaine loi de finances.
Je souhaite que ce travail puisse, comme ce fut le cas dans de nombreux pays voisins, être mené dans un consensus assez large, sans tabous ni diabolisation. Dans la mesure où il y va de l'avenir économique de notre pays et de ses emplois, je pense que ce n'est pas trop demander aux forces politiques que de s'accorder sur des principes simples, au premier rang desquels figurent, selon moi, ceux-ci : l'impôt, quel qu'il soit, doit être le plus neutre possible par rapport aux choix économiques des contribuables et il ne doit pas pénaliser l'emploi mais au contraire l'encourager.
Il va de soi, mesdames, messieurs les sénateurs, que je conserve, en cet instant, un souvenir très précis des positions que j'ai été amené à défendre au cours des années passées au nom de votre commission des finances et que ces positions ne sont en rien contraires à celles que je suis appelé aujourd'hui à soutenir au nom du Gouvernement. Ce qui pourrait nous séparer serait plutôt une question de calendrier que l'orientation générale à donner à notre fiscalité du patrimoine.
Les défauts de notre système fiscal sont bien connus. Ils révèlent, s'agissant notamment de l'ISF, une conception trop punitive de notre fiscalité, qui pourrait s'avérer mortelle dans un univers où les bases de l'impôt sont de plus en plus mobiles, et qui risque de nuire au rendement et à l'efficacité de nos prélèvements. Ces défauts, ce sont, en particulier, une progressivité excessive et un empilement d'impôts sur une même assiette, notamment en ce qui concerne le patrimoine.
Le renforcement de la compétitivité fiscale de la France doit donc être un objectif national, transcendant les clivages traditionnels.
Curieusement, en France, cette vision des choses est assimilée à une politique libérale. Ce n'est pas le cas chez nos voisins dont les gouvernements sont dirigés par des sociaux-démocrates : chacun se souvient du manifeste publié en juin 1999, sous la plume conjointe de MM. Schröder et Blair, qui visait à dessiner la politique fiscale d'une gauche moderne et dans lequel figurait en bonne place la nécessité d'accroître les compétitivités nationales et européennes, rangeant en quelque sorte au « placard de l'histoire » l'irréductible conflit entre la redistribution des revenus héritée des schémas de l'économie industrielle du XIXe siècle et la diminution du taux d'imposition, nécessaire à la création de richesses en économie ouverte.
Gageons que les forces politiques de bonne foi et de bon sens - et je suis très confiant envers le Sénat - s'accorderont pour porter notre pays au premier rang de la compétitivité.
Je me suis quelque peu éloigné de l'amendement proposé par M. le rapporteur général, mais je tenais à ne pas esquiver le débat et à me tenir au plus près des préoccupations qu'il a exprimées au nom de la commission des finances.
Monsieur le rapporteur général, je viens de dire que l'ISF comportait des effets pervers incontestables pour l'initiative économique et la détention de participations au capital d'entreprises qui ne sont pas susceptibles de bénéficier de l'exonération au titre des biens professionnels.
Le seuil de 25 % conduit à retarder le départ à la retraite de certains dirigeants âgés. Il décourage des membres de la famille qui souhaiteraient conserver leurs titres, par solidarité ou par respect pour leurs ascendants, de le faire parce que les dividendes distribués ne couvrent parfois même pas l'impôt à payer. Il incite donc à la vente des titres, et le contrôle de certaines de nos belles entreprises par un actionnariat français peut s'en trouver menacé, avec tous les risques qui en résultent pour nos emplois.
Cette question doit être traitée pour le bien du pays, pour le bien des entreprises, pour le bien de l'emploi, autant que pour les redevables, dont la patience, je crois, mérite la considération des pouvoirs publics et de nos concitoyens mais dont l'impatience, en revanche, pourrait affecter à terme le contrôle de nos entreprises.
La solution du pacte d'actionnaires que vous suggérez, monsieur le rapporteur général - je ne la découvre pas puisque j'avais eu la chance de vous la voir présenter en commission des finances les années passées -, est en effet l'une des voies possibles. Ce pacte comporte des avantages, que vous soulignez dans votre rapport, mais il mériterait cependant une base civile qui sécuriserait les contractants et conférerait une valeur supplémentaire à son contenu.
Sans pouvoir traiter ce sujet de manière exhaustive ce matin, je suis naturellement prêt à l'examiner avec vous dans le cadre de la préparation de la réforme que nous allons engager au premier trimestre de 2003.
Je pense, monsieur le rapporteur général, que cette longue réponse devrait vous permettre de retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour que le débat s'épanouisse, je ne vais pas immédiatement donner suite à la demande de M. le ministre.
M. le président. La parole et à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que j'intervienne à ce moment de notre débat, alors que nous examinons le premier des amendements concernant l'ISF.
M. le rapporteur général a parlé d'attractivité, M. le ministre de compétitivité ; il est normal que le président de la mission sur l'expatriation des capitaux et les compétences des entreprises monte en ligne ! Vous avez pu noter que, cette année, je n'avais déposé aucun amendement sur l'ISF, alors que j'en avais déposé un certain nombre l'année dernière. En vérité, l'année dernière, les conditions étaient meilleures pour avancer sur ce dossier essentiel à l'avenir du pays, à son attractivité, à sa compétitivité et donc à son emploi.
Je ne l'ai pas fait cette année parce que les temps sont un peu plus difficiles et que j'ai préféré suivre scrupuleusement les positions prises par la commission des finances, dont je soutiens les amendements.
Je sais que le sujet est passionnel et qu'il peut donner lieu à des affrontements de nature idéologique. Or ce n'est pas l'intérêt de la France : le sujet mérite, eu égard à ses aspects tant financiers que psychologiques, une approche beaucoup plus concrète et pragmatique, une analyse tout à fait dépassionnée.
Un ISF trop lourd, c'est d'abord de l'ISF qui était payé l'année précédente et qui ne l'est plus parce que ceux qui le payaient sont partis.
Vos services, monsieur le ministre, savent parfaitement mesurer cet effet de l'ISF, ils savent même qui est parti, mais ils considèrent trop souvent que ceux qui paient et qui ne paient plus vont revenir et que la perte n'est, finalement, que temporaire. Je crains, moi, que la perte ne soit durable et que ceux qui rentrent ne soient beaucoup moins nombreux que ceux qui sont partis. Simplement, ceux qui rentrent, vos services ne les connaissent pas et sont donc incapables de les compter.
Mais, surtout, dans vos statistiques, n'apparaissent pas ceux qui sont partis avant même d'avoir payé l'ISF : ils sont partis parce qu'ils avaient le sentiment que leur projet pourrait être développé ailleurs plus intelligemment, plus facilement, plus économiquement, plus harmonieusement. Or ils sont nombreux.
Il y a aussi ceux qui sont à l'étranger depuis très longtemps, qui auraient pu rentrer au moment de leur retraite, par exemple, et qui ne le feront pas parce qu'ils ne veulent pas voir leur fortune taxée dans ces conditions. Ils restent donc à l'étranger. J'en ai connu combien qui ont réussi ainsi aux Etats-Unis et qui y restent au moins la moitié de l'année plus un jour !
Au-delà de la simple question du rendement de l'ISF, quelqu'un qui part à l'étranger pour y déployer son activité sans perspective de retour en France, c'est aussi de l'impôt sur les sociétés en moins, de la TVA en moins et toute une série d'autres recettes qui nous échappent. C'est également quelqu'un qui aurait épargné en France et qui ne le fera pas.
En tout cas, du seul point de vue fiscal, quelle perte ! D'où la nécessité impérieuse d'examiner cette question posément, pour voir où est l'intérêt de la France et pour faire en sorte que, sur un sujet comme celui-là, le pragmatisme l'emporte sur l'idéologie.
C'est pourquoi je souscris à la proposition du ministre tendant à une réflexion d'ensemble sur la fiscalité du patrimoine. J'ai d'ailleurs moi-même émis le souhait, en commission des finances - et je crois avoir recueilli son approbation -, de voir notre assemblée s'engager dans une telle réflexion, afin que nous puissions envisager les moyens d'apporter plus de cohérence et d'efficacité dans l'ensemble que constituent l'ISF, les impôts sur les plus-values, les droits de mutation et de succession ainsi que les impôts fonciers.
Bien sûr, dans ce contexte, l'amendement n° I-9, déposé par la commission, avait une valeur en quelque sorte emblématique de notre volonté de définir une fiscalité du patrimoine plus cohérente, propre à renforcer l'attractivité et la compétitivité de notre pays, car ce sont les clés de l'avenir dans un monde ouvert.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Les aspects économiques de la question ont été abordés, et je veux, pour ma part, souligner que l'impôt de solidarité sur la fortune est, en outre, un impôt injuste dans la mesure où il frappe non pas tant les grosses fortunes que les classes moyennes.
Je me souviens très bien du débat auquel a donné lieu la création de cet impôt : M. Fabius était alors ministre délégué chargé du budget. En fait, on était déjà conscient que c'était une véritable mystification : on savait parfaitement que les grandes fortunes avaient, elles, la possibilité de s'évader, et c'est bien ce qu'elles ont fait, au détriment de notre économie, comme l'a justement montré notre collègue M. Badré.
Qui donc paie alors l'ISF ? Tout simplement les classes moyennes, et ceux qui croient en leur pays, c'est-à-dire ceux qui restent domiciliés fiscalement en France, parce qu'ils y ont leur travail, leur entreprise ou un patrimoine, ceux qui possèdent un ou deux appartements, tous ces membres des professions libérales qui ont épargné, notamment pour se créer un complément de retraite.
Ce sont eux qui sont frappés par l'ISF, ce ne sont pas les grosses fortunes ! Voilà en quoi réside la mystification : on dit aux classes populaires que, avec cet impôt, on va « faire payer les riches », mais, en réalité, les vrais riches, les très riches ne le paient pas !
J'ai eu, un moment, l'intention de présenter un amendement reprenant une proposition que j'avais formulée lors de l'examen du texte relatif à la participation et qui tendait à exonérer de l'ISF les actions détenues au titre de la participation. A l'époque, le Sénat avait voté le texte que la commission des affaires sociales avait présenté et qui contenait des dispositions instituant une telle exonération, mais ces dispositions n'ont pas été retenues dans le texte qui a été voté ensuite à l'Assemblée nationale sur l'initiative du gouvernement socialiste.
Il faut savoir, monsieur le ministre, que certains salariés ont accumulé, au titre de la participation, un patrimoine relativement important et que, ce patrimoine venant s'ajouter à une petite épargne, ils se trouvent assujettis à l'impôt sur la fortune, ce qui est tout de même un comble ! J'avais donné à l'époque l'exemple d'une caissière de grande surface qui, ayant utilisé au cours de sa carrière toutes les possibilités qui lui étaient données par la loi, se trouvait finalement à la tête de 3 millions ou 3,5 millions de francs d'actions de sa société.
On peut également citer le cas de tous ces cadres d'entreprises moyennes qui détiennent une partie du capital, mais qui ne seraient pas pris en compte par le dispositif du pacte d'actionnaires, lequel concernerait essentiellement des financiers.
Puisque ce débat sera repris au début de l'année prochaine, il conviendrait que le Gouvernement réfléchisse à la possibilité d'inclure les cas que je viens d'évoquer dans les dispositions qui seront élaborées, car il y a aussi un aspect social dans cette question de l'ISF.
M. le président. La parole est à Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Masseret. Permettez-moi d'ajouter mon « grain de sel » dans un débat qui occupe manifestement le Gouvernement et sa majorité.
M. Denis Badré. A juste titre !
M. Jean-Pierre Masseret. Monsieur Chérioux, je fais partie de ces gens qui n'acquittent pas l'impôt sur la fortune, mais, manifestement, je dois mal me débrouiller puisque, à vous entendre, la quasi-totalité de nos concitoyens devraient être assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune.
Cet impôt, dont on connaît l'origine, qui est parfaitement équilibré quand il est mis en oeuvre et qui répond à un souci de justice fiscale, a été, en vérité, progressivement vidé de son contenu.
M. Philippe de Gaulle. C'est le contraire !
M. Jean-Pierre Masseret. Et les amendements qui nous sont proposés vont encore plus loin en ce sens.
Le courage politique consisterait aujourd'hui, me semble-t-il, à déposer un amendement visant à supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgtaire et des comptes économiques de la nation. Absolument !
M. Jean-Pierre Masseret. Ce serait conforme à la logique qui vient d'être exprimée. Il faut, à un moment donné, assumer ce que l'on prétend être.
M. Denis Badré. Comme nous sommes pragmatiques, nous essayons d'être réalistes !
M. Jean-Pierre Masseret. Monsieur Badré, souhaitez-vous vous exprimer ?
M. Denis Badré. Je ne faisais que préciser votre pensée !
M. Jean-Pierre Masseret. Je peux la préciser seul !
Si j'interviens ce matin, c'est simplement pour souligner que la cohésion sociale dont chacun se réclame et, la nécessité de mener une politique qui favorise aussi la consommation devraient nécessairement conduire le Gouvernement à ne pas privilégier une catégorie de contribuables. Or le projet de loi de finances inclut des mesures qui vont systématiquement dans le même sens, c'est-à-dire qui tendent à favoriser une seule catégorie de nos concitoyens. Mais la France n'est pas seulement composée de chefs d'entreprise, qui prennent des risques, qui méritent certes d'être considérés et rémunérés ! Une autre partie de la population a des besoins dont il faut tenir compte, et je vous mets en garde : votre politique fiscale est vraiment inégalitaire.
Je tenais, par cette courte intervention, à rappeler quelques principes que nous avions déjà évoqués lors de la discussion générale.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Tout à fait dans la ligne de mon ami M. Jean-Pierre Masseret, je ne résiste pas à la tentation de participer, moi aussi très brièvement, à ce débat assez surréaliste de la majorité sénatoriale avec elle-même.
Qu'est-ce qui a provoqué, en 1981, la taxation de la fortune ? Le manque de discrétion des riches et l'étalement, dans la presse, la radio, la télévision, des richesses anciennes ou nouvelles, etc. Ils ont donc été victimes de leur manque de discrétion. (M. de Gaulle fait un signe de désapprobation.)
J'ai pu comparer, quand j'occupais la place de M. Alain Lambert, la différence entre les fortunes qui s'étalent dans les magazines, notamment, et la réalité. Dans ma région d'Auvergne, je m'étais fait communiquer la liste des contribuables qui étaient assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune. Dans mon département, il y avait des gens à qui j'aurais donné trois francs six sous, qui rasaient les murs avec des imperméables « grisouilloux », dont je n'aurais jamais imaginé qu'ils avaient une telle situation de fortune ; mais ceux-là, cher Alain Lambert, n'étaient pas dans les magazines !
Donc, au départ, en 1981, la gauche arrive au pouvoir - M. Chérioux évoquait M. Fabius il y a un instant - et crée l'impôt sur les grandes fortunes.
Toutefois, cet impôt, comme le disait M. Jean-Pierre Masseret, était très équilibré : les oeuvres d'art, les bois et forêts en étaient exclus et, surtout, il était plafonné.
La droite arrive en 1986 et commence par le supprimer - erreur psychologique majeure ! - puis le rétablit, mais avec des allers-retours sur le plafonnement qui font que, maintenant, le système de plafonnement a sauté alors qu'il ne posait aucun problème.
Aujourd'hui, mes chers collègues, je ne vous ferai pas de reproches amers, je constate simplement que l'on ne sait plus comment en sortir.
M. Denis Badré. Mais si !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Votez nos amendements !
M. Michel Charasse. En fait, techniquement, on sait très bien comment en sortir. Je me rappelle très bien M. Balladur disant : « La plus belle c... que j'ai faite pendant que j'étais au gouvernement a été de supprimer l'impôt sur les grandes fortunes. »
Par conséquent, quand on dit : « On ne sait plus comment en sortir », on sait très bien, en fait, techniquement, comment en sortir.
Nous avons un rapporteur général qui est un remarquable technicien ; M. Alain Lambert, lui aussi, connaît la musique, il avait proposé des solutions les années précédentes : donc, on sait très bien comment en sortir. Le problème n'est pas d'ordre technique, vous le savez, c'est un problème politique parce qu'on a réussi à se metttre, les uns et les autres, dans une situation impossible, vous avec l'histoire du plafonnement, et éventuellement nous avec le blocage du barème, qui a fini d'arranger les choses.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut nous soutenir !
Nous sommes parvenus à un système tel qu'aujourd'hui les vrais fortunes sont parties.
M. Denis Badré. Ce serait bien qu'elles reviennent !
M. Michel Charasse. Il ne reste plus aujourd'hui que l'immobilier, qui représente 70 % ou 80 % du rendement de l'impôt, lequel impôt procure aujourd'hui moins de recettes qu'un impôt dont on dit qu'il est le « plus bête » de tout le dispositif fiscal français, à savoir la redevance télévisuelle.
Si un délai devait être mis a profit pour réfléchir - et vous nous donnez un an de réflexion, ce qui ne sera pas complètement inutile -, il vaudrait mieux avoir le courage de sortir du système actuel et d'en trouver un plus intelligent et plus efficace pour taxer les vraies fortunes.
J'ajoute - et nous nous connaissons assez les uns et les autres pour savoir qu'il n'y a pas de méchanceté dans mes propos -, que je peux quand même m'amuser de ce débat rituel et annuel qui, au fond, se résume un peu à l'histoire de l'arroseur arrosé !
M. Denis Badré. Il finira par aboutir !
M. Jean Chérioux. Je constate que M. Charasse est d'accord avec moi !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je formulerai quelques remarques complémentaires à la suite des interventions qui viennent d'avoir lieu, qui sont utiles et de qualité, bien entendu, et de nature à faire progresser les choses.
Cher collègue Michel Charasse, le problème qui nous est posé est en effet de faire évoluer notre système fiscal dans le sens du réalisme et en tournant le dos à l'hypocrisie, même si cette hypocrisie est parfois commode dans les relations des hommes politiques avec l'opinion publique.
Ce n'est pas un parlementaire de la majorité actuelle qui, au début de cette année, en s'exprimant dans un organe de presse dont le lectorat est plutôt de droite et de centre droit, le Figaro, a souhaité rendre l'ISF « économiquement supportable ». Je cite les propres termes de l'ancien rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud. D'ailleurs, vous le savez, une mouvance existe au sein de votre formation politique qui appelle à plus de réalisme économique. Ce sont ceux que, par contrecoup, des personnalités comme Henri Emmanuelli ont qualifiés de sociaux-libéraux.
Loin de moi l'idée de m'immiscer dans des débats internes, mais puisque vous évoquez des échanges de propos au sein de la majorité sénatoriale, permettez-moi à mon tour de vous renvoyer à des échanges de propos qui, bien logiquement, interviennent dans d'autres segments de l'opinion, notamment au sein du parti socialiste. Il n'y a pas lieu de s'en étonner.
M. Michel Charasse. C'est Juppé qui a proposé le plafonnement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais nous reviendrons, bien entendu, sur le plafonnement, mon cher collègue. Il n'y a pas de tabou dans ce débat.
M. Michel Charasse. MM. Juppé et Emmanuelli sont du même département !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le devenir de l'ISF est un sujet sérieux qui est évoqué au sein de toutes les formations politiques, sauf peut-être par nos collègues du groupe CRC, ou du moins par la principale composante de ce groupe. Mais pour tous les autres groupes politiques, ce sujet existe et fait l'objet de discussions que l'on ne saurait nier. On ne peut couvrir ce sein que l'on ne saurait voir ! Cela fait partie de la réalité économique, politique et sociale d'aujourd'hui que de débattre de l'ISF, de la fiscalité du patrimoine et du devenir de cette fiscalité au sein de notre système fiscal.
S'agissant des propos tenus par M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, que j'ai écouté tout à l'heure avec grande attention, je me suis réjouis de la forte connexité de nos analyses et des jugements économiques qu'il a portés.
Oui, cet impôt, tel qu'il est actuellement conçu, peut inciter à la vente de titres, déstabiliser le contrôle des entreprises et exercer un effet défavorable, voire destructeur, sur l'emploi. Oui, des situations dans lesquelles des dirigeants âgés souhaiteraient prendre leur retraite mais ne le font pas, au détriment de l'entreprise et de son dynamisme, existent fréquemment. Oui, mes chers collègues, beaucoup de situations, dans la France profonde, celle de nos provinces, celle de la PME, sont rendues complètement artificielles par l'existence même de cet impôt et par ses modalités de calcul.
A cet égard, le pacte d'actionnaires constitue, à notre avis, une bonne approche.
Bien entendu, dans cet amendement, il ne pouvait être question de tout traiter. D'ailleurs, ce dispositif s'applique déjà fréquemment : son existence et sa licéité ne posent pas de problèmes.
Sans doute, monsieur le ministre, la capacité de sanctionner l'inexécution du pacte nécessiterait-elle d'être renforcée par la voie civile. C'est en effet l'aspect qui, aujourd'hui, selon la doctrine et la pratique, est le moins précis dans notre situation juridique ; c'était l'un des aspects traité par la proposition de loi que j'avais présentée en juillet 1997. Naturellement, dans une loi de finances, des dispositions purement juridiques ne pouvaient prendre place, ce qui explique que, sur cet aspect, le dispositif préconisé ne soit pas complet.
Mes chers collègues, compte tenu des remarques qui ont été formulées tant par Denis Badré que par Jean Chérioux, compte tenu du débat qu'a suscité ce premier amendement et compte tenu des réponses du ministre, c'est avec un certain espoir que je retirerai dans un instant cet amendement n° I-9 : espoir que le débat se développe, qu'il soit sans tabou, que l'on raisonne en vue du développement économique et du développement de l'emploi, que l'on évite l'hypocrisie, que l'on évite de pénaliser...
M. Denis Badré. La France !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... des gens sérieux qui peuvent être pris au piège de cet impôt, parce qu'ils ne seront pas suffisamment riches, parce qu'ils ne seront pas suffisamment bien conseillés, parce qu'ils auront, finalement, trop l'amour de leur terroir pour en sortir.
C'est bien avec l'espoir qu'un tel débat puisse se développer et aboutir rapidement, monsieur le ministre, à des dispositions compréhensibles et facilement explicables à l'opinion publique, que je retire le premier de cette série d'amendements tendant à insérer un article additionnel après l'article 4. (M. Jean Chérioux applaudit.)
M. le président. L'amendement n° I-9 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-5, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi modifié :



FRACTION DE LA VALEUR

nette taxable du patrimoine

TARIF
applicable

(en pourcentage)

N'excédant pas 732 000 EUR 0
Comprise entre 732 000 EUR et 1 180 000 EUR 0,55
Comprise entre 1 180 000 EUR et 2 339 000 EUR 0,75
Comprise entre 2 339 000 EUR et 3 661 000 EUR 1
Comprise entre 3 661 000 EUR et 7 017 000 EUR 1,3
Comprise entre 7 017 000 EUR et 15 255 000 EUR 1,65
Supérieure à 15 225 000 EUR 1,8


« II. - Les dispositions relatives à l'article 885 U du code général des impôts figurant à l'annexe III de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs sont abrogées.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I et du II ci-dessus est compensée par la création, à due concurrence, d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-115, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud et Trucy, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi modifié :



FRACTION DE LA VALEUR

nette taxable du patrimoine

TARIF
applicable

(en pourcentage)

N'excédant pas 732 000 EUR 0
Comprise entre 732 000 EUR et 1 180 000 EUR 0,55
Comprise entre 1 180 000 EUR et 2 339 000 EUR 0,75
Comprise entre 2 339 000 EUR et 3 661 000 EUR 1
Comprise entre 3 661 000 EUR et 7 017 000 EUR 1,3
Comprise entre 7 017 000 EUR et 15 255 000 EUR 1,65
Supérieure à 15 255 000 EUR 1,8


« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat résultant du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-116, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud et Trucy, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi modifié :



FRACTION DE LA VALEUR

nette taxable du patrimoine

TARIF
applicable

(en pourcentage)

N'excédant pas 786 000 EUR 0
Comprise entre 786 000 EUR et 1 277 000 EUR 0,55
Comprise entre 1 277 000 EUR et 2 535 000 EUR 0,75
Comprise entre 2 535 000 EUR et 3 936 000 EUR 1
Comprise entre 3 936 000 EUR et 7 621 000 EUR 1,3
Comprise entre 7 621 000 EUR et 16 721 000 EUR 1,65
Supérieure à 16 721 000 EUR 1,8


« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat résultant du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-5.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement pourrait s'appliquer à un certain nombre d'éléments de notre fiscalité. Il peut arriver - cela se produit d'ailleurs trop fréquemment à mon goût -, que des seuils en valeur absolue ne soient pas ajustés comme ils devraient l'être et qu'ainsi, de manière implicite, la fiscalité progresse sans que le Parlement en ait jamais véritablement délibéré.
Bien des exemples pourraient être cités à cet égard mais, dans ce contexte, l'ISF mérite cependant une mention particulière.
De 1997 à 2002, mes chers collègues, chaque année, le gouvernement de Lionel Jospin a préconisé, dans le projet de loi de finances initiale, une actualisation selon la hausse officielle des prix du barème de l'ISF et, chaque année, dans le cadre d'un petit ballet toujours organisé de la même façon à l'Assemblée nationale, au sein de la majorité alors dite plurielle, M. Jean-Pierre Brard et ses amis du parti communiste protestaient vigoureusement. Pour leur donner une satisfaction psychologique - à la vérité, pendant cette législature, le gouvernement de M. Lionel Jospin n'a guère réservé de satisfactions autres que psychologiques au parti communiste - chaque année, à la fin de ce petit ballet, l'Assemblée nationale annulait l'actualisation du barème. Puis, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances au Sénat, la majorité sénatoriale rétablissait l'actualisation dans la version initiale du gouvernement. Enfin, venait la commission mixte paritaire et, naturellement, la thèse du Sénat était rejetée puisque jamais les commissions mixtes paritaires sur les projet de loi de finances n'ont abouti à un accord pendant la précédente législature.
Au demeurant, ce point précis n'a jamais été évoqué dans les délibérations des commissions mixtes paritaires, car, vous le savez, il suffit que se révèle un premier désaccord, selon une pratique qui est à mes yeux contestable, pour que la commission mixte paritaire soit considérée comme infructueuse et pour que l'on passe de façon très conviviale aux petits fours qui sont disposés dans la salle voisine. (Sourires.)
Nous avons donc vécu ces jeux de rôle pendant une législature, monsieur le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Ensemble !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous les avons vécus ensemble, en effet, et avec le sourire, parce que nous savions où les choses commençaient et où elles se termineraient.
Cette année, c'est la surprise ! Bien entendu, le dispositif politique est nouveau, et la commission, dans sa majorité, ne peut que s'en réjouir, mais, contrairement à ceux qui étaient présentés sous M. Jospin, le projet de loi de finances initiale ne comporte pas, cette année, de revalorisation du barème de l'ISF. Cette décision, monsieur le ministre, mérite sans doute quelques commentaires, et nous serions heureux de vous entendre sur ce point. Nous sommes nombreux, en effet, à estimer que la revalorisation du barème de l'ISF, au même titre que celle du barème de l'impôt sur le revenu, loin d'être une décision nouvelle, est le simple maintien des choses en l'état.
A l'inverse, en ne revalorisant pas ce barème et en revalorisant celui de l'impôt sur le revenu, ne prenez-vous pas la décision d'alourdir la charge de l'ISF ? Je ne vois pas comment analyser différemment cet oubli qui ne peut en être un, car on a beaucoup parlé de ce sujet. Pourquoi, monsieur le ministre, alourdir l'ISF, même légèrement, cette année, alors que nous devons, nous avez-vous dit, nous livrer à un réexamen d'ensemble et sans tabou de cette question dans le cadre d'une réforme globale de la fiscalité du patrimoine ?
Voyez quelles sont nos incertitudes, voyez dans quels abîmes de perplexité nous nous trouvons plongés ! Pouvez-vous nous apporter des éléments de réponse, afin que nous soyons en mesure, simplement, de comprendre ?
M. le président. La parole est à M. Jean Clouet, pour présenter les amendements n°s I-115 et I-116.
M. Jean Clouet. L'amendement n° I-115 a pour objet de corriger une injustice.
Contrairement au barème de l'impôt sur le revenu, qui est actualisé chaque année en fonction de l'inflation, la dernière actualisation du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune remonte à la loi de finances pour 1996.
Cette non-actualisation est un prélèvement rampant vécu comme confiscatoire par les contribuables concernés et constitue un facteur déclenchant de l'expatriation des compétences et des capitaux, lourd de conséquences en matière de dynamisme économique et d'emploi.
Dans un souci d'équité fiscale et d'efficacité économique, cet amendement tend à actualiser le barème de l'ISF en fonction du taux de la hausse des prix hors tabac en 2002, soit 1,7 %, au même titre que l'impôt sur le revenu.
J'en viens à l'amendement n° I-116. Comme je le disais tout à l'heure, contrairement au barème de l'impôt sur le revenu, qui est actualisé chaque année en fonction de l'inflation, aucun aménagement du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune n'est intervenu depuis 1996.
Cette non-actualisation du barème durant cinq années aura constitué un prélèvement rampant de 150 millions d'euros, qu'on pourrait qualifier de « trop perçu ».
Le présent amendement tend à rattraper le retard ainsi accumulé et procède à une nouvelle actualisation pour l'année 2003, soit une revalorisation cumulée de 9,63 %.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-115 est similaire à celui de la commission, que j'ai défendu il y a un instant. Je ne peux évidemment que partager le louable souci de nos collègues du groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° I-116 va plus loin puisqu'il refait tout le chemin que l'on aurait dû parcourir depuis 1997. Mais, à la vérité, c'est l'amendement le plus fidèle à la pensée de M. Jospin puisque cet amendement cumule ce qu'aurait été l'effet des lois de finances, si elles avaient été adoptées dans leur version initiale, des gouvernements de M. Jospin. Donc, pour la continuité de l'Etat, l'amendement n° I-116 me semble être particulièrement intéressant. (Sourires.)
Toutefois, il présente l'inconvénient de coûter plus cher que le dispositif de l'amendement n° I-115. Si l'on veut veiller au respect du solde, il est clair que la situation des finances publiques qui nous a été léguée (Ah ! sur les travées du groupe socialiste)...
M. Marc Massion. L'héritage !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et qui se poursuit ces temps-ci ne peut pas nous apporter les marges de manoeuvre qui seraient indispensables pour une actualisation globale immédiate, afin de rattraper tout le terrain perdu depuis 1997.
Je voudrais tout de même indiquer que l'effet de cette non-actualisation du barème de l'ISF sur toute la période représente, si mes indications sont justes, un surcoût, pour les contribuables assujettis à cet impôt, de l'ordre de 150 millions d'euros, soit environ un milliard de francs.
Il faudrait d'ailleurs ajouter à ce coût supplémentaire l'incidence de la nouvelle tranche d'imposition à 1,8 %. Mais c'est une autre affaire ! Restons-en pour le moment à la question du surcoût de 150 millions d'euros résultant de la simple non-actualisation du barème depuis 1997.
Sur l'amendement n° I-115, je ne peux que partager les propos qui ont été tenus par M. Jean Clouet. En revanche, l'amendement n° I-116 me paraissant un peu coûteux, je souhaite son retrait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Tout d'abord, et c'est non pas un reproche mais un compliment, même si vous êtes un ancien rapporteur général du budget ou un ancien président de la commission des finances du Sénat, mais lorsque vous intervenez devant le Sénat au nom du Gouvernement, vous vous voyez rappeler, sans complaisance, aux idées de la commission des finances.
Monsieur le rapporteur général, encore une fois, ce n'est pas un reproche que je vous adresse : c'est la crédibilité de la Haute Assemblée et son caractère irremplaçable que je souligne.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Pour conserver au débat sa fluidité, je n'ai pas demandé la parole après les interventions de MM. Jean-Pierre Masseret et Michel Charasse.
M. Michel Charasse nous a dressé une fresque historique de l'impôt, sur laquelle je n'ai pas beaucoup d'observations à formuler. Il s'est quelque peu étonné, après M. Jean-Pierre Masseret d'ailleurs, qu'il y ait un débat. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'aime trop le Parlement pour regretter que le débat se tienne au Parlement !
Vous le savez, dans les sociétés modernes, très médiatiques, les échanges d'arguments se font dans la presse. Celle-ci a toute son utilité, et j'espère bien d'ailleurs qu'elle suit nos travaux. Mais ne regrettons pas de choisir de parler au Parlement de ces sujets, qui sont essentiels pour l'avenir de notre économie. Nos compatriotes nous ont accordé leur confiance pour les représenter et pour exprimer leurs idées. Faisons donc en sorte que ces idées puissent être soumises au débat dans nos enceintes - la première personne du pluriel étant une usurpation de ma part, puisque, malheureusement, je ne fais plus partie du Parlement.
S'agissant de la revalorisation, monsieur le rapporteur général, je comprends votre argumentation. Par honnêteté intellectuelle, je ne peux en réfuter la cohérence. Je vous demande simplement de bien vouloir interpréter les propos que j'ai tenus au début de notre débat, sur un plan général, comme une indication sur l'ordre dans lequel le Gouvernement a souhaité mettre en oeuvre son programme fiscal. Mais cet ordre ne saurait s'interpréter comme ayant été une manifestation de la volonté du Gouvernement d'accroître l'ISF ! Je vous donne la confirmation que vous souhaitez entendre : à l'evidence, le Gouvernement n'a pas la volonté d'alourdir l'ISF.
Cela étant, il est vrai que la non-actualisation du barème aboutit à un léger accroissement de l'ISF, ce qui est sans doute regrettable. Il est cependant probable que, l'immense majorité des contribuables assujettis à l'ISF étant également redevable de l'impôt sur le revenu, elle aura perçu dans la baisse de ce dernier la volonté du Gouvernement d'agir vite et efficacement en matière de baisse des prélèvements.
C'est ce qui me conduit - mais je reconnais ne pas avoir d'autres arguments, monsieur le rapporteur général - à vous dire qu'un effort a été fait dans ce sens. Il a été fait au titre de l'impôt sur le revenu. J'espère que les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune verront dans la baisse de l'impôt sur le revenu un signe d'encouragement pour attendre l'année prochaine, lorsque nous mettrons en oeuvre ensemble une réforme de la fiscalité du patrimoine.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande de bien vouloir, après nous avoir donné vos explications, retirer cet amendement.
Je me tourne maintenant vers M. Jean Clouet pour lui demander de faire de même s'agissant de l'amendement n° I-115, qui est rédigé dans les mêmes termes que l'amendement n° I-5 de la commission et qui appelle de ma part des arguments identiques.
L'amendement n° I-116 vise, comme M. le rapporteur général l'a exprimé, avec la forme d'humour que nous lui envions tous, à rattraper ce qui aurait pu être présenté comme la volonté du gouvernement précédent, incomprise et insuffisamment soutenue par sa majorité de l'époque. Le rattrapage que vous proposez, monsieur Clouet, serait toutefois vraiment au-dessus des moyens du Gouvernement.
Aussi, je vous propose, dans votre grande sagesse que je connais depuis si longtemps, de bien vouloir retirer également cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-5 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, il me semble préférable que tous ceux qui souhaitent s'exprimer sur le sujet puissent le faire avant un éventuel retrait.
M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré. Je remercie M. le rapporteur général de laisser se développer la discussion. Je pense effectivement que c'est utile : comme l'indiquait M. le ministre à l'instant, le débat doit avoir lieu au Parlement. Je pense que nous sommes là pour cela et que nous le faisons avec un souci de pragmatisme, de réalisme, et avec une grande sérénité qui nous permettra, je l'espère, d'avancer régulièrement chaque fois que nous le pourrons.
« N'ayez pas la compétitivité honteuse, monsieur le ministre » : c'est en ces termes que je vous interpellais, si je me souviens bien, lors de la discussion générale. Afficher une volonté d'avancer, même si l'on n'avance pas immédiatement très vite et très loin, mais marquer au moins une volonté, ce sera déjà un message perçu par ceux qui hésitent à partir car, à l'évidence, nul ne part de gaîté de coeur - et j'ai pu le vérifier lors de nos travaux en commission. Marquer une volonté sera perçu par ceux qui sont partis et qui n'imaginent peut-être pas un instant qu'ils pourraient revenir alors même qu'ils en ont envie, le désir, car ceux qui sont partis ont toujours envie de rentrer un jour.
Marquez une volonté, monsieur le ministre !
L'amendement n° I-9 avait un caractère emblématique mais, un peu compliqué, il n'était pas immédiatement lisible. L'amendement n° I-5 est beaucoup plus immédiatement lisible et, de ce point de vue, il représente le signal de base, marquant cette volonté d'aller de l'avant.
Vous avez cette volonté, monsieur le ministre, vous nous l'avez dit. Nous vous demandons de l'afficher dès maintenant. Je crains, comme vous le souligniez vous-même à l'instant, que si vous ne le faites pas et si vous opposez un avis défavorable à cet amendement, le texte du Gouvernement ne donne au contraire un signal inverse puisqu'il alourdirait alors encore l'ISF. Marquer une volonté suppose au moins d'aller dans le sens de l'amendement n° I-5 de la commission. J'insiste beaucoup pour dire que ce serait le signal attendu qu'il nous paraîtrait psychologiquement important d'envoyer aujourd'hui pour marquer que le Parlement et le Gouvernement ont la volonté de prendre en main ce qui peut assurer la compétitivité du pays.
M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin, pour explication de vote.
M. Jacques Oudin. Je formulerai trois observations.
Premièrement, je remercie M. le rapporteur général de l'historique qu'il nous a fait concernant la façon dont le débat sur l'ISF s'est déroulé au cours des dernières années. Le gouvernement socialiste avait lui-même proposé une revalorisation annuelle. Ensuite, à l'issue de manoeuvres de couloir, la revalorisation du barème de l'ISF, votée ou rétablie par le Sénat, systématiquement, n'avait pas figuré finalement dans la loi de finances. Cela me paraît important et m'amène à ma deuxième observation.
Le Sénat, au cours des dernières années, a toujours demandé la revalorisation du barème de l'ISF, au moins au niveau de l'inflation. Non seulement il l'a demandée, mais il l'a votée, et cela sous un gouvernement socialiste.
Actuellement, alors que le gouvernement a changé, que l'aspiration des Français s'est manifestée clairement et que le Gouvernement a toujours dit qu'il ne souhaitait pas alourdir l'ISF, je n'imagine pas que nous ne revalorisions pas ce barème. Ce serait une contradiction complète avec l'action qui a été menée auparavant.
Je pense donc que l'amendement n° I-5 de la commission est non seulement normal, mais qu'il sera compris et accepté par nos concitoyens.
Ma troisième observation - ce point a été évoqué dans le débat précédent - concerne les fortunes mobilières, dont les plus grosses sont parties. Que reste-t-il ? Il reste les fortunes immobilières. Or comment évolue actuellement le prix moyen du mètre carré dans l'immobilier en France ? Il augmente beaucoup plus vite que l'inflation. Si vous voulez estimer l'alourdissement de l'impôt de solidarité sur la fortune, il faut cumuler à la fois la non-revalorisation du barème et l'évolution à la hausse du marché des biens immobiliers. Or celui-ci s'accroît très vite, parfois de 8 %, 9 % ou 10 % dans certaines villes de province, mais aussi à Paris.
Dans ces conditions, l'alourdissement ne résulte pas simplement de la non-actualisation il est dû à l'évolution elle-même de ces biens immobiliers qui, souvent, sont détenus par des personnes qui ne se livrent pas à de la spéculation immobilière ou à des activités destinées à l'enrichissement, puisque ces biens sont des biens de famille.
Dans ces conditions, le Gouvernement aurait tout intérêt à écouter le Sénat et à approuver cet amendement. Ensuite, nous verrons le sort qui sera réservé à ce dispositif lors de la commission mixte paritaire. Mais je crois que le Sénat doit pouvoir continuer à confirmer sa position, parce que le problème est symbolique, comme l'a d'ailleurs expliqué M. Charasse, et nous ne pouvons pas nous déjuger sur ce point. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Il est difficile de toucher aux symboles, et là nous sommes bien devant un symbole !
Nous avons, au fil des ans, accumulé les possibilités de déductions fiscales au titre de l'impôt sur le revenu. Nous avons proposé un amendement visant à plafonner les possibilités de déduction fiscale à 50 % du montant de l'impôt à payer. Si vous voulez toucher au symbole de l'ISF, il faut lancer un message clair qui tende vers une plus grande justice fiscale !
La proposition que nous avons faite visant à plafonner les possibilités de déduction fiscale au titre de l'impôt sur le revenu serait très intéressante et très appréciée. Aujourd'hui, les catégories moyennes, qui n'ont pas la possibilité d'investir ni de déduire leurs investissements de l'impôt sur le revenu, paient beaucoup plus d'impôt sur le revenu que les catégories supérieures qui, elles, ont la possibilité de faire des investissements leur donnant droit aux déductions fiscales.
Notre proposition fournirait, j'en suis convaincu, des gains à l'Etat plus intéressants que ceux de l'ISF, qui aujourd'hui est devenu un impôt peu productif.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tous les propos que nous venons d'entendre suscitent naturellement beaucoup de réflexions au banc de la commission.
M. le ministre a raison de souligner que l'ISF ne s'apprécie pas tout seul. D'ailleurs, les quelques analyses - à nos yeux bien insuffisantes mais qui ont le mérite d'exister -, provenant de la direction générale des impôts, la DGI, sur les questions d'expatriation des capitaux, montrent que c'est le couple suivant qu'il faut regarder : d'un côté, l'impôt sur le revenu plus la CSG, de l'autre, l'ISF. C'est le cumul de ces impositions qui peut expliquer des délocalisations de capitaux.
Les analyses présentées par la DGI, qui, à cet égard, sont correctes sur le plan méthodologique, nous laissent cependant une impression d'inachevé. Si des éléments existent pour dire l'ampleur du phénomène, telle qu'appréciée par l'administration, des transferts de capitaux, aucun n'élément n'existe a contrario pour dire ce que représentent les projets d'entreprise qui auraient été réalisés sur notre territoire...
M. Denis Badré. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et pour lesquels le choix d'autres territoires a été fait compte tenu de systèmes fiscaux plus attractifs.
Donc, tout en souscrivant à la démonstration de M. le ministre en ce qui concerne la combinaison des éléments de politique fiscale, je voudrais malgré tout souligner que, dans l'appréciation des facteurs de compétitivité fiscale, l'ISF joue bien sûr un rôle très important : c'est une affaire de montant, mais c'est aussi une affaire de psychologie.
Dans ce domaine aussi bien que dans celui de l'impôt sur le revenu, le Gouvernement manipule des volumes d'argent importants en ajustant les curseurs de la politique fiscale, mais il joue surtout avec la psychologie des acteurs de l'économie.
Donc, monsieur le ministre, je suis d'accord sur le fait que la baisse de l'impôt sur le revenu est un acquis important sur le plan psychologique pour certaines catégories d'agents économiques, notamment pour ceux qui influencent le climat des affaires.
J'en viens aux propos de notre collègue M. Miquel.
Je voudrais saluer sa conclusion car, si j'ai bien compris, lui non plus ne considère pas comme tabou le débat sur l'ISF au sein de la fiscalité du patrimoine. Il ajoute, bien entendu, d'autres préconisations et fait part d'autres soucis, mais j'ai pris ses appréciations comme le témoignage responsable que ce débat doit avoir lieu et que le maintien du statu quo est économiquement critiquable.
Cela étant dit, je resterai fidèle, naturellement, en ce qui me concerne et en ce qui concerne la commission, à la parole que j'ai donnée à M. le Premier ministre, et je retirerai cet amendement n° I-5. Je convie notre collègue M. Clouet à faire de même pour les amendements n°s I-115 et I-116.
Nous avons devant nous d'autres travaux et M. le ministre nous a répondu en termes constructifs. Il ne faut pas non plus oublier, hélas ! que la conjoncture des marchés financiers va conduire, en 2003, malgré la non-actualisation du barème si elle demeure, la plupart des contribuables assujettis à l'ISF à payer des cotisations sensiblement plus faibles en raison de la baisse de la valorisation des actions et des autres produits financiers.
Dans ce contexte spécifique, monsieur le ministre, pour cette année, et cette année seulement - je me permets de le dire avec une certaine solennité -, compte tenu des arguments que vous avez développés, de l'intention que vous avez manifestée et du plan de travail que vous nous tracez, la commission accepte de retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-5 est retiré.
Monsieur Clouet, répondez-vous aux sollicitations de M. le rapporteur général et de M. le ministre ?
M. Jean Clouet. Absolument, monsieur le président, je retire l'amendement n° I-115.
S'agissant de l'amendement n° I-116, je formulerai tout de même une observation.
L'impôt de solidarité sur la forture coûterait, nous dit-on, plus cher à percevoir qu'il ne rapporte.
M. Jean-Pierre Masseret. Non !
M. Jean Clouet. Si cela est vrai, plus il concerne de personnes, plus nous perdons. Par conséquent, en proposant de diminuer les recettes de l'Etat, nous réduisons ses pertes ! (Sourires.) A l'avenir, il faudrait tenir compte de cet argument. Quoi qu'il en soit, je retire l'amendement n° I-116.
M. le président. Les amendements n°s I-115 et I-116 sont retirés.
M. Paul Loridant. « Tout ça... pour ça ! » (Sourires.) M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-7, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A l'article 885 V du code général des impôts, le montant : "150 euros" est remplacé par le montant : "300 euros".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-113, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud et Trucy, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 885 V du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 885 V. - Le montant de l'impôt de solidarité pour la fortune calculé dans les conditions prévues à l'article 885 U est réduit d'un montant de 300 euros par personne à charge au sens de l'article 196 et de 1 500 euros par personne à charge au sens de l'article 196 A bis . »
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat résultant du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-7.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-7 pose le problème de la prise en compte de la situation familiale pour le calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune. D'une manière très modérée d'ailleurs, la commission préconise de porter de 150 à 300 euros la réduction par personne à charge. Cette mesure, d'un coût limité, est quelque peu symbolique, et nous souhaiterions entendre le Gouvernement à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Jean Clouet, pour défendre l'amendement n° I-113.
M. Jean Clouet. La portée de l'amendement n° I-113 est très proche de celle de l'amendement n° I-7 de la commission. L'argumentation étant la même, je ne la reprendrai pas.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Avant d'entendre l'avis du Gouvernement, je ferai observer, mes chers collègues, que le barème de l'ISF laisse peu de place à la notion de patrimoine familial. Contrairement au barème de l'impôt sur le revenu, dont le caractère est progressif, l'ISF ne tient pas compte, en effet, de la situation familiale.
Quelques-unes des mesures proposées dans ces deux amendements ne vont pas jusqu'au bout de cette logique mais, en faisant cette remarque, je suis en contradiction avec leurs auteurs car, selon moi, l'ISF est un impôt que nous aurons bien du mal à améliorer ! Je tenais néanmoins à faire cette observation avant que le Gouvernement donne son avis sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un excellent amendement que l'amendement n° I-113, d'autant que ses auteurs ont pensé à prendre en considération les charges liées à la présence au foyer d'un handicapé. Ce souci est tout à fait opportun, à la veille de l'ouverture de l'année des handicapés.
La prise en compte des enfants de moins de dix-huit ans et handicapés, pour lesquels la réduction serait, selon nos collègues, de 1 500 euros, représenterait une avancée sociale et humaine significative. La commission salue par conséquent cette initiative et donne un avis favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. S'il est vrai que ces mesures visent à mieux appréhender la situation familiale des redevables pour la liquidation de l'impôt de solidarité sur la fortune, il est non moins certain que - comme M. le président de la commission vient de le souligner -, pour la détermination de la capacité contributive des redevables, la composition du foyer fiscal a une incidence bien moindre qu'en matière d'impôt sur le revenu.
Selon les statistiques, 84 % des redevables de l'impôt sur la fortune n'ont pas d'enfants à charge, les deux tiers d'entre eux ayant plus de soixante ans.
Cette mesure tendant à prendre en compte le foyer familial recueille donc plutôt ma sympathie, en tout cas à titre personnel, mais, étant un lecteur assidu de M. le rapporteur général, j'estime, comme il l'a écrit dans son rapport, que cela appelle une correction corrélative des seuils, voire - pourquoi pas ? - une introduction ou non d'un quotient familial.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Absolument !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Une telle réforme ne peut donc s'inscrire que dans une refonte de l'impôt lui-même, à laquelle je vous propose de travailler dès l'aube de l'année. (Sourires.) C'est ce qui me conduit, me tournant à nouveau vers M. Clouet et sous le bénéfice des explications que je viens de donner - qui, je pense, sont positives -, à lui demander de bien vouloir retirer son amendement, sachant que nous allons travailler tous ensemble sur ce sujet dès le premier trimestre de 2003.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La dimension familiale de l'impôt sur le patrimoine doit être connue et reconnue. Au demeurant, c'est ce qu'a fait le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 décembre 1981 relative à la première version de l'impôt sur la fortune. Il estimait en effet « qu'il est de fait que le centre de disposition des revenus à partir duquel peuvent être appréciées les ressources et les charges du contribuable est le foyer familial ».
A mon sens, ce point a été un peu perdu de vue au cours des dernières années, la réduction pour personnes à charge étant presque symbolique. Mais, compte tenu de la réponse qui nous a été apportée, du plan de travail qui nous a été adressé et qui va commencer, si j'ai bien compris M. le ministre, le 1er janvier prochain à zéro heure (Sourires) , je vais, en témoignage de confiance, retirer l'amendement n° I-7. Je convie M. Clouet à bien vouloir faire de même avec son amendement.
M. le président. L'amendement n° I-7 est retiré.
Monsieur Clouet, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
M. Jean Clouet. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-113 est retiré.
M. Gérard Miquel. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-113 rectifié.
Je vous donne la parole, monsieur Miquel, pour le défendre.
M. Gérard Miquel. Cet amendement me paraît empreint de bon sens, en particulier la mesure concernant les personnes handicapées titulaires d'une carte d'invalidité. Accorder une réduction d'impôt de 1 500 euros pour les personnes à charge est d'autant plus judicieux que l'on veut valoriser le soutien aux handicapés. En outre, ce serait un signe intéressant qui ne coûterait pas très cher à l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Défavorable. Je n'ai pas d'observation complémentaire à ajouter ; je me suis déjà largement exprimé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Quels que soient les auteurs de l'amendement, la position du Gouvernement restera la même. Je l'ai souvent dit, je suis tout à fait « inoxydable » à la diabolisation, qui n'est, je le sais bien, sûrement pas dans les intentions de Gérard Miquel, et pas à mon endroit de surcroît.
A l'occasion de l'examen des différents amendements relatifs à l'ISF, je vous propose de revoir l'instrument, de remettre l'ouvrage sur le métier et d'y travailler. Cela vaut pour l'ensemble des propositions qui sont faites. Si nous commençons à choisir des solutions différentes selon la nature des amendements, cela signifie que nous voulons d'ores et déjà réformer cet impôt.
Si telle était votre intention, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe socialiste, il fallait le dire dès le départ : nous aurions peut-être donné des avis différents sur les amendements qui viennent d'être débattus.
Par conséquent, je ne recommande pas au Sénat d'adopter cet amendement, en raison du défaut de méthode - Gérard Miquel ne m'en voudra pas - et parce que je vois peut-être un peu d'opportunisme dans cette suggestion. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Ne nous fâchons pas ! Nous n'allons pas, à cette heure matinale, nous dire des choses désagréables !
Je ne voudrais pas que la position du Gouvernement soit perçue comme étant aveugle à l'endroit des personnes qui souffrent de handicaps, mais de deux choses l'une : soit on réforme d'ores et déjà cet impôt, soit on choisit de le faire l'année prochaine ; on ne peut pas faire les deux en même temps !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-113 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° I-8, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 885 V bis du code général des impôts, il est rétabli un article 885 V ter ainsi rédigé :
« Art. 885 V ter. - Les personnes soumises à l'impôt de solidarité sur la fortune peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt égale à 75 % des versements ou remises de titres cotés effectués en faveur de fondations ou d'associations reconnues d'utilité publique répondant aux conditions fixées au b de l'article 200 du code général des impôts, sans que la réduction d'impôt ne puisse être supérieure à 25 % des droits dus et résulter pour plus de la moitié de la remise de titres cotés.
« Cette réduction ne peut être cumulée pour un même versement ou une même remise de titres cotés avec la réduction d'impôt prévue à l'article 200.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Notre pays a besoin des oeuvres d'intérêt général soutenues par l'initiative privée. Or les fondations sont insuffisamment développées, ce qui aboutit parfois à un manque de pluralisme et à une insuffisance de moyens, notamment pour la recherche universitaire.
Cela a également pour conséquence l'omniprésence des fonds publics dans la mise en valeur ou la préservation du patrimoine, alors que, sous d'autres cieux, l'initiative privée et la contribution des fonds privés sont souvent beaucoup plus significatives.
La commission des finances a donc considéré qu'il y avait une urgente nécessité à envoyer un signal favorable à l'initiative privée, afin de parvenir à la constitution de fondations puissantes.
Le dispositif proposé s'appuie sur la fiscalité du patrimoine et préconise l'impôt choisi dans certaines conditions et jusqu'à un certain point, bien entendu. Cela permettrait aux contribuables de décider de l'affectation de leur effort et de consacrer de l'argent qui aurait été versé à l'Etat dans le cadre d'un prélèvement fiscal à un concours personnel privé apporté à une oeuvre d'intérêt général dans l'ordre social, dans l'ordre patrimonial ou dans l'ordre de la recherche. C'est l'idée sur laquelle est fondée la proposition de loi que j'ai eu récemment l'honneur de déposer, et la commission des finances a bien voulu en reprendre le dispositif dans cet amendement n° I-8.
En clair, il s'agit de transposer à l'impôt de solidarité sur la fortune les dispositions qui existent en matière d'impôt sur le revenu dans le cadre de l'actuel article 200 du code général des impôts, et d'accepter une réduction d'impôt au titre de l'ISF égale à 75 % d'un don dans la limite de 25 % de l'impôt dû et sans que la remise de titres cotés puisse être à l'origine de plus de la moitié de la réduction d'impôt. On voit bien que ce système comporte un effet de levier puisqu'il faut apporter de l'argent frais à hauteur de 25 % de la totalité du financement dévolu à la fondation.
Enfin, pour que les initiatives puissent librement éclore, il conviendra d'adapter, d'assouplir le droit des fondations, mais cela est une autre affaire puisque c'est un dispositif juridique, donc non fiscal et non susceptible d'être inscrit dans une loi de finances, qui devrait voir le jour si l'on veut assurer une complète cohérence avec la préconisation que je viens de faire en ce qui concerne la réduction d'impôt au titre de l'ISF.
Voilà, monsieur le ministre, une réflexion que la commission des finances voulait vous soumettre pour connaître votre orientation sur le sujet et savoir si cette proposition est susceptible d'évoluer dans le cadre de la réflexion à laquelle vous nous avez conviés pour l'année 2003.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Tout d'abord, je constate un point d'accord, monsieur le rapporteur général : le développement du mécénat et de la générosité individuelle doit être encouragé, vous l'avez dit il y a un instant, au moment où il stagne, au moment où il décline même peut-être.
Je partage donc votre avis sur la nécessité d'explorer des voies nouvelles pour appeler nos compatriotes au financement volontaire de besoins sociaux, moyennant un contrôle direct et parfois plus exigeant que celui qu'exerce l'action publique concernant le bon usage de leurs versements.
Cela peut conduire à une diminution de la contribution publique, donc des prélèvements obligatoires, ce dont chacun pourrait se réjouir. Mobiliser un potentiel de générosité des Français est une démarche civique et l'encouragement fiscal pourrait, en effet, être renforcé.
Monsieur le rapporteur général, il s'agit de savoir s'il est bien opportun de transposer à l'ISF les dispositions fiscales de l'impôt sur le revenu. Notre impôt sur le revenu, vous le savez, est complexe. Faut-il « contaminer », si j'ose dire, l'ISF par les mêmes défauts ? Cette question méritera d'être approfondie lors des travaux que nous mènerons ensemble dès l'an prochain. Souvenons-nous - c'est vous qui me l'avez appris - que les moins mauvais impôts sont ceux dont l'assiette est large et le taux faible.
Puisque vous sembliez prêt, monsieur le rapporteur général, tout à l'heure, à travailler sur ce sujet dès le 1er janvier prochain, je crois qu'il faut commencer à mettre l'ouvrage sur le métier dès maintenant.
Je souhaite attirer votre attention sur un point : le cumul des dispositions d'encouragement aux dons, d'une part au titre de l'impôt sur le revenu, d'autre part au titre de l'ISF, pourrait créer une situation où la dépense fiscale serait égale à 100 %.
Nous ne pouvons donc pas travailler sur le sujet sans examiner très précisement les questions de cumul entre les deux impôts. Par conséquent, cet amendement justifie, plus encore que tous les autres, un examen très approfondi, auquel je suis prêt.
Je sais que d'autres ministères ont manifesté des intentions à ce sujet. Je souhaite donc que l'on évite toute improvisation et que l'on agisse dans un souci de cohérence fiscale, souci qui a toujours animé la commission des finances du Sénat.
Sous le bénéfice de ces observations, qui sont sans ambiguïté sur les intentions du Gouvernement mais qui expriment la nécessité de réfléchir à cette question, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le rapporteur général.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-8 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avant de répondre à la sollicitation de M. le ministre, je souhaite rappeler dans quel esprit cette proposition est formulée. Dès lors que l'ISF existe, dès lors que son existence n'est pas remise en cause et dès lors qu'il y a une tranche que l'on peut qualifier de très élevée, il n'est pas absurde que les cotisations versées au titre de cet impôt puissent comporter des versements à des oeuvres d'intérêt général. En effet, si ces versements n'interviennent pas s'agissant de la recherche universitaire, s'agissant du patrimoine, s'agissant d'oeuvres sociales, que se passera-t-il ? Ce sont des fonds publics de l'Etat, dans une très large mesure, et des collectivités locales qui seront affectés aux mêmes finalités.
Monsieur le ministre, on ne peut quand même pas considérer que, dans ce pays, la situation soit pleinement satisfaisante, par exemple pour le financement des monuments historiques : nous constatons des retards considérables dans ce domaine. Le système est assez défectueux, tant en matière de maîtrise d'ouvrage que de disponibilité des financements. L'initiative privée pourrait assurément être un facteur de dynamisation d'actions d'intérêt général.
Je voudrais également insister, monsieur le ministre, sur la recherche en macro-économie, domaine que vous connaissez très bien. Dans notre pays, des personnalités éminentes conduisent des réflexions tout à fait remarquables. Il s'agit soit d'équipes qui travaillent sur fonds publics, sur les subventions ou les commandes - ce qui est souvent un peu analogue - du grand ministère de Bercy, soit d'équipes qui oeuvrent dans le cadre de groupes financiers et qui, ainsi, soutiennent et développent la réflexion de ces groupes financiers, naturellement dans l'intérêt de leur stratégie, en particulier dans l'intérêt du placement de produits financiers au sein de leur clientèle.
Les jugements dont nous disposons en matière de macro-économie - je vous renvoie en particulier, monsieur le ministre, à toutes les analyses sur la croissance économique - sont rarement indépendants de l'Etat, qui finance des secteurs de l'économie, des branches professionnelles ou des grandes entreprises, en particulier des banques. Cette situation est-elle vraiment satisfaisante ?
Il faut vraiment se poser ce type de questions. Passer par le biais de l'ISF est une démarche que certains peuvent approuver, d'autres désapprouver, mais, lorsqu'un petit nombre de personnes sont susceptibles d'apporter un concours à des activités de ce type et souhaitent associer leur nom à la réalisation de ces buts d'intérêt général, pourquoi ne pas examiner attentivement ce type de possibilités ?
Vous n'avez pas dit non, monsieur le ministre, à cette réflexion et je m'en réjouis, car c'est un témoignage de liberté d'esprit qui ne nous surprend pas de votre part. C'est extrêmement précieux dans le monde franco-français dans lequel nous vivons et dans lequel beaucoup de choses, hélas ! sont trop souvent figées par un certain conformisme administratif ou bien-pensant. Tâchons de sortir de cette situation et peut-être cette disposition sera-t-elle un jour de nature à y contribuer.
C'est avec cet espoir, monsieur le ministre, que je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-8 est retiré.
L'amendement n° I-6, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La seconde phrase du premier alinéa de l'article 885 V bis du code général des impôts est supprimée.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je serai beaucoup plus bref, car chacun connaît le fond de cet amendement. Michel Charasse en a d'ailleurs parlé tout à l'heure puisqu'il a indiqué qu'à une certaine époque il existait un plafonnement de l'ISF par rapport aux revenus, plafonnement qu'il a lui-même, si je ne me trompe, qualifié de « raisonnable » - peut-être a-t-il utilisé un terme équivalent -...
M. Michel Charasse. Je l'avais créé !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il était donc « raisonnable » !
Chacun le sait ici, mes chers collègues, la majorité sénatoriale depuis plusieurs années a adopté des amendements équivalents pour rétablir le plafonnement de l'ISF par rapport aux revenus très exactement dans les conditions dans lesquelles il existait avant la loi de finances de 1996.
Je n'ajouterai donc pas d'arguments supplémentaires ; je rappellerai simplement à ceux qui affirment que toucher à l'ISF est politiquement dommageable que les mesures qui figuraient dans la loi de finances de 1996 ont été fortement préjudiciables et que leurs auteurs l'ont chèrement payé aux élections législatives anticipées de 1997 !
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est vrai !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je serai aussi bref que M. le rapporteur général, car de nombreux échanges sont déjà intervenus sur ce sujet. Tout à l'heure, lors de son intervention, Michel Charasse a expliqué les variations qui s'étaient produites en matière de plafonnement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans mon propos introductif, j'avais appelé à la concorde entre les sensibilités politiques de bonne volonté et de bon sens. Le tabou du plafonnement va devoir être levé. S'il ne l'était pas, j'y verrais, à terme, une menace pour nos emplois.
Jean-Pierre Masseret, à qui je n'ai pas répondu lors de la discussion générale - je saisis donc cette occasion pour le faire -, nous a parlé du drame industriel qui touche sa région. Il sait que j'en ai moi-même connu un semblable. Je suis toujours inquiet, non pas par nationalisme exacerbé, de voir des actionnaires « extérieurs » détenir - ce ne fut pas le cas pour l'entreprise de votre région, monsieur Masseret mais ce fut celui de Moulinex - le contrôle d'une entreprise parce qu'ils n'ont pas, en effet, la préoccupation immédiate de l'emploi. Nous devons donc rester vigilants face à la montée en charge, si j'ose dire, des fonds de pension dans l'actionnariat de nos entreprises.
Ne décourageons pas les actionnaires français : c'est un appel que je lance ! Mais cette question pourra faire l'objet d'un débat de fond l'année prochaine, lors de la réforme de la fiscalité du patrimoine. Il serait bon que les différentes forces politiques qui croient vraiment à la nécessité de conforter l'attractivité de la France parviennent, à partir de travaux loyaux et sincères, à un véritable consensus sur ce sujet.
Cela me conduit, monsieur le rapporteur général, à vous demander de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-6 est retiré.
L'amendement n° I-216 rectifié, présenté par MM. Adnot, Darniche, Durand-Chastel, Seillier, Lachenaud et Oudin, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 885 V bis du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... L'impôt sur la fortune est réduit de la moitié des souscriptions en numéraire effectuées au capital de sociétés immatriculées au registre du commerce et des sociétés depuis moins de dix ans et dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ».
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ».
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin. L'objet du présent amendement est d'accélérer l'accès au financement en fonds propres des jeunes pousses en encourageant les personnes physiques les plus fortunées à soutenir la création d'entreprises innovantes à un stade où l'investissement est des plus risqué.
Outre le fait que cette disposition découragera un certain nombre de délocalisations fiscales et suscitera des vocations d'anges providentiels, elle entraînera, en « retour sur investissement » pour l'ensemble de notre économie, le développement des entreprises. Je pense que tout le monde y gagnera.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'excellentes réflexions qui, si je ne me trompe, sont nées au sein du « Club.Senat.fr », le club des nouvelles entreprises, qu'il faut saluer tout particulièrement.
Nos collègues sont animés par le souci d'inciter les investisseurs professionnels, que je n'ose pas, monsieur Angels, dénommer selon leur appellation anglo-saxonne habituelle (Sourires) , à investir dans les jeunes pousses. Cette initiative nous paraît opportune et nous souhaiterions entendre l'avis du Gouvernement à cet égard.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Nous avons déjà eu l'occasion, lors de la discussion de l'impôt sur le revenu, d'évoquer ce sujet et la nécessité de prévoir une fiscalité qui soutienne les initiatives économiques telles que celles qui ont été décrites par Jacques Oudin. Je vous propose donc, s'agissant de l'ISF, de procéder comme nous l'avons fait avec l'impôt sur le revenu : ce sujet traité à l'occasion de l'examen du projet de loi intitulé « Agir pour l'initiative économique », qui sera présenté par Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au début de l'année, et qui vise, précisément, à donner à nos entreprises toutes les chances de se développer.
J'ajoute d'ores et déjà - je pense que vous avez besoin de cette précision - qu'il ne sera pas prétexté, lors de l'examen de ces dispositions, que l'ISF sera revu au cours du projet de loi de finances pour 2004. En effet, toutes les mesures relatives à l'entreprise, quand bien même elles touchent à l'ISF, pourront être traitées dans le projet de loi de M. Dutreil.
J'espère vous avoir donné toutes assurances pour que ce débat puisse se tenir dès le mois de janvier prochain, à l'occasion de l'examen de ce texte.
Cela me conduit à proposer à M. Oudin de retirer son amendement, afin de pouvoir le déposer de nouveau lors de la discussion du projet de loi précité.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission a entendu avec grand intérêt les précisions apportées par M. le ministre, car, par rapport à ses précédentes interventions, il a été un tout petit peu plus loin dans la chronologie : il nous a indiqué, en effet, que les travaux sur la loi d'action pour l'initiative économique pourront inclure des dispositifs incitatifs reposant sur la fiscalité sur le patrimoine, et en particulier sur l'ISF. Ces dispositifs ne seront pas, nous a-t-il dit, disqualifiés par la réflexion d'ensemble sur la fiscalité du patrimoine, celle-ci devant aboutir dans la loi de finances pour 2004.
Par conséquent, dès le début de l'année 2003 - en janvier, nous l'espérons - nous pourrons reprendre des débats de cette nature. C'est un bon jalon qui a été posé et je suppose que la réponse de M. le ministre vaudrait d'ailleurs également pour le pacte d'actionnaires et pour d'autres dispositifs relatifs aux relations entre ISF-entreprises, ISF-investissements, maintien de l'emploi, etc.
Compte tenu de cette approche, je recommande évidemment à nos collègues, en particulier à M. Oudin, de bien vouloir patienter encore quelques semaines, voire quelques mois.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Oudin ?
M. Jacques Oudin. M. le rapporteur général et M. le ministre semblent avoir parfaitement compris le sens de cet amendement. Il est important de pallier les insuffisances de nos investissements dans ces jeunes pousses. Nous avons, dans ce domaine, un retard considérable vis-à-vis de nos concurrents - M. Denis Badré le sait, lui qui parle de la compétitivité de nos entreprises.
Je comprends que le projet de loi « Agir pour l'initiative économique » reprendra l'ensemble de ces dispositifs, ce dont je me réjouis. Nous y participerons, car c'est un débat important pour la France. Dans l'attente de ce texte, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° I-216 rectifié est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Avec la présentation de l'amendement n° I-216 rectifié de M. Adnot, prend fin l'examen des amendements portant sur l'impôt de solidarité sur la fortune.
Monsieur le ministre, je crois que la commission des finances, pas plus que le Sénat, n'a pas trahi sa réputation et vous avez vous-même contribué à stabiliser des principes et une doctrine. On ne pourra donc pas dire, au terme de ce débat de grande qualité, que le Sénat s'est montré complaisant à l'égard du Gouvernement. Si la majorité du Sénat soutient le Gouvernement, elle entend le faire en présentant sans indulgence ses préoccupations.
Monsieur le ministre, vous allez repartir avec un dossier enrichi par la contribution du Sénat et M. le rapporteur général a été particulièrement convaincant.
Le dossier de l'ISF, Michel Charasse le rappelait, nous a créé beaucoup de soucis. Moi-même, j'assume la responsabilité d'une erreur, celle de la loi de finances de 1996. A l'époque, nous souhaitions que la France puisse se qualifier pour l'euro et il fallait ramener le déficit public de 5,5 % du PIB à 3 % au plus tard le 31 décembre 1997.
Lorsque nous avons voulu plafonner le montant total de l'impôt de solidarité sur la fortune et de l'impôt sur le revenu par rapport au revenu, nous n'avons pas trouvé les conditions politiques nécessaires dans la loi de finances pour 1997. Mais c'était une erreur ! Finalement, au travers des différents amendements, on voit bien que l'on essaie de corriger un ensemble marqué par une somme de contradictions et d'hypocrisie. En définitive, il n'est pas exclu que l'ISF coûte plus cher à la France qu'il ne rapporte au budget de l'Etat.
Nous sommes dans le domaine du symbole. Tout cela est emblématique et il faudra donc aborder nos prochains rendez-vous, celui de la discussion du texte que prépare le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises et celui de l'examen de la loi de finances pour 2004, avec beaucoup de pragmatisme, me semble-t-il, et en essayant de faire taire nos vieux fantasmes politiciens. C'est l'intérêt de la France qui est en cause !
Ce matin, je crois que nous avons fait la démonstration de notre capacité de mouvement. Les membres du groupe socialiste ont eux-mêmes pris part à une tentative de modification de l'ISF. C'est prometteur. J'espère que nous serons à la hauteur des prochains rendez-vous que vous nous fixez, monsieur le ministre.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-77, présenté par MM. Joly, Pelletier et Mouly, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du I de l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982, portant création des chèques-vacances, les sommes : "15 250 euros" et "3 550 euros" sont remplacées respectivement par les sommes : "16 320 euros" et "3 785 euros".
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-100, présenté par MM. Dussaut, Peyronnet, Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances, les sommes : "15 250 euros" et "3 550 euros" sont remplacées respectivement par les sommes : "16 320 euros" et "3 785 euros". »
L'amendement n° I-77 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre l'amendement n° I-100.
M. Michel Charasse. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. De même que l'amendement n° I-77, qui n'a pas été soutenu, cet amendement n° I-100 tendant à réévaluer le revenu fiscal de référence dans le dispositif des chèques-vacances doit être considéré comme satisfait par l'article 59 quinquies du projet de loi de finances, issu des délibérations de l'Assemblée nationale, que nous examinerons en deuxième partie.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission des finances et souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-100 est-il maintenu, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse. Puisqu'il est satisfait, nous le retirons !
M. le président. L'amendement n° I-100 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-78, présenté par MM. Joly, Pelletier et Mouly, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Dans la première phrase du I de l'article 2-1 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982, portant création des chèques-vacances, les mots : "Dans les entreprises de moins de cinquante salariés" sont remplacés par les mots : "Dans les entreprises de plus de vingt salariés et de moins de cinquante salariés".
« II. - Après l'article 2-1 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 précitée, il est inséré un article 2-2 rédigé comme suit :
« Art. 2-2. - I. - Les entreprises de moins de vingt salariés, dépourvues de comité d'entreprise et qui ne relèvent pas d'un organisme paritaire mentionné au dernier alinéa de l'article 6, sont exclues du champ d'application des articles 2-1 et 2-3.
« L'employeur peut faire bénéficier ses salariés des chèques-vacances selon les modalités suivantes :
« - la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances est fixée en fonction du niveau des rémunérations perçues par les salariés dans l'entreprises. L'employeur contribue à hauteur de 80 % au plus de leur valeur libératoire, modulée en fonction du niveau des rémunérations pratiquées dans l'entreprise ;
« - les termes de la modulation maximale en fonction des rémunérations pratiquées dans l'entreprise sont de 80 % jusqu'à 1,3 SMIC, de 50 % entre 1,3 et 1,8 SMIC et de 25 % au-delà de 1,8 SMIC.
« L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vancances est exonéré des cotisations et contributions prévues par la législation du travail et de la sécurité sociale, à l'exception de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à exonération est limité, par salarié et par an, à 30 % du SMIC apprécié sur une base mensuelle.
« II. - Cette simplification d'attribution des chèques-vacances pour les très petites entreprises de moins de vingt salariés est laissée à leur libre choix. Elles peuvent décider de recourir à un dispositif optimisé fondé sur le revenu fiscal de référence.
« III. - Les chefs d'entreprise de moins de vingt salariés, à défaut de délégués syndicaux et de personnels mandatés, associent leurs salariés à la procédure de consultation et de fixation de la contribution de l'employeur. »
« III. - La perte de recettes résultant du I et du II est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-101, présenté par MM. Dussaut, Peyronnet, Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances est modifiée de la façon suivante :
« I. - Au I de l'article 2-1, les mots : "Dans les entreprises de moins de cinquante salariés" sont remplacés par les mots : "Dans les entreprises de plus de vingt salariés et de moins de cinquante salariés".
« II. - Après l'article 2-1, il est inséré un article 2-2 ainsi rédigé :
« Art. 2-2. - I. - Les entreprises de moins de vingt salariés, dépourvues de comité d'entreprise, et qui ne relèvent pas d'un organisme paritaire mentionné au dernier alinéa de l'article 6, sont exclues du champ d'application de l'article 2-1 et 2-3 de l'ordonnance du 26 mars 1982.
« L'employeur peut faire bénéficier ses salariés des chèques-vacances selon les modalités suivantes :
« - la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances est fixée en fonction du niveau des rémunérations perçues par les salariés dans l'entreprise (l'employeur contribue à hauteur de 80 % au plus de leur valeur libératoire) et sera modulée en fonction du niveau des rémunérations pratiquées dans l'entreprise ;
« - la modulation maximale en fonction des rémunérations pratiquées dans l'entreprise est de 80 % jusqu'à 1,3 SMIC, de 50 % entre 1,3 et 1,8 SMIC et de 25 % au-delà de 1,8 SMIC.
« L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances est exonéré des cotisations et contributions prévues par la législation du travail et de la sécurité sociale, à l'exception de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à exonération est limité, par salarié et par an, à 30 % du salaire minimum de croissance appréciée sur une base mensuelle.
« II. - Cette simplification d'attribution des chèques-vacances pour les entreprises de moins de vingt salariés est laissée au libre choix desdites entreprises, qui peuvent décider de recourir à un dispositif optimisé basé sur le revenu fiscal de référence.
« III. - Les chefs d'entreprise de moins de vingt salariés, à défaut de délégués syndicaux et de mandaté, associent le personnel à la procédure de consultation et de fixation de la contribution de l'employeur. »
L'amendement n° I-212 rectifié, présenté par MM. Dussaut, Peyronnet, Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances est modifiée de la façon suivante :
« I. - Au I de l'article 2-1, les mots : "Dans les entreprises de moins de cinquante salariés" sont remplacés par les mots : "Dans les entreprises de plus de vingt salariés et de moins de cinquante salariés".
« II. - Après l'article 2-1, il est inséré un article 2-2 ainsi rédigé :
« Art. 2-2. - I. - Les entreprises de moins de vingt salariés, dépourvues de comité d'entreprise, et qui ne relèvent pas d'un organisme paritaire mentionné au dernier alinéa de l'article 6, sont exclues du champ d'application de l'article 2-1 et 2-3 de l'ordonnance du 26 mars 1982.
« L'employeur peut faire bénéficier ses salariés des chèques-vacances selon les modalités suivantes :
« - la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances est fixée en fonction du niveau des rémunérations perçues par les salariés dans l'entreprise (l'employeur contribue à hauteur de 80 % au plus de leur valeur libératoire) et sera modulée en fonction du niveau des rémunérations pratiquées dans l'entreprise ;
« - la modulation maximale en fonction des rémunérations pratiquées dans l'entreprise est de 80 % jusqu'à 1,3 SMIC, de 50 % entre 1,3 et 1,8 SMIC et de 25 % au-delà de 1,8 SMIC.
« L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances est exonéré des cotisations et contributions prévues par la législation du travail et de la sécurité sociale, à l'exception de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à exonération est limité, par salarié et par an, à 80 % du salaire minimum de croissance apprécié sur une base mensuelle.
« II. - Cette simplification d'attribution des chèques-vacances pour les entreprises de moins de vingt salariés est laissée au libre choix desdites entreprises, qui peuvent décider de recourir à un dispositif optimisé basé sur le revenu fiscal de référence.
« III. - Les chefs d'entreprise de moins de vingt salariés, à défaut de délégués syndicaux et de mandaté, associent le personnel à la procédure de consultation et de fixation de la contribution de l'employeur. »
L'amendement n° I-78 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, pour défendre les amendements n°s I-101 et I-212 rectifié.
M. Jean-Pierre Demerliat. L'amendement n° I-101 vise à simplifier les modalités d'attribution des chèques-vacances aux salariés des entreprises de moins de vingt salariés.
En effet, les employeurs d'entreprises de moins de vingt salariés se plaignent de la complexité de la mise en place des chèques-vacances et de la procédure de consultation sociale qui les oblige à une consultation de salariés « mandatés », lesquels n'existent pas dans la plupart des petites et des très petites entreprises.
Cet amendement a donc pour objet de simplifier les procédures de mise en place du chèque-vacances au sein des entreprises, en prenant en compte les critères de ressources des salariés et en allégeant la procédure de consultation sociale.
L'amendement n° I-212 rectifié...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très proche du précédent !
M. Jean-Pierre Demerliat. ... se situe, en effet, dans la continuité du précédent et répond au même souci de simplification de la procédure d'attribution des chèques-vacances pour les entreprises de moins de vingt salariés.
Estimant que la simplification des procédures pour les entreprises de moins de vingt salariés pourrait être assortie d'un relèvement du plafond d'exonération des cotisations de sécurité sociale, nous proposons une réévaluation dans la limite de 80 % pour la contribution de l'employeur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ces amendements sont très intéressants, mais ils relèvent plutôt de la deuxième partie. Je suggère donc à M. Demerliat de les retirer à ce stade du débat pour les réintroduire lors de l'examen des articles non rattachés.
M. le président. Monsieur Demerliat, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur général ?
M. Jean-Pierre Demerliat. Oui, monsieur le président, et je retire provisoirement les amendements n°s I-101 et I-212 rectifié, pour les présenter de nouveau en deuxième partie.
M. le président. Les amendements n°s I-101 et I-212 rectifié sont retirés.

Article 4 bis