SEANCE DU 25 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 6. - I. - Au III de l'article 235 ter Y du code général des impôts, il est inséré, après la première phrase du premier alinéa, une phrase ainsi rédigée : "Toutefois, ce taux est fixé à 0,80 % pour la contribution due en 2003 sur les dépenses et charges comptabilisées en 2002 et à 0,40 % pour la contribution due en 2004 sur les dépenses et charges comptabilisées en 2003."
« II. - L'article 235 ter Y du même code cesse d'être applicable aux dépenses et charges engagées à compter de 2004.
« III. - L'article 235 ter YA du même code est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. - Le crédit d'impôt prévu au II n'est plus imputable sur la contribution des institutions financières à compter de la contribution due en 2003 sur les dépenses et charges comptabilisées en 2002. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-65 est présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° I-149 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° I-150, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Dans la première phrase du premier alinéa du III de l'article 235 ter Y, le taux : "1 %" est remplacé par le taux : "1,2 %". »
La parole est à M. Gérard Miquel, pour défendre l'amendement n° I-65.
M. Gérard Miquel. Cet amendement vise à supprimer l'article 6, qui tend à faire disparaître la contribution des institutions financières instituée en 1982 par le gouvernement de gauche d'alors, au motif qu'elle renchérirait le coût du travail et qu'elle nuirait à la compétitivité internationale du secteur financier. Nous connaissons ces arguments !
Mais pourquoi mettre en oeuvre une mesure particulière à destination des entreprises du secteur financier ? Pourquoi ne pas prévoir de mesures visant l'ensemble des entreprises ? De fait, ce qui est en cause, c'est la différence de hiérarchie entre vos priorités en matière de politique économique et sociale et les nôtres.
Nous déplorons que vous ne préserviez pas les marges de manoeuvre budgétaires déjà fort étroites, qui vous seraient bien utiles pour cibler vos propositions sur certains contribuables et sur certaines institutions.
La mesure proposée par l'article 6 n'est qu'un cadeau fiscal offert sans contrepartie et qui sera improductif et lourd pour les finances publiques.
Quelle importance que cette contribution n'ait pas d'équivalent dans l'Union européenne ! Si nous devons toujours nous aligner sur les « moins-disants » fiscaux au motif qu'il nous faut être plus compétitifs, nous avons encore devant nous un bien long chemin à parcourir ! Cette année, les banques bénéficieront déjà de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle. Maintenons la contribution des institutions financières en votant cet amendement !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter les amendements n°s I-149 et I-150.
M. Thierry Foucaud. Avec cet article 6, la contribution des institutions financières est appelée à disparaître progressivement sans, pour le moment, que la mesure ait le moindre effet pour l'Etat sur un plan directement comptable du fait de la neutralisation des effets de la baisse du taux de la taxe.
Cette contribution est d'un produit relativement limité puisqu'elle est fixée à 373 millions d'euros.
Au demeurant, le motif qui préside, quant au fond, à la mise en oeuvre des dispositions de cet article ne nous semble pas déterminant. Que pèsent, en effet, 373 millions d'euros sur le volume global des opérations menées par les établissements financiers au regard, en particulier, des produits tirés de l'exploitation des services bancaires, qui dépassent, si l'on en croit les associations de consommateurs agréées, des montants supérieurs à 6,5 milliards d'euros ?
La compétitivité de nos établissements de crédit, de nos compagnies d'assurance ou des sociétés de locations immobilières n'est donc pas le moins du monde remise en question par l'existence ou non de cette taxe. En fait, ne s'agirait-il pas, une fois de plus, de répondre aux exigences du MEDEF (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) , organisation dont certains des membres les plus influents étaient, jusqu'à une époque récente, issus des entreprises du secteur financier ?
Si les dispositions de l'article 6 nous sont proposées pour cette seule raison, cela suffit, à notre avis, pour en voter la suppression.
J'en vient à l'amendement n° I-150.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le même en pis !
M. Thierry Foucaud. Oui, ils sont du même ordre, monsieur le rapporteur général.
La contribution des institutions financières, la CIF, qu'on le veuille ou non, n'est pas une charge totalement insupportable pour les établissements concernés puisque, ainsi que le précise le document préparatoire au débat sur les prélèvements obligatoires, son rendement est aujourd'hui de 373 millions d'euros.
Sa suppression intervient dans un contexte où les établissements bancaires mènent des négociations sociales pour le moins délicates, tandis qu'elle pousse les feux d'une banalisation de la tarification des services bancaires, qui tend à accroître encore et toujours ce que l'on peut appeler les « recettes de poche » de ces établissements.
La même observation vaut pour le secteur des assurances, où l'on regarde évidemment avec le plus grand intérêt tout ce qui peut réduire les charges de fonctionnement tandis que l'on est moins exigeant sur la qualité des placements réalisés par l'adossement sur les primes d'assurances collectées.
Nous doutons, pour notre part, que l'allégement, fût-il limité, de la contribution ici visée permette de dégager des marges pour résoudre certains problèmes nés à la suite du 11 septembre. Nous avons plutôt l'impression que l'article 6 est « commandité » par l'Association française des banques et par la Fédération française des sociétés d'assurance.
Au moment même où ces groupements professionnels mènent une action résolue en vue d'une gestion encore plus serrée des effectifs, alors que les années à venir vont être marquées par une vague importante de départs en retraite, nous sommes partisans d'un accroissement de 20 % de la CIF, ce qui permettrait de dégager environ 75 millions d'euros de ressources complémentaires.
Parmi les maintes utilisations possibles de ces ressources nouvelles figure, par exemple, l'abondement du Fonds national de garantie des calamités agricoles, particulièrement sollicité du fait des intempéries et des inondations que nous avons connues ces derniers mois. On pourrait également opter pour l'alimentation d'un fonds destiné à intervenir en première urgence auprès des collectivités locales ou des particuliers lorsque se produisent soit des catastrophes naturelles, soit des accidents industriels, et que les délais d'instruction des dossiers d'assurance privent lesdites collectivités ou lesdits particuliers des moyens qu'ils ont besoin de mobiliser très rapidement.
Vous le voyez, des possibilités de mutualisation existent à cet égard, et les fonds ainsi recueillis permettraient de répondre au moins partiellement à des problèmes ponctuels.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me permettrai de faire un bref rappel chronologique.
Juin 1982 : création, à titre exceptionnel et provisoire, de la contribution des institutions financières par la loi de finances rectificative. Cette loi, c'était ce qu'on a appelé le « plan Delors » : les perspectives économiques étaient un peu moins souriantes qu'on ne l'avait espéré en 1981...
Provisoire et exceptionnelle en 1982, cette contribution est néanmoins reconduite en 1983, puis en 1984.
En 1985, elle devient permanente, avant de voir, en 1999, son dispositif compliqué par la création d'un crédit d'impôt spécifique : c'était une bonne façon de convaincre la profession bancaire de doter divers fonds de garantie institués par la loi relative à l'épargne et à la sécurité financière.
Je fais un léger retour en arrière dans ma chronologie. En 1996, paraît le rapport de M. Alain Lambert sur les banques, dont j'extrais cette phrase : « Cette taxe doit être supprimée. » En 1998, nouveau rapport de M. Alain Lambert : sur les assurances, cette fois. Je n'ai pas de citation aussi concise, mais le fond était le même ! (M. le ministre sourit.)
En juin 2001, c'est le rapport de nos collègues Denis Badré et André Ferrand, où l'on peut lire ceci : « La CIF reste un handicap pour les entreprises françaises. »
M. Denis Badré. C'est toujours vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En juillet 2001, le député Michel Charzat, ami de Laurent Fabius, écrivait quant à lui dans son rapport : « La CIF fait figure d'archaïsme et d'anomalie dans le paysage fiscal français. »
Mes chers collègues, comment ne pas complimenter un gouvernement qui tient ses promesses, dont les membres ont des convictions et les mettent en oeuvre ?
M. Denis Badré. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous êtes souvent enclins, chers collègues de l'opposition, à dauber sur ce que nous avons dit et que nous ne sommes pas en mesure de faire tout de suite. En l'occurrence, vous le constatez, nous nous engageons sur le sentier vertueux dès le départ avec, évidemment, une progressivité budgétaire sur les années à venir.
La mesure préconisée étant assurément bonne du point de vue de la commission, les différents amendements qui la contestent rencontrent son avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Ayant eu à plusieurs reprises l'honneur de soutenir, au nom de la commission des finances du Sénat, une proposition semblable à celle que contient l'article 6, je suis très fier de pouvoir la présenter aujourd'hui au nom du Gouvernement. Cela me conduit à émettre sur ces trois amendements un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission. La fin de la semaine dernière a été marquée par la mise sur le marché de près de 11 % des actions du Crédit Lyonnais détenues par l'Etat. Nos collègues Miquel et Foucaud pensent-ils que le produit de cette cession aurait atteint 2,2 milliards d'euros si le Gouvernement n'avait pas pris l'initiative d'une telle mesure ? Personnellement, j'ai la conviction qu'elle a suscité une appréciation de ces actifs et que l'Etat en a ainsi déjà perçu certains fruits.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-65 et I-149.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-150.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 6