SEANCE DU 26 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 23. - Pour 2003, le montant du prélèvement de solidarité pour l'eau, institué par le II de l'article 58 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999), est ainsi fixé :


Agence de l'eau Adour-Garonne 3 679 839 EUR
Agence de l'eau Artois-Picardie 3 063 920 EUR
Agence de l'eau Loire-Bretagne 6 375 775 EUR
Agence de l'eau Rhin-Meuse 3 383 884 EUR
Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse 9 216 258 EUR
Agence de l'eau Seine-Normandie 14 280 324 EUR


Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-16, présenté par MM. Marini et Adnot, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° I-54, présenté par MM. Oudin et Lepeltier, est ainsi libellé :
« Régiger comme suit cet article :
« Pour 2003, le montant et la répartition du prélèvement de solidarité pour l'eau, institué par le II de l'article 58 de la loi de finances pour 2000 (loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999), sont identiques à ceux fixés par l'article 29 de la loi de finances pour 2002 (n° 2001-1275 du 28 décembre 2001). »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-16.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer l'article 23. Je précise d'emblée qu'il s'agit d'un amendement d'appel, monsieur le ministre.
L'article 23 vise à prélever 81,63 millions d'euros sur les agences de l'eau, au bénéfice du Fonds national de solidarité pour l'eau, section B du compte d'affectation spéciale « Fonds national de l'eau ».
L'Assemblée nationale, après un long débat, a ramené le montant de ce prélèvement à 40 millions d'euros, en arguant du très faible niveau de consommation des crédits - il s'est établi à seulement 28 % en 2001 et à 12,5 % des crédits de paiement de l'exercice 2002 à la date du 25 septembre 2002 - et des reports importants constatés chaque année. Voilà, pour l'essentiel, les arguments sur lesquels l'Assemblée nationale s'est appuyée pour prendre sa décision. Elle a considéré que la répartition des dépenses entre le FNSE et le budget de l'Etat manquait de clarté, ce qui ne faisait d'ailleurs que rejoindre les avis développés par la Cour des comptes et par le Sénat.
L'amendement que j'ai donc l'honneur de présenter, avec M. Philippe Adnot, rapporteur spécial des crédits de l'écologie et du développement durable, réaffirme simplement, à ce stade, la position de principe exprimée par la commission des finances les années précédentes et aux termes de laquelle les crédits durablement sans emploi sont probablement peu utiles et le prélèvement sur les agences de l'eau, en attendant une future loi sur l'eau, ne nous semble pas établi dans de parfaites conditions de clarté ; j'oserai dire qu'il ne nous paraît pas d'une limpidité et d'une transparence incontestables. Tel était le credo de la commission des finances ces dernières années.
Par conséquent, mes chers collègues, la commission des finances, qui estime devoir faire preuve de cohérence et maintenir un corpus constant de convictions dans les débats, se doit d'aborder celui-ci avec cet amendement d'appel, qui vise à supprimer l'article 23. En réalité, nous souhaitons que le Gouvernement s'explique et nous voulons contribuer à une clarification du mode de fonctionnement et des critères de gestion du FNSE. Nous espérons que, de l'échange qui va intervenir, surgira une certaine clarté et qu'une source d'arguments significatifs nous permettra d'alimenter notre légitime soif de justice et de réalisations concrètes.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, vous avez filé la métaphore avec beaucoup d'élégance !
La parole est à M. Jacques Oudin, pour présenter l'amendement n° I-54.
M. Jacques Oudin. Il s'agit également d'un amendement d'appel, mais d'appel à la raison.
La situation de la politique de l'eau est paradoxale. La politique de l'eau a été déclarée comme étant une priorité nationale et, à cet égard, on peut se référer à des discours bien connus prononcé par le Président de la République, à Orléans, à Avranches ou à Johannesburg. Il s'agit donc d'une politique qui est prioritaire à tous les niveaux. Or, on ne peut le nier, le FNSE fonctionne mal.
Je comprends que M. le rapporteur général veuille s'inscrire dans la cohérence des principes affirmés par la commission des finances. Mon amendement s'inscrit également dans la cohérence des propositions que j'ai développées l'année dernière. J'étais alors seul à défendre le maintien du FNSE, que la commission des finances du Sénat avait supprimé et que l'Assemblée nationale avait finalement rétabli.
Je ne mésestime pas les difficultés, mais ce fonds spécial du Trésor qu'est le FNSE a pour vocation de soutenir les actions transversales interbassins, tel le système d'information sur l'eau, et d'assurer une mission de péréquation. Là encore, vous pourriez me rétorquer que ce dispositif n'a pas suffisamment fonctionné puisque, en 2001, la France a été condamnée à plusieurs reprises par les autorités de Bruxelles. C'est vrai, mais ce n'est pas parce qu'il en a été ainsi qu'il faut pour autant baisser les bras.
Certains bassins connaissent des situations très délicates, notamment en matière de lutte contre les inondations ou contre les pollutions d'origine agricole, et ils ne peuvent compter que sur la solidarité nationale. L'intérêt de disposer de ce fonds est, à mon avis, incontestable.
Les chiffres que vous avez annoncés au titre des deux exercices antérieurs sont exacts monsieur le rapporteur général. Je n'ai rien à redire. Néanmoins, faut-il réduire cette dotation ? L'Assemblée nationale l'a réduite de moitié. Mon amendement vise à rétablir les crédits au niveau proposé par le Gouvernement dans son article initial, et ce pour plusieurs raisons.
D'abord, mais M. le ministre nous le confirmera, les crédits dont le fonds dispose actuellement sont largement gagés et peuvent être mobilisés avec une gestion plus dynamique et plus efficace en 2003. Ensuite, les besoins à satisfaire au titre de la politique de l'eau sont considérables, non seulement en termes de connaissances pour se conformer aux exigences de la directive-cadre, domaine dans lequel la France n'excelle pas, mais également en termes de lutte contre les pollutions diffuses d'origine agricole, car notre pays accuse des retards considérables, notamment eu égard aux prescriptions de la directive « nitrates ». Enfin, des mesures ont été engagées afin d'accélérer la consommation des crédits. Pour ma part, je fais confiance au Gouvernement et au ministre de l'écologie et du développement durable pour avancer dans cette voie.
Doit-on ou non maintenir ce fonds ? A mon avis il faut le maintenir. Doit-on ou non maintenir sa dotation ? Pour ma part, je souhaite le rétablissement de l'article du Gouvernement, mais, bien entendu, j'écouterai avec attention les explications de M. le ministre délégué au budget.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Les deux amendements qui nous sont soumis expriment deux positions extrêmes. Le premier vise à revenir au texte initial du Gouvernement, c'est-à-dire à rétablir le prélèvement sur les agences de l'eau ; le second tend à supprimer la totalité du prélèvement.
Vous ne reprocherez pas au Gouvernement d'avoir une préférence pour l'amendement qui vise à rétablir le texte qu'il avait proposé. Comme je l'avais indiqué à l'Assemblée nationale, il n'est pas anormal que, sur un compte d'affectation spéciale de création récente, le montant des reports de crédits soit important. Le montant, d'ailleurs très satisfaisant, des engagements de la dotation 2001 prouve que le disponible pour engagement est en fait limité. Supprimer le prélèvement 2003 reviendrait à amputer la capacité du FNSE d'engager de nouvelles actions en 2003.
Dans un premier temps, la commission des finances de l'Assemblée nationale avait, elle aussi, adopté un amendement tendant à supprimer la totalité du prélèvement. Mais, prenant en compte les contraintes que je viens d'indiquer, elle a finalement, contre l'avis du Gouvernement, réduit de plus de moitié le prélèvement pour 2003 par rapport à la proposition initiale. Dans ces conditions, je pense qu'à défaut de rétablir le texte initial du Gouvernement le Sénat pourrait, dans sa sagesse, s'orienter vers un compromis, qui limiterait, par exemple, à 60 millions d'euros le prélèvement sur les agences de l'eau affecté au FNSE. Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement pourrait se montrer favorable à un tel compromis, qui prend en compte l'ensemble des données qui ont été évoquées lors de ce débat, si vous vouliez bien aller dans ce sens.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet échange de vues est assurément utile car le Sénat, fidèle à son histoire, a bien entendu la volonté d'aboutir à une solution raisonnable.
Nous n'entendons pas négliger le travail de nos amis et collègues députés. Dans le cadre des bonnes relations qui doivent prévaloir entre les deux chambres du Parlement, en particulier au début de cette nouvelle législature, il serait en effet dommageable de ne pas tenir compte des votes intervenus à l'Assemblée nationale. Dans cet esprit, je suis particulièrement ouvert à la suggestion fort opportune de M. le ministre délégué au budget et je suis en mesure de lui donner une suite en proposant une nouvelle rédaction de l'article 23.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° I-16 rectifié, présenté par MM. Marini et Adnot, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« I. - Pour 2003, le montant et la répartition du prélèvement de solidarité pour l'eau, institué par le II de l'article 58 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999), sont identiques à ceux fixés par l'article 29 de la loi de finances pour 2002 (n° 2001-1275 du 28 décembre 2001).
« II. - Au septième alinéa du I de l'article 58 de la loi de finances pour 2000 précitée, les mots : "dans la limite de soixante millions d'euros," sont insérés avant les mots : "le produit du prélèvement". »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le I de cet amendement vise à rétablir le montant prélevé sur les agences de l'eau à 81,63 millions d'euros. Compte tenu de la situation financière, du bilan et de la trésorerie des agences de l'eau, cette somme nous a semblé, après examen, être calibrée de manière tout à fait raisonnable.
Le II du même amendement vise à limiter à 60 millions d'euros le produit du prélèvement de solidarité pour l'eau versé à l'Etat par les agences de l'eau.
Cela revient à dire, mes chers collègues, que nous considérons comme un peu trop rigoureuse la position de nos collègues de l'Assemblée nationale et que, a contrario, nous voulons signifier à Mme le ministre de l'écologie et du développement durable que nous avons bien entendu ses arguments.
Mme Bachelot, à juste titre, a insisté sur les enjeux du plan national de prévention des risques d'inondation, et nous avons mieux compris, à la suite des échanges qui sont intervenus pendant la navette, que, pour tout ce qui est des actions de régulation du régime hydraulique en amont des cours d'eau et des investissements les plus importants nécessaires à cette régulation, c'est bien le FNSE, le Fonds national de solidarité pour l'eau, qui est mis à contribution. Nous avons également compris que les financements destinés aux protections localisées des agglomérations ont vocation à se trouver dans les crédits ordinaires du ministère de l'écologie et du développement durable.
Cette ligne de partage nous a semblé raisonnable. C'est un critère compréhensible, auquel il faudra se tenir dans les années à venir. Vous savez, mes chers collègues, que notre souci était que l'on n'utilise pas le FNSE, ainsi que l'ont fait, hélas ! les précédents ministres, comme « boîte de débudgétisation » commode, et c'est cette volonté qui a motivé nos appréciations, notamment celles qu'a portées à plusieurs reprises notre collègue Philippe Adnot, rapporteur spécial des crédits de l'écologie et du développement durable. Dès lors qu'une ligne de partage claire est tracée sur ce sujet essentiel, à propos de cette cause nationale de défense et de protection contre les inondations, l'une de nos préventions se trouve levée.
Permettez-moi, chers collègues, d'insister sur cet aspect. Mme le ministre de l'écologie et du développement durable a infiniment raison d'engager un plan volontaire de maîtrise et de prévention du risque d'inondation. En bien des lieux, en effet, des phénomènes dramatiques se produisent parce que l'on n'a pas été prévoyant, parce que le droit de l'urbanisme n'a pas été respecté, parce que, tout simplement, on n'a pas respecté les lois de la nature, qui voudraient qu'il existe des zones d'épandage de crue suffisamment vastes. C'est donc de la perte de la sagesse populaire dans ce qu'elle a de plus traditionnel que témoignent les situations souvent très dommageables, très douloureuses et très préjudiciables à la préservation des personnes et des biens qu'ont créées les différents épisodes d'inondation qui ont frappé notre pays.
En déposant cet amendement, nous marquons que nous souhaitons absolument contribuer à l'effort national de méthode et de réalisation de la prévention du risque d'inondation.
Par ailleurs, nous avons compris, grâce aux explications données par les collaborateurs du ministre de l'écologie et du développement durable, que le Conseil supérieur de la pêche est confronté à un problème spécifique. Il s'agit d'un organisme sympathique, certes, mais qui doit assurément faire des efforts de gestion. Des dépenses seront engagées en 2003 - qui n'ont pas vocation à être reconduites, nous a-t-on dit -, grâce à un prélèvement exceptionnel sur le FNSE, afin de permettre au Conseil supérieur de la pêche de mieux s'adapter à ses tâches. Bien entendu, le Sénat ne saurait accepter que les difficultés de gestion ou de restructuration de cette instance se traduisent pour les pêcheurs par un relèvement à due concurrence de la taxe piscicole !
Un certain nombre d'autres dépenses d'intérêt général, que M. Jacques Oudin a évoquées à juste titre, figurent à la charge du FNSE. Je citerai notamment la mise en oeuvre des actions des programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole, les PMPOA, en particulier dans le grand ouest de la France.
Nous comprenons ces mesures, et tous les arguments que je viens de développer nous conduisent à penser qu'il est indispensable de relever le niveau des crédits susceptibles d'être inscrits au FNSE. In medio stat virtus : par conséquent, on ne s'étonnera pas que le Sénat coupe, à peu de chose près, la poire en deux, entre le vote de l'Assemblée nationale et le rétablissement complet des crédits que demandait le Gouvernement.
Tels sont, monsieur le ministre, les arguments que je souhaitais apporter pour étayer votre offre si avisée et aboutir à une solution de consensus.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le rapporteur général a utilisé le terme de « raisonnable », et je crois en effet que cet amendement peut nous conduire à un équilibre raisonnable.
J'émets donc un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin, pour explication de vote.
M. Jacques Oudin. J'interviendrai à la fois sur les amendements n°s I-16 rectifié et I-54.
Cela a été dit, il est incontestable que le FNSE n'a pas été bien géré, comme il est incontestable que la trésorerie des agences n'est pas négligeable. Mais, si la politique de l'eau est à l'évidence une priorité, la France n'en est pas moins en retard en la matière. Nous avons toujours l'impression que notre politique de l'eau est excellente, ce qui est exact, et que nous avons rempli tous nos engagements européens. Ce n'est pas vrai ! Nous n'avons jamais fait l'objet d'autant de condamnations ou d'avertissements de la part des autorités de Bruxelles parce que nous ne remplissions pas tous nos engagements qu'au cours de l'année 2001, je tiens à le souligner.
En l'espèce, la solution qui consiste à limiter à 60 millions d'euros la contribution des agences de l'eau permet de respecter à la fois le vote de l'Assemblée nationale, au moins en partie, et les objectifs du ministre de l'écologie et du développement durable. Pourquoi pas ? Mais il faut être conscient de ses conséquences : les agences de l'eau continueront donc de supporter une ponction de 80 millions d'euros, alors que le FNSE n'en recevra que 60. La politique de l'eau perd donc 20 millions d'euros : c'est cela qu'il faut savoir !
Certes, nous pouvons toujours dire que, si la gestion s'améliore, si les besoins sont confirmés, nous reverrons notre position. Pour l'immédiat, le FNSE perd 20 millions d'euros - encore que, selon la perspective adoptée, il soit possible d'affirmer qu'il vient au contraire d'en gagner 20, en passant de 40 à 60 millions d'euros -, et il faut savoir quelles politiques ne pourront pas être mises en oeuvre. J'en ai répertorié un certain nombre : si l'on met en cause la politique en faveur des PMPOA, on économise 20 millions d'euros ; si l'on renonce au système d'information sur l'eau, nécessaire pour la directive-cadre, c'est 27 millions d'euros ; si l'on supprime l'aide aux populations touchés par les inondations, on récupère 17 millions d'euros ; l'annulation du soutien accordé aux territoires connaissant des situations particulièrement préoccupantes - Nord-Pas-de-Calais, secteur minier de Lorraine, Marais poitevin, etc. - rapporterait 12,5 millions d'euros... Vous me rétorquerez que, puisque ces crédits n'étaient pas utilisés, ces politiques n'étaient de toute façon pas mises en oeuvre !
Monsieur le rapporteur général, votre exposé a été parfaitement clair et argumenté, comme toujours. La position du ministre étant favorable à la voie médiane que vous proposez, nous pouvons l'accepter temporairement.
Je retire donc mon amendement au profit de l'amendement n° I-16 rectifié, et je souhaite que le dossier de la gestion des instruments de la politique de l'eau soit mené avec célérité, avec rigueur, comme le préconise la loi organique du 1er août 2001. Il sera nécessaire d'en dresser un nouveau bilan ; et que l'on ne nous objecte pas alors qu'il n'est pas possible de faire évoluer les crédits que nous sommes aujourd'hui en train de voter ! Il faudra au contraire les adapter en fonction des efforts que nous aurons faits pour remplir nos objectifs européens, objectifs auxquels tous les Français souscrivent puisqu'il s'agit d'améliorer la qualité de l'eau, d'améliorer l'environnement.
M. le président. L'amendement n° I-54 est retiré.
La parole est à M. Ambroise Dupont, pour explication de vote sur l'amendement n° I-16 rectifié.
M. Ambroise Dupont. Je me réjouis vivement du débat qui vient d'avoir lieu et qui, me semble-t-il, clarifie grandement la question.
Nous avions déjà entendu avec beaucoup d'intérêt Mme Bachelot nous exposer les inconvénients qu'aurait eus la suppression pure et simple du compte spécial, et M. le rapporteur général les a rappelés avec un talent bien plus grand que celui qui pourrait être le mien. En réalité, il a fait plus que rappeler ces inconvénients : il a évoqué les efforts de rationalisation de l'utilisation de ces crédits, et il a précisé que l'objectif de Mme la ministre était, d'une part, de revenir à la vocation initiale du FNSE en augmentant sa part dans le soutien aux initiatives des collectivités locales et, d'autre part, de mieux consommer les crédits en 2003 en « mettant sous tension » les ordonnateurs secondaires.
Je me serais volontiers rallié à l'amendement de notre collègue M. Jacques Oudin, parce que ces questions de l'eau ont des conséquences tout à fait considérables dans la vie quotidienne de nos concitoyens, qu'il s'agisse des inondations, de l'assainissement ou de la simple alimentation en eau.
Toutefois, nous sommes sur le point de réaliser une avancée par rapport à la position de l'Assemblée nationale, et M. le ministre délégué au budget, pour des raisons de fond, est d'accord avec nous sur l'utilisation de ces crédits. Je me réjouis donc de l'issue de ce débat, et je voterai l'amendement de la commission des finances.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Je rappellerai brièvement, pour compléter les propos par ailleurs très précis de M. le rapporteur général, la genèse de la question qui nous occupe.
Lorsque Mme Voynet a voulu opérer un prélèvement de 500 millions de francs, à l'époque, sur les agences de l'eau, nous avons très bien vu quelle était la manoeuvre : la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, servant à financer les 35 heures, Mme Voynet, à court d'argent, a taxé les agences pour disposer d'un peu d'argent de poche et assurer ses dépenses ordinaires.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !
M. Philippe Adnot. A l'époque nous avions dénoncé cette pratique !
L'analyse que nous avons pu conduire à l'occasion de la préparation du rapport que j'aurai l'occasion de vous présenter prochainement nous a montré qu'effectivement les crédits n'avaient pas été entièrement consommés - il reste quelque 110 millions d'euros ! - et que l'affectation des fonds ne correspondait en rien à ce qu'elle aurait dû être : le FNSE a une mission, et ce n'est pas à son accomplissement que les fonds ont été employés. Nous l'avons démontré, et vous trouverez dans le rapport spécial que je suis en train d'élaborer sur les crédits de l'environnement le détail de leur affectation.
Il était donc tout à fait judicieux de vérifier d'abord que les crédits disponibles seront effectivement utilisés et de s'assurer ensuite que le ministère fera un effort pour que les fonds soient correctement affectés. Le ministère s'y est engagé ces derniers jours, et il nous précisera la destination exacte des sommes en question.
Il est clair que la politique en faveur de la maîtrise des inondations, qui mobilisera 70 millions d'euros en quatre ans, montera progressivement en puissance et que les 60 millions d'euros que nous mettons à sa disposition permettront de commencer à la mettre en oeuvre.
Par ailleurs, et c'est très important, je soulignerai que le Sénat a aujourd'hui la possibilité de faire la démonstration qu'il est soucieux de la maîtrise de la dépense publique. Un prélèvement de 80 millions d'euros est habituellement opéré sur les agences de l'eau, qui se sont organisées en fonction de leurs ressources et qui n'en manqueront pas. Nous n'affectons que 60 millions d'euros : le Sénat a donc choisi de consacrer 20 millions d'euros à la réduction du déficit, et je pense que c'est de bonne politique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville, pour explication de vote.
M. Yves Fréville. M. le rapporteur général a su prendre le bon cap pour éviter deux écueils, pour ne pas tomber de Charybde en Scylla.
Du côté de Charybde, le danger consistait à entériner une gestion laxiste du FNSE. Encore faut-il remarquer que cette gestion n'est peut-être pas aussi laxiste qu'on veut bien le dire, car son bilan recouvre des problèmes juridiques : lorsque l'on dispose d'une ressource affectée, il est indispensable d'inscrire des crédits de paiement d'un montant égal à ces ressources, comme il est logique que, au cours des deux premières années de son fonctionnement, un fonds ne dépense pas tous ses crédits. Mais peu importe !
Du côté de Scylla, on trouve évidemment la position adoptée par M. le ministre délégué au budget, qui ne souhaitait pas que la réduction des crédits empêche l'engagement des sommes indispensables à la protection des eaux. Elu d'une région où la pollution diffuse est extrêmement importante, je sais à quel point il est nécessaire de ne pas entraver le développement des actions du FNSE en la matière.
Le maintien du prélèvement de 80 millions d'euros sur les agences de l'eau est donc une bonne solution ; le contraire aurait signifié une réduction de l'effort en faveur de l'eau, ce qui aurait été un très mauvais signal. Mais il n'est positif que parce qu'il s'accompagne de l'engagement de 60 millions d'euros de crédits de paiement, puisque tout ne pourra pas être dépensé cette année. Cela représente une économie, certes, mais une économie de trésorerie seulement : les 20 millions d'euros ainsi mis de côté devront bien être utilisés un jour ou l'autre.
Mais à chaque jour suffit sa peine. Pour l'instant, suivons le cap fixé par M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci, mon cher collègue !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. J'approuve l'initiative de M. le rapporteur général. En effet, au-delà de la question soulevée par le FNSE, il est souhaitable que les agences de bassin n'aient pas à « pomper », excusez l'expression, dans leurs ressources propres pour faire face aux besoins de la lutte contre les pollutions agricoles, et ce au détriment d'autres actions qui leur incombent également, notamment en matière d'adduction d'eau et d'assainissement, au profit des collectivités territoriales.
J'appelle donc solennellement l'attention du Gouvernement, une fois de plus, sur la situation dans laquelle se trouvent les intercommunalités et les communes, qui sont exsangues, face au problème d'assainissement, alors que nous devons régler celui-ci avant l'échéance de 2005.
M. Yves Fréville. Tout à fait !
M. Alain Vasselle. Je puis vous dire dès aujourd'hui que nombreux sont les collectivités ou les groupements de collectivités qui ne seront pas prêts en temps voulu !
J'aurais donc souhaité que le Gouvernement, sinon maintenant du moins plus tard, nous fasse part de ses intentions en la matière. Il faudra bien que les collectivités, par le biais des agences de bassin, puissent bénéficier de concours suffisants pour que les dépenses plafonnées soient revues à la hausse tout en restant supportables pour les collectivités et pour les consommateurs. Songez, chers collègues, qu'aujourd'hui nos concitoyens, dans certaines collectivités, sont obligés de payer l'eau 70 ou 80 francs le mètre cube, alors que dans d'autres - qui sans doute ont été plus prévoyantes - ils ne le paient que 15 ou 20 francs !
Aujourd'hui, on parle de péréquation à propos de la lutte contre la pollution et des actions interbassins. La réflexion doit être globale et, bien au-delà, prendre en compte la question de l'assainissement, que l'on soulève peu et que, à mon avis, le Parlement n'évoque pas suffisamment souvent.
C'est pourquoi j'aurais aimé entendre le Gouvernement s'exprimer sur ce sujet. Et si j'en fais la demande à propos de cet amendement n° I-16 rectifié, au demeurant fort intéressant, mes préoccupations vont bien au-delà.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-16 rectifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 23 est ainsi rédigé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heure, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Bernard Angels.)