SEANCE DU 2 DECEMBRE 2002


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des Journaux officiels.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Après avoir sérieusement diminué dans le budget prévisionnel pour 2002, les recettes des Journaux officiels devraient croître de 14 % cette année, opérant ainsi un rattrapage au niveau des recettes qui avait été atteint en 2001 après plusieurs années de croissance ininterrompue.
Vous trouverez le détail des chiffres dans mon rapport écrit, je n'en citerai que quelques-uns, qui caractérisent bien ce projet de budget.
D'abord, une dotation de 1,8 million d'euros est nécessaire pour financer l'une des deux opérations majeures de ce budget : l'acquisition par la direction des Journaux officiels de l'Office des publications officielles des Communautés européennes, l'OPOCE. En effet, à partir du 1er janvier 2002, la direction des Journaux officiels vendra en direct, en tant que revendeur exclusif, l'ensemble de ses publications. Cette opération est à saluer car elle contribue à la simplification de l'accès au droit pour nos concitoyens, qui constitue un objectif aussi louable que nécessaire.
La deuxième opération importante de ce budget réside dans la mise en place du système informatique de production du service public de la diffusion du droit par l'Internet. C'est la mise en oeuvre concrète du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information annoncé le 2 octobre 2000 par le précédent Premier ministre, Lionel Jospin.
La commission des finances militait en faveur de cette avancée démocratique depuis plusieurs années, comme je le faisais remarquer dans mon rapport sur le projet de loi de finances pour 2002. A cette époque, j'avais également manifesté mon inquiétude que soit sous-traité à un opérateur privé le traitement des données juridiques. Mais nous avons été entendus sur ce point, puisque la concession avec l'ORT a pris fin et que la direction des Journaux officiels est désormais l'unique responsable de l'exploitation du site Légifrance, qui est placé sous la responsabilité du secrétaire général du Gouvernement, en vertu du décret du 7 août 2002.
Grâce à la mise en place d'un site unique et gratuit pour l'accès au droit, le site Légifrance qui se substitue aux deux sites Légifrance et Jurifrance, l'accès à l'ensemble des données juridiques, y compris la jurisprudence, devient gratuit, alors qu'auparavant il fallait payer pour avoir accès à la jurisprudence. En dehors de ces deux importantes opérations, on peut formuler quelques remarques sur ce budget.
En ce qui concerne les recettes, celles-ci devraient augmenter de 2 % en 2003, en dépit du développement de la saisie en ligne des annonces, qui se traduit par une baisse des recettes. Cette hausse est due à la hausse des tarifs d'annonce. Par ailleurs, le lancement d'un CD-Rom « 120 ans de JO », qui succède à l'ancienne version « 50 ans de JO », devrait contribuer à la hausse des recettes de diffusion.
S'agissant des dépenses d'exploitation, leur augmentation résulte de la hausse des frais d'affranchissement et de l'intégration dans les comptes des Journaux officiels des achats de l'Office des publications officielles des Communautés européennes, l'OPOCE.
Les investissements progressent grâce au projet de service public d'accès au droit, notamment, ce qui permet au ratio investissement/recettes d'amorcer un redressement après les niveaux extrêmement bas atteints en 2002 : 0,9 %.
En 2003, l'action de la Direction des Journaux officiels continuera d'être orientée en fonction des trois objectifs suivants : premièrement, conforter son rôle d'éditeur public, ce à quoi contribue le rachat de l'OPOCE ; deuxièmement, renforcer son efficacité grâce, notamment, à un programme d'investissement immobilier d'une durée de cinq ans et à la modernisation du système central de photocomposition ; troisièmement, développer sa réactivité, ce à quoi devrait contribuer l'ouverture du site Légifrance.
Plus généralement, la Direction des Journaux officiels est à la recherche d'une efficacité accrue au travers de la modernisation de ses outils de production et de gestion, ou au travers de l'adaptation de ses services.
Enfin, et pour être à peu près exhaustif, il faut évoquer les débats qui portent sur l'avenir juridique de la Direction des Journaux officiels au sujet duquel deux questions principales se posent.
La première question a trait à l'impact du droit européen en matière de concurrence et de marchés publics sur les relations juridiques entre la Direction des Journaux officiels et la Société de composition et d'impression des Journaux officiels, la SACI-JO. Il apparaît, notamment, d'après le rapport de Mme Catherine Bergeal, que la convention liant l'Etat et la SACI-JO pourrait faire courir un risque juridique aux deux contractants. Je ne suis pas de cet avis et je l'ai déjà dit : personne, en effet, n'a démontré qu'un tel risque existait. Une mission de réflexion est d'ailleurs actuellement en oeuvre. Il n'y a donc pas lieu de se prononcer pour l'immédiat.
La deuxième question tient à la nouvelle définition des budgets annexes par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. En son article 18, elle donne une définition restrictive des budgets annexes, qui est susceptible de ne plus concerner les Journaux officiels. Un groupe de travail a été mis en place par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, qui s'est réuni à deux reprises ce jour.
Très brièvement, j'indique que je ne peux faire abstraction d'un courrier adressé à M. le président du Sénat, qui me l'a transmis, envoyé par l'encadrement technique de la SACI-JO et qui attire l'attention sur le malaise et l'inquiétude qu'éprouvent les personnels de l'encadrement de la SACI-JO quant à leur charge de travail. Il me paraît essentiel que la direction et les représentants du personnel d'encadrement de la SACI-JO puissent trouver les solutions indispensables pour assurer la publication des comptes rendus des débats des assemblées.
Sous réserve de ces observations, mes chers collègues, je vous propose d'adopter le budget annexe des Journaux officiels. (M. le président de la commission des finances applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier notre collègue Thierry Foucaud de la qualité de son rapport.
Si le projet de budget annexe des Journaux officiels pour 2003 présente un certain nombre d'évolutions positives, notamment dans la définition et l'extension du périmètre de leur mission de service public, il acte également une insuffisance grave de moyens humains et matériels pour faire face à la croissance de toutes leurs activités et il n'est pas de nature à apaiser totalement notre inquiétude pour l'avenir de ce service essentiel de la République.
Certes, nous notons avec satisfaction, même si ce chiffre a une valeur relative, que, comme chaque année, les Journaux officiels vont apporter une contribution positive de 27 millions d'euros au budget de l'Etat, contre 13 millions d'euros en 2002. Parmi les points positifs, nous relevons également l'acquisition de la diffusion des ouvrages et périodiques de l'Office des publications des Communautés européennes et, surtout, le passage de la diffusion du droit par Internet, via le site Légifrance, sous l'entière responsabilité de la direction des Journaux officiels.
Cela nous semble aller dans le sens de la Constitution, sous l'égide des Journaux officiels, d'un service public gratuit de l'accès au droit, que nous réclamons depuis des années.
Cependant, la situation présente laisse apparaître des difficultés inédites et inquiétantes pour faire face à ces missions nouvelles, comme pour assurer des activités en expansion avec, entre autres, l'augmentation du travail parlementaire et l'établissement du délai légal de onze jours pour la publication des annonces de marchés publics.
Le délai de publication du Bulletin des associations s'est beaucoup allongé.
Le Bulletin officiel des annonces des marchés publics, le BOAMP , paraît parfois sans avoir été corrigé, ce qui est inadmissible.
Enfin, mes chers collègues, en tant qu'usagers assidus des Journaux officiels, nous devons déplorer l'allongement du délai de parution des Journaux officiels des débats parlementaires et des erreurs de correction dans le Journal officiel des questions écrites, notamment lors de la session extraordinaire de l'été dernier.
En aucun cas nous ne voulons imputer la détérioration du service aux ouvriers et employés des Journaux officiels, dont l'excellence du savoir-faire et le sens du service public sont unanimement reconnus.
Nous ne saurions admettre non plus que cette dégradation des services rendus serve de prétexte à une remise en cause de tout ou partie des missions des Journaux officiels.
La situation actuelle, qui est due à l'insuffisance de personnels aux Journaux officiels, a des répercussions jusque dans notre assemblée, avec notamment, je l'ai dit, des retards dans l'élaboration des comptes rendus et la publication de l'intégralité de ceux-ci.
Jusqu'à aujourd'hui, la qualité du travail fourni tant par les services de la séance du Sénat, à qui je veux rendre hommage, que par ceux des Journaux officiels est reconnue de tous.
La véritable source des difficultés des Journaux officiels, qui ont d'ailleurs été exprimées - M. le rapporteur spécial vient de le dire - dans une lettre adressée par l'encadrement technique de la SACI-JO, le 31 octobre dernier, à M. le président du Sénat, réside dans le manque de personnels, qui devient préoccupant : quatorze postes de photocompositeurs redéployés, notamment, vers les activités informatiques manquent à la saisie.
La détérioration des conditions de travail de toutes les catégories de personnels s'accentue.
Le recours à la sous-traitance s'accroît. Je note ainsi que les crédits des services extérieurs sont en progression, pour 2003, de 6,5 millions d'euros à 31,9 millions d'euros. L'activité Internet, bien que passée sous la responsabilité directe des Journaux officiels, reste principalement sous-traitée, entre autres à l'ancien concessionnaire.
Une politique de création d'emplois est maintenant nécessaire pour assurer la pérennité et le développement de ce service indispensable à la vie démocratique de notre pays.
Les salariés et leur syndicat estiment à vingt le nombre minimal de photocompositeurs et à dix le nombre de correcteurs à recruter immédiatement à la SACIJO, pour accomplir la charge actuelle de travail dans des conditions normales.
Plusieurs dizaines de créations de postes nouveaux à la Direction des Journaux officiels et à la SACI-JO, et non de redéploiements, sont également nécessaires pour que les Journaux officiels maîtrisent en propre et en totalité l'activité de diffusion du droit sur Internet. En outre, cela rendrait possible l'amélioration nécessaire du site Légifrance.
Le projet de budget annexe ne répond en rien à ce besoin de personnels en prévoyant une hausse des dépenses de seulement 1,8 % et le gel des effectifs sans même compenser les effets de l'entrée en vigueur de l'accord sur la réduction du temps de travail.
En ce qui concerne l'investissement, nous dressons le même constat. Certes, un certain nombre de travaux, assez mineurs, visant à la modernisation de l'établissement du 15e arrondissement de Paris font reculer la rumeur persistante de délocalisation. Je vous demande, monsieur le ministre, de la démentir définitivement, car elle serait synonyme de remise en cause de l'avenir de l'entreprise.
D'ailleurs, l'acquisition de plus en plus impérative d'une nouvelle rotative cinq couleurs et l'adaptation des lieux pour l'accueillir ne sont pas programmées. Vous voyez bien que notre inquiétude est fondée !
Enfin, s'agissant de l'avenir juridique des Journaux officiels, une clarification de la situation se fait encore attendre.
Pourtant, la démonstration juridique a été faite de la compatibilité du statut actuel de la DJO, de la SACIJO et des relations qui les lient au regard du droit européen des marchés publics.
Quant au maintien d'un budget annexe, les Journaux officiels rentrent bien dans les conditions requises par l'article 18 de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, comme vient de le rappeler notre collègue Thierry Foucaud. Aussi, toutes les conditions de la levée de l'incertitude juridique qui pèse sur l'avenir des Journaux officiels sont rassemblées. Monsieur le ministre, il faut faire cesser les rumeurs d'une éventuelle perspective de transformation en établissement public à caractère industriel ou commercial, un EPIC.
Sous toutes ces réserves, nous voterons le budget des Journaux officiels pour 2003, que nous considérons comme un budget d'attente. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos ministre délégué au commerce extérieur. Je ne reprendrai pas toute la présentation du budget annexe des Journaux officiels. Je dirai simplement que l'excédent d'exploitation atteindrait, dans l'hypothèse d'une progression des recettes et des dépenses, 26,9 millions d'euros, ce qui représenterait un doublement de la contribution du budget annexe de 2003 par rapport à 2002.
Je répondrai maintenant aux questions qui ont été posées par M. le rapporteur spécial et par Mme Beaudeau.
S'agissant des statuts, Catherine Bergeal estime, dans son rapport, qu'il existe une contradiction entre les dispositions nationales et communautaires en matière de marchés publics et le maintien de deux structures distinctes : la Direction des Journaux officiels et la SACI.
Le Gouvernement souhaite que, sur ce point, comme sur l'éventuelle transformation des Journaux officiels en EPIC, une large concertation ait lieu avec les représentants du personnel pour aboutir à une solution aussi consensuelle que possible. Cette concertation est engagée, mais elle n'a pas encore permis d'aboutir à un résultat, ce qui devrait intervenir en 2003.
Sur le problème du niveau des investissements et de l'emploi qui a été soulevé par Mme Beaudeau, il faut souligner que la progression des dépenses inscrites au budget pour 2003 s'élève à 6,7 %, ce qui constitue une hausse sensiblement supérieure à celle du budget général. Cette progression permettra, grâce à l'excédent d'exploitation dégagé, à la fois, je le répète, de doubler le reversement du budget annexe au budget général et de financer l'ensemble des investissements de modernisation, dont le montant sera multiplié par cinq en 2003.
Quant à l'emploi, M. le rapporteur spécial a lui-même reconnu que l'augmentation des emplois à durée temporaire permettait de faire face, dans des conditions satisfaisantes, aux pointes de production, tout en relevant que les efforts de productivité étaient notables.
Enfin, quant à l'éventualité d'une délocalisation, je vous affirme qu'aucun projet n'est prévu en ce sens. Vous pouvez donc tout à fait rassurer ceux que cette question préoccupe.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des Journaux officiels et figurant aux articles 40 et 41 du projet de loi.

Services votés

M. le président. « Crédits : 149 580 582 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 40, au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mesures nouvelles

M. le président. « I. - Autorisations de programme : 13 851 000 euros ;
« II. - Crédits : 46 282 344 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 41, au titre des mesures nouvelles.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des Journaux officiels.

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