SEANCE DU 12 DECEMBRE 2002


M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des finances sur la proposition de loi n° 64 (2002-2003), je donne la parole à Mme Danielle Bidard-Reydet, pour explication de vote.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que nous a soumis notre collègue Philippe Adnot sur la transposition de la norme comptable M52 relative aux départements a fait l'objet d'une large concertation au sein de l'Assemblée des départements de France.
Il s'agit en fait, quand on y regarde de près, de transposer dans le code général des collectivités territoriales des normes comptables que nous connaissons déjà dans le cadre de la comptabilité communale, au titre de l'instruction M14.
L'outil comptable concerné, on le sait, n'est pas sans soulever, dans la pratique, un certain nombre de problèmes et de difficultés d'application, qui posent malgré tout de manière récurrente la question de la gestion des affaires publiques et du sens qu'on entend lui donner.
S'agissant de l'instruction M52, si elle permet une lecture relativement claire des mouvements financiers propres aux départements, elle présente les mêmes limites que celles que nous évoquions s'agissant de l'instruction M14.
Cela ne retire rien à la nécessité de parvenir à une normalisation comptable qui soit lisible par tous et plus aisément compréhensible par le citoyen ou par l'élu local.
Cette normalisation comptable, qui se doit d'être un outil technique adapté aux nouvelles formes de gestion administrative, n'enlève rien au débat plus fondamental sur la réforme des finances locales, notamment sur celle de la fiscalité locale, ou encore sur les conséquences de l'extension de la décentralisation telle qu'elle découle de l'adoption du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.
Nous adopterons les conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi de notre collègue, tout en sachant que le débat sur les finances du département est largement ouvert aujourd'hui.
Les enjeux de la décentralisation, ceux du financement de l'action sociale des départements, l'évolution de la fiscalité - une part importante des anciennes recettes fiscales des départements étant devenues des dotations - restent clairement posés et nous aurons, je pense, l'occasion d'en reparler.
M. le président. La parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à moderniser les règles budgétaires et comptables applicables aux départements, et je tiens à féliciter notre collègue Philippe Adnot pour le travail qui a été accompli.
L'instruction M14 a permis de faire progresser les pratiques budgétaires et comptables des communes vers plus de transparence et de sincérité. La qualité de leur gestion a ainsi été améliorée et dynamisée. En outre, la démocratie communale s'est trouvée renforcée.
Le texte que nous examinons tend à transposer une partie des principes de base de la M14 communale à la M52 départementale. Nous pouvons légitimement supposer que les départements retireront de cette évolution le même bénéficie que les communes.
Les difficultés rencontrées par les communes, essentiellement les plus petites d'entre elles, pour mettre en oeuvre la réforme ne devraient pas se reproduire avec les départements, dont les services sont beaucoup plus étoffés.
Les mesures proposées dans le texte soumis au Sénat sont évidemment techniques. Il est toutefois utile de s'y arrêter pour faire ressortir les avancées concrètes qu'elles apporteront aux départements.
Comme le budget communal, le budget départemental pourra être voté soit par nature de dépenses et de recettes, soit par fonction, et une présentation croisée par nature et par fonction l'accompagnera obligatoirement. Ces informations supplémentaires devraient rendre plus clairs et plus lisibles les choix budgétaires du département. Le conseil général sera ainsi en mesure de savoir plus précisément ce qu'il autorise par son vote et de contrôler plus facilement l'exécution du budget. La démocratie locale y gagnera certainement.
Il est vrai que les comparaisons entre deux départements seront plus difficiles dans le cas où ils n'auraient pas opté pour les mêmes types de vote et de présentation de leurs budgets respectifs. Toutefois, ces comparaisons n'ont pas toujours, il faut le reconnaître, grand intérêt tant il est vrai que nos conseils généraux ont souvent conduit, au-delà de leurs compétences naturelles, des politiques volontaristes dans les domaines les plus divers.
Le mécanisme des autorisations de programme applicable aux dépenses d'investissement sera étendu aux dépenses de fonctionnement, sous la terminologie plus appropriée d'« autorisations d'engagement », chère à notre collègue Yves Fréville. Cette évolution permettra de mieux prendre en compte les spécificités du département. Ainsi, la programmation budgétaire sera plus aisée et la qualité de la gestion améliorée d'autant ; la sincérité budgétaire progressera également.
On peut cependant se demander si la technique des autorisations d'engagement ne risque pas de conduire à une rigidité excessive de la dépense. Nous devrons donc suivre avec attention la mise en place de cette innovation pour, éventuellement, en corriger les effets pervers.
Les opérations de reprise et d'affectation du résultat de l'exercice précédent seront revues de manière à assurer une plus grande souplesse à l'enchaînement des exercices, notamment grâce à la possibilité de reprise anticipée du résultat.
Enfin, l'extension aux départements de la pratique comptable des amortissements et des provisions constitue une avancée certaine. Elle permettra d'établir une image plus fidèle de leur patrimoine et des risques auxquels ils sont soumis. Le principe de précaution sera, en outre, plus présent dans les budgets départementaux.
L'objet de cette proposition de loi est malheureusement trop technique pour susciter un large intérêt. Pourtant, tout comme la réforme budgétaire de l'Etat prévue par la loi organique relative aux lois de finances, elle contient indéniablement des dispositions favorables à l'amélioration de la gestion publique et au renforcement de la démocratie, objectifs auxquels tout citoyen est assurément attaché.
Un président de conseil général, ceux qui le soutiennent comme ses opposants ont besoin de connaître le plus précisément possible l'état des finances de leur département. Les uns et les autres doivent pouvoir suivre aisément l'exécution des autorisations de recettes et de dépenses. Cette proposition de loi nous fait faire un pas dans la bonne direction.
Néanmoins, elle ne fait que poser les bases de la réforme ; il ne faudrait donc pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que le pouvoir réglementaire soit défaillant. Mais vous venez de nous dire que vos services travaillaient d'ores et déjà à la préparation des textes d'application.
Une nouvelle nomenclature budgétaire devra être définie car, sans elle, rien ne serait possible !
S'agissant de la nomenclature, les communes ont rencontré quelques problèmes. Bien sûr, nous pouvons souhaiter une simplification, une standardisation, mais les communes n'ont presque jamais connu la même nomenclature plus de deux années de suite, ce qui soulève bien des difficultés.
L'indépendance des exercices étant bien sûr souhaitable, le principe du rattachement des charges à l'exercice devra aussi trouver sa traduction dans des décrets.
Les services de l'Etat, principalement les comptables publics, devront être prêts pour appliquer la réforme et les fonctionnaires départementaux préalablement formés à son entrée en vigueur, le 1er janvier 2004. Il serait opportun, monsieur le secrétaire d'Etat, que la direction générale de la comptabilité publique se saisisse de cette occasion pour renforcer son rôle de conseil et pour mettre à profit le grand professionnalisme de ses agents en valorisant mieux les comptes départementaux, notamment par l'élaboration d'analyses financières.
Les dispositions du texte examiné par le Sénat ont été, pour une large part, expérimentées dans plusieurs départements. Elles semblent avoir donné satisfaction.
Une concertation a eu lieu à travers les différentes associations d'élus. Le Comité des finances locales a émis un avis favorable.
Le groupe socialiste votera, par conséquent, cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. A mon tour, je voudrais saluer l'engagement de Philippe Adnot et le travail opiniâtre de clarification qu'il a mené. Le texte qu'il nous a présenté au nom de la commission des finances, manifestement inspiré par une volonté de transparence et de sincérité, est indiscutablement achevé.
Je note également que, à toutes les étapes de ses travaux, il a su y associer l'ensemble des partenaires, et je me réjouis que chacun des onze articles du texte ait été adopté sur toutes les travées de cette assemblée. Cette approbation unanime, qui souligne le caractère « supra-partisan » du texte, mérite aussi d'être saluée.
La décision que nous allons prendre est en quelque sorte l'acte fondateur de ce qu'on pourrait appeler une « constitution financière des départements de France. » Il n'y a pas si longtemps, monsieur le secrétaire d'Etat l'a rappelé, nous avons adopté, également dans un esprit d'ouverture politique très large, la « constitution financière de la République » en votant la loi organique sur les lois de finances, qui a été promulguée le 1er août 2001.
Je remercie M. le secrétaire d'Etat de ses appréciations et de ses encouragements, ainsi que des précisions qu'il vient d'apporter, notamment sur le traitement comptable des subventions en investissement versées par les départements.
Je crois que ce texte marque un progrès considérable. La démocratie se renforcera effectivement dès lors que nous pourrons rendre compte aux citoyens, à quelque niveau que s'accomplisse la gestion, de la concrétisation budgétaire de nos engagements et de leur réalisation, traduite dans les lois de règlement en ce qui concerne l'Etat et dans les comptes administratifs en ce qui concerne les collectivités territoriales.
Je voudrais maintenant formuler quelques observations.
D'abord, s'agissant de la sincérité des comptes, il me semble que nous sommes dans la logique de la loi organique. Les dispositions prévues à l'article 27 de cette loi, qui concernent la sincérité des comptes de gestion et des situations patrimoniales, doivent inspirer également notre démarche. Nous pourrons, je le crois, judicieusement transposer cette exigence à tous les autres niveaux de la gestion territoriale : communes, groupements de communes et régions.
Pour ce qui est du vote des budgets, laissons vivre cette expérimentation. Néanmoins, il serait bon, pour la lisibilité des budgets, dans le futur, d'opérer un choix. Il doit être possible de soumettre à nos concitoyens, qu'il s'agisse du budget de l'Etat ou du budget du département, un document qui, sur une seule page, synthétiserait l'engagement financier. Il me semble que, dès lors, nous devrons faire le choix d'une présentation par nature. La présentation par fonction est une option de gestion ; c'est une donnée analytique. Il faut donc pouvoir présenter tous les comptes par nature, et ne les décliner par fonction que pour bien faire ressortir les choix gestionnaires des collectivités territoriales. Nous serons ainsi en mesure de procéder à des comparaisons d'un département à l'autre et nous y gagnerons en lisibilité.
M. le rapporteur a souligné à quel point il était important de faire apparaître les engagements hors bilan, mais nous devrions avoir aussi à l'esprit la présentation des situations patrimoniales des collectivités territoriales, notamment des départements. Puisque nous allons exiger cette communication de l'Etat, nous devons nous l'imposer à l'échelon départemental comme à l'échelon communal. C'est si vrai que l'on introduit le principe d'amortissement et de provision pour dépréciation. Si l'on veut communiquer les situations patrimoniales, il conviendra de faire apparaître, outre les engagements hors bilan, le patrimoine du département, ses actifs, ce qu'ils ont coûté, les dépréciations, les amortissements, et le passif. Ainsi, tout citoyen pourra se faire une opinion sur la qualité de la gestion.
Je pense d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous allons devoir suivre l'exemple que nous donne M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, qui, pour mettre en oeuvre la loi organique, a prévu la constitution de plusieurs comités, dont l'un se consacrera à la normalisation comptable. Nous devons convenir de principes de présentation et d'évaluation qui soient les mêmes pour l'ensemble des collectivités territoriales.
Enfin, il est clair que le rôle des comptables publics va changer. J'imagine que, en conséquence du vote de la loi organique, sur les lois de finances, le contrôle a priori va faire place au contrôle a posteriori puisque nous avons des instruments de suivi budgétaire précis. Ce qui importe, désormais, c'est de porter une appréciation sur l'efficacité de la dépense publique. Dans ces conditions, le rôle du comptable public ne peut plus être le même : il doit dorénavant s'attacher à présenter des documents lisibles, compréhensibles, pour permettre à tous ceux dont c'est la fonction de porter une appréciation a posteriori.
Ces observations étant faites, je ne doute pas du vote que le Sénat va maintenant émettre sur l'ensemble du texte puisque, je le répète, nous avons unanimement adopté chacun des articles de cette excellente proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Adnot, rapporteur. Je veux remercier à mon tour M. le secrétaire d'Etat d'avoir pris des engagements concernant les procédures relatives aux investissements. C'était attendu et je crois que ce sera également profitable aux régions.
Je tiens, en outre, à souligner la qualité des relations que le groupe de travail a pu nouer avec les fonctionnaires des différents ministères qu'il a été amené à contacter. Ils ont toujours su trouver les mots et les attitudes propres à nous simplifier la tâche.
Je remercie également les services des départements qui nous ont apporté leur éclairage sur les problèmes que nous avions à traiter, notamment ceux des départements qui ont participé à l'expérimentation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des finances sur la proposition de loi n° 64.

(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Voilà une semaine parlementaire qui se termine dans d'excellentes conditions, en tout cas au Sénat ! Je me réjouis du sérieux qui a présidé à nos travaux et du consensus que nous avons su trouver, notamment dans le vote qui vient de se dérouler.

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