SEANCE DU 16 DECEMBRE 2002


M. le président. « Art. 29 bis. - A. - Dans le titre II de la première partie du livre Ier du code général des impôts, il est inséré un chapitre VIII ter intitulé : "Taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles" et comprenant un article 302 bis MB ainsi rédigé :
« Art. 302 bis MB. - I. - Une taxe est due par les exploitants agricoles au titre de leurs activités agricoles, à l'exclusion de ceux placés sous le régime du remboursement forfaitaire agricole mentionné aux articles 298 quater et 298 quinquies.
« II. - La taxe est assise sur le chiffre d'affaires de l'année précédente, tel que défini à l'article 293 D, auquel sont ajoutés les paiements accordés aux agriculteurs au titre des soutiens directs mentionnés à l'annexe du règlement (CE) n° 1259/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune, à l'exclusion du chiffre d'affaires issu des activités de sylviculture et de pêche en eau douce.
« III. - Le tarif de la taxe est composé d'une partie forfaitaire comprise entre 76 EUR et 92 EUR par exploitant et d'une partie variable fixée à 0,19 % jusqu'à 370 000 EUR de chiffre d'affaires et à 0,05 % au-delà. Le chiffre d'affaires mentionné au II s'entend hors taxe sur la valeur ajoutée.
« IV. - La taxe est acquittée :
« 1° Sur la déclaration annuelle visée au 1° du I de l'article 298 bis, pour les exploitants agricoles imposés à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime simplifié mentionné à cet article ;
« 2° Sur la déclaration déposée au titre du premier trimestre de l'année au titre de laquelle la taxe est due, pour les exploitants agricoles ayant opté pour le dépôt de déclarations trimestrielles et mentionnés au troisième alinéa du I de l'article 1693 bis ;
« 3° Sur l'annexe de la déclaration des opérations du premier trimestre ou du mois de mars de l'année au titre de laquelle la taxe est due, déposée en application de l'article 287, pour les exploitants agricoles qui ont été autorisés à soumettre l'ensemble de leurs opérations au régime de droit commun de la taxe sur la valeur ajoutée.
« Le paiement de la taxe est effectué au plus tard à la date limite de dépôt des déclarations mentionnées aux 1° à 3°.
« V. - La taxe est recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
« VI. - Un arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé du budget fixe, dans les limites déterminées au III, le montant de la partie forfaitaire de la taxe. »
« B. - Le produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles perçue en application de l'article 302 bis MB du code général des impôts est affecté, à concurrence de 85 %, à l'Agence de développement agricole et rural.
« C. - Sont abrogés :
« - le décret n° 2000-1297 du 26 décembre 2000 instituant une taxe parafiscale sur les céréales et le riz perçue au profit de l'Association nationale pour le développement agricole ;
« - le décret n° 2000-1298 du 26 décembre 2000 instituant une taxe parafiscale sur les graines oléagineuses et protéagineuses perçue au profit de l'Association nationale pour le développement agricole ;
« - le décret n° 2000-1299 du 26 décembre 2000 instituant une taxe parafiscale sur la betterave destinée à la production de sucre perçue au profit de l'Association nationale pour le développement agricole ;
« - le décret n° 2000-1339 du 26 décembre 2000 instituant une taxe parafiscale sur les viandes perçue au profit de l'Association nationale pour le développement agricole ;
« - le décret n° 2000-1340 du 26 décembre 2000 instituant une taxe parafiscale sur le lait de vache et la crème, les laits de brebis et de chèvre perçue au profit de l'Association nationale pour le développement agricole ;
« - le décret n° 2000-1341 du 26 décembre 2000 instituant une taxe parafiscale sur les vins perçue au profit de l'Association nationale pour le développement agricole ;
« - le décret n° 2000-1342 du 26 décembre 2000 instituant une taxe parafiscale sur les fruits et légumes perçue au profit de l'Association nationale pour le développement agricole ;
« - le décret n° 2000-1343 du 26 décembre 2000 instituant une taxe parafiscale sur les produits de l'horticulture florale, ornementale et des pépinières perçue au profit de l'Association nationale pour le développement agricole ;
« - le décret n° 2000-1344 du 26 décembre 2000 instituant une taxe parafiscale forfaitaire au profit de l'Association nationale pour le développement agricole.
« Les sommes restant à recouvrer au titre des taxes mentionnées ci-dessus demeurent dues et peuvent être recouvrées en 2003. Elles sont versées au budget général.
« D. - La première phrase de l'article L. 820-3 du code rural est ainsi rédigée : "Un établissement public national à caractère administratif, dénommé Agence de développement agricole et rural, concourt au financement des programmes de développement agricole."
« E. - L'article L. 820-4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 820-4 - L'Agence de développement agricole et rural a pour mission, sous la tutelle de l'Etat, l'élaboration, le financement, le suivi de l'évaluation du programme national pluriannuel de développement agricole. Les activités de sylviculture et de pêche en eau douce ne relèvent pas du champ d'intervention de l'agence.
« Elle peut conduire ou participer à toute action de ce programme ainsi qu'à des actions de remplacement et de coopération internationale en lien direct avec le développement agricole.
« Elle contribue, dans le cadre de la mise en oeuvre du programme national pluriannuel de développement agricole, à la diffusion des connaissances par l'information, la démonstration, la formation et le conseil.
« Le conseil d'administration de l'Agence de développement agricole et rural est composé de :
« - six représentants de l'Etat ;
« - un député et un sénateur désignés par les assemblées auxquelles ils appartiennent ;
« - un représentant élu des régions ;
« - dix représentants des organisations syndicales d'exploitants agricoles mentionnées à l'article 2 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole nommés sur proposition de ces organisations ;
« - quatre représentants de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture nommés sur proposition du président de l'assemblée ;
« - deux représentants de la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles nommés sur proposition de la confédération ;
« - un représentant de l'association de coordination technique agricole nommé sur proposition du président de l'association.
« Le personnel de l'agence est régi par le statut visé à l'article L. 621-2.
« Les ressources de l'Agence de développement agricole et rural sont constituées par :
« - le produit des impositions qui lui sont affectées ;
« - tous autres concours ;
« - le produit de ses publications.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les statuts de l'établissement. Il détermine les règles d'organisation et de fonctionnement ainsi que les règles financières et comptables qui lui sont applicables. Il détermine également les modalités de délibération du conseil d'administration et les conditions selon lesquelles le commissaire du Gouvernement peut s'opposer à ses délibérations. »
« F. - Dans le c de l'article L. 611-1 du même code, les mots : "Association nationale pour le développement agricole" sont remplacés par les mots : "Agence de développement agricole et rural".
« G. - Jusqu'à l'entrée en vigueur du décret mentionné au dernier alinéa de l'article L. 820-4 du code rural, des subventions exceptionnelles pourront être attribuées, à partir du budget du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, aux organismes exerçant des missions de développement agricole en application de l'article L. 820-2 du code rural.
« H. - Il est institué en 2003, au profit du budget de l'Etat, un prélèvement exceptionnel de 58 millions d'euros sur l'Association nationale pour le développement agricole dont l'assiette est constituée par une fraction du produit du recouvrement et du placement des taxes parafiscales visées au C.
« I. - Les dispositions du A, du B et du C entrent en vigueur au 1er janvier 2003. »
La parole est à M. Marcel Deneux, sur l'article.
M. Marcel Deneux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement s'inscrit dans la perspective de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances et de la suppression de toutes les taxes parafiscales au 31 décembre 2003 au plus tard. Avec les propositions qui nous sont faites, nous allons aboutir à la création d'un établissement public industriel et commercial, ou EPIC. Je voudrais attirer votre attention sur la situation singulière de ce développement agricole.
En 1967, je me suis rendu à l'Elysée avec deux de mes collègues pour demander au Président de la République de l'époque de rendre le développement agricole plus efficace : il était, alors, entre les mains de l'administration du ministère de l'agriculture.
Dans cette recherche d'une plus grande efficacité, il a été convenu, en 1968, de créer une association professionnelle regroupant toutes les associations agricoles. Ce fut la naissance de l'Association nationale pour le développement agricole, l'ANDA. J'en fus administrateur jusqu'en 1982.
Cette association n'a pas démérité ; il suffit, pour s'en rendre compte, de regarder ce qu'est devenue l'agriculture française en trente ans et le territoire dont elle conditionne aujourd'hui le devenir économique.
Quelques critiques ont été émises. Je veux simplement rappeler que cette association était dotée, dès le début, et jusqu'à maintenant, d'un commissaire du Gouvernement.
Le texte qui a été voté en première lecture par l'Assemblée nationale est le fruit d'un compromis. Malgré la concertation avec la profession agricole, ce texte ne nous satisfait pas totalement.
Dans cette réforme, trois principes intangibles doivent nous guider, qui fondent le sens du développement agricole et qui sont toujours à l'origine de son efficacité au cours de ces trois dernières décennies : la responsabilité absolue de la profession agricole ; la solidarité entre les productions, les régions et les hommes ; le maintien des moyens du développement supporté collectivement par les agriculteurs. Ce modèle de développement agricole à la française, qui associe contractuellement et de façon efficace l'Etat et la profession agricole, nous est, d'ailleurs, aujourd'hui envié par un grand nombre de pays européens. Or le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale ne permettra pas d'assurer dans de bonnes conditions la solidarité à l'égard des territoires les plus défavorisés et des petites filières de production, ni même de mettre en oeuvre l'élargissement du développement agricole à la ruralité.
Notre assemblée, qui assure la représentation des collectivités locales, et donc des territoires, ne peut qu'être très sensible à toute remise en cause d'une politique de développement qui laminerait les marges de toute contractualisation avec les collectivités locales et qui pénaliserait les territoires les plus fragiles.
La profession agricole a toujours affirmé sa volonté d'être un acteur des politiques territorialisées, qui, d'ailleurs, se développent avec la politique communautaire de développement rural.
Dans ces conditions, vous comprendrez que l'on ne puisse accepter une diminution des moyens du développement qui aurait pour conséquence la réduction des dotations au titre des programmes de développement territorialisé.
C'est fort de ces principes qu'avec un certain nombre de collègues je défendrai dans un instant une série d'amendements. Ces amendements ne remettent pas en cause la réforme proposée ; ils n'ont pour ambition que de l'ajuster aux objectifs partagés par tous d'un développement agricole solidaire au service d'une agriculture durable, c'est-à-dire performante et répondant aux attentes de la société. M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 33 rectifié, présenté par M. Deneux et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« I. - Après les mots : "activités agricoles", supprimer la fin du I du texte proposé par le A de cet article pour insérer un article 302 bis MB dans le code général des impôts.
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus compléter, in fine , cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'élargissement de l'assiette de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Demerliat, Madrelle, Haut, Courteau, Miquel, Angels, Auban, Charasse, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Dans le I du texte proposé par le A de cet article pour insérer un article 302 bis MB dans le code général des impôts, supprimer les mots : ", à l'exclusion de ceux placés sous le régime du remboursement forfaitaire agricole mentionné aux articles 298 quater et 298 quinquies ". »
La parole est à M. Marcel Deneux, pour présenter l'amendement n° 33 rectifié.
M. Marcel Deneux. Dans le droit-fil de mon intervention précédente, cet amendement part du principe qu'un développement agricole solidaire doit passer par la participation équitable de chaque agriculteur à son financement, d'autant que tous sont bénéficiaires, ou souhaitent être des programmes d'actions.
Actuellement, tous les agriculteurs, quelles que soient leur production et la taille de leur exploitation, sont redevables, au titre des taxes parafiscales sur les produits agricoles. La progressivité introduite dans la nouvelle taxe sur le chiffre d'affaires doit, sans exclusion, permettre à chacun de contribuer au développement agricole sans globalement accroître sa charge.
Le texte qui nous est proposé est en contradiction avec la position que la France soutient au sein de l'organisation mondiale du commerce, l'OMC, où nous défendons le principe d'un modèle agricole européen, c'est-à-dire d'un modèle dans lequel cohabitent des exploitations moyennes et des exploitations plus grandes. Si les moyennes exploitations sont exclues du financement, elles le seront aussi très vite du développement au prétexte qu'elles ne cotisent pas.
Or, c'est justement ce que nous avons réussi à éviter pendant quarante ans.
Je mets donc en garde contre ce qui résulterait du texte proposé, qui, d'une certaine manière, a des relents de démagogie !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, pour présenter l'amendement n° 44 rectifié.
M. Jean-Pierre Demerliat. La loi organique du 1er août 2001 a rendu nécessaire la réforme du dispositif de développement agricole, puisque toutes les taxes parafiscales devront avoir disparu au plus tard le 31 décembre 2003 ; de cette nécessité est résulté l'article 29 bis du projet de loi dont nous discutons présentement.
Depuis trente ans, le développement agricole français puise son efficacité dans la mise en oeuvre de trois notions : la responsabilité des professionnels, la solidarité entre les hommes, les produits et les régions, ainsi que la mutualité pour ce qui est des moyens.
Aussi, pour continuer à assurer la solidarité à l'égard des territoires les plus défavorisés et des petites filières de production, ainsi que pour étendre la notion de développement agricole à l'ensemble du champ de la ruralité, nous devons préserver les marges de manoeuvre contractuelles des collectivités locales et, pour ce faire, nous refusons la diminution des moyens du développement, qui aurait pour conséquence la réduction des dotations aux programmes de développement territorialisés.
Pour ces raisons, nous pensons qu'un développement agricole solidaire ne peut passer que par la participation équitable de chaque agriculteur à son financement, d'autant que tous sont bénéficiaires des programmes d'action. Comme tous les agriculteurs sont actuellement redevables au titre des taxes parafiscales sur les produits agricoles, la progressivité introduite dans la nouvelle taxe sur le chiffre d'affaires doit leur permettre, sans exclusion, de contribuer au développement agricole, sans accroître globalement leurs charges.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il convient tout d'abord de rappeler que le présent article, qui a été introduit à l'Assemblée nationale, est d'abord un article de simplification. En effet, pas moins de neuf taxes parafiscales financent l'Association nationale de développement agricole, : taxes sur les betteraves, sur les céréales livrées par les producteurs aux organismes agréés pour la collecte, sur les graines oléagineuses et protéagineuses, sur certaines viandes, sur les laits de vache, de brebis, de chèvre et sur la crème, sur les produits de l'horticulture florale, ornementale et des pépinières non forestières, sur les vins, sur les fruits et les légumes. A ces taxes sur les produits s'ajoute la taxe forfaitaire payée par les exploitants agricoles.
Le Gouvernement a donc raison de nous inciter à une simplification en rassemblant ces taxes en une seule contribution qui, juridiquement, est une imposition de toute nature directement affectée. Il a raison par ailleurs de mieux asseoir la sécurité juridique de tout ce système en transformant l'association en un établissement public qui répondra à toutes les garanties souhaitables.
A partir de ce constat, en concertation étroite avec les professionnels de l'agriculture, les députés ont adopté un dispositif qui crée une nouvelle contribution unique. Au-delà de la période de transition assurée par l'Etat, elle permettra le financement de la nouvelle agence prenant en charge des tâches professionnelles d'intérêt général.
Lorqu'on passe d'un système à un autre, il faut être extrêmement prudent et étudier les simulations. La commission des finances, pour sa part, a été surtout sensible à cet aspect de la question : elle a calculé la contribution moyenne par exploitation, car elle est favorable à la baisse et non pas à l'augmentation des prélèvements obligatoires. Or les prélèvements opérés par les organisations professionnelles, de même que ceux qui sont imposés par l'Etat, sont perçus par le redevable de base comme des prélèvements obligatoires : c'est toujours de l'argent qu'il doit sortir de la caisse, et il n'a pas le choix.
La contribution moyenne par exploitation devrait être ramenée de 300 à 270 euros, ce qui est une évolution raisonnable. En effet, le supplément de taxes résultant de l'instauration de la partie variable, qui devrait concerner 72 % des exploitants redevables de la nouvelle taxe, sera plus que compensé par la disparition des taxes sur les produits. S'il existe des transferts entre les filières, nous aurons l'occasion d'en parler dans la suite de l'examen des amendements.
L'amendement n° 33 rectifié prévoit que tous les exploitants, quels que soient leur activité et leur chiffre d'affaires, payent un minimum. Ce dispositif, outre des arguments tout à fait favorables qui ont été fort bien développés par Marcel Deneux, appelle certaines objections, tant techniques que d'opportunité, dont il faut débattre.
Sur le plan technique, si l'exemption des exploitants agricoles placés sous le régime du revenu forfaitaire agricole disparaît, la taxation de ces exploitants sur le chiffre d'affaires nécessitera, d'une part, la reconstitution de ce chiffre d'affaires, ce qui pourrait induire des délais et risquerait d'être complexe et, d'autre part, un nouveau mécanisme de prélèvement, en sachant que ces exploitants ne sont pas redevables de la TVA.
En réalité, la seule solution réaliste serait d'instaurer une taxe forfaitaire - ce que l'un des amendements que nous allons examiner tend d'ailleurs à proposer -, taxe forfaitaire qu'il serait difficile de fixer à un montant supérieur à 40 euros et qui ne rapporterait que 5 millions à 6 millions d'euros. On peut donc s'interroger sur la « rentabilité » de ce système : beaucoup de redevables, un système compliqué, lourd à gérer, coûteux, pour finalement ne pas « ramasser » grand-chose !
Quant à l'objection d'opportunité, elle est la suivante. Si l'on devait créer une telle taxe forfaitaire, elle risquerait de soulever, sur le plan psychologique, des objections chez bon nombre d'exploitants. Peut-être serait-elle beaucoup plus impopulaire que les taxes sur les produits qu'elle remplacerait, car ces dernières sont perçues dans le mouvement même de l'activité commerciale de l'exploitant et de manière relativement indolore ce sont des éléments qui entrent dans la composition des prix de revient. Pour certaines micro-exploitations, la taxe forfaitaire apparaîtrait en quelque sorte ex nihilo, comme un élément nouveau de frais généraux, et susciterait quelques réactions diverses dans les campagnes.
Il faut ajouter que le coût de recouvrement de la taxe forfaitaire - j'y ai déjà fait allusion - serait vraisemblablement déraisonnable rapporté à son produit.
Par conséquent, tout en comprenant que l'on puisse souhaiter, pour une fonction d'intérêt collectif, demander à chacun une contribution, aussi faible soit-elle, la commission des finances souhaiterait que notre collègue M. Marcel Deneux accepte d'entendre les arguments que je viens de développer concernant les aspects psychologiques et techniques et qu'il veuille bien retirer son amendement.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur le président, avec votre permission, j'interviendrai d'abord de façon générale, ce qui me permettra ensuite d'émettre des avis beaucoup plus concis.
Nous sommes en présence d'une réforme qui a été rendue indispensable en raison du blocage qui s'est produit au sein de l'ANDA, dont les mérites ont été rappelés tout à l'heure par Marcel Deneux.
Au fond, l'ANDA se trouve aujourd'hui dans la même situation que nous, élus locaux qui avons une certaine expérience de la gestion locale, lorsque nous avions créé, de très bonne foi d'ailleurs, des associations relevant de la loi de 1901 pour exercer des missions qui étaient adossées aux collectivités dont nous avions la charge. Nous avons été contraints de ne plus utiliser ces instruments qui avaient pourtant eu beaucoup de mérites, mais qui, en raison de leur fonctionnement au regard des règles qui régissent l'utilisation de fonds publics, n'étaient plus pertinents. Nous avons donc abandonné ce système pour en choisir d'autres.
L'ANDA, association de la loi de 1901, fonctionne avec les produits de taxes qui sont levées par l'Etat et qui obéissent aux règles de l'argent public. L'utilisation de ces crédits pose quelques difficultés pratiques qu'il convient de résoudre.
De toute manière, nous étions, à une année près, à la veille de devoir régler la question de ces taxes parafiscales par la mise en oeuvre de la loi organique. Dès lors, autant donner aux missions exercées jusqu'alors par l'ANDA à nouveau leur efficacité par la création d'un instrument juridique nouveau qui assumera ces missions et qui répondra aux exigences de la loi. C'était l'occasion de rassembler les nombreuses taxes en une seule, afin de donner plus de lisibilité et de simplicité.
M. le rapporteur général a signalé tout à l'heure le risque d'écart inhérent à la modification d'un système de prélèvement. En toute bonne foi, nous essayons néanmoins de le combattre.
Je voudrais signaler à tous ceux qui suivent nos travaux avec la plus grande attention, au-delà de cet hémicycle, qu'il faut se garder de s'enfermer dans une contradiction.
La première contradiction, c'est de vouloir tout à la fois la libre administration du développement agricole hors du budget de l'Etat et un encadrement du taux de retour au profit de certaines filières. Il faut choisir entre une gestion en quelque sorte garantie par l'Etat du développement agricole par le budget général - qui permet d'ailleurs au Gouvernement de garantir un taux de retour - et l'affectation d'une taxe à un établissement public qui confie cette responsabilité aux professionnels. Il ne faut pas émettre des souhaits contradictoires.
Et puis, il y a, d'un côté, ceux qui souhaient faire payer l'ensemble des agriculteurs et, de l'autre, ceux qui considèrent qu'il n'est pas nécessaire d'assujettir des agriculteurs dont le chiffre d'affaires est très faible, parce que le coût du prélèvement serait extraordinairement élevé par rapport au produit et que nous risquerions de provoquer leur incompréhension.
Enfin, je tiens à préciser que la création d'un établissement public garantit juridiquement le développement agricole. L'action des membres de l'assemblée générale de l'ANDA était soumise à une très grande fragilité juridique et la réforme que nous examinons aujourd'hui cherche également à y remédier.
De nombreux amendements visent à éviter que la filière viticole ne soit pénalisée, d'autres traitent des transferts de charges, d'autres encore concernent le taux de retour : je répondrai sur ces questions à l'occasion de leur examen.
S'agissant de la taxe forfaitaire pour des exploitants dont le chiffre d'affaires est inférieur à 46 000 euros, je voudrais appeler l'attention des auteurs des amendements sur le risque de frapper, dans cette hypothèse, des exploitants dont les revenus sont modestes. Le Gouvernement avait prévu de les exonérer.
M. Jacques Chaumont. Très bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. En même temps, je comprends la préoccupation des organisations professionnelles agricoles qui sont favorables à une contribution même réduite de tous les agriculteurs au développement agricole. Néanmoins, vous le savez, l'Assemblée nationale a voté en faveur de l'exemption.
Je voudrais vous livrer quelques informations chiffrées. L'augmentation de ressources de l'ADAR qui résulterait de l'extension proposée par les amendements n°s 33 rectifié et 44 rectifié serait limitée, selon nos estimations, à 7 millions d'euros.
Ce chiffre est à mettre en regard des coûts de gestion pour notre administration d'une population de 141 000 agriculteurs redevables.
Enfin, je veux être tout à fait loyal : ces amendements sont, de surcroît, techniquement inapplicables.
L'amendement n° 58 rectifié est dans le même esprit sans pour autant souffrir de cette difficulté technique. Cela ne signifie d'ailleurs pas que j'émettrai un avis favorable sur l'amendement n° 58 rectifié. Je veux simplement souligner qu'il conviendrait de ne pas trop perdre de temps sur l'examen de ces amendements. En effet, vous proposez d'assujettir les agriculteurs placés sous le régime du forfait de TVA non seulement à la part fixe de la nouvelle taxe mais aussi à sa part variable. Or cette dernière n'est pas connue des services, puisque, précisément, le remboursement de la TVA est forfaitaire. Donc, la proposition est concrètement inapplicable.
C'est la raison pour laquelle je demande aux auteurs de ces deux amendements de bien vouloir les retirer, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Deneux, l'amendement n° 33 rectifié est-il maintenu ?
M. Marcel Deneux. Je voudrais remercier M. le rapporteur général et M. le ministre de leurs explications qui m'ont en partie convaincu.
M. le ministre, en ce qui concerne l'inapplication, il suffit de me rendre en Bavière, qui connaît un droit fiscal différent, pour constater de quelle façon le revenu des agriculteurs se trouve abondé par des systèmes de TVA que l'on dit inapplicables en France.
Quant au niveau de la taxe forfaitaire, je rappellerai que nous émettons des titres de paiement de 5 euros pour des cotisations aux chambres d'agriculture. Nous sommes donc capables de le faire.
De plus, vous avez évoqué, monsieur le ministre, le fait que ces taxes se situaient dans la mouvance du système économique. Or, chaque fois qu'elles appartiennent à des filières que l'on dit exemplaires, c'est-à-dire la betterave, les céréales et les produits laitiers, elles apparaissent sur les bordereaux de paiement.
Enfin, et ce sera le dernier point que j'aborderai, ce système me cause une grande inquiétude. Pourquoi ne pas le dire, je n'ai pas confiance dans le système qui se met en place, parce que je n'ai pas d'exemple de système public qui soit plus efficace qu'un système privé en matière de développement économique. Ce serait bien la première fois, mais, après tout, nous ferons l'expérience.
Je retirerais volontiers mon amendement, monsieur le ministre, si vous m'assuriez que les 141 000 exploitants qui ne vont pas cotiser ne seront exclus en aucune manière des modalités de développement, autrement dit qu'aucun fonctionnaire du nouvel établissement public ne leur annoncera qu'il ne saurait s'occuper de leur filière, puisqu'ils ne cotisent pas.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Je tiens, à titre personnel, à exprimer un embarras. Je comprends bien l'urgence qu'il y a à mettre en place une nouvelle agence et à prévoir des ressources pour cet établissement. J'observe qu'au passage des agents sous statut privé vont passer sous statut public : je ne suis pas sûr que l'exercice qui consiste à essayer d'alléger le statut public soit totalement réussi.
Par ailleurs, la référence au chiffre d'affaires me paraît comporter quelques risques. Il est des exploitants agricoles dont le chiffre d'affaires est l'expression de la valeur ajoutée de l'entreprise ; il en est d'autres dont la valeur ajoutée est faible par rapport à leur chiffre d'affaires nous risquons donc de commettre de grandes injustices.
Un éleveur de poulets, par exemple, qui achète des céréales et peut-être les poussins, constate un grand écart entre son chiffre d'affaires et sa valeur ajoutée.
Dans le cas particulier, nous mettons en place une taxe sur le chiffre d'affaires dont l'effet sera d'instituer un mécanisme pernicieux qui, peut-être, aboutira à taxer plusieurs fois les mêmes produits, par exemple une première fois chez celui qui vend les céréales, une deuxième fois chez celui qui transforme les céréales en aliments pour le bétail ou la volaille, une troisième fois chez celui qui vend des porcs ou des poulets nourris par ces céréales transformées en aliments pour bétail ou volaille.
Je suis certainement le moins qualifié pour exprimer un point de vue sur la question, mais je voudrais être sûr que ce bon mouvement sera unanimement salué dans les semaines qui viennent par le monde agricole.
Telle est l'observation, la mise en garde que je souhaitais, à titre personnel, formuler.
L'article 29 bis est un ajout de l'Assemblée nationale et c'est nécessairement le fruit d'un travail de qualité, mais j'observe que l'Assemblée nationale avait fixé la partie variable de la taxe à 0,19 % du chiffre d'affaires et que, déjà, des amendements tendent à la porter à 0,21 %. Heureusement, il n'y aura qu'une seule lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat, mais je vous laisse imaginer la pression qui pourra s'exercer demain sur le Parlement pour voter le taux de cette taxe, qui faisait auparavant l'objet d'un décret mais qui n'est plus parafiscale.
Chacun mesure la complexité de l'exercice...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Monsieur Demerliat, l'amendement n° 44 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Demerliat. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote sur l'amendement n° 33 rectifié.
M. Marcel Deneux. Je partage le point de vue de M. le président de la commission : la référence devrait être la valeur ajoutée. Mais je profite de ce débat pour dire combien il est aléatoire de parler de valeur ajoutée par branche en matière d'agriculture, les sommes faramineuses que représentent aujourd'hui les aides publiques anormales faussant la notion de chiffre d'affaires. Que l'on continue, au ministère des finances, à publier des valeurs ajoutées par secteur professionnel dans ces conditions est quelque peu aberrant !
Par ailleurs, j'aurais souhaité que M. le ministre réponde à ma question relative à la non-exclusion.
Je vous avais en effet demandé, monsieur le ministre, s'il vous était possible de me garantir que, dans le déroulement de cette affaire, le principe qui guidera l'action de l'EPIC sera bien celui de la non-exclusion. Je crains que des fonctionnaires que je connais bien ne disent : vous ne cotisez pas et vous n'avez donc droit à rien.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Nous sommes dans un pays où les élus doivent assumer leurs responsabilités. Pour ma part, je n'ai aucune peur des fonctionnaires, car je sais depuis longtemps qu'ils doivent obéir et qu'ils obéissent quand ceux qui les commandent savent ce qu'ils veulent.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. A l'issue de cette discussion, je souhaite constater que le Sénat sait ce qu'il veut. Nous le verrons dans un instant, quand il s'agira de décider si ceux dont le chiffre d'affaires est inférieur au seuil que vous proposez doivent ou non payer.
Je ne sais pas, monsieur Deneux, si cela répondra à votre question mais je tiens à vous dire que ne pas payer ne veut pas dire ne pas être subventionné.
M. Marcel Deneux. Ce n'est pas une subvention, ce sont des services que l'on rend !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je ne représente pas le monde agricole, je représente le Gouvernement, monsieur Deneux.
M. Marcel Deneux. Il s'agit d'agents particuliers qui doivent rendre un service...
M. le président. Monsieur Deneux, M. le ministre délégué a seul la parole.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur Deneux, je vous ai proposé de reprendre ce débat lors de l'examen de l'amendement n° 58 rectifié, qui, lui, est applicable, alors que l'amendement que vous défendez actuellement est inapplicable et je vous ai expliqué pourquoi.
Je veux bien que nous poursuivions ce marathon ou, si j'ose dire, ce parcours du combattant. Je vous répète donc que ne pas être redevable ne veut pas dire ne pas recevoir d'aide. Au contraire, on peut penser que les petits agriculteurs sont ceux qui ont besoin d'aide pour se développer.
Cela étant, et je le dis sans acrimonie, est-il bien raisonnable de continuer à discuter de deux amendements dont la rédaction est tellement imparfaite qu'ils seraient inapplicables ? M. le président. Monsieur Deneux, M. le ministre délégué vous ayant répondu, acceptez-vous maintenant de retirer l'amendement n° 33 rectifié ?
M. Marcel Deneux. Monsieur le président, je le retire, mais je le fais sans passion.
M. le président. L'amendement n° 33 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 44 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 34, présenté par M. Franchis, Mme Férat et M. Détraigne, est ainsi libellé :
« A. - Dans le II du texte proposé par le A de cet article pour insérer un article 302 bis MB dans le code général des impôts, après les mots : "des activités de sylviculture" insérer les mots "des activités de viticulture".
« B. - En conséquence, à la fin du texte proposé par le A de cet article pour insérer un article 302 bis MB dans le code général des impôts, ajouter un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Une taxe forfaitaire, dans la limite de 76,22 euros, est due par les producteurs de vin au moment du dépôt de la déclaration de récolte prévue à l'article 407.
« Une taxe variable d'un montant maximum de 0,40 euro par hectolitre de vin est due par la personne qui met le vin à la consommation au sens du a du 1° du 1 du I de l'article 302 D et du 3° du 1 du I du même article. Cette taxe est liquidée dans les mêmes conditions que celles définies au 1 du III de l'article 302 D.
« Un décret fixe le montant des cotisations. La cotisation sur les vins peut varier suivant la catégorie des produits. » L'amendement n° 59, présenté par MM. Mathieu, César et Etienne, est ainsi libellé :
« I. - Dans le II du texte proposé par le A de cet article pour l'article 302 bis MB du code général des impôts, après les mots : "des activités de sylviculture", ajouter les mots : ", des activités de viticulture". »
« II. - Après le B de cet article, insérer un B bis ainsi rédigé :
« B bis. - Dans le titre III du livre VIII du code rural, il est créé un article L. 830-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 830-2. - Il est créé au profit du centre technique interprofessionnel dénommé ITV France, institué en application de la loi n° 48-1228 du 22 juillet 1948 modifiée, des cotisations qui, nonobstant leur caractère obligatoire, demeurent des créances de droit privé.
« Une cotisation forfaitaire par exploitation dans la limite de 92 euros est due par les producteurs au moment du dépôt de la déclaration de récolte prévue à l'article 407 du code général des impôts.
« Une cotisation sur les vins d'un montant maximum de 0,40 euro par hectolitre est due par la personne qui les met à la consommation au sens du a du 1° du 1 du I de l'article 302 D du code général des impôts.
« Ces cotisations sont perçues par la direction générale des douanes et des droits indirects aux frais de l'ITV France.
« Une partie du produit de cette cotisation ne pouvant excéder un tiers est reversée à l'agence de développement agricole et rural instituée par l'article L. 820-3.
« Un décret pris après avis de l'ITV France fixe le montant des cotisations. La cotisation sur les vins peut varier suivant la catégorie des produits. »
La parole est à M. Serge Franchis, pour défendre l'amendement n° 34.
M. Serge Franchis. Cet amendement s'inscrit dans la suite de l'institution d'un nouvel établissement public chargé de la gestion du développement agricole, le centre technique interprofessionnel de la vigne et du vin. Etant fortement concernée, la filière agricole trouve ici l'occasion d'attirer à nouveau notre attention sur le faible retour des taxes parafiscales payées par les viticulteurs à cet institut technique, soit seulement 31 % de ce qu'ils versaient jusqu'ici à l'ANDA, l'agence nationale pour le développement agricole.
Le nouvel établissement public sera financé par une taxe fixe à l'exploitation et par une taxe non plafonnée assise sur le chiffre d'affaires des exploitants, au lieu d'une taxe fixe et d'une taxe par produit dont le montant était fixé par type de filières.
La viticulture de qualité va ainsi contribuer de manière plus importante au financement de l'établissement, avec un retour proportionnellement plus faible.
La filière subit de plein fouet une concurrence internationale de plus en plus sévère. Elle devra relever plusieurs défis d'importance, notamment améliorer la qualité des produits, accroître leur compétitivité et, surtout, disposer d'une recherche pointue. La situation de la filière viticole française est menacée, nous le savons.
Il semble que le Gouvernement se soit engagé, à l'Assemblée nationale, à faire évoluer le dispositif voté sur deux points : plafonner l'augmentation de la cotisation par exploitation à un maximum de 20 % et assurer un retour à la filière d'un minimum de 66 %.
En effet, les simulations démontrent que, dans certaines régions, les viticulteurs verront leur contribution augmenter dans des proportions allant jusqu'à 300 %. L'inégalité sera d'autant plus accentuée que le champ de la taxe se réduit fortement en faveur des sociétés de coopératives et des négociants : alors que, jusqu'ici, ceux-ci s'acquittaient de la taxe ANDA, ils ne paieront plus.
Ainsi, la taxe basée sur le chiffre d'affaires apparaît d'autant plus injuste et inéquitable que le dispositif prévoit d'en exempter certaines sociétés. Cela devrait conduire à une exemption de 60 % des exploitations viticoles françaises, 40 % des exploitations - dont 57 % de vignerons indépendants - assumant seules la charge, alors qu'il serait juste que toutes participent à l'aide au développement agricole.
L'amendement n° 34 est un compromis puisqu'il ne tend ni à écarter la viticulture du nouveau dispositif - et donc à l'exonérer de l'obligation de solidarité - ni à créer une cotisation au profit direct du centre technique. Il vise seulement à prévoir l'instauration d'une taxe spécifique pour la viticulture, taxe assise sur les quantités de produits mises en circulation, comme pour la taxe ANDA et non pas sur le chiffre d'affaires, afin de permettre indirectement un retour vers le centre technique dans une juste proportion par rapport à la contribution versée par la filière.
Dans l'amendement qui vous est proposé, la taxe forfaitaire est fixée à 76 euros, mais elle pourrait être majorée. M. le président. L'amendement n° 59 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 34 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° 34 vise d'abord à exclure la filière viticole du paiement de la nouvelle taxe unique sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, ensuite à mettre en place une taxation spécifique de la filière viticole en reconduisant le dispositif préexistant, à savoir une taxe forfaitaire due par les producteurs de vins et une taxe sur les produits viticoles.
L'exposé de notre collègue Serge Franchis montre d'ailleurs que le passage d'un système à l'autre n'est pas sans soulever de nombreux problèmes.
Au demeurant, le monde agricole connaîtra le problème qu'ont rencontré certaines collectivités locales lors du passage d'une assiette fiscale à une autre. En fait, ceux à qui l'on demande moins ne disent rien, mais ceux à qui l'on demande plus, voire beaucoup plus, se manifestent bruyamment. Il faut en avoir conscience, ce ne sera pas nécessairement simple à gérer.
Monsieur Franchis, vous souhaitez donc réserver un traitement spécifique à la filière viticole et, en quelque sorte, la désolidariser de l'ensemble de la filière agricole pour lui permettre de gérer ses propres intérêts.
Vous comprendrez qu'il soit très difficile à la commission des finances de trancher un tel débat. S'il est légitime que nous parlions des prélèvements obligatoires, de la signification économique de tel ou tel prélèvement, des effets pervers de telle ou telle base, sur la question de savoir si la filière viticole doit être traitée en tant que telle par rapport à l'ensemble des filières agricoles nous nous en remettons à ceux qui sont compétents, et sans doute la commission des affaires économiques le serait-elle beaucoup plus que nous.
Nous avons cru qu'il n'était pas de notre devoir non plus que de notre responsabilité de contester l'architecture de l'article, c'est-à-dire le montage lui-même, lequel exprime une certaine volonté de solidarité, en tout cas d'unification et de remise en ordre de la gestion d'outils communs, et il nous a semblé que la création d'une taxe viticole spécifique se trouvait, en quelque sorte, en dehors des limites de l'épure définie par cet article.
Au demeurant, entre l'ancien et le nouveau système, et dans la viticulture de qualité, c'est-à-dire pour les appellations d'origine contrôlée, le montant du produit de la taxe rapporté au chiffre d'affaires passerait de 0,16 % à 0,19 % pendant que la moyenne nationale passerait de 0,23 % à 0,21 %. Donc, à supposer que, comme je le crois, que ces chiffres soient vrais, la situation de la viticulture, du point de vue de l'équité, ne devrait pas poser de problèmes insurmontables.
C'est donc dans le cadre de ce raisonnement, mes chers collègues, que s'est située la commission des finances, et c'est la raison pour laquelle elle sollicite le retrait de l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je n'ai pas, tout à l'heure, fait écho à la remarque du président Jean Arthuis. Je veux lui dire que prendre pour assiette le chiffre d'affaires est la solution qui s'écarte le moins de la situation présente.
La situation présente n'est pas idéale, mais, comme je le disais dans mon propos général, de deux choses l'une.
On peut estimer que le développement agricole est financé sur cotisation volontaire des agriculteurs par et avec un système organisé par la profession elle-même, auquel cas le Parlement n'a pas à s'en saisir et l'Etat à s'en occuper.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Ce serait le mieux !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je vois que c'est la solution qui aurait votre préférence. Elle ferait en tout cas gagner beaucoup de temps aux assemblées parlementaires et épargnerait bien des soucis au Gouvernement !
M. Jean Arthuis, président de la commission. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce serait du libéralisme !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Ne prononcez pas de vilains mots, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)
Cependant, monsieur Arthuis, ce n'est pas la solution qui a été préférée par les organisaitons agricoles elles-mêmes. Elles sont en effet favorables - et c'est la seconde solution - à un système sécurisé par l'Etat.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Ce sont les technostructures qui veulent cela !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Dès lors, il faut trouver un mécanisme qui ne s'écarte pas trop de la situation antérieure, situation dans laquelle les mécanismes de cascade que vous évoquiez existaient déjà.
S'agissant de l'amendement n° 34, plusieurs parlementaires ont demandé soit l'exclusion de la viticulture, soit un mode de financement particulier.
Cependant, l'Etat est le garant direct de l'équité, et, au nom du principe de l'égalité devant l'impôt, il n'est pas possible d'exclure une filière - cela va d'ailleurs dans le sens des préoccupations des organisations agricoles -, car ce serait la remise en cause du principe de solidarité entre les filières qui est le fondement même du système actuel, comme il le sera du futur système
Par ailleurs, il s'agit de moyennes. Globalement, la viticulture de qualité et les autres viticultures passent d'une contribution ANDA de 15,25 millions d'euros à une contribution ADAR de 15,72 millions d'euros, soit une progression de 3 %, ce qui reste modeste.
Pour apaiser les inquiétudes, le Gouvernement introduit deux dispositifs d'écrêtement pour limiter la contribution des exploitations les plus dynamiques.
Par ailleurs, la filière viticole a sans doute besoin de l'aide au développement agricole pour se moderniser. Je pense que son appartenance au système est souhaitable, d'autant que les producteurs de vin de qualité pourront bénéficier de davantage de financement.
Pour que l'information du Sénat soit complète, je veux insister sur le fait qu'il existe actuellement une taxe sur le vin qui finance, par le biais de l'ANDA, des activités de développement et de promotion effectivement nécessaires à la filière viticole.
Voilà ce qui me conduit, monsieur Franchis, à vous demander le retrait de votre amendement. A défaut, je serai contraint d'émettre un avis de rejet.
M. le président. Monsieur Franchis, l'amendement est-il maintenu ?
M. Serge Franchis. Je suis très embarrassé, car le risque d'une réaction très vive de la filière viticole est élevé. La filière fait valoir qu'aucune concertation n'a eu lieu avec un quelconque professionnel du secteur viticole et fait état d'une injustice, car exempter 60 % des exploitations viticoles revient à demander à 40 % d'entre elles d'acquitter seules la taxe.
Par ailleurs, l'augmentation pourra atteindre 300 % dans certaines régions ! Ce sont des chiffres qui, légitimement, inquiètent.
J'entends bien les raisons invoquées par M. le ministre et M. le rapporteur général, et je suis prêt à retirer mon amendement dans la mesure où mes collègues ne l'adopteront pas mais je mets en garde le Gouvernement sur les difficultés d'application d'une réforme que M. le président de la commission des finances a lui-même jugée très délicate et peut-être insuffisamment préparée.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Absolument !
M. le président. L'amendement n° 34 est retiré.
M. Yann Gaillard. A défaut de pouvoir expliquer mon vote, je le reprends, monsieur le président !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 34 rectifié.
La parole est à M. Yann Gaillard, pour le défendre.
M. Yann Gaillard. Je ne reprends que provisoirement cet amendement, qui, je l'espère, ne sera pas voté, car je tiens à dire que tout ce système est complètement absurde. On a la démonstration de son inapplicabilité totale. A peine s'apprête-t-on à créer une taxe sur le chiffre d'affaires que des branches - et des branches ô combien importantes - veulent passer à une taxe à l'hectolitre, et ces branches elles-mêmes se divisent.
Certains font valoir que leur région produit des vins de qualité, et d'ailleurs la région que je représente ici, la Champagne, est, comme la Bourgogne, très concernée par l'amendement n° 59, qui n'est pas défendu puisque qu'aucun de ses auteurs n'est présent.
Je ne sais pas ce que le règlement nous permet de faire, mais, en l'occurrence, c'est manifestement du très mauvais travail.
Par ailleurs, nous étions, nous, dans la branche sylvicole, très inquiets de voir que l'agriculture allait de l'avant et que nous n'avions pas monté le même dispositif. Je me réjouis, à cette heure, que nous ayons pris un temps de retard, qui sera le temps de la réflexion. (M. le rapporteur général applaudit.)
M. Jacques Oudin. C'est la sagesse !
M. Yann Gaillard. Cela étant dit, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié est retiré.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur le président, je demande, avec l'accord de la commission des finances, que, à la reprise de la séance, le Sénat examine par priorité l'amendement n° 68 rectifié, déposé par le Gouvernement, qui prend en compte tous les problèmes exposés dans les autres amendements présentés.
M. Jacques Oudin. Bravo !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Ce sera plus clair ainsi. A défaut, nous risquerions de nous engager dans un très long parcours du combattant, qui ne nous permettrait pas d'avoir une vision globale des difficultés qui se présentent. Selon moi, il est préférable de les traiter à la lumière d'un amendement. Je suis conscient que, techniquement, celui-ci ne rendra pas les autres amendements sans objet ; du moins éclairera-t-il le débat, pour autant que cela soit possible.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?

M. Jean Arthuis, président de la commission. Favorable. Cette priorité nous permettra de donner une plus grande cohérence à nos travaux et, peut-être, d'en accélérer le cours.
Il reste une cinquantaine d'amendements à examiner. C'est un peu la loi du genre : le collectif budgétaire oscille entre le concours Lépine et l'inventaire à la Prévert. Mais je lance un appel à celles et à ceux qui participent à ce débat intéressant pour que nous puissions en accélérer le rythme, car, si nous n'achevons pas nos travaux cette nuit à une heure trente, nous devrons les reprendre en début de matinée demain. (Mme Marie-Claude Beaudeau s'exclame.) Or j'insiste sur la difficulté qu'il y a à organiser les travaux parlementaires en cette ultime semaine avant Noël. Si, ce soir, nous pouvions accélérer le cours de nos discussions, nous rendrions alors service au Sénat et à ceux qui ont pour mission d'organiser nos travaux en séance publique.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. le président. Le président de séance s'associe à votre remarque, monsieur le président de la commission.
Il n'y a pas d'opposition sur la demande de priorité formulée par le Gouvernement ?...
La priorité est ordonnée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.